Sommaire
IVocabulaireARuse, mensonge et masque1La ruse2Le mensonge3Le masqueBLes genres et procédés littéraires1Les genres littéraires2Les procédés littérairesIILa finalité et le sens de la ruse en littératureAL'intelligence contre la forceBUne qualité ambivalenteCLa ruse pour se moquer et amuserIIILes personnages rusésAUlysseBLe renardCLe valet de comédieVocabulaire
Ruse, mensonge et masque
La ruse
Ruse
La ruse est une façon d'agir de façon habile, mais pas toujours honnête pour arriver à ses fins. Il s'agit d'avoir le dessus sur un adversaire.
Dans la fable "Le Corbeau et le Renard" de Jean de La Fontaine, publiée en 1668, le Renard flatte le Corbeau pour lui voler son fromage. Il fait preuve de ruse.
Le mot "ruse" a de nombreux synonymes qui sont connotés de façon négative. La ruse est donc une qualité qui peut être utilisée à des fins mauvaises.
Les synonymes les plus courants du mot "ruse" sont : artifice, dissimulation, feinte, fourberie, manœuvre, piège, stratagème et tromperie.
Le mensonge
Mensonge
Le mensonge consiste à ne pas dire la vérité.
Dans la fable "Les Obsèques de la Lionne" de Jean de La Fontaine, publiée en 1678, le Cerf ment au Lion pour éviter une punition.
Le masque
Masque
Le masque est un faux visage employé au théâtre. Il consiste à cacher un visage pour en représenter un autre. Il permet de montrer les émotions d'un personnage. Toutefois, le masque est aussi utilisé pour tromper son interlocuteur : on porte un masque lorsqu'on n'est pas honnête, lorsqu'on ment.
Le terme "masque" vient du latin masca qui signifie :
- Masque
- Sorcière
Le masque peut aussi signifier "expression du visage".
On utilise l'expression "avoir un masque de tristesse" pour dire de quelqu'un qu'il est triste.
Le masque est utilisé au théâtre pour donner l'illusion de la réalité. Dans l'Antiquité, il y a trois acteurs tout au plus qui jouent tous les personnages. Ils portent donc des masques pour que le public sache qui ils jouent, et quelle émotion ils interprètent. Les acteurs utilisaient jusqu'à 76 masques différents dans l'Antiquité.
Les genres et procédés littéraires
Les genres littéraires
Il existe plusieurs genres littéraires dans lesquels apparaissent des personnages rusés. On les rencontre particulièrement dans les genres littéraires suivants :
- Comédie
- Conte
- Fable
- Fabliau
- Farce
- Récit en vers
- Sotie
Comédie
Une comédie est une pièce de théâtre destinée à faire rire le spectateur. Elle vise souvent à faire réfléchir l'Homme sur ses propres défauts ou sur la fragilité de sa condition.
Le Bourgeois gentilhomme est une comédie publiée en 1670 dans laquelle Molière se moque des prétentieux.
Conte
Un conte est un court récit qui met en scène des éléments merveilleux qui a souvent une visée moralisatrice.
Dans le conte "Le Chat botté", un personnage rusé de chat parvient à triompher de ses ennemis par son intelligence. Grâce à lui, son maître devient roi.
Fable
Une fable est un genre littéraire poétique qui vise, par la mise en scène d'une courte histoire, à donner une leçon de morale au lecteur. Les personnages employés sont souvent des animaux. Ils représentent les travers humains.
"La Cigale et la Fourmi" est une fable de Jean de La Fontaine publiée en 1668.
Fabliau
Le fabliau est un court récit populaire du Moyen Âge visant à faire rire les spectateurs. Il a souvent une portée satirique et morale.
"Brunain la vache au prêtre" écrit par Jean Bodel au XIIe siècle et "Le Vilain devenu médecin" écrit par un anonyme au XIIIe siècle sont des fabliaux.
Farce
La farce est une comédie populaire courte et en vers destinée à faire rire le spectateur. L'intrigue de la farce repose sur le comique de situation et les personnages ont recours à la tromperie.
