Sommaire
ILes mouvements du XVIe siècleAL'humanismeBLa PléiadeIILes mouvements du XVIIe siècleALe baroque1Définition et histoire du mouvement baroque2Caractéristiques du mouvement baroqueBLe classicismeCLa préciositéIIILes mouvements du XVIIIe siècleALe mouvement libertinBLes LumièresIVLes mouvements du XIXe siècleALe romantisme1Histoire et définition du romantisme2Caractéristiques du romantismeBLe réalisme et le naturalisme1Histoire et définitions du réalisme et du naturalisme2Les caractéristiques du réalisme et du naturalismeCLe ParnasseDLe symbolismeVLes mouvements du XXe siècleALe surréalismeBL'absurdeCLe nouveau romanLes mouvements du XVIe siècle
L'humanisme
Le mouvement humaniste naît d'une volonté philosophique de recentrer le monde autour de l'Homme (et non de Dieu), bien que les croyances en une divinité unique et supérieure ne soient aucunement réfutées.
Ce mouvement met l'Homme au centre :
- De l'idéal religieux : les humanistes s'appuient sur l'idée que Jésus est Dieu fait homme, ce qui est pour eux une reconnaissance de l'Homme par Dieu. Les humanistes sont optimistes quant à la rédemption de chacun.
- De son progrès intellectuel : on redécouvre les textes antiques et les découvertes scientifiques s'accélèrent. Les humanistes croient à l'amélioration de la vie par l'instruction et les progrès de la science.
- De son expansion géographique : c'est également la période des grands explorateurs et de la découverte progressive des Amériques. Les Européens accroissent leur influence sur les autres populations mondiales. Les humanistes y voient une forme de progrès social.
- De la réflexion politique : les auteurs humanistes recherchent la voie d'une société idéale et équitable.
Ce mouvement littéraire provoque une perte d'influence de l'Église sur la société. Celle-ci a pour conséquence :
- Le développement de la langue française (et des autres langues européennes) au détriment du latin
- La naissance de courants spirituels dissidents, qui aboutissent à la Réforme protestante et aux guerres de religion.
La Pléiade
Au Moyen Âge, la poésie est récitée par les troubadours. Elle est adressée au roi ou bien à la femme aimée.
Mais quelques jeunes poètes de la Renaissance souhaitent en finir avec cette manière rabattue de composer. Ces jeunes auteurs innovants se regroupent autour de Pierre de Ronsard, qui donne le nom de Pléiade à son école poétique. Les formes moyenâgeuses sont abandonnées, au profit d'autres formes, comme le sonnet. Par ailleurs, ce groupe de poètes déplore la pauvreté de la poésie française et part à la recherche de mots nouveaux, mais aussi d'images innovantes. Pour cela, ces poètes décident de s'inspirer des auteurs antiques tout en les dépassant.
La formation des arts poétiques par la Pléiade suit quelques principes précis :
- L'élargissement de la diffusion de la poésie grâce à l'usage d'une langue française plus moderne.
- L'utilisation ou le renouvellement de formes poétiques comme le sonnet ou la ballade.
Joachim Du Bellay, dans Défense et illustration de la langue française (1549), défend l'usage de la langue vulgaire en poésie, à la place du latin.
Je n'estime pourtant [pas] notre vulgaire, tel qu'il est maintenant, être si vil et abject, comme le font ces ambitieux admirateurs des langues grecque et latine. [...] Et qui voudra de bien près y regarder, trouvera que notre langue française n'est [pas] si pauvre qu'elle ne puisse rendre fidèlement ce qu'elle emprunte des autres.
Joachim Du Bellay
La Deffence, et illustration de la langue françoyse, Paris, éd. Francis Goyet et Olivier Millet, Champion (2003)
1549
Dans cet extrait, Du Bellay affirme sa préférence pour la langue française.
Leur influence se ressent dans toute l'histoire de la poésie.
Les mouvements du XVIIe siècle
Le baroque
Définition et histoire du mouvement baroque
Lorsqu'il apparaît à la fin du XVIe siècle, le mouvement baroque n'a pas de nom. Ce n'est que plus tard, au XIXe siècle, que ce mouvement sera identifié et nommé.
Le nom provient de l'adjectif qualificatif portugais barroco, qui désigne une perle à l'aspect irrégulier. Ainsi, le mouvement baroque, à l'image de cette perle, se définit par son aspect protéiforme et surprenant.
