On donne un extrait de l'essai Regarde de Luc Benoist.
Nous avons tous appris à lire et à écrire, mais nous n'avons jamais appris à voir, n'estimant pas, à cet égard, qu'une initiation fût nécessaire. Aussi a-t-on constaté que le visiteur ordinaire d'un musée n'arrête pas son regard sur le plus beau tableau du monde pendant plus de cinq secondes. Et nous ne prêtons pas plus d'attention aux monuments célèbres ou aux paysages prestigieux que nous rencontrons en voyage. Nous ne soupçonnons pas que devant ces objets ou ces spectacles notre regard ait une habitude à prendre, un art à exercer, un plaisir à recevoir ; et qu'à partir du moment où nous en comprendrons la nature, la signification et le but, nous commencerons à les rechercher pour eux-mêmes et à les aimer.
C'est un accord de sentiment qui nous pousse à parcourir plus volontiers les pages d'un nouveau roman que les salles d'une exposition de peinture abstraite, à écouter sans impatience le dialogue d'une pièce, à suivre avec sympathie les gestes des acteurs sur la scène. Tandis que les tableaux d'un musée, les œuvres d'art qui s'y entassent nous demeurent bien souvent lointains et mystérieux, immobiles et muets. Comme il est naturel, nous ne prenons intérêt qu'aux choses ou aux personnes que nous aimons intimement, par vocation, profession ou passion. Si devant une jolie femme rencontrée dans la rue, un coiffeur remarque inconsciemment sa chevelure, un couturier sa robe, un médecin sa diathèse, tous sont frappés, et nous avec eux, par la qualité la plus générale, la plus universelle à laquelle l'œil et l'âme soient sensibles : sa beauté. La question qui se pose est de savoir si nous sommes capables de déceler la beauté sous ses formes les plus différentes et les plus hautes, autant que sous sa plus ordinaire apparence.
Qui est le locuteur du texte ?
Qui est le destinataire ?