Sommaire
I1870-1879 : l'instauration de la républiqueA1870 : le retour d'une république fragile marquée par l'épisode de la CommuneBL'échec de la restauration monarchique (1871–1875)C1875-1879 : la conquête du pouvoir par les républicainsIILe modèle républicain et la culture républicaineAUne république parlementaire, libérale et laïque1Une république parlementaire2Une république libérale3Une république laïqueBLa mise en place d'une culture républicaine1L'héritage de la Révolution et de la IIe République2Le Panthéon3Le rôle de l'école et de l'arméeIIILes oppositions à la IIIe République et ses contradictionsALes oppositions à la république1L'opposition monarchiste : la crise boulangiste2Le mouvement ouvrier socialiste3Le mouvement anarchisteBLes oubliés de la république1Une société antisémite : l'exemple de l'affaire Dreyfus2Le refus du droit de vote des femmesLa mise en œuvre du projet républicain est longue. Lorsque la République est proclamée en 1870, elle est fragile. Elle reste aux mains de conservateurs royalistes et des insurrections ont lieu en France. L'enracinement du nouveau régime passe par la mise en place des symboles républicains.
Dans quelles circonstances la IIIe République naît-elle et par quels moyens s'enracine-t-elle entre 1870 et 1914 ? Quelles sont les difficultés auxquelles elle est confrontée ?
1870-1879 : l'instauration de la république
1870 : le retour d'une république fragile marquée par l'épisode de la Commune
Le retour de la république en 1870 est fragile. Le chef du nouveau gouvernement est un royaliste conservateur. Les défenseurs d'une république démocratique et sociale sont violemment réprimés lors de la Commune de Paris.
C'est l'échec militaire personnel de Napoléon III qui précipite la naissance de la IIIe République le 4 septembre 1870. La guerre contre la Prusse se solde par un échec français à Sedan le 2 septembre. L'empereur est capturé et capitule. Un nouveau gouvernement de Défense nationale est créé à Paris. La droite monarchiste est favorable à l'arrêt de la guerre, alors que les républicains sont pour la poursuite du conflit. C'est pour cette raison que les républicains perdent les élections de février 1871. En effet, les Français sont fatigués du conflit et votent pour la droite monarchiste. C'est donc Adolphe Thiers, un conservateur orléaniste, qui devient le chef du gouvernement, puis le président de la République.
Les défenseurs d'une république démocratique et sociale se dressent contre le nouveau gouvernement. À Paris, les socialistes proclament la Commune de Paris. Les communards sont animés par le souvenir des sans-culottes de 1789. Ils sont regroupés en 256 bataillons de gardes nationaux. La Commune de Paris siège durant 54 jours. Des mesures sociales sont mises en place.
Les communards mettent en place des mesures comme l'enseignement gratuit, laïque et obligatoire ou la réquisition au profit des ouvriers des ateliers abandonnés par les patrons.
Louise Michel, institutrice, s'engage dans la Commune. Elle se bat aux côtés des communards, assurant autant des rôles traditionnellement féminins (institutrice, infirmière) que masculins (soldat). Elle devient progressivement un symbole de la Commune, et Victor Hugo lui consacre un poème intitulé « Viro Major ».
« Tu glorifiais ceux qu'on écrase et qu'on foule ;
Tu criais : J'ai tué, qu'on me tue ! Et la foule
Écoutait cette femme altière s'accuser. »
Victor Hugo
« Viro Major »
1871
La Commune de Paris est réprimée par le gouvernement lors de la Semaine sanglante, en mai 1871.
L'écrasement de la Commune fait entre 10 000 et 20 000 morts.
Gravure d'Amédée Daudenarde pour Le Monde illustré du 24 juin 1871 montrant le dernier combat des communards
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L'échec de la restauration monarchique (1871–1875)
Les partisans de la monarchie espèrent pouvoir restaurer le régime monarchique. Leurs tentatives entre 1871 et 1875 échouent et un compromis entre les différents acteurs politiques permet la mise en place du fonctionnement du régime républicain.
