À quel genre littéraire chacun des textes suivants appartient-il ?
HARPAGON :
Attends. Ne m'emportes-tu rien ?
LA FLÈCHE :
Que vous emporterois-je ?
HARPAGON :
Viens çà, que je voie. Montre-moi tes mains.
LA FLÈCHE :
Les voilà.
HARPAGON :
Les autres.
LA FLÈCHE :
Les autres ?
HARPAGON :
Oui.
LA FLÈCHE :
Les voilà.
HARPAGON :
N' as-tu rien mis ici dedans ?
LA FLÈCHE :
Voyez vous-même.
HARPAGON (il tâte le bas de ses chausses.) :
Ces grands hauts-de-chausses sont propres à devenir les receleurs des choses qu' on dérobe ; et je voudrois qu' on en eût fait pendre quelqu' un.
LA FLÈCHE :
Ah ! Qu' un homme comme cela mériteroit bien ce qu' il craint ! Et que j' aurois de joie à le voler !
HARPAGON :
Euh ?
LA FLÈCHE :
Quoi ?
HARPAGON :
Qu' est-ce que tu parles de voler ?
LA FLÈCHE :
Je dis que vous fouillez bien partout, pour voir si je vous ai volé.
HARPAGON :
C'est ce que je veux faire. (il fouille dans les poches de la Flèche.)
LA FLÈCHE :
La peste soit de l'avarice et des avaricieux !
(Molière, L'Avare)
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
(Guillaume Apollinaire, "Le Pont Mirabeau")
Si, en entrant à Verrières, le voyageur demande à qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la grande rue, on lui répond avec un accent traînard : Eh ! elle est à M. le maire.
Pour peu que le voyageur s'arrête quelques instants dans cette grande rue de Verrières, qui va en montant depuis la rive du Doubs jusque vers le sommet de la colline, il y a cent à parier contre un qu'il verra paraître un grand homme à l'air affairé et important.
À son aspect tous les chapeaux se lèvent rapidement. Ses cheveux sont grisonnants, et il est vêtu de gris. Il est chevalier de plusieurs ordres, il a un grand front, un nez aquilin, et au total sa figure ne manque pas d'une certaine régularité : on trouve même, au premier aspect, qu'elle réunit à la dignité du maire de village cette sorte d'agrément qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou cinquante ans. Mais bientôt le voyageur parisien est choqué d'un certain air de contentement de soi et de suffisance mêlé à je ne sais quoi de borné et de peu inventif. On sent enfin que le talent de cet homme-là se borne à se faire payer bien exactement ce qu'on lui doit, et à payer lui-même le plus tard possible quand il doit.
(Stendhal, Le Rouge et le Noir)
Il faut vous dire encore, monsieur, que la "Chambre Jaune" est toute petite. Mademoiselle l'avait meublée d'un lit en fer assez large, d'une petite table, d'une table de nuit, d'une toilette et de deux chaises. Aussi, à la clarté de la grande lampe que tenait la concierge, nous avons tout vu du premier coup d'œil. Mademoiselle, dans sa chemise de nuit, était par terre, au milieu d' un désordre incroyable. Tables et chaises avaient été renversées montrant qu'il y avait eu là une sérieuse "batterie". On avait certainement arraché mademoiselle de son lit ; elle était pleine de sang avec des marques d'ongles terribles au cou – la chair du cou avait été quasi arrachée par les ongles – et un trou à la tempe droite par lequel coulait un filet de sang qui avait fait une petite mare sur le plancher.
(Gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune)
12 mai. – J'ai un peu de fièvre depuis quelques jours ; je me sens souffrant, ou plutôt je me sens triste.
D'où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l'air, l'air invisible est plein d'inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m'éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. – Pourquoi ? – Je descends le long de l'eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m'attendait chez moi. – Pourquoi ? – Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon âme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublé ma pensée ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frôlons sans le connaître, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes et, par eux, sur nos idées, sur notre cœur lui-même, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?
(Guy de Maupassant, "Le Horla")
Donc si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
(Pierre de Ronsard, "Ode à Cassandre")