Sommaire
ILe registre réalisteIILe registre merveilleuxIIILe registre fantastiqueIVLe registre comiqueVLe registre lyriqueVILe registre épiqueVIILe registre tragiqueVIIILe registre pathétiqueIXLe registre didactiqueXLe registre polémiqueXILe registre satiriqueXIILe registre ironiqueLe registre réaliste
Registre réaliste
Le registre réaliste concerne les récits qui présentent des situations, des personnages, ou des lieux comme s'ils pouvaient avoir réellement existés. Il consiste à créer une illusion de la réalité et à donner l'impression du réel sans l'embellir.
On reconnaît un registre réaliste à :
- La multiplication de détails authentiques
- Un lexique précis et détaillé
- Des personnages ordinaires
- Une relative neutralité
- Dialogue au discours direct
Si cette cuisine, enfumée comme celle d'une auberge, était garnie d'ustensiles en nombre suffisant, ce luxe était l'œuvre de Jacquotte, ancienne servante de curé, qui disait nous, et régnait en souveraine sur le ménage du médecin. S'il y avait en travers du manteau de la cheminée une bassinoire bien claire, probablement Jacquotte aimait à se coucher chaudement en hiver, et par ricochet bassinait les draps de son maître, qui, disait-elle, ne songeait à rien ; mais Benassis l'avait prise à cause de ce qui eût été pour tout autre un intolérable défaut. Jacquotte voulait dominer au logis, et le médecin avait désiré rencontrer une femme qui dominât chez lui. Jacquotte achetait, vendait, accommodait, changeait, plaçait et déplaçait, arrangeait et dérangeait tout selon son bon plaisir ; jamais son maître ne lui avait fait une seule observation. Aussi Jacquotte administrait-elle sans contrôle la cour, l'écurie, le valet, la cuisine, la maison, le jardin et le maître.
Honoré de Balzac
Le Médecin de campagne, Paris, éd. Mame-Delaunay
1833
Dans cet exemple, le registre réaliste se manifeste par la description détaillée des personnages et du quotidien.
Le registre merveilleux
Registre merveilleux
Le registre merveilleux met en scène un cadre spatio-temporel surnaturel et coupé de la réalité du lecteur mais qui paraît normal aux personnages du récit.
On reconnaît un registre merveilleux à :
- Un champ lexical du surnaturel
- Des figures par analogie comme la métaphore ou la comparaison
- Un lexique connoté
- De nombreux superlatifs
Depuis plusieurs années le roi de la mer était veuf, et sa vieille mère dirigeait sa maison. C'était une femme spirituelle, mais si fière de son rang, qu'elle portait douze huîtres à sa queue tandis que les autres grands personnages n'en portaient que six. Elle méritait des éloges pour les soins qu'elle prodiguait à ses six petites filles, toutes princesses charmantes. Cependant la plus jeune était plus belle encore que les autres ; elle avait la peau douce et diaphane comme une feuille de rose, les yeux bleus comme un lac profond ; mais elle n'avait pas de pieds : ainsi que ses sœurs, son corps se terminait par une queue de poisson.
Hans Christian Andersen
"La Petite Sirène", (Den Lille Havfrue), Contes d'Andersen, trad. David Soldi, Librairie Hachette et Cie (1876)
1837
Dans cet extrait, le registre merveilleux se manifeste par la présence de personnages imaginaires comme les sirènes.
Le registre fantastique
Registre fantastique
Le registre fantastique crée une atmosphère angoissante dans laquelle le lecteur doute de la véracité de certains phénomènes d'ordre surnaturel. Le cadre reste vraisemblable.
On reconnaît un registre fantastique à :
- Un cadre spatio-temporel inquiétant
- Un champ lexical de la peur
- Un champ lexical du surnaturel
- Un lexique de l'étrangeté
- Des modalisateurs qui expriment souvent le doute
- Des métaphores et des comparaisons
Un peintre aurait, avec deux expressions différentes et en deux coups de pinceau, fait de cette figure une belle image du Père Éternel ou le masque ricaneur du Méphistophélès, car il se trouvait tout ensemble une suprême puissance dans le front et de sinistres railleries sur la bouche. En broyant toutes les peines humaines sous un pouvoir immense, cet homme devait avoir tué les joies terrestres. Le moribond frémit en pressentant que ce vieux génie habitait une sphère étrangère au monde où il vivait seul, sans jouissances, parce qu'il n'avait plus d'illusion, sans douleur, parce qu'il ne connaissait plus de plaisirs.
Honoré de Balzac
La Peau de chagrin, dans Romans et contes philanthropiques, Paris, éd. Gosselin et Canel
1831
Le registre fantastique se manifeste dans cet extrait par la description inquiétante du personnage.