Le paysage politique en 1871
Les monarchistes sont divisés entre les courants légitimiste, orléaniste et bonapartiste. En 1873, ils parviennent à pousser Adolphe Thiers à la démission et le remplacent par le général légitimiste Mac Mahon. Celui-ci impose le programme conservateur de l'Ordre moral. Ce programme repose sur le retour des valeurs de l'Ancien Régime. Une loi est votée pour préparer le retour d'un roi : la loi du septennat.
Toutefois, lors d'élections partielles organisées entre 1873 et 1875, les républicains progressent. Leurs idées ont été diffusées grâce au retentissement de la Commune. Leurs projets séduisent la population. De plus, les légitimistes soutiennent le petit-fils de Charles X comme héritier du trône de France, ce qui ne plaît pas aux orléanistes qui rejoignent le camp républicain. Dès lors, la restauration monarchique n'est plus possible.
Au début de l'année 1875, un compromis entre les républicains et les monarchistes permet de voter des lois constitutionnelles et de mettre en place le fonctionnement de la république. Léon Gambetta, grande figure républicaine, participe activement aux débats qui permettent de voter ces lois.
Le fonctionnement de la république
1875-1879 : la conquête du pouvoir par les républicains
Entre 1875 et 1879, les républicains s'installent définitivement au pouvoir.
Après les élections législatives de 1876, les républicains deviennent majoritaires à la Chambre des députés. Durant l'été 1877, ils l'emportent de nouveau alors que les monarchistes, soutenus par Mac Mahon, tentent une percée après la dissolution de la Chambre des députés. En 1879, les républicains obtiennent la majorité au Sénat. Mac Mahon démissionne et Jules Grévy, un républicain modéré, devient président. Le Sénat et la Chambre des députés, qui siégeaient à Versailles, retournent à Paris : c'est un signe, le gouvernement est enfin stabilisé.
Le modèle républicain et la culture républicaine
Une république parlementaire, libérale et laïque
Une république parlementaire
La république est parlementaire. Cela signifie que c'est le Parlement qui détient le pouvoir législatif, et c'est lui qui élit le président.
Le Parlement est composé du Sénat et de la Chambre des députés qui détient le pouvoir législatif, c'est-à-dire le pouvoir de promulguer les lois. Le Parlement contrôle le pouvoir exécutif en élisant le président de la République. Il a donc la possibilité de renverser le gouvernement.
En théorie, le président de la République a le pouvoir de dissoudre la Chambre des députés.
Une république libérale
La république est libérale, elle permet aux citoyens d'exercer librement leurs droits et leur en donne également de nouveaux. La liberté de la presse est emblématique de ces nouveaux droits.
L'objectif des républicains est de permettre le libre exercice des Droits de l'homme, proclamés en 1789. La IIIe République a donc donné ou redonné aux Français de nombreux droits, hérités de la Révolution.
La liberté de la presse est emblématique de la nouvelle république libérale. La presse connaît un véritable âge d'or, de nombreux journaux sont imprimés.
Entre 1867 et 1880, le nombre de journaux quotidiens en France passe de 78 à 250 et leur tirage passe de 963 000 à 2 750 000 exemplaires.
Une république laïque
La IIIe République est laïque : la religion doit être séparée du gouvernement. En pratique, la laïcité de la France se traduit par une série de lois et d'actions, comme les lois scolaires de Jules Ferry de 1881-1882 et surtout la loi de séparation des Églises et de l'État en décembre 1905.
Les républicains veulent libérer les Français de l'influence de l'Église afin d'en faire des citoyens émancipés. Cela commence par l'adoption des lois scolaires de 1881–1882, à l'initiative du ministre de l'Instruction, Jules Ferry. Elles rendent l'école obligatoire et surtout laïque.
Les républicains se montrent plus anticléricaux à partir de 1902. Ils interdisent aux congrégations religieuses de diriger des écoles en 1904. Ils parviennent ensuite à faire voter la loi de séparation des Églises et de l'État en décembre 1905. L'application de cette loi entraîne de nombreux affrontements lors des inventaires des biens de l'Église en 1906. Le pape Pie X condamne ces actions. Malgré tout, les biens immobiliers religieux passent entièrement sous le contrôle de l'État en 1908.
La mise en place d'une culture républicaine
L'enracinement de la république passe par la mise en place d'une culture républicaine.