La Farce de Maître Pathelin est une farce, comme son titre l'indique, écrite entre 1456 et 1460 par un anonyme.
Récit en vers
Le récit en vers est un roman ou une nouvelle qui narre une histoire en vers, bien que ce ne soit pas un poème.
Le Roman de Renart est un récit en vers publié pour la première fois au XIIIe siècle et écrit par différents auteurs.
Sotie
La sotie est une farce satirique très appréciée entre le XIVe et XVe siècles.
Le Jeu du prince des sots est une sotie écrite par Pierre Gringore et jouée en 1511.
Les procédés littéraires
Plusieurs procédés littéraires permettent aux auteurs de textes mettant en scène des personnages rusés de se moquer des plus forts. Les principaux sont :
- La satire
- L'ironie
- Le quiproquo
La satire
La satire est un procédé littéraire par lequel on critique quelqu'un ou quelque chose de façon souvent très vive en vue de provoquer un changement.
Dans la fable "Les Animaux malades de la peste", publiée en 1678, La Fontaine dénonce l'injustice du système judiciaire sous Louis XIV.
Les personnages rusés apparaissent souvent en littérature dans des récits satiriques.
Le Roman de Renart est une œuvre satirique du Moyen Âge dans laquelle apparaît le célèbre personnage rusé Renart.
L'ironie
L'ironie est un procédé par lequel on se moque de quelqu'un ou de quelque chose en faisant comprendre qu'on pense le contraire de ce que l'on dit.
Dans la fable "La Cigale et la Fourmi" publiée en 1668, la Fourmi répond avec ironie à la Cigale : "Vous chantiez ? J'en suis fort aise ! Eh bien dansez maintenant." Elle se moque de la Cigale.
Quiproquo
Le quiproquo est le fait de prendre quelqu'un pour une autre personne ou de parler de deux choses différentes en croyant parler de la même. Cela engendre un comique de situation.
Dans La Farce de Maître Pathelin, la scène 5 repose sur un quiproquo. Guillemette et Pathelin font croire au drapier, qui réclame son argent, que Pathelin est gravement malade et va mourir. Le drapier est persuadé que Pathelin n'est pas malade, car il est venu lui acheter des robes, mais il finit par douter de lui-même et se convaincre que ce n'était pas Maître Pathelin qui lui a acheté des vêtements. Il part en étant convaincu que Pathelin va mourir, la ruse a fonctionné.
La finalité et le sens de la ruse en littérature
L'intelligence contre la force
En littérature, la ruse est souvent :
- Une marque d'intelligence
- Un moyen pour le plus faible de lutter contre le plus fort
- Une arme pour lutter contre la force et la violence
Elle permet ainsi au héros rusé de se tirer de toutes les mauvaises situations et d'échapper aux mauvaises personnes qui voudraient lui faire du mal.
Le Loup, la Chèvre et le Chevreau
La bique allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l'herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
"Gardez-vous, sur votre vie,
D'ouvrir que l'on ne vous dit,"
Pour enseigne et mot du guet :
"Foin du loup et de sa race !"
Comme elle disait ces mots,
Le loup de fortune passe ;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N'avait pas vu le glouton.
Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d'une voix papelarde
Il demande qu'on ouvre en disant : "Foin du loup !"
Et croyant entrer tout d'un coup.
Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
"Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point"
S'écria-t-il d'abord. (Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,
Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet que de fortune
Notre loup avait entendu ?
Deux sûretés valent mieux qu'une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
Jean de La Fontaine
"Le Loup, la Chèvre et le Chevreau", Fables
1668
Dans cette fable, on constate que la loi du plus fort n'est pas toujours la meilleure : le loup repart bredouille grâce à la ruse du chevreau.
Une qualité ambivalente
Le personnage rusé n'est pas forcément positif, car pour ruser contre les puissants il utilise des moyens qui vont à l'encontre de la morale :
- Tromper son entourage en donnant une fausse image de lui
- Mentir pour se tirer de situations difficiles
- Inventer des stratagèmes pour triompher de ses ennemis
- Flatter pour faire croire qu'il est autre que ce qu'il paraît
Ulysse ment au cyclope Polyphème dans l'Odyssée, lui faisant croire qu'il s'appelle "Personne".
