Sommaire
IL'autorité de la parole à partir des mythes fondateurs et des poètesALes mythes fondateurs : parole d'autoritéBLa parole sacrée du poète, inspiré par les musesCLe rôle du poète : un porte-paroleIILa parole comme autorité morale démocratique et religieuse sur les hommesALa parole comme fondement de l'autorité politiqueBLa parole comme manifestation de la démocratieCLa parole religieuse comme parole d'autorité sur les hommesIIILa parole pour exercer le pouvoirALa parole performativeBLa parole comme outil de propagandeCLa parole comme outil de contestationLa notion d'autorité suppose l'idée d'un pouvoir qu'une personne exerce sur une autre. De fait, l'autorité de la parole est le pouvoir de la parole sur les êtres et les choses. Pour qu'il y ait autorité de la parole, il faut qu'un orateur s'impose devant une personne ou une assemblée. L'autorité de la parole apparaît légitime depuis que les hommes se sont réunis en cités. En effet, la parole permet d'expliquer et de comprendre l'origine du monde (que ce soit à travers les mythes ou la religion), de légitimer ou de renforcer l'exercice du pouvoir politique, mais également de le remettre en cause.
L'autorité de la parole à partir des mythes fondateurs et des poètes
Depuis l'Antiquité, les mythes fondateurs s'imposent comme une forme de parole autoritaire que l'on ne peut remettre en cause. Les mythes expliquent aux hommes l'origine du monde qui les entoure. Ils sont chantés par des poètes inspirés par les muses. Les poètes disposent ainsi d'une place privilégiée dans la société.
Autorité
L'autorité est le pouvoir qu'une personne peut exercer sur une autre personne. Cette autorité est acceptée de manière légitime. Elle peut provenir de l'État, de la fonction exercée par la personne autoritaire ou de la maîtrise de savoirs ou savoir-faire.
Les mythes fondateurs : parole d'autorité
Le mythe est avant tout une parole orale répétée et transmise aux hommes. Les mythes existent depuis qu'il y a des hommes sur terre qui pensent et qui parlent. Ils ont acquis au fil des siècles une autorité universelle.
Mythe
Un mythe vient du grec muthos (« récit épique, fable, conte »). Les mythes existent depuis que les hommes existent et ont une valeur fondatrice, dans le sens où ils permettent d'expliquer des aspects fondamentaux du monde ou de la vie en société. Les mythes sont variables en fonction des sociétés dans lesquelles ils apparaissent et sont transmis oralement.
Un mythe peut expliquer l'origine du monde (naissance des hommes, acquisition du feu à travers le mythe de Prométhée, etc.), on parle de « cosmogonie ». Il peut également expliquer l'origine des dieux, on parle alors de « théogonie ».
Hésiode retrace la généalogie des dieux dans la Théogonie. Il montre que Zeus, le dieu des dieux, et les Olympiens, ont réussi à instaurer une harmonie sur terre, grâce à la force, à l'intelligence et à la justice.
« Et Zeus délivra de leurs chaînes accablantes ses oncles, les Ouranides, qu'avait enchaînés leur père en démence. Et ils lui rendirent grâce de ce bienfait, et ils lui donnèrent le tonnerre, et la blanche foudre, et l'éclair, que, jusque-là, la grande Gaïa avait cachés dans son sein. Et, depuis, confiant dans ces armes, Zeus commande aux hommes et aux dieux. »
Hésiode
Théogonie, trad. Leconte de Lisle
Ce mythe permet aux hommes de l'Antiquité de comprendre la généalogie des dieux qu'ils honorent, ainsi que le rôle de Zeus.
Dans Protagoras, Platon explique comment l'homme a eu accès à la parole.
