Sommaire
ILa poésie au XIXe siècle : du romantisme au symbolismeALa poésie romantiqueBLe cas particulier de BaudelaireCLe ParnasseDLe symbolismeIILa poésie au XXe siècle et au XXIe siècleALa poésie jusqu'à la Seconde Guerre mondiale1La modernité poétique2Le surréalismeBLa poésie depuis la Seconde Guerre mondialeLa poésie au XIXe siècle : du romantisme au symbolisme
Les nombreux soubresauts politiques du XIXe siècle et l'avènement progressif des idées républicaines incitent certains poètes à s'engager dans le débat public. La poésie romantique domine alors. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les poètes se désengagent de la vie publique et politique pour se consacrer à la poésie pure. C'est en partie le cas de Baudelaire, dont la poésie est inclassable, et surtout des poètes rattachés au Parnasse ou au symbolisme.
La poésie romantique
En réaction au rationalisme des Lumières, la nouvelle génération de poètes français (Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Gautier, Nerval entre autres) renouvelle la littérature au début du XIXe siècle. Ils sont influencés par les romantiques allemands et anglais dont ils ont lu les œuvres.
Le mouvement littéraire auquel ils appartiennent, le romantisme, se caractérise par :
- Le refus de la tradition : les romantiques assouplissent la versification et abandonnent les formes fixes.
- L'épanchement du « moi » : la poésie romantique est caractérisée par le lyrisme personnel. Les poètes évoquent leurs joies et les drames de leur vie sentimentale. Ils méditent sur le destin de l'homme et s'interrogent sur les mystères de la foi. Le « je » lyrique prend une place prépondérante.
- Le goût pour la nature et l'exotisme : les poètes se confient à la nature, trouvent en elle des échos de leur propre mélancolie. Ils recherchent également l'exotisme et le pittoresque dans l'évocation de terres lointaines.
Alphonse de Lamartine apparaît comme une figure majeure du romantisme. Il publie des poèmes à la tonalité lyrique qui marquent toute une génération. Le recueil Méditations poétiques, publié en 1820, connaît un grand retentissement. Les jeunes gens à l'esprit exalté et mélancolique se reconnaissent dans ce recueil où ils trouvent la résonance de leurs propres peines. Lamartine y exprime son amour de la nature, reflet de ses états d'âme. Il s'inspire de son drame sentimental et de son inquiétude religieuse. Plus tard, Lamartine se tourne vers l'action politique et s'implique dans la révolution de 1848. Il se porte même candidat à l'élection présidentielle mais n'est pas élu.
Victor Hugo est le chef de file des romantiques. Autour de lui se forme le « cénacle », groupe d'écrivains et d'artistes portés par les mêmes idéaux et le même tempérament exalté. Si son œuvre littéraire explore et renouvelle tous les genres littéraires (théâtre, roman, poésie, littérature d'idées), il se fait d'abord connaître en tant que poète, avec la publication de recueils d'inspiration lyrique : Odes et ballades (1826) et Les Feuilles d'automne (1832). Il ne s'éloigne d'ailleurs jamais complètement de cette veine lyrique puisqu'il publie ultérieurement d'autres recueils qui témoignent de cette source d'inspiration majeure.
Hugo publie en 1856 le recueil Les Contemplations. Il s'inspire de sa mélancolie, du deuil de sa fille Léopoldine, morte accidentellement, et du sentiment du temps qui passe et fuit. Ce recueil lyrique et élégiaque constitue un sommet de la poésie romantique.
« Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. »
Victor Hugo
Préface des Contemplations
1856
Hugo est également un poète engagé, convaincu d'avoir une mission sacrée, celle d'éclairer les hommes et de préparer l'avenir.
« Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir »
Victor Hugo
« Fonction du poète », Les Rayons et les Ombres
1840
Hugo utilise la poésie comme une arme pour dénoncer la misère sociale, lutter contre la peine de mort et mener un combat contre Napoléon III. Il surnomme l'empereur « Napoléon le petit » : il le considère comme un usurpateur. Il est contraint à l'exil en raison de ses idées politiques.
Hugo publie clandestinement le recueil Les Châtiments en 1853. Ce recueil réunit des poèmes polémiques ou satiriques qui dénoncent avec virulence le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte.
Le cas particulier de Baudelaire
Le poète Charles Baudelaire est inspiré par les poètes romantiques qui l'ont précédé mais n'appartient à aucun mouvement littéraire. Son œuvre poétique se distingue par sa grande singularité et ouvre les voies de la modernité, notamment dans sa conception nouvelle du beau. Il recherche la beauté partout, et particulièrement dans le mal.
« Il m'a paru plaisant, et d'autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d'extraire la beauté du mal. »
Charles Baudelaire
projet de préface des Fleurs du Mal
1857
Son recueil majeur, Les Fleurs du Mal (1857), explore des thématiques jusqu'alors écartées par la poésie : la laideur, la trivialité, la ville, le vice. Il parvient à en dégager une beauté inédite, aux colorations étranges et parfois morbides. L'image du poète qui se dégage de ce recueil est celle d'un être maudit, voué au « spleen », un état d'angoisse profond qui se manifeste à la fois moralement et physiquement.