La ruse n'est pas toujours au service du plus faible. En effet, elle permet également au plus fort de prendre le dessus sur le plus faible.
Dans "Le Corbeau et le Renard" écrite en 1668, le Renard, par sa ruse, parvient à voler le fromage du Corbeau. En effet, il le flatte pour que le Corbeau chante et lâche ainsi le fromage qu'il tient dans son bec. La ruse permet ici au plus fort d'avoir le dessus sur le plus faible.
On peut donc se poser la question de la légitimité de la ruse : la fin justifie-t-elle les moyens ?
Le Renard et le Bouc
Capitaine Renard allait de compagnie
Avec son ami Bouc des plus haut encornés.
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez ;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits.
Là chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le Renard dit au Bouc : Que ferons-nous, Compère !
Ce n'est pas tout de boire ; il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi :
Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
Je grimperai premièrement ;
Puis sur tes cornes m'élevant,
À l'aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t'en tirerai.
Par ma barbe, dit l'autre, il est bon ; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l'avoue.
Le Renard sort du puits, laisse son Compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience.
Si le Ciel t'eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n'aurais pas à la légère
Descendu dans ce puits. Or adieu, j'en suis hors ;
Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts ;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin.
Jean de La Fontaine
"Le Renard et le Bouc", Fables
1668
Dans cette fable, le Renard a usé de sa ruse pour se tirer d'affaire, mais il est responsable de la situation malheureuse dans laquelle se trouve désormais le Bouc. Il a profité de lui. On peut condamner cette attitude.
La ruse pour se moquer et amuser
Le personnage rusé permet aux écrivains de :
- Se moquer des travers de la société
- Attaquer des grandes institutions en prenant la défense du peuple
- Faire l'éloge de l'intelligence et condamner la violence
Dans Le Médecin malgré lui, pièce de théâtre jouée en 1666, Molière met en scène Sganarelle qui se fait passer pour un médecin afin d'aider Léandre et Lucinde à se retrouver. Son stratagème permet à Molière de dénoncer les mensonges des médecins et la crédulité de ceux qui ne remettent jamais en question leur parole.
Les personnages rusés apparaissent dans de nombreux genres destinés à être récités ou joués devant des foules. C'est le cas de :
- La comédie
- La fable
- Le fabliau
- La farce
- La sotie
Le but de ces textes est d'amuser et de faire rire celui qui les écoute. Pour cela, les écrivains utilisent :
- L'ironie
- La satire
- Le comique de gestes
- Le comique de situation
- Le comique de mots
Dans Les Fourberies de Scapin, pièce de théâtre publiée en 1662, Molière met en scène le valet Scapin qui ment à son maître Géronte et le pousse à se cacher dans un sac. Il peut ensuite le rouer de coups de bâton en faisant croire qu'il n'est pas responsable. C'est le comique de gestes et le comique de situation qui sont utilisés ici et qui font rire le spectateur.
Les personnages rusés
Ulysse
Dès l'Antiquité, des personnages rusés apparaissent en littérature. Ils utilisent leur intelligence et leur ingéniosité pour lutter contre les plus forts. Le plus célèbre personnage de littérature qui use ainsi de la ruse est Ulysse.
Homère répète plusieurs fois qu'Ulysse est "l'homme aux mille tours" ou "l'homme aux mille ruses".
Ulysse est un personnage de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère. Il triomphe de ses ennemis à plusieurs reprises en utilisant sa ruse, notamment dans les célèbres épisodes suivants :
- Le cheval de Troie : Ulysse est un guerrier grec. Il est à l'origine de la construction du cheval de Troie, cheval en bois dans lequel les Grecs se cachent et qui est ensuite offert aux Troyens. Ces derniers font entrer le cheval dans la ville, et les Grecs sortent alors et s'emparent de Troie.
- Les Cyclopes : Ulysse parvient à aveugler le cyclope Polyphème qui l'a emprisonné avec ses compagnons. Il s'enfuit ensuite avec ses marins en s'attachant sur les moutons du cyclope.
