Lesquels de ces extraits de texte correspondent à une situation initiale ?
(1) « Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant. Comme il portait beau, par nature et par pose d'ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s'étendent comme des coups d'épervier. Les femmes avaient levé la tête vers lui [...] On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. C'était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette. »
(2) « Le jeune homme, embarrassé, regardait de tous les côtés, quand il aperçut dans une glace des gens assis et qui semblaient fort loin. Il se trompa d'abord de direction, le miroir ayant égaré son œil, puis il traversa encore deux salons vides pour arriver dans une sorte de petit boudoir tendu de soie bleue à boutons d'or où quatre dames causaient à mi-voix autour d'une table ronde qui portait des tasses de thé. »
(3) « Enfin, la veille, elle avait compris. C'était une grosse affaire, une très grosse affaire préparée dans l'ombre. Elle souriait maintenant, heureuse de son adresse ; elle s'exaltait, parlant en femme de financier, habituée à voir machiner les coups de bourse, les évolutions des valeurs, les accès de hausse et de baisse ruinant en deux heures de spéculation des milliers de petits bourgeois, de petits rentiers, qui ont placé leurs économies sur des fonds garantis par des noms d'hommes honorés, respectés, hommes politiques ou hommes de banque. »
Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885
(1) « Katabolonga pleurait toujours. Il ne comprenait pas. Il n'avait plus le temps de penser. Tout se bousculait en lui. Il sentait le sang du roi lui baigner les pieds. Il entendait sa voix douce couler en lui. Il entendait un homme qu'il aimait le supplier de l'aider. Il prit délicatement le poignard des mains du roi. La lune brillait de ses dernières lueurs. D'un geste brusque, il planta le poignard dans le ventre du vieillard. Il retira son arme. Et porta un nouveau coup. Le roi Tsongor eut un hoquet et s'affaissa. Le sang, maintenant, s'échappait de son ventre. Il était couché dans une flaque noire qui inondait la terrasse. Katabolonga s'agenouilla, prit la tête du roi sur ses genoux. Dans un dernier moment de lucidité, le roi Tsongor contempla le visage de son ami. Mais il n'eut pas le temps de dire merci. »
(2) « Depuis plusieurs semaines, Massaba était devenue le cœur anxieux d'une activité de fourmis. Le roi Tsongor allait marier sa fille avec le prince des terres du sel. Des caravanes entières venaient des contrées les plus éloignées pour apporter épices, bétail et tissus. Des architectes avaient été diligentés pour élargir la grande place qui s'étendait devant la porte du palais. Chaque fontaine avait été décorée. De longues colonnes marchandes venaient apporter des sacs innombrables de fleurs. Massaba vivait à un rythme qu'elle n'avait jamais connu. Au fil des jours, sa population avait grossi. Des milliers de tentes, maintenant, se tenaient serrées le long des remparts, dessinant d'immenses faubourgs de tissu multicolores où se mêlaient le cri des enfants qui jouaient dans le sable et les braiements du bétail. Des nomades étaient venus de loin pour être présents en ce jour. Il en arrivait de partout Ils venaient voir Massaba. Ils venaient assister aux noces de Samilia, la fille du roi Tsongor. »
(3) « C'était à l'époque où le roi Tsongor était jeune. Il venait de quitter le royaume de son père. Sans se retourner. Laissant le vieux roi périr sur son trône fatigué. Tsongor était parti. Il savait que son père ne voulait rien lui léguer et il refusait de subir cette humiliation. Il était parti, crachant sur le visage de ce vieillard qui ne voulait rien céder. Il avait décidé qu'il ne demanderait rien. Qu'il ne supplierait pas. Il avait décidé de construire un empire plus vaste que celui qu'on lui refusait.Ses mains étaient vives et nerveuses. Ses jambes le démangeaient. Il voulait parcourir des terres nouvelles. Porter le fer. Entreprendre des conquêtes aux confins des terres connues. Il avait faim. Et jusque dans ses nuits, il prononçait le nom des contrées qu'il rêvait d'assujettir. Il voulait que son visage soit celui de la conquête. »
Laurent Gaudé, La Mort du roi Tsongor, © Éditions Actes Sud, 2002
(1) « Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès. »
(2) « Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait. »
(3) « Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure. »
Jean de La Fontaine, « Le Loup et l'Agneau », Fables, 1668
(1) « Quelques semaines après, Julien tressaillit en recevant une lettre ; elle portait le timbre de Paris. Enfin, pensa-t-il, madame de Rênal se souvient de ses promesses. Un monsieur qui signait Paul Sorel, et qui se disait son parent, lui envoyait une lettre de change de cinq cents francs. On ajoutait que si Julien continuait à étudier avec succès les bons auteurs latins, une somme pareille lui serait adressée chaque année.