[Le baroque est] une esthétique du composite et du changement.
Jean Rousset
La Littérature de l'âge baroque en France, Paris, éd. Corti, coll. "Les Essais" (1989)
1963
Cette citation donne les caractéristiques principales du mouvement baroque.
En effet, en réaction à l'austérité proposée par les auteurs protestants et imposée par le contexte lugubre des guerres de religion, de nombreux auteurs proposent une littérature en liberté, le temps est à l'exploration et à l'innovation. Les textes se détachent des usages anciens, rompent avec le passé et traitent de l'actualité.
Dans Don Quichotte, Cervantès tourne en dérision le monde dépassé de la chevalerie et raconte les aventures surprenantes d'un homme à moitié fou, Don Quichotte. Ce dernier, accompagné de son valet, se prend pour un chevalier de jadis, mais n'est en réalité qu'un aventurier de pacotille qui déforme la réalité de la société de son temps.
Caractéristiques du mouvement baroque
Les œuvres du mouvement baroque se reconnaissent à :
- Un contexte, une situation instable, en mouvement
- La place accordée à l'imaginaire, au surnaturel et à l'illusion
- L'aspect complexe de la structure littéraire (mises en abyme, récits enchâssés, etc.)
- Une certaine réflexion sur la condition humaine
Un Corbeau devant moi croasse,
Une ombre offusque mes regards,
Deux belettes et deux renards
Traversent l'endroit où je passe :
Les pieds faillent à mon cheval,
Mon laquais tombe du haut mal,
J'entends craqueter le tonnerre,
Un esprit se présente à moi,
J'ois Charon qui m'appelle à soi,
Je vois le centre de la terre.
Ce ruisseau remonte en sa source,
Un bœuf gravit sur un clocher,
Le sang coule de ce rocher,
Un aspic s'accouple d'une ourse,
Sur le haut d'une vieille tour
Un serpent déchire un vautour,
Le feu brûle dedans la glace,
Le Soleil est devenu noir,
Je vois la Lune qui va choir,
Cet arbre est sorti de sa place.
Théophile de Viau
"Un Corbeau devant moi croasse", Œuvres poétiques, Genève, éd. Jeanne Streicher, Droz (1951-1958)
1621
Le mouvement baroque se reconnaît à la dimension instable de la scène évoquée. Le "je" lyrique chute avec son cheval et son valet, pris d'une crise d'épilepsie. Par ailleurs, la scène semble surnaturelle (le serpent tue le vautour, le soleil est noir, etc.).
Le classicisme
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, en réaction à l'effusion du mouvement baroque, on cherche à codifier l'art, et en particulier la littérature. C'est la période :
- De la création des académies (Académie française en 1634, Académie des sciences en 1666).
- Du mécénat d'État (pensons aux auteurs du roi comme Molière) ou de particuliers (Madame de Maintenon a soutenu Jean Racine).
Des usages sont mis en place dans la seconde partie du XVIIe siècle, ils deviennent le goût officiel, que nous nommons aujourd'hui "mouvement classique".
En littérature, on codifie :
- L'écriture et le lexique de la langue française (Vaugelas, Académie française)
- La versification (Boileau)
- Le théâtre (Jean Chapelain et l'abbé d'Aubignac)
- La poésie (relectures de l'Art poétique d'Horace, un poète romain)
Bien entendu, des auteurs réclament leur droit à l'originalité. Des querelles éclatent. Les plus connues sont :
- La querelle du Cid, qui oppose Pierre Corneille, auteur de la pièce, à ses détracteurs, qui jugent la pièce invraisemblable et mal écrite.
- La querelle des Anciens et des Modernes, qui oppose les partisans de l'imitation des auteurs antiques (les Anciens) et ceux qui désirent renouveler leurs codes (les Modernes).
Les caractéristiques du mouvement classique sont :
- La reprise des auteurs antiques (sans pour autant se limiter à une traduction, ces reprises portent sur leurs thèmes, leurs structures littéraires, les sujets traités, etc.)
- Un discours organisé, raisonné, structuré
- Une recherche du naturel, du vraisemblable
- Un discours moral (la place de la religion est centrale dans la pensée classique).
Phèdre, de Jean Racine, peut être considéré comme un exemple de texte classique car :
- Le récit est inspiré d'un mythe et d'une tragédie antiques.