Ô malin, ô subtil, ô jamais rassasié de ruses ne vas-tu pas, même dans ton pays, abandonner cette passion pour le mensonge et les fourbes discours ?
Homère
Odyssée
VIIIe siècle avant J.-C.
C'est la déesse Athéna qui s'adresse ici à Ulysse. Elle associe dans son discours intelligence, mensonge et ruse : "malin", "subtil", "ruses", "mensonge", "fourbe". Cela donne l'impression que la ruse est à la fois une qualité et un défaut.
John William Waterhouse, Ulysse et les Sirènes, 1891
Ce tableau représente une des ruses d'Ulysse. Il veut entendre le chant des Sirènes, qui est dit magnifique. Seulement, il sait qu'il risque de les suivre. Il demande alors à son équipage de se boucher les oreilles avec de la cire pour ne pas écouter les chansons des Sirènes et il est attaché sur un mât pour ne pas pouvoir les suivre. La ruse fonctionne, il entend le chant sans suivre les Sirènes.
La femme d'Ulysse, Pénélope, est également rusée :
- Elle trompe ses prétendants : elle leur dit qu'elle ne peut épouser personne tant qu'elle n'a pas fini une tapisserie. Chaque jour, elle tisse, mais chaque nuit elle défait son travail. Cette ruse lui permet de rester fidèle à Ulysse en son absence.
- Elle teste Ulysse : à la fin de l'Odyssée, afin d'être sûre qu'Ulysse est bien son époux, elle demande à ce qu'on transporte leur lit dans la cour. Ulysse réagit en disant que cela est impossible, car il a lui-même sculpté leur lit dans un tronc d'olivier. Cette ruse permet à Pénélope de s'assurer qu'Ulysse est bien celui qu'il prétend être.
Le renard
Le personnage du renard est traditionnellement associé à la ruse. On le retrouve à différentes époques dans des récits satiriques :
- Dans les fables d'Ésope et Phèdre dans l'Antiquité.
- Dans le récit en vers Le Roman de Renart publié au XIIIe siècle après J.-C.
- Dans les contes folkloriques comme "Le Coq, le Chat et la Renarde".
- Dans les fables de La Fontaine au XVIIe siècle, le personnage "Maître Renard" apparaît plusieurs fois.
- Dans le roman Fantastique Mr Fox de Roald Dahl publié en 1970.
Au Moyen Âge, l'animal "renard" est appelé "goupil". Après le succès du Roman de Renart, on se met à l'appeler "renard", "Renart" étant le prénom du personnage principal du récit.
En espagnol, le terme zorro signifie "renard". Le héros Zorro porte donc le nom de cet animal rusé.
On retrouve la figure du renard rusé dans d'autres arts :
- En musique, avec le spectacle de danse et de musique "Renard, histoire burlesque chantée et jouée" créé en 1922 par Stravinsky.
- Au cinéma : les adaptations du Roman de Renart, la version Robin des Bois de Disney dans laquelle le héros apparaît sous la forme d'un renard en 1973, l'adaptation de Fantastique Mr Fox par Wes Anderson en 2010, Zootopie dans lequel Nick est un personnage de renard rusé et malin.