Simultanément à l'écriture des poèmes en vers des Fleurs du Mal, Baudelaire expérimente la forme du poème en prose, qu'il emprunte au poète romantique alors méconnu Aloysius Bertrand, et auquel il donne ses lettres de noblesse.
Le recueil Petits poèmes en prose ou Le Spleen de Paris, publié de manière posthume en 1869, réunit les poèmes en prose composés par Baudelaire. Le travail poétique sur la musicalité et les images s'applique à une forme prosaïque et des sujets a priori triviaux.
Le Parnasse
En pleine période romantique, certains auteurs trouvent ridicule cet épanchement du « moi » romantique et refusent également de mettre la poésie au service de l'engagement politique, convaincus que l'art a pour seule finalité la beauté. Ils créent alors le mouvement du Parnasse, avec l'idée de défendre « l'art pour l'art ».
« Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien : tout ce qui est utile est laid. »
Théophile Gautier
préface de Mademoiselle de Maupin
1835
Cette théorie résumée dans la formule « l'art pour l'art » séduit le groupe du Parnasse (Leconte de Lisle, Hérédia, Banville) qui en fait sa doctrine. Leurs principes majeurs sont les suivants :
- Le culte de la beauté : ils cultivent la difficulté, privilégient des formes poétiques exigeantes (le sonnet), utilisent des mots rares et des métaphores recherchées.
- Le refus du lyrisme personnel et des sentiments intimes : leur poésie est impersonnelle et impassible.
- Le refus de mettre la poésie au service des idées.
José-Maria de Heredia cultive cette poésie particulièrement impersonnelle : dans Les Trophées (1893), il compose des sonnets sur des pays lointains et des civilisations disparues.
Le symbolisme
Les symbolistes ont une conception spirituelle et idéaliste du monde, à l'opposé de la conception matérialiste du naturalisme. Les poètes symbolistes utilisent des images et des analogies pour révéler au lecteur une réalité dissimulée. Verlaine, Rimbaud et Mallarmé en sont les plus célèbres représentants.
Verlaine est d'abord inspiré par Les Fleurs du Mal de Baudelaire et par le groupe du Parnasse auquel il appartient pendant un temps. Son recueil poétique de jeunesse, Poèmes saturniens, publié en 1866, rend compte de cette double influence, dont lui-même est d'ailleurs pleinement conscient. Toutefois, il y fait déjà entendre une voix personnelle, particulièrement musicale, et un goût de la nuance qui caractérisera toute son œuvre poétique.
L'importance de la musique dans son œuvre poétique annonce le mouvement symboliste, auquel il peut être rattaché pour ses œuvres poétiques plus tardives. Dans cette recherche de musicalité, il privilégie les mètres impairs et les formes poétiques courtes, crée des effets de répétitions.
« De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
Paul Verlaine
« Art poétique », Jadis et Naguère
1884
Génie poétique, Arthur Rimbaud a connu une carrière poétique fulgurante, tant par sa précocité (il écrit de 16 à 20 ans environ) que par sa brièveté (4 ans tout au plus). Son œuvre poétique comporte des poèmes versifiés (Poésies, 1870-1871), ainsi que des poèmes en prose (Illuminations, 1872-1875). Jeune homme rebelle et épris de liberté, il compose des poèmes traduisant son appétit de vivre, son amour de la nature, parfois son ironie cinglante et son mépris des règles et du conformisme. Il rejette aussi les vieilles contraintes, utilise le vers libre, ne respecte pas le décompte des syllabes et supprime la rime, jusqu'à aboutir au poème en prose. Il définit le poète comme un voyant qui doit révéler un monde inconnu. Cette conception du poète annonce celle des symbolistes.
« Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant. »
Arthur Rimbaud
Lettre à Paul Demeny
1871
Mallarmé dépasse une conception de la poésie où les symboles peuvent être compris. L'obscurité, l'hermétisme sont pour lui une nécessité : l'essence de la poésie réside dans le mystère et son accès doit être réservé à une minorité d'initiés. Il est considéré comme le maître du symbolisme et réunit autour de lui un cercle de poètes parmi lesquels Jules Laforgue et Paul Valéry.
« La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles. »
Stéphane Mallarmé
« Apparition », Poésies
1899
La poésie au XXe siècle et au XXIe siècle
Avec la Première Guerre mondiale, l'art qui se développe rejette les normes et les règles du passé, la liberté et l'imagination créatrice dominent. La Seconde Guerre mondiale incite également les intellectuels à s'engager contre l'oppression et lutter pour la liberté, mais on ne peut plus parler de courants poétiques tant les tendances se multiplient.