L'héritage de la Révolution et de la IIe République
La IIIe République se dote de nombreux symboles issus de la Révolution française, comme l'hymne La Marseillaise, et de symboles issus de la IIe République, comme le drapeau tricolore.
Les symboles issus de la révolution de 1789 sont :
- l'hymne La Marseillaise, adoptée en 1879 ;
- la fête nationale du 14 juillet, adoptée en 1880.
Les symboles issus de la IIe République sont :
- l'allégorie, Marianne ;
- le drapeau tricolore ;
- la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Ces symboles sont mis en valeur et font l'objet d'un véritable culte républicain.
Marianne fait l'objet d'une véritable dévotion populaire. On trouve dans le commerce de petits bustes en bronze ou en plâtre.
Le Panthéon
En 1885, avec les funérailles de Victor Hugo, le Panthéon devient le tombeau des grands personnages de la république comme cela avait été décidé en 1791.
Lors de la Restauration, le Panthéon avait été restitué à l'Église catholique. La IIIe République se réapproprie le bâtiment malgré les protestations de l'Église. Victor Hugo est considéré comme un symbole. C'est un grand écrivain qui s'est battu pour la république et qui a vécu en exil sous Napoléon III. On fait également entrer au Panthéon des penseurs des Lumières et des grands hommes de la Révolution.
Voltaire, penseur des Lumières, et Marat, homme de la Révolution, reviennent au Panthéon. Ils en avaient été écartés lors de la Restauration.
Le rôle de l'école et de l'armée
L'école et l'armée jouent des rôles majeurs dans la mise en place de la culture républicaine. À l'école, on enseigne les valeurs de la république et la langue française. Le service militaire, rendu obligatoire en 1889, a pour but de préparer à la défense de la république.
Pour convertir durablement les Français à la république, l'État utilise l'école, devenue obligatoire. L'instituteur, « hussard noir de la république », doit instruire les futurs citoyens républicains. Il diffuse l'esprit des Lumières et enseigne l'amour de la patrie. Cet amour de la patrie passe évidemment par la maîtrise de la langue française dans un pays où les patois sont multiples.
En 1864, 4 Bretons sur 5 ne parlent pas le français. Dans les régions de patois provençal, c'est 9 habitants sur 10 qui ignorent la langue nationale.
Les instituteurs punissent et humilient les élèves réfractaires.
L'usage du breton à l'école est sanctionné par le port du symbole appelé vache. Ce symbole peut prendre la forme d'une paire de sabots en bois, d'un galet ou d'un bout de bois.
La république instaure le service militaire obligatoire en 1889. Les jeunes hommes sont mélangés, ils viennent de différents milieux sociaux et géographiques. Ils préparent ensemble la revanche contre l'Allemagne, présentée comme l'ennemie héréditaire de la république. Ils développent un fort sentiment patriotique.
Les oppositions à la IIIe République et ses contradictions
La IIIe République connaît des oppositions politiques. Son projet républicain égalitaire est également affaibli par l'affaire Dreyfus et le refus d'accorder le droit de vote aux femmes.
Les oppositions à la république
L'opposition monarchiste : la crise boulangiste
L'opposition monarchiste culmine avec la crise boulangiste. Cette crise a lieu en 1889 après la victoire électorale du général Boulanger, favorable à un retour de la monarchie.
Les monarchistes sont écartés du pouvoir mais continuent d'espérer un retour du roi. Ils constituent une force d'opposition qui s'exprime dès les années 1880. Cette opposition culmine en 1889 après la victoire électorale du général Boulanger, chef du camp nationaliste. Il devient député. Il mène une campagne violente contre le gouvernement. Il exige une révision de la Constitution. Il va jusqu'à se battre avec le président du Conseil, Charles Floquet, avant de démissionner. Il est toutefois soutenu par une partie de la population qui vote encore pour lui lors de nouvelles élections partielles. Le gouvernement dénonce un « complot boulangiste » et un mandat d'arrêt contre le général est émis. Boulanger s'exile à Bruxelles. Cette crise marque la IIIe République.