- Le récit est construit selon les usages de la tragédie classique, considérée comme l'art le plus noble dans la littérature classique.
- Son personnage pose la question du libre arbitre : Phèdre a-t-elle choisi de concourir à sa mort et à celle d'Hippolyte ? Maîtrise-t-elle son destin ?
- Derrière des passions violentes, le narrateur s'intéresse aux méandres du cœur humain, il rationalise la pensée.
La préciosité
Le mouvement précieux naît au XVIIe siècle. Plus léger que le classicisme, il est essentiellement centré autour de la femme, à qui il cherche à donner une position plus importante dans la société.
C'est le temps des salons et cafés littéraires, des réunions organisées par des dames de la noblesse ou de la haute bourgeoisie, durant lesquelles :
- On lit des œuvres à paraître ou récemment publiées.
- On échange sur ces œuvres.
- On débat sur la littérature, la morale, le cœur humain, etc.
Les salons les plus connus sont ceux de Madame de Rambouillet, de Mademoiselle de Scudéry et de Madame de Lafayette.
Les créations les plus retentissantes de ces salons sont sans doute :
- Les œuvres de certains auteurs comme Mademoiselle de Scudéry (Le Grand Cyrus) et de Madame de Lafayette (La Princesse de Clèves) mais aussi les poèmes de Vincent Voiture
- Certaines simplifications de l'orthographe validées par l'Académie française (auteur, aîné, répondre, etc.)
- L'invention de mots (comme billet-doux) ou de périphrases jugés plus convenables que les mots initialement employés
- Un regard idéalisé de l'amour (identifiable dans la Carte de Tendre, une allégorie de toutes les formes d'amour)
Le mouvement précieux a rapidement été critiqué, car jugé moralement douteux (des hommes et des femmes dans des ruelles, c'est-à-dire des coins de pièce aménagés pour des lits) et intellectuellement superficiels (on y traite de sujets légers comme l'amour ou l'orthographe).
La critique la plus célèbre reste sans doute la pièce Les Précieuses ridicules de Molière, qui met en scène deux provinciales qui, voulant passer pour des précieuses, poussent l'absurde à ses extrémités.
On notera que la littérature a mis en scène d'autres précieuses, beaucoup plus sensées, comme Roxane, personnage central de la pièce Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand.
Les mouvements du XVIIIe siècle
Le mouvement libertin
Le mouvement libertin apparaît au XVIIe siècle et se prolonge dans la première partie du XVIIIe siècle. Ce courant de pensée est :
- matérialiste
- athée
- clandestin
En effet, les libertins remettent en question l'existence même d'un dieu créateur. Selon eux, le monde ne s'explique que selon des lois physiques. Mais, comme la société française (et au-delà, européenne) est foncièrement chrétienne, ce mouvement est voué à la clandestinité. Les œuvres sont soit publiées de manière clandestine, soit de manière détournée.
Dom Juan de Molière peut être considéré comme une pièce libertine. En effet, le personnage éponyme défie les lois divines et se moque de la religion. Mais à la fin de la pièce, Dom Juan semble puni par une force supérieure : l'honneur de l'Église est sauf. Cette fin protège son auteur, mais ne cache pas l'étendue du discours libertin du personnage.
Si les figures du libertinage sont aujourd'hui surtout célèbres pour leurs mœurs douteuses, beaucoup accompagnent cette vie d'une réflexion philosophique contestataire. Par ailleurs, tous les libertins ne se sont pas fait remarquer par une vie dissolue.
Les auteurs libertins peuvent donc se répartir en deux catégories : ceux qui dépeignent des mœurs légères et ceux qui attaquent la religion chrétienne et les mœurs qui en découlent.
Parmi les premiers, on comptera notamment Choderlos de Laclos (auteur des Liaisons dangereuses, dont les lettres du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil décrivent le libertinage de mœurs) et Crébillon fils (qui a composé Les Égarements du cœur et de l'esprit, qui raconte l'apprentissage libertin d'un jeune noble).
Parmi les seconds, on nommera Fontenelle (auteur d'Histoire des oracles, un essai qui critique l'obscurantisme) et surtout Cyrano de Bergerac (qui a écrit un voyage imaginaire, Les États et empires de la Lune et du Soleil, où, de manière détournée, l'auteur critique la société française).