« Comme Épiméthée n'était pas fort habile, il ne s'aperçut pas qu'il avait épuisé toutes les facultés en faveur des êtres privés de raison. L'espèce humaine restait donc dépourvue de tout. […] Prométhée, fort incertain sur la manière dont il pourvoirait à la sûreté de l'homme, prit le parti de dérober à Vulcain et à Minerve les arts et le feu : car sans le feu la connaissance des arts serait impossible et inutile ; et il en fit présent à l'homme. […] L'homme ayant donc quelque part aux avantages divins, fut aussi le seul d'entre les animaux qui, à cause de son affinité avec les dieux, reconnut leur existence, conçut la pensée de leur dresser des autels, et de leur ériger des statues. Ensuite il trouva bientôt l'art d'articuler des sons, et de former des mots. »
Platon
Protagoras, trad. Victor Cousin
Ce mythe explique comment l'homme a réussi à avoir accès à la parole. Prométhée décide de voler aux dieux les arts et le feu, qui sont nécessaires aux hommes pour exister et s'élever au-dessus des autres espèces. C'est également grâce à ces dons que l'homme finit par acquérir des facultés langagières.
Enfin, le mythe d'Œdipe doit permettre à l'homme de répondre à certaines questions qu'il se pose au sujet de sa propre condition.
« Et je vis la mère d'Œdipe, la belle Épicaste qui, dans l'ignorance de son esprit, commit un acte affreux ; elle épousa son propre fils. Celui-ci, après avoir tué son père devint le mari de sa mère. Mais bientôt les dieux révélèrent ces choses parmi les hommes. Lui, dans l'aimable Thèbes, régnait sur les Cadméens, mais frappé de maux cruels par la volonté des dieux. Quant à la reine, elle descendit chez le puissant Hadès aux portes solidement closes, car elle avait, en proie à la douleur, attaché un lacet au plafond élevé de son palais. À son fils elle laissa en héritage les tourments sans nombre que déchaînent les Érynies d'une mère. »
Homère
Odyssée, chant XI, trad. Médéric Dufour
Le mythe d'Œdipe interroge sur les limites de l'homme. En effet, Œdipe, sans le savoir, tue son père et épouse sa mère, comme le lui avait prédit un oracle. Il ne maîtrise pas son destin.
La parole sacrée du poète, inspiré par les muses
Dans l'Antiquité, le poète est un artiste qui est inspiré par les muses.
Le poète, ou « aède » dans l'Antiquité grecque, est vu comme un artiste ayant reçu l'inspiration d'une muse. Il se place au-dessus des hommes puisqu'il possède un don divin, mais également parce qu'il est celui qui fabrique une œuvre. En effet, l'étymologie du terme « poésie » vient du grec poieïn, qui signifie « faire », « créer ». La parole du poète est ainsi une parole sacrée et autoritaire.
« Elles-mêmes (les muses) enseignèrent leurs beaux chants à Hésiode, tandis qu'il paissait son troupeau au pied du divin Hélicon ; et voici comme me parlèrent des déesses de l'Olympe, ces filles de Jupiter […]. Ainsi dirent les filles éloquentes du grand Zeus, et elles placèrent dans mes mains un sceptre merveilleux, un verdoyant rameau d'olivier ; elles me soufflèrent une voix divine, pour annoncer ce qui doit être et ce qui fut ; elles m'ordonnèrent de célébrer la race des immortels, les bienheureux habitants du ciel, elles surtout, dont la louange devait toujours ouvrir et terminer mes chants. »
Hésiode
Théogonie, trad. H. J. G. Patin
Hésiode retrace la généalogie des muses, filles de Jupiter, et explique qu'elles disposent de pouvoirs bien particuliers. C'est grâce à elles qu'il parvient à écrire son histoire.
« Muse, dis-moi ce chef aux manœuvres subtiles qui, vainqueur de Pergame, erra si longuement. De maint peuple il sonda les mœurs comme les villes ; il souffrit mille maux sur l'humide élément pour conserver sa vie et ramener sa troupe. Mais nul ne se sauva, quels que fussent ses vœux, car leur témérité les fit périr en groupe, ces fous qui du Soleil dévorèrent les bœufs ; et le Dieu leur ravit le jour de la rentrée. Déesse, enfant de Zeus, redis ces faits connus. »
Homère
Odyssée, trad. Ulysse de Séguier
Homère donne de l'autorité à ses propos en affirmant qu'ils lui sont inspirés par les muses. Les hommes ne peuvent qu'accepter ce qu'il raconte sans le remettre en cause.