Une du journal La Bombe, n° 18, 14 juillet 1889
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Le mouvement ouvrier socialiste
Le mouvement ouvrier socialiste s'oppose à la IIIe République. Elle n'est pas jugée assez socialiste, assez égalitaire. Les ouvriers exigent des réformes sociales plus importantes.
Le climat social est particulièrement tendu dans les années 1890. Les ouvriers réclament des réformes sociales et s'organisent solidement grâce aux syndicats, autorisés à partir de 1884. De nombreux partis politiques socialistes apparaissent, grâce à la loi sur les associations de 1901.
Le Parti ouvrier français est créé en 1882 et le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire apparaît en 1890. Ce mouvement d'organisation politique du monde ouvrier aboutit à la création de la Section française de l'internationale ouvrière (SFIO) en 1905, parti politique portant les idées socialistes.
Le mouvement anarchiste
Le mouvement anarchiste est également opposé à la république. Violent, ce mouvement commet plusieurs attentats en France.
Le mouvement anarchiste apparaît en France après l'échec de la Commune. Les anarchistes suivent le précepte énoncé par Pierre Kropotkine dans le journal Le Révolté du 25 décembre 1880 : « La révolte permanente par la parole, par l'écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite (...), tout est bon pour nous qui n'est pas la légalité ».
De nombreux attentats anarchistes ont lieu en France :
- un contre l'usine des mines de Carmaux en 1892 ;
- un contre le café Terminus en 1894 ;
- un contre la Chambre des députés en 1893 ;
- un contre le président de la République Sadi Carnot en 1894. Le président est assassiné.
Les oubliés de la république
La IIIe République ne répond pas à sa promesse d'égalité. L'affaire Dreyfus met au jour l'antisémitisme de la société, les Juifs ne sont pas reconnus comme des citoyens à part entière. De plus, les droits de citoyens sont accordés uniquement aux hommes de 21 ans : les femmes sont oubliées.
Une société antisémite : l'exemple de l'affaire Dreyfus
Sous la IIIe République, on observe un antisémitisme violent. Il est perceptible au sein même des institutions, comme le prouve l'affaire Dreyfus qui divise la France entre 1896 et 1899.
En 1894, le capitaine Dreyfus, un Juif, est condamné par un tribunal militaire à la déportation en Guyane pour espionnage au profit de l'Allemagne. En 1898, le véritable coupable est identifié. Il s'agit du capitaine Esterhazy, qui est finalement gracié par un tribunal militaire. L'armée refuse de reconnaître son erreur.
Ces abus poussent Émile Zola à publier un article au succès retentissant. Il y prend la défense de Dreyfus et dénonce le rôle de l'armée dans la condamnation d'un innocent.
L'opinion publique se scinde alors en deux camps irréconciliables qui s'affrontent durant plusieurs années :
- d'un côté, les « anti-dreyfusards » veulent le respect de l'autorité de l'armée et proclament haut et fort leur antisémitisme et la culpabilité de Dreyfus ;
- de l'autre, les « dreyfusards » demandent le respect des Droits de l'homme et prônent l'innocence de Dreyfus.
À l'issue d'un second procès militaire, Dreyfus est de nouveau condamné mais aussitôt gracié par le président de la République. C'est la preuve d'une défaillance : l'armée, sur laquelle les valeurs de la république reposent en partie, a failli. Enfin, Dreyfus est réhabilité en 1906. Mais l'affaire Dreyfus reste une blessure profonde et douloureuse. Les institutions de la république sont faillibles. Les Juifs ne sont pas les bienvenus.
Le refus du droit de vote des femmes
Enfin, la IIIe République prône l'égalité, mais le suffrage universel est seulement masculin. Il ne permet qu'aux Français de plus de 21 ans de voter. Les femmes ne sont pas entendues.
La question du droit de vote des femmes existe pourtant dans le débat public. Plusieurs femmes, se revendiquant féministes, exigent le droit de vote et dénoncent l'absence de femmes dans les institutions républicaines. Parmi elles, on peut citer Marguerite Durand ou Madeleine Pelletier. Sous la pression de diverses associations, comme l'Union française pour le suffrage des femmes, un projet de loi est discuté en 1914, mais il n'aboutit pas.