Les Lumières
Dès le début du XVIIIe siècle, le rationalisme initié par le mouvement classique crée un contexte favorable au développement de la pensée. C'est également la période :
- De la fin du règne de Louis XIV, puis de la seconde régence, celle du prince d'Orléans, pendant la minorité de Louis XV (Louis XIV décède en 1715 alors que Louis XV, son arrière-petit-fils, n'a que 5 ans).
- De la révolution anglaise puis de la révolution américaine, qui remettent en question le despotisme des monarchies européennes.
- De progrès scientifiques (la pile, la vapeur, etc.) qui ouvrent un regard nouveau, plus logique, sur le monde.
Partout en Europe, des philosophes et des hommes de lettres se détachent un peu plus du dogme religieux pour produire des réflexions autonomes (sans pour autant aboutir à l'athéisme) :
- En Allemagne, ce mouvement, nommé Aufklärung, apparaît dans les années 1720 et prône une autonomie de raisonnement chez l'homme, par le biais de la connaissance.
- En Angleterre, ce mouvement prend le nom de Enlightment (la mise en Lumières) et prône également la connaissance, qui se doit d'être fondée sur l'expérience.
Ce mouvement littéraire revendique :
- Une raison fondée sur la connaissance, l'expérience
- La lutte contre toutes les formes d'obscurantisme (en matière de religion)
- La lutte contre l'absolutisme, au nom de la liberté de l'homme
- Une vision optimiste des progrès de l'homme
Les lumières sont ce qui fait sortir l'homme de la minorité qu'il doit s'imputer à lui-même. La minorité réside dans l'incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui. Il doit s'imputer à lui-même cette minorité, quand elle n'a pas pour cause le manque d'intelligence, mais l'absence de la résolution et du courage nécessaires pour user de son esprit sans être guidé par un autre. Sapere aude, aie le courage de te servir de ta propre intelligence ! Voilà donc la devise des lumières.
Emmanuel Kant
Qu'est-ce que les Lumières ?, (Was ist Aufklärung ?), trad. Jules Barni, Paris, éd. Auguste Durand (1853)
1784
Dans cet extrait (les premières lignes de l'essai), Kant définit l'Aufklärung comme une recherche de la vérité par la raison et la connaissance.
Les mouvements du XIXe siècle
Le romantisme
Histoire et définition du romantisme
Le mouvement romantique apparaît d'abord en Allemagne et en Angleterre. Quelques auteurs commencent par s'en inspirer dans le roman. Le mouvement se retrouve dans la poésie, le théâtre et le roman, mais aussi dans la musique et la peinture.
Romantisme
Le romantisme se caractérise par la représentation de la subjectivité. C'est l'expression exacerbée des sentiments. Les thèmes principaux sont l'amour, la nature et le rapport à Dieu.
Dans ses Méditations poétiques, Alphonse de Lamartine exprime ses sentiments et décrit des espaces naturels.
Victor Hugo fait jouer Hernani en 1830. Dans cette pièce en vers, la versification et la prosodie sont bousculées.
Lors de la seconde représentation, une partie du public est scandalisée. Il s'agit des abonnés du théâtre, fidèles à la tradition classique. Ils entrent alors en conflit avec les défenseurs de Victor Hugo, venus en nombre soutenir le spectacle. C'est la bataille d'Hernani. Pour beaucoup, elle est un événement fondateur du mouvement romantique en France.
Caractéristiques du romantisme
Le romantisme se caractérise surtout par l'expression de sentiments individuels, qu'il s'agisse de ceux des personnages (dans le roman et le théâtre) ou de ceux du "je" lyrique (dans la poésie).
Quand, dans le ciel d'amour où mon âme est ravie,
Je presse sur mon cœur un fantôme adoré,
Et que je cherche en vain des paroles de vie
Pour l'embraser du feu dont je suis dévoré !
Alphonse de Lamartine
"Le Cri de l'âme", Harmonies poétiques et religieuses
1830
Dans cet extrait, le poète exprime le sentiment amoureux.
Pour les romantiques, le devoir de l'écrivain est de se faire observateur : il voit davantage que quiconque. Par conséquent, son discours se fait souvent engagé. Il défend en particulier la liberté.
Dans Les Misérables, Victor Hugo dresse le portrait de Cosette, qui représente la misère des orphelins, mais aussi celle des enfants au travail.