Le registre comique
Registre comique
Le registre comique suscite le rire du lecteur.
On reconnaît un registre comique à :
- Des répétitions
- Des figures de style par analogie (comparaisons, métaphores, etc.)
- Des figures de style par amplification (hyperboles, gradations, etc.) ou par construction (parallélismes, hypallages, etc.)
- Un lexique connoté
- Une alternance des registres de langage soutenu et familier
Il y a différentes sortes de comiques :
- Le comique de geste (un personnage fait des gestes ridicules)
- Le comique de mots (jeux de mots, jurons, accents, etc.)
- Le comique de situation (un personnage est caché, un personnage en tape un autre, etc.)
- Le comique de caractère (un personnage est très avare ou très bête, etc.)
ESTRAGON.
Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie.
VLADIMIR.
La main dans la main on se serait jeté en bas de la tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. (Estragon s'acharne sur sa chaussure.) Qu'est-ce que tu fais ?
ESTRAGON.
Je me déchausse. Ça ne t'est jamais arrivé, à toi ?
VLADIMIR.
Depuis le temps que je te dis qu'il faut les enlever tous les jours. Tu ferais mieux de m'écouter.
Samuel Beckett
En attendant Godot, Paris, Éditions de Minuit
1952
Le registre comique de cette scène provient du vocabulaire utilisé : "saloperie", et de la façon dont les personnages se parlent.
Le registre lyrique
Registre lyrique
Le registre lyrique exprime l'intériorité du narrateur, d'un locuteur ou d'un personnage.
On reconnaît un registre lyrique à :
- L'utilisation de la première personne du singulier
- Des verbes de sentiments
- Des champs lexicaux en lien avec des sentiments (haine, colère, douleur, amour, etc.)
- Des phrases exclamatives
- Des questions rhétoriques
- Des figures de style par amplification (hyperbole, anaphore, gradation, etc.)
Nous avons fait des clairs de lunes
Pour nos palais ou nos statues
Qu'importe à présent qu'on nous tue
Les nuits tomberont une à une
La Chine s'est mise en Commune
Nous avons fait des clairs de lune
Louis Aragon
Le Roman inachevé, Paris, éd. Gallimard
1956
Le registre lyrique se manifeste dans ce poème par l'emploi de la première personne du pluriel et les amplifications ("nous avons fait des clairs de lune").
Le registre épique
Registre épique
Le registre épique suscite l'admiration du lecteur en conférant au personnage et à ses actions une portée héroïque.
On reconnaît un registre épique à :
- Des verbes d'action en grande quantité
- Des figures de style par amplification ou par opposition
- Un lexique connoté de manière méliorative, en particulier en lien avec le domaine guerrier
- Une situation exceptionnelle
- Des champs lexicaux liés au combat
Redoutable est la bataille, elle se fait générale.
Le comte Roland ne se met pas à l'abri du danger,
Frappe de l'épieu tant que la hampe reste entière,
Au quinzième coup, il l'a brisé et rompu ;
Il met à nu Durendal, sa bonne épée,
Il pique des deux, va frapper Chernuble :
Lui brise le heaume où brillent des escarboucles,
Lui fend le crâne et la chevelure,
Lui fend les yeux et le visage,
Et le haubert qui brille, aux fines mailles,
Et tout le corps jusqu'à l'enfourchure.
Chanson de Roland
XIe siècle
Ce passage relève du registre épique avec l'emploi du vocabulaire guerrier et les hyperboles ("elle se fait générale").
Le registre tragique
Registre tragique
Le registre tragique désigne une situation sans issue dans laquelle le personnage prend conscience de son impuissance face au destin en marche. Il suscite la peur et la pitié du lecteur.
On reconnaît un registre tragique à :
- Un registre de langue soutenu
- Des phrases interrogatives et des phrases exclamatives qui expriment sa détresse
- Des champs lexicaux comme celui de la fatalité et de la liberté
- Des métaphores et des comparaisons en lien avec ces champs lexicaux
- Les champs lexicaux de la passion, du désespoir et de l'impuissance
- La présence d'un dilemme
- Une ponctuation expressive
ROMÉO.
En est-il ainsi ? Alors, étoiles, je vous défie.
William Shakespeare
Roméo et Juliette (Romeo and Juliet), dans Œuvres complètes, trad. François-Victor Hugo, Paris, éd. Pagnerre (1865)
1597
Ce passage relève du registre tragique car le personnage s'adresse aux étoiles et les défie, façon de défier son destin.
Le registre pathétique
Registre pathétique
Le registre pathétique permet de faire ressentir de la compassion au lecteur.