C'est elle, c'est sa bonté ! se dit Julien attendri, elle veut me consoler ; mais pourquoi pas une seule parole d'amitié ?
Il se trompait sur cette lettre, madame de Rênal, dirigée par son amie madame Derville, était tout entière à ses remords profonds. Malgré elle, elle pensait souvent à l'être singulier dont la rencontre avait bouleversé son existence ; mais se fût bien gardée de lui écrire. »
(2) « Les jardins de M. de Rênal, remplis de murs, sont encore admirés parce qu'il a acheté, au poids de l'or, certains petits morceaux du terrain qu'ils occupent. Par exemple, cette scie à bois, dont la position singulière sur la rive du Doubs vous a frappé en entrant à Verrières, et où vous avez remarqué le nom de Sorel, écrit en caractères gigantesques sur une planche qui domine le toit, elle occupait, il y a six ans, l'espace sur lequel on élève en ce moment le mur de la quatrième terrasse des jardins de M. de Rênal.
Malgré sa fierté, M. le maire a dû faire bien des démarches auprès du vieux Sorel, paysan dur et entêté ; il a dû lui compter de beaux louis d'or pour obtenir qu'il transportât son usine ailleurs. »
(3) « Mathilde suivit son amant jusqu'au tombeau qu'il s'était choisi. Un grand nombre de prêtres escortaient la bière et, à l'insu de tous, seule dans sa voiture drapée, elle porta sur ses genoux la tête de l'homme qu'elle avait tant aimé.
Arrivés ainsi vers le point le plus élevé d'une des hautes montagnes du Jura, au milieu de la nuit, dans cette petite grotte magnifiquement illuminée d'un nombre infini de cierges, vingt prêtres célébrèrent le service des morts. Tous les habitants des petits villages de montagne traversés par le convoi l'avaient suivi, attirés par la singularité de cette étrange cérémonie.
Mathilde parut au milieu d'eux en longs vêtements de deuil, et, à la fin du service, leur fit jeter plusieurs milliers de pièces de cinq francs.
Restée seule avec Fouqué, elle voulut ensevelir de ses propres mains la tête de son amant. Fouqué faillit en devenir fou de douleur.
Par les soins de Mathilde, cette grotte sauvage fut ornée de marbres sculptés à grands frais, en Italie. »
Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830
(1) « Plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire, en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très-renommé ; Colin devait le jour à un brave laboureur des environs, qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année.
Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats ; ils s'aimaient beaucoup, et ils avaient ensemble de petites privautés, de petites familiarités, dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ensuite dans le monde. »
(2) « C'est ce qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt M. de La Jeannotière, et qui, ayant acheté un marquisat au bout de six mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde.
Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade, et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse : Colin en fut malade de douleur. »
(3) « Jeannot, éperdu, se sentait partagé entre la douleur et la joie, la tendresse et la honte ; et il se disait tout bas : "Tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin, que j'ai méprisé, vient seul à mon secours. Quelle instruction !" La bonté d'âme de Colin développa dans le cœur de Jeannot le germe du bon naturel, que le monde n'avait pas encore étouffé. Il sentit qu'il ne pouvait abandonner son père et sa mère. "Nous aurons soin de ta mère, dit Colin ; et quant à ton bonhomme de père, qui est en prison, j'attends un peu les affaires ; ses créanciers, voyant qu'il n'a plus rien, s'accommoderont pour peu de chose ; je me charge de tout." Colin fit tant qu'il tira le père de prison. Jeannot retourna dans sa patrie avec ses parents, qui reprirent leur première profession. Il épousa une sœur de Colin, laquelle, étant de même humeur que le frère, le rendit très-heureux. Et Jeannot le père, et Jeannotte la mère, et Jeannot le fils, virent que le bonheur n'est pas dans la vanité. »
Voltaire, Jeannot et Colin, 1764