Le réalisme et le naturalisme
Histoire et définitions du réalisme et du naturalisme
Balzac et Stendhal sont considérés comme les pères du mouvement réaliste. Ils abandonnent l'idéalisation et l'emphase du roman romantique et évoquent la société par le récit de l'existence d'un personnage en particulier. Celui-ci donne une dimension humaine au récit. Son histoire devient un exemple dans l'observation du fonctionnement de la société.
Eugénie Grandet est un roman de Balzac publié en 1834, qui narre les aventures de la famille Grandet, sur fond de révolution de Juillet. Le roman fait partie de la grande série de Balzac, La Comédie humaine, qui comprend cent trente-cinq œuvres réalistes relatant les histoires de personnages qui reviennent au fil des romans et des nouvelles (comme Rastignac ou le père Grandet par exemple).
Contrairement au réalisme, le naturalisme est le fruit de la réflexion d'un petit groupe d'auteurs. Ceux-ci se sont réunis et ont instauré des règles. On parle d'école naturaliste.
Très vite, dans sa carrière littéraire, sous l'enthousiasme de ses lectures en physiologie, Zola se décide à composer "l'histoire d'une famille naturelle et sociale sous le Second Empire" : Les Rougon-Macquart. Ses romans reçoivent autant de succès que de critiques. Zola, qui fréquentait déjà les salons et rencontrait depuis longtemps ses confrères écrivains (Flaubert, Daudet, Huysmans, etc.), achète une propriété à l'ouest de Paris et invite certains de ses amis lettrés à se réunir régulièrement pour échanger autour de leurs productions. Ce sont les Soirées de Médan, dont un recueil paraît en 1880. Celui-ci propose, outre une nouvelle de Zola, des nouvelles de Joris-Karl Huysmans et de Guy de Maupassant.
De manière simultanée, Zola compose de nombreux articles et met en pratique ses théories littéraires dans Le Roman expérimental, qui paraît en 1880.
Le naturalisme, dans les lettres, c'est également le retour à la nature et à l'homme, l'observation directe, l'anatomie exacte, l'acceptation et la peinture de ce qui est.
Émile Zola
Le Roman expérimental, Paris, éd. Charpentier (1902)
1880
Cette citation définit les objectifs de l'école naturaliste.
Les caractéristiques du réalisme et du naturalisme
Stendhal propose surtout une observation d'une tranche de vie à un moment et à un endroit précis du monde. Il recherche l'exactitude et la vraisemblance des faits relatés.
Un roman est un miroir que l'on promène le long d'un chemin.
Stendhal
Le Rouge et le Noir, Paris, éd. Levasseur
1830
Cette citation justifie la définition donnée par Stendhal du réalisme. Elle insiste sur la ressemblance quasi symétrique entre le monde réel qui inspire le romancier réaliste et celui qui est décrit dans l'œuvre.
Balzac, de son côté, s'intéresse davantage à représenter les liens qui organisent de manière logique et raisonnée les événements et les personnes.
Faire concurrence à l'état civil.
Honoré de Balzac
Avant-propos à La Comédie humaine, dans Œuvres complètes de H. de Balzac, tome 1, Paris, éd. Houssiaux (1855)
1842
Cette citation justifie la définition du roman réaliste selon Honoré de Balzac. Selon lui, un roman doit présenter un réseau de personnages à l'image de la société humaine, dans toute son étendue et toutes ses disparités.
Le roman réaliste s'attache aux destins de certains personnages en particulier. Afin de bien se familiariser avec ces personnages, le narrateur dresse leur portrait. Celui-ci se compose traditionnellement de trois parties : le portrait physique, le portrait moral et le portrait social.
Le portrait a essentiellement pour objectif de donner davantage de profondeur au récit. Il est là pour expliquer l'action, ou bien l'anticiper. En conséquence, une grande place est accordée à la dimension morale du portrait. Le portrait physique et le portrait social sont en lien avec celui-ci.
Les auteurs réalistes font également appel à de nombreuses descriptions (de lieux, d'objets) afin de rendre vraisemblable le cadre spatio-temporel.
Enfin, les récits réalistes utilisent souvent les mêmes procédés narratifs :
- Ils sont généralement sous la forme de romans ou de nouvelles : la forme en prose laisse plus de liberté pour refléter au mieux la réalité.
- L'omniprésence de nombreux détails issus de la vie quotidienne, qui renforcent l'effet de réel.
- L'utilisation du discours direct.
- L'usage de la focalisation interne ou de la focalisation zéro.
À la fin du XIXe siècle, les sciences progressent par l'expérimentation. Une expérience se réalise selon un protocole (qui maîtrise le contexte, les éléments constitutifs de l'expérience), ses résultats s'observent selon des critères de recherche et le scientifique en déduit des certitudes grâce à des rapprochements d'ordre logique.
De même, les auteurs naturalistes instaurent dans leur roman :
- Un protocole d'expérimentation : les cadres spatio-temporel et socio-professionnel sont clairement définis. Pour cela, l'auteur se documente, prend des notes. Il transpose un univers réel sur le papier.
- Des résultats sont observés : les personnages principaux évoluent au fur et à mesure, jusqu'à atteindre un état final observé sous tous ses aspects. Le narrateur détaille chaque étape dans l'évolution : les personnages sont décrits longuement, dans des portraits autant physiques que moraux.
Pour écrire Le Ventre de Paris, Émile Zola s'est déplacé plusieurs jours aux Halles de Paris. Là, il a pris des notes descriptives sur les éléments qui les composent, et a réalisé des schémas. Tous ces travaux ont été publiés après sa mort dans des Carnets d'enquêtes.
Au niveau littéraire, on reconnaît le naturalisme par :
- L'omniprésence de la description
- La présence de nombreux détails scientifiques ou sociologiques
- La focalisation interne, qui permet au lecteur de se sentir acteur de l'histoire.
- Le discours indirect libre, grâce auquel l'auteur s'approprie les paroles du personnage : il y a donc un rapport plus direct avec le lecteur.
Le Parnasse
Le mouvement tire son nom du mont sur lequel les Grecs plaçaient le dieu Apollon et ses neuf Muses. Ce mouvement littéraire naît de l'opposition aux principes du romantisme dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il tire son inspiration de la poésie de la Grèce antique. Cette école prône l'écriture poétique par la recherche formelle. Ses poètes les plus connus sont Théophile Gautier et Théodore de Banville.
C'est un palais du dieu, tout rempli de sa gloire.
Cariatides sœurs, des figures d'ivoire.
Portent le monument qui monte à l'éther bleu,
Fier comme le témoin d'une immortelle histoire.
Théodore de Banville
Cariatides, dans Œuvres de Théodore de Banville, Paris, éd. Alphonse Lemerre (1889)
1842
Ce poème décrit un palais grec antique où trônent des cariatides, c'est-à-dire des colonnes sculptées en statues féminines, typiques de l'art grec antique de la période dorique.
Le Parnasse prône l'art pour l'art. En opposition au mouvement romantique qui repose sur l'engagement du discours du poète, les parnassiens revendiquent l'inutilité de la poésie.
Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid.
Théophile Gautier
Préface de Mademoiselle de Maupin, Paris, éd. Eugène Renduel
1835
Cette citation montre l'aversion des parnassiens pour le discours utile.
En conséquence, l'expression des sentiments devient vulgaire.
Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussé-je m'engloutir pour l'éternité noire,
Je ne te vendrai pas mon ivresse et mon mal.
Charles-Marie Leconte de Lisle
"Les Montreurs", Poèmes barbares, Paris, éd. Poulet-Malassis
1862
Cette citation montre que les parnassiens sont déterminés à ne pas exprimer ce qu'ils ressentent.
Par ailleurs, les parnassiens recherchent la perfection formelle. Ainsi, coupée de l'engagement et du sentimentalisme, la poésie se fait impersonnelle et atemporelle.
On reconnaît donc un poème parnassien :
- À ses références mythologiques ou littéraires
- À la quantité de figures de style par analogie
- Au lexique spécialisé
- À l'absence de discours engagé
- À l'absence de la première personne du singulier
Le symbolisme
Le symbolisme s'oppose à l'engagement des romantiques. En cela, il partage des principes communs avec le mouvement du Parnasse (comme la volonté de privilégier l'esthétisme en poésie). Néanmoins, il s'oppose au formalisme excessif des parnassiens.
Le symbolisme est un mouvement pluri-artistique (littéraire, pictural, poétique) qui naît vers la fin du XIXe siècle. Il prône l'association des mots et des images à des idées, des symboles. Le symbolisme est théorisé par des auteurs comme Verlaine ou Baudelaire, ou des critiques comme Jean Moréas.