On reconnaît un registre pathétique à :
- Des phrases exclamatives
- Des questions rhétoriques
- Des verbes de sentiments
- Un lexique connoté
- Des métaphores et des comparaisons poignantes
Marguerite s'arrêta sur le seuil, pétrifiée de cet énorme désordre, et s'écria :
— Seigneur ! La chandelle qui est toute brûlée ! Il s'est passé des événements !
Puis elle regarda Fantine qui tournait vers elle sa tête sans cheveux.
Fantine depuis la veille avait vieilli de dix ans.
— Jésus ! fit Marguerite, qu'est-ce que vous avez, Fantine ?
— Je n'ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas de cette affreuse maladie, faute de secours. Je suis contente.
En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille deux napoléons qui brillaient sur la table.
— Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c'est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis d'or ?
— Je les ai eus, répondit Fantine.
En même temps elle sourit. La chandelle éclairait son visage. C'était un sourire sanglant. Une salive rougeâtre lui souillait le coin des lèvres, et elle avait un trou noir dans la bouche.
Les deux dents étaient arrachées.
Victor Hugo
Les Misérables, Paris, éd. Albert Lacroix et Cie
1862
Ce passage relève du registre pathétique car l'auteur cherche à émouvoir le lecteur avec un portrait miséreux de Fantine.
Le registre didactique
Registre didactique
Le registre didactique a pour objectif d'instruire le lecteur.
On reconnaît un registre didactique à :
- L'emploi du présent de vérité générale ou à celui du présent descriptif
- De nombreux connecteurs logiques qui organisent le propos
- Des définitions et des exemples
- Un lexique spécialisé, voire technique
Toutes les fables de La Fontaine ont une portée didactique, puisqu'elle vise à instruire le lecteur avec des morales.
Le registre polémique
Registre polémique
Le registre polémique cherche à indigner le lecteur afin de le faire réagir.
On reconnaît un registre polémique à :
- Un lexique connoté, de manière méliorative ou péjorative (parfois les deux)
- Des figures par amplification
- Des figures par opposition
- Des figures par construction
- Des phrases exclamatives et des questions rhétoriques
- La présence d'une deuxième personne du singulier ou du pluriel, qui signifie une interpellation du lecteur
Sa grandeur éblouit l'histoire.
Quinze ans, il fut
Le dieu que traînait la victoire
Sur un affût ;
L'Europe sous la loi guerrière
Se débattit.
Toi, son singe, marche derrière,
Petit, petit.
Victor Hugo
"Chanson", Les Châtiments , Paris, éd. Henri Samuel et Cie
1852
Ce poème est polémique, Victor Hugo critique avec virulence Napoléon III.
Le registre satirique
Registre satirique
Le registre satirique dénonce le ridicule de ce qu'il décrit (personne, objet, concept, etc.).
On reconnaît un registre satirique à :
- Un vocabulaire connoté de manière péjorative
- Des figures de style par analogie (métaphores, comparaisons, etc.)
- Des figures de style par amplification (hyperboles, gradations, etc.)
- Des antiphrases
- Un vocabulaire parfois réaliste
- L'ironie
Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat, et fait son propre de chaque service : il ne s'attache à aucun des mets, qu'il n'ait achevé d'essayer de tous ; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois. Il ne se sert à table que de ses mains ; il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes.
Jean de La Bruyère
Les Caractères, Paris, éd. Flammarion (1880)
1688
Cet extrait met en œuvre un registre satirique qui se manifeste dans l'emploi d'hyperboles et de termes connotés négativement. La Bruyère fait ici la critique de l'égoïsme.
Le registre ironique
Registre ironique
Le registre ironique suscite la critique de manière implicite en exprimant le contraire de ce qui est exprimé explicitement.
On reconnaît un registre ironique à :
- Des figures par amplification (hyperboles, gradations, etc.) qui manifestent un trop grand enthousiasme pour que celui-ci soit sincère.
- Des litotes qui font mine d'atténuer pour en réalité amplifier.
- Des antiphrases qui expriment le contraire de l'idée contenue.
- Des antithèses
À ces causes et autres, pour l'édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s'instruire, nous défendons aux pères et aux mères d'enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines ; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l'ancien usage de la Sublime-Porte.
Voltaire
De l'horrible danger de la lecture, dans Œuvres complètes de Voltaire, Texte établi par Louis Moland, Garnier (1883)
1765
Dans cet extrait, Voltaire se montre particulièrement ironique. Il répète plusieurs fois le pronom "on" afin de marquer une distance avec son sujet et faire comprendre au lecteur qu'il se moque de ce qu'il prétend défendre. Il utilise des exagérations pour mieux rire de ceux qui sont contre la lecture.