Un jour, Renart qui, comme d'habitude, était toujours prêt à jouer quelque tour de sa façon et à s'amuser aux dépens d'autrui, se dirigeait vers un hameau situé dans un bois et bien pourvu en poules, coqs, canes, canards, jars et oies. Habitait là, en bordure du hameau, messire Constant du Marais, un paysan très riche, dont la maison regorgeait de tout. On y trouvait abondance de chapons, et tout autant de viande salée, et de flèches de lard le blé non plus n'y manquait pas. Bref, c'était une bonne maison dont les vergers produisaient, de surcroît, des pommes, de belles cerises et quantité d'autres variétés de fruits. C'est donc là que Renart s'achemine, comptant y trouver son affaire. Le jardin était soigneusement clôturé par une palissade de gros pieux de chêne taillés en pointe au pied desquels poussait de l'aubépine. Le père Constant y avait mis ses poules à l'abri. Renart s'y dirige tout droit, reniflant la haie sans un bruit et sans se laisser distraire de sa quête. Mais les buissons d'épines lui opposent un obstacle infranchissable : il ne peut ni ramper dessous, ni sauter par-dessus ; et pourtant, il ne veut pas renoncer aux poules. Accroupi dans le chemin, il se démène, tendant le cou pour mieux voir mais se dit que, s'il saute, les poules le verront et se mettront à l'abri de la haie. Il risquerait aussi de se faire surprendre avant d'avoir rien gagné. En somme, il se demandait bien comment il allait pouvoir s'approcher des poules qu'il voit picorer sous ses yeux. Il avance donc en dodelinant de la tête jusqu'à l'angle de la clôture où un pieu brisé lui permet de s'introduire dans l'enclos. Le paysan avait planté des choux devant la brèche. Renart, après s'être faufilé à l'intérieur, s'y dissimule afin de n'être pas aperçu.
Plusieurs auteurs
Le Roman de Renart
XIIIe siècle
Dans cet extrait, Renart est décrit comme un personnage rusé "prêt à jouer quelque tour de sa façon et à s'amuser aux dépens d'autrui". La description est plutôt négative, puisqu'il utilise son intelligence pour profiter des autres (ici, les poules).
Renart, Michel Rodange, 1869
Sur cette illustration, Renart est montré triomphant. Il est plus fort que tous les autres animaux. C'est sa ruse qui lui a permis de se tirer de toutes les situations et de tromper tout le monde.
Le valet de comédie
Dans la comédie théâtrale, le valet incarne la ruse. Il a plusieurs noms :
- Arlequin
- Sganarelle
- Scapin
- Polichinelle
- Figaro
Maurice Sand, "Arlequin", 1860
Arlequin est un personnage de la commedia dell'arte. Traditionnellement, il porte un vêtement fait de losanges de plusieurs couleurs qui représentent les multiples facettes de sa personnalité.
C'est Molière qui donne au valet sa place primordiale dans les comédies. Il en fait un être malin et menteur qui trahit ses maîtres et se moque d'eux. Toutefois, le valet est souvent un personnage positif, car il aide les jeunes amoureux qui veulent se marier. Il est souvent au cœur de l'intrigue théâtrale qu'il fait avancer par ses ruses.
Les valets sont de subtils acteurs qui parviennent à leurs fins par différents moyens :
- En se déguisant
- En se cachant
- En changeant de voix
- En changeant d'accent
- En mentant
GÉRONTE :
Laisse-moi faire. Je saurai me tenir...
SCAPIN :
Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix.) "Quoi ? Jé n'aurai pas l'abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu'un par charité né m'enseignera pas où il est ?" (À Géronte avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait.) "Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre." (À Géronte avec son ton naturel.) Ne vous montrez pas. (Tout le langage gascon est supposé de celui qu'il contrefait, et le reste de lui.) "Oh, l'homme au sac !" Monsieur. "Jé té vaille un louis, et m'enseigne où put être Géronte." Vous cherchez le seigneur Géronte ? "Oui, mordi ! Jé lé cherche." Et pour quelle affaire, Monsieur ? "Pour quelle affaire ?" Oui. "Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton." Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n'est pas un homme à être traité de la sorte. "Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ?" Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon. "Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ?" Je défends, comme je dois, un homme d'honneur qu'on offense. "Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ?" Oui, Monsieur, j'en suis. "Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure." (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac.) "Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui." Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! "Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias." Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! (En se plaignant et remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton.)
GÉRONTE (mettant la tête hors du sac) :
Ah, Scapin, je n'en puis plus.
SCAPIN :
Ah, Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.
Molière
Les Fourberies de Scapin, Acte III, scène 2
1662
Cet extrait permet de souligner la ruse de Scapin, qui devient ici un grand acteur. Il change de voix, prend un accent et fait croire à son maître Géronte que quelqu'un d'autre est avec eux et le bat. La scène mêle les comiques de situation, de mots et de gestes. Scapin apparaît comme un grand manipulateur qui ridiculise son maître.