La poésie jusqu'à la Seconde Guerre mondiale
La modernité poétique
Au seuil du XXe siècle, dans un contexte d'effervescence culturelle et artistique, les voies de la modernité poétique se dessinent avec des auteurs tels que Blaise Cendrars et Guillaume Apollinaire.
Tout en héritant de ceux qui les ont précédés, ils ouvrent un champ nouveau à la poésie par diverses innovations :
- abandon de la ponctuation ;
- utilisation du vers libre ;
- audace et originalité des images poétiques ;
- références au monde moderne ;
- travail sur l'aspect visuel ou graphique du poème.
Guillaume Apollinaire, Calligrammes, 1918
Le recueil Alcools (1913) d'Apollinaire est très moderne. Dès le poème inaugural, intitulé « Zone », Apollinaire affirme ses choix : absence de ponctuation, utilisation du vers libre, références au Paris moderne (la tour Eiffel, les rues encombrées, les affiches placardées etc.). L'ensemble du recueil renouvelle les sujets poétiques traditionnels en les associant au monde moderne et à une expression libérée de tout carcan formel.
Le surréalisme
Le mouvement surréaliste naît au début des années 1920 sous l'impulsion de Breton, Soupault et Aragon, fondateurs et membres actifs du groupe. Rapidement, d'autres poètes, tels que Desnos et Éluard, ainsi que des artistes, viennent s'agréger à ce noyau initial. Ce groupe très soudé se réunit régulièrement, travaille collectivement et partage un même esprit de révolte et de créativité.
Inspirés par les travaux de Freud, père de la psychanalyse, les surréalistes sont convaincus que, pour renouveler l'art et la poésie, il est nécessaire de libérer l'inconscient dans le processus de création, en favorisant la spontanéité. Pour cela, certains d'entre eux pratiquent l'écriture automatique, qui consiste à écrire au fil de la plume, sans idée préconçue.
« SURRÉALISME, n.m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »
André Breton
Manifeste du surréalisme
© Éditions du Sagittaire, 1924
La poésie surréaliste se caractérise généralement par :
- des images insolites et surprenantes ;
- l'importance de l'imaginaire, la recherche du merveilleux ;
- les thématiques de l'amour fou, de la ville et du rêve ;
- l'importance du hasard, qui préside à la création grâce à des jeux d'écriture collectifs.
Le « cadavre exquis » est un jeu d'écriture. Il s'agit d'un texte écrit par plusieurs auteurs, qui se transmettent un papier plié où chacun écrit sans voir le mot du précédent. Il tire son nom de la première phrase qui résulta de ce jeu : « Le cadavre - exquis - boira - le vin - nouveau ».
Le recueil Capitale de la douleur (1926) de Paul Éluard est représentatif de la poésie surréaliste. Évoquant son amour fou pour Gala, le poète multiplie les images poétiques les plus insolites pour la célébrer et faire de la femme une image du monde entier. Tout en utilisant des mètres (principalement octosyllabes et décasyllabes), le poète se libère du carcan de la versification en utilisant peu la ponctuation, en ne recherchant pas systématiquement la rime et en adoptant un rythme assez libre.
« La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu. »
Paul Éluard
Capitale de la douleur
© Gallimard, 1926
Le groupe se désunit dans les années 1930, mais les poètes surréalistes continuent à écrire et à publier. Dans les années 1940, sous l'Occupation, certains d'entre eux (Éluard, Desnos, Aragon) s'engagent dans la Résistance et utilisent la poésie comme moyen de diffusion de leurs idées.
Dans le recueil Les Yeux d'Elsa (1942), Aragon célèbre sa compagne et sa muse Elsa dans une poésie amoureuse très lyrique, mais la figure de la femme se confond avec celle de la France. Ainsi, le poète exprime son espoir de voir la France libérée de l'occupant.
La poésie depuis la Seconde Guerre mondiale
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on ne peut plus parler de courant littéraire en poésie. Les tendances sont multiples et chaque poète exprime son originalité et sa singularité.
L'influence du surréalisme se fait encore sentir chez des poètes comme Henri Michaux (L'Espace du dedans en 1944). Certains optent pour un message plus humaniste, comme René Char dans Fureur et Mystère en 1948.
Francis Ponge, quant à lui, explore des voies nouvelles en s'attachant aux objets triviaux. Il prend le « parti pris des choses » (titre de l'un de ses recueils, publié en 1942). Jacques Prévert, connu d'abord comme dialoguiste de film, compose avec Paroles (1946) un recueil de poèmes proches de la chanson, à la fois légers et engagés.
Depuis les années 1960, un retour au lyrisme se manifeste. De nombreux poètes, comme Jaccottet, Bonnefoy, Maulpoix, renouent avec les sujets poétiques traditionnels : l'amour, le temps qui passe et la mort. Les formes poétiques sont renouvelées :
- par une expression plus libre et personnelle ;
- par un travail sur les mots ;
- par un travail sur l'espace de la page ;
- par une interrogation sur le sens et la fonction même de la poésie.