À l'aide des connaissances, et après avoir répondu aux questions suivantes, répondre à la question d'interprétation littéraire :
« L'éducation libère-t-elle la femme de sa condition ? »
Annie Ernaux, La Femme gelée (1981)
Un mois, trois mois que nous sommes mariés, nous retournons à la fac, je donne des cours de latin. Le soir descend plus tôt, on travaille ensemble dans la grande salle. Comme nous sommes sérieux et fragiles, l'image attendrissante du jeune couple moderno-intellectuel. Qui pourrait encore m'attendrir si je me laissais faire, si je ne voulais pas chercher comment on s'enlise, doucettement. En y consentant lâchement. D'accord je travaille La Bruyère ou Verlaine dans la même pièce que lui, à deux mètres l'un de l'autre. La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L'un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence.
Par la dînette. Le restau universitaire fermait l'été. Midi et soir je suis seule devant les casseroles. Je ne savais pas plus que lui préparer un repas, juste les escalopes panées, la mousse au chocolat, de l'extra, pas du courant. Aucun passé d'aide-culinaire dans les jupes de maman ni l'un ni l'autre. Pourquoi de nous deux suis-je la seule à me plonger dans un livre de cuisine, à éplucher des carottes, laver la vaisselle en récompense du dîner, pendant qu'il bossera son droit constitutionnel. Au nom de quelle supériorité. Je revoyais mon père dans la cuisine. Il se marre, « non mais tu m'imagines avec un tablier peut-être ! Le genre de ton père, pas le mien ! ». Je suis humiliée. Mes parents, l'aberration, le couple bouffon. Non je n'en ai pas vu beaucoup d'hommes peler des patates. Mon modèle à moi n'est pas le bon, il me le fait sentir. Le sien commence à monter à l'horizon, monsieur père laisse son épouse s'occuper de tout dans la maison, lui si disert, cultivé, en train de balayer, ça serait cocasse, délirant, un point c'est tout. À toi d'apprendre ma vieille. Des moments d'angoisse et de découragement devant le buffet jaune canari du meublé, des œufs, des pâtes, des endives, toute la bouffe est là, qu'il faut manipuler, cuire. Fini la nourriture-décor de mon enfance, les boîtes de conserve en quinconce, les bocaux multicolores, la nourriture surprise des petits restaurants chinois bon marché du temps d'avant. Maintenant, c'est la nourriture corvée.
Je n'ai pas regimbé, hurlé ou annoncé froidement, aujourd'hui c'est ton tour, je travaille La Bruyère. Seulement des allusions, des remarques acides, l'écume d'un ressentiment mal éclairci. Et plus rien, je ne veux pas être une emmerdeuse, est-ce que c'est vraiment important, tout faire capoter, le rire, l'entente, pour des histoires de patates à éplucher, ces bagatelles relèvent-elles du problème de la liberté, je me suis mise à en douter.
Quelle problématique correspond au sujet ?
Quels arguments seraient pertinents à utiliser ?
Quel plan pourrait convenir ?
Quelle accroche peut convenir ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "Annie Ernaux et son mari sont ce que l'on appelle un « jeune couple moderno-intellectuel », dans la mesure où ils ont tous les deux le même niveau d'éducation, ils ont suivi des études et ont tous deux un travail. Cependant, c'est à elle que revient les diverses tâches du quotidien" ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "Mais finalement, selon l'autrice, cette émancipation ratée de la femme est aussi de son fait, dans la mesure où elle consent lâchement à cette forme de discrimination mise en place par la société. Elle prend, parfois sans y penser réellement, ce rôle de femme soumise, en ayant l'habitude depuis l'enfance" ?
Quels exemples permettent d'étayer l'argument "Mais finalement, selon l'autrice, cette émancipation ratée de la femme est aussi de son fait, dans la mesure où elle consent lâchement à cette forme de discrimination mise en place par la société. Elle prend, parfois sans y penser réellement, ce rôle de femme soumise, en ayant l'habitude depuis l'enfance" ?
Quelle phrase du texte justifie l'idée qu'un vrai changement s'est produit après le mariage entre Annie et son mari ?
Quel autre auteur pense comme Annie Ernaux que l'éducation conditionne les jeunes filles ?