Le rôle du poète : un porte-parole
Le poète est le porte-parole d'une nation et des hommes, il raconte leur histoire.
Le poète raconte l'histoire d'une nation, son œuvre suscite des émotions fortes chez tous les hommes, qui voient en lui un porte-parole universel. Le poète est celui qui déclame les mots justes, qui comprend les sentiments humains et les transmet aux autres. C'est par sa parole que l'homme peut réfléchir à sa propre condition et tenter de la comprendre.
« Roland sent que la mort l'entreprend,
Et dans la tête et le cœur lui descend.
Dessous un pin il va courant
Et sur l'herbe verte s'allonge,
Plaçant sous lui épée et olifant,
Et regardant vers la grande Espagne ;
Ainsi fait-il parce qu'il veut que Charlemagne
Et tous ses soldats de son armée
Disent que le noble comte est mort en conquérant.
Il bat sa coulpe de tous ses péchés,
Et pour leur rémission, offre à Dieu son gant. »
La Chanson de Roland
La Chanson de Roland est un poème épique médiéval qui relate, à partir de faits historiques, le massacre de l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne au col de Roncevaux le 15 août 778. Ce texte permet aux Français de comprendre un peu mieux l'histoire de leur pays, de comprendre la bataille de Roncevaux et les morts qu'elle a engendrés.
La parole comme autorité morale démocratique et religieuse sur les hommes
La parole acquiert une forme d'autorité en exerçant un pouvoir moral et religieux sur les hommes. En effet, elle a permis de fonder l'autorité politique et est à l'origine de la démocratie. La parole est également à l'origine des religions qui influencent les hommes.
La parole comme fondement de l'autorité politique
L'homme est un animal politique selon Aristote, c'est-à-dire qu'il est un être vivant doué de logique et de langage. C'est grâce à la parole que l'homme parvient à s'entretenir avec ses semblables et à fonder une autorité politique. D'ailleurs, bien qu'elles soient écrites, les lois sont avant tout promulguées, déclarées haut et fort. Ainsi, la parole permet de former les lois qui gouvernent la cité.
Animal politique
C'est Aristote qui, le premier, emploie le terme « animal politique » pour désigner l'homme. Cette expression signifie que l'homme est naturellement fait pour vivre dans une cité, une polis, régie par des lois et des mœurs. Pour Aristote, l'homme ne peut réellement se développer qu'en vivant dans une société.
Les lois sont indispensables pour rassembler les hommes autour de valeurs communes, elles sont également capitales pour la vie en société. C'est parce qu'il est un animal politique que l'homme a la capacité d'élaborer avec d'autres hommes les notions de justice et d'injustice, pour fonder une véritable autorité politique.
« La parole est faite pour exprimer le bien et le mal, et, par la suite aussi, le juste et l'injuste ; et l'homme a ceci de spécial, parmi tous les animaux, que seul il conçoit le bien et le mal, le juste et l'injuste, et tous les sentiments de même ordre, qui en s'associant constituent précisément la famille et l'État. »
Aristote
Politique, I, trad. Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Contrairement aux autres espèces, l'homme dispose de la parole. C'est la raison pour laquelle il est le seul être capable de distinguer le bien du mal, le juste de l'injuste, et donc de mettre en place des valeurs politiques dans une cité.
« Suis-je donc d'avis de renvoyer les coupables et d'accroître les forces de Catilina ? Pas du tout. Mon avis, le voici : que leurs biens soient confisqués, qu'ils soient eux-mêmes emprisonnés dans des municipes, spécialement bien munis de tout le nécessaire ; que personne ne puisse désormais soumettre de nouveau leur cas au Sénat ou à l'assemblée du peuple ; que celui qui agirait autrement soit déclaré par le Sénat ennemi de la république et dangereux pour le salut de tous. »
Salluste
Conjuration de Catilina, livre I, trad. Gaston Boissier
Ce discours montre comment s'est formée la justice lors de la conjuration de Catilina (complot politique visant la prise du pouvoir à Rome en 63 av. J.-C.).
La parole comme manifestation de la démocratie
Née au IVe siècle av. J.-C., la démocratie a d'abord été une nouvelle façon de partager concrètement la parole, pour discuter de décisions à prendre. La démocratie a permis de développer un nouveau rapport à l'écoute de l'autre.
Étymologiquement, la démocratie désigne le fait que le peuple dispose de tous les pouvoirs. Être citoyen dans une cité démocratique, c'est exercer une autorité sur la chose publique, c'est avoir le droit légal de réaliser des actions dans des conditions prédéfinies. Le droit à la parole et à la démocratie est réservé aux citoyens athéniens.
« Clisthène, s'étant placé à la tête du peuple après la chute des tyrans, commença d'abord par répartir tous les Athéniens en dix tribus au lieu de quatre, voulant les mélanger afin qu'ils participent plus nombreux à la gestion de la cité. Il divisa également le territoire de la cité en trente groupes de dèmes (canton), dix rassemblant les dèmes urbains, dix ceux de la côte, dix ceux de l'intérieur. Chaque nouvelle tribu comprend trois dèmes, de telle sorte qu'elle en ait un de chacune de ces trois régions. Clisthène rendit frères de dèmes ceux qui habitaient dans chacun des dèmes, afin d'empêcher, s'ils se saluaient en donnant le nom de leur père, de révéler les citoyens de fraîche date. Depuis cette mesure, les Athéniens, lorsqu'ils se rencontrent, se désignent du nom de leur dème. »
Aristote
Constitution d'Athènes, XXI
Aristote détaille la manière dont s'est organisée la démocratie athénienne après la chute des tyrans. Un des principes fondamentaux est la répartition en dix tribus au lieu de quatre, ce qui permet de diversifier la gestion de la cité.
« XLII. 1. L'état actuel du gouvernement est le suivant. Prennent part au gouvernement ceux qui sont nés de parents ayant tous deux le droit de cité. Les jeunes gens sont inscrits au nombre des démotes à l'âge de dix-huit ans. Au moment de l'inscription, les démotes, après serment, décident par un vote : premièrement, s'ils ont l'âge exigé par la loi – en cas de décision contraire, ils retournent parmi les enfants ; deuxièmement, s'ils sont de condition libre et de naissance légitime. »
Aristote
Constitution d'Athènes, XLII, 1-2
Dans la Constitution d'Athènes, ne peuvent prendre part au gouvernement que les personnes nées de parents ayant droit de cité, c'est-à-dire de parents citoyens d'Athènes.
La parole religieuse comme parole d'autorité sur les hommes
Durant l'Antiquité, la parole religieuse se fait entendre par un oracle. Cette parole est à la fois divine et humaine, dans la mesure où l'oracle sert d'intermédiaire entre les humains et la divinité. Dans les religions monothéistes, Dieu est le créateur de la parole. C'est également par la parole que les prophètes répandent la parole de Dieu.
À Delphes, c'est la Pythie, femme inspirée par Apollon, qui entre dans une transe inexplicable et répond aux questions qui lui sont posées. Généralement, ses réponses restent obscures et il revient aux prêtres présents d'interpréter ses paroles énigmatiques.
« À Delphes, devant le temple d'Apollon. La Pythie entre par la droite et se dirige vers la porte fermée du temple. Mais, avant d'entrer, elle s'arrête et, pieusement, s'incline.
LA PYTHIE.
(…) J'invoque enfin et les eaux du Pleistos, et Poséidon puissant, et Zeus Suprême, sans qui rien ne s'achève, avant de prendre place, prophétesse, sur mon siège. Daignent ces dieux bénir, aujourd'hui plus encore que jamais, mon entrée au saint lieu. Si quelques pèlerins nous sont venus de Grèce, qu'ils s'approchent, ainsi qu'il est de règle, dans l'ordre indiqué par le sort : je prophétise, moi, dans celui que me dicte le dieu. »
Eschyle
Les Euménides, trad. Paul Mazon
La Pythie est la voix des dieux, elle retransmet ce que les dieux lui indiquent. La cérémonie commence par une invocation divine : Poséidon et Zeus sont invoqués.
Dieu est le créateur du monde dans les religions monothéistes, c'est lui qui est à l'origine de tout ce qui se trouve sur terre. Dans l'Ancien Testament, il est ainsi écrit : « Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. ». Les prophètes répandent la parole de Dieu.
Prophète
Un prophète est une personne qui prédit l'avenir et doit révéler des vérités qui lui sont transmises par un dieu ou Dieu.
L'Église va conserver cette parole autoritaire au fil des siècles, la Bible étant considérée comme « la parole de Dieu ».
« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. »
Nouveau Testament, livre 4, « Évangile selon saint Jean », chapitre 1, trad. Louis Segond
Selon l'évangile de saint Jean, la parole est au commencement de toute chose, au même titre que Dieu. L'un et l'autre sont liés, voire indissociables. Avec la Bible, elle acquiert une autorité sur les hommes, car sans la parole divine, ils ne seraient rien.
La parole pour exercer le pouvoir
La parole est ainsi un moyen d'exercer le pouvoir sur les autres. Elle peut être performative et engendrer une action. Elle peut servir comme outil de propagande. Elle peut également être un outil de contestation.
La parole performative
La parole performative est une parole qui engendre directement une action : dire, c'est faire.
C'est ce que l'on voit notamment lors de l'échange des vœux du mariage : le simple fait d'énoncer la formule « oui, je le veux » rend l'action accomplie. De la même manière, c'est en prononçant le serment d'Hippocrate que les hommes deviennent véritablement médecins.
« Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! ».
Hippocrate
Le serment d'Hippocrate, trad. Émile Littré
On comprend, dans cet extrait, la valeur du serment prêté. Hippocrate énonce les valeurs de la médecine que doit défendre chaque médecin en son âme et conscience.
La parole comme outil de propagande
La propagande désigne un ensemble de techniques de persuasion mises en œuvre dans le but de propager une idée et d'obtenir le consentement d'une assemblée. La parole peut être utilisée comme objet de propagande, pour faire l'éloge ou le blâme d'une personne, d'un événement ou d'un système.
Propagande
La propagande vise à diffuser par tous les moyens possibles une idée ou une idéologie, dans le but de la faire adopter par tout le monde. Elle s'appuie sur des techniques de persuasion, comme les photos ou les publicités, pour faire passer des opinions.
Dans ses Commentaires, César se décrit comme un génie militaire. Il manipule les faits, oublie d'évoquer le rôle de ses officiers, dans le but de se glorifier et d'obtenir les faveurs du Sénat.
Démosthène présente Philippe II de Macédoine comme un barbare et un ivrogne dans Philippiques.
« Athéniens, lorsqu'on parle des actions de Philippe et de ses violations de la paix, je constate que tous ces discours, prononcés pour notre défense, semblent justes et humains, et que les accusateurs de Philippe paraissent tous dire ce qu'il faut, mais que rien ne se fait, en un mot, de ce qui devrait, ni de ce qui justifierait qu'on les écoute. Au contraire, les affaires de la cité se trouvent toutes aujourd'hui dans un tel état que, plus on dénonce avec force et clarté les violations de la paix auxquelles se livre Philippe pour vous nuire, et ses mauvaises intentions envers tous les Grecs, plus il est difficile de vous conseiller ce qu'il faut faire. En voici la raison : Athéniens, c'est par des actes, des opérations, et non par des discours, qu'il faut refréner tous ceux qui cherchent à dominer. »
Démosthène
« Deuxième Philippique », Sur la couronne, trad. C. Bouchet
Démosthène engage les citoyens à agir contre Philippe II de Macédoine. Il incite à l'action militaire qui permettrait une victoire sûre. Son discours sert de propagande pour convaincre le peuple de prendre les armes.
La parole comme outil de contestation
La parole peut être un outil de contestation contre le pouvoir en place. Parler, c'est parfois s'opposer à un pouvoir injuste ou tyrannique.
La figure la plus célèbre de la contestation politique est Antigone, qui n'hésite pas à s'opposer aux lois injustes de son oncle Créon, le roi.
« ANTIGONE.
Ce n'était ni Zeus ni la Justice, compagne des dieux infernaux, qui avaient publié une pareille loi. Et je ne pensais pas que tes décrets eussent assez de force pour que les lois non écrites, mais immuables, émanant des dieux, dussent céder à un mortel. Car ces lois ne sont ni d'aujourd'hui, ni d'hier ; elles sont éternelles et personne ne sait quand elles ont pris naissance. Je ne devais donc pas, par crainte de froisser l'orgueil d'un mortel, m'exposer à la vengeance des dieux pour les avoir transgressées. Je savais que je devrais un jour mourir (pouvais-je l'ignorer ?), même sans ton interdiction. Mais si je meurs avant le temps, c'est pour moi grand profit, je le déclare. Quand on vit, comme je fais, au milieu des maux, comment la mort ne serait-elle pas un avantage ? Aussi le sort qui m'attend ne me cause aucune peine. Au contraire, si j'avais laissé sans sépulture celui qui connut les mêmes parents que moi, grande serait mon affliction. Ce que j'ai fait ne m'en cause aucune. Si donc ma conduite te paraît insensée, peut-être est-ce un fou qui me taxe de folie. »
Sophocle
Antigone, trad. Hélène Potelet
On parle d'âgon, de combat verbal entre Antigone et son oncle Créon. Antigone vient d'être arrêtée par un garde car elle enterrait son frère Polynice alors que son oncle Créon, le roi, l'avait interdit. Pour Antigone, il faut obéir aux lois des dieux qui ne sont pas écrites. Selon elle, c'est Créon qui transgresse les lois en refusant la loi des dieux.
L'idée de parole qui cherche à renverser le pouvoir se retrouve aussi dans le Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Il veut déclencher la désobéissance civile pour s'ériger contre la tyrannie.
Tyrannie
La tyrannie est le pouvoir exercé par un tyran sur une société. D'une manière générale, le tyran a pris possession du pouvoir de manière illégitime et en abuse très largement sur le peuple pour obtenir ce qu'il veut.
« Pour ce coup, je ne voudrais sinon entendre comme il se peut faire que tant d'hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n'a puissance que celle qu'ils lui donnent ; qui n'a pouvoir de leur nuire, sinon qu'ils ont pouvoir de l'endurer ; qui ne saurait leur faire mal aucun, sinon lorsqu'ils aiment mieux le souffrir que lui contredire. […] La faiblesse d'entre nous hommes est telle, [qu']il faut souvent que nous obéissions à la force, il est besoin de temporiser, nous ne pouvons pas toujours être les plus forts. Donc, si une nation est contrainte par la force de la guerre de servir à un, comme la cité d'Athènes aux trente tyrans, il ne se faut pas ébahir qu'elle serve, mais se plaindre de l'accident ; ou bien plutôt ne s'ébahir ni ne s'en plaindre, mais porter le mal patiemment et se réserver à l'avenir à meilleure fortune. »
Étienne de La Boétie
Discours de la servitude volontaire
1574
Dans ce texte, La Boétie se demande comment un peuple peut rendre légitime toute forme d'autorité sur une population, il tente alors de comprendre et d'analyser les raisons de la soumission de cette dernière. Il indique que c'est parce que le peuple est d'accord qu'on lui impose la servitude. Sous la forme d'un discours, il essaie de faire comprendre à la population qu'elle doit cesser d'agir ainsi, elle doit cesser de servir pour retrouver sa liberté.