[La poésie symboliste cherche à] vêtir l'idée d'une forme sensible.
Jean Moréas
"Le Symbolisme", Le Figaro
18 septembre 1866
Cette citation montre que le symbolisme s'appuie essentiellement sur les mécanismes de l'allégorie.
Le mouvement symboliste recherche une perception plus sensible, plus instinctive du monde. Il refuse d'appliquer une dimension logique et scientifique à l'art. Voilà pourquoi il considère que la poésie relève du jeu du faux-semblant, de la correspondance.
Nommer un objet [...], c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole.
Stéphane Mallarmé répondant à Jules Huret
Enquête sur l'évolution littéraire, Paris, éd. Bibliothèque Charpentier
1891
Cette citation montre l'intérêt du symbole dans la poésie.
La poésie symboliste traite de sujets essentiellement immatériels : la religion, l'amour, la mort, etc.
L'écriture poétique symboliste nécessite une recherche dans le lexique, afin de rendre le discours plus hermétique, plus difficile à comprendre.
Par ailleurs, la poésie symboliste est en rupture avec les usages classiques de la versification et de la grammaire. Elle se joue de celles-ci pour réinventer le rythme.
Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé.
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Gérard de Nerval
"El Desdichado", Les Filles du feu, Paris, éd. Michel Lévy frères (1856)
1854
Ce poème multiplie les références littéraires et les métaphores. Il développe les thèmes de l'amour et du deuil.
Certains poètes symbolistes vont même jusqu’à pratiquer le vers libre.
Ô fraîcheur des bois le long de la route,
Ô châle de mélancolie, toute âme est un peu aux écoutes,
Que ma vie
Fait envie !
Cette impériale de diligence tient de la magie.
Jules Laforgue
"Solo de lune", Derniers vers, dans Oeuvres complètes, Paris, éd. L'Âge d'homme (1986)
1890
Dans ce texte symboliste, le poète renforce le rythme en utilisant le vers libre.
On reconnaît donc le mouvement symboliste à :
- La quantité de figures par analogie
- Des ruptures avec les usages de la versification (césure et accents bousculés par la ponctuation, nombreux rejets et contre-rejets, alternance perturbée des rimes, etc.)
- L'utilisation de vers impairs ou libres
- De nombreux jeux de rythmes et de sonorités
- La recherche d'un lexique flou, mystérieux
- Des thématiques spirituelles ou philosophiques
Les mouvements du XXe siècle
Le surréalisme
Au début des années 1920, certains poètes ne peuvent plus se contenter de cette opposition à l'ordre bourgeois que propose le dadaïsme. Pour eux, la poésie doit se construire un sens nouveau. André Breton et quelques-uns de ses amis fondent la revue Littérature.
Ces poètes s'inspirent autant du mouvement Dada (pour sa déconstruction du sens et de l'ordre) que de l'œuvre de Guillaume Apollinaire (qui, le premier, a employé le mot "surréaliste" pour qualifier la poésie).
En 1924, André Breton écrit son Manifeste du surréalisme. Les principes du mouvement littéraire sont fixés. Le surréalisme est fondé sur un renouvellement du langage poétique. Les théories surréalistes encouragent une écriture libre, dénuée de toute règle.
Le surréalisme recherche une expression différente de la pensée, selon des constructions défaites de toute logique.
Pour cela, les poètes surréalistes cherchent à exprimer l'inconscient, par le biais notamment de l'écriture automatique et du cadavre exquis.
L'absurde
L'histoire du XXe siècle enchaîne les traumatismes pour les populations européennes. L'homme se rend compte que l'horreur n'a plus de limite, il doute du sens de sa propre existence. Le monde dans lequel il vit semble en désaccord avec ses idéaux.
L'homme absurde dit oui et son effort n'aura plus de cesse. S'il y a un destin personnel, il n'y a point de destinée supérieure ou du moins il n'en est qu'une dont il juge qu'elle est fatale et méprisable. Pour le reste, il se sait le maître de ses jours. À cet instant subtil où l'homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de fin, il est toujours en marche.
Albert Camus
Le Mythe de Sisyphe, Paris, éd. Gallimard
1942
Dans cet extrait de l'essai, Albert Camus explique que le destin ne peut être observé qu'a posteriori et que l'homme seul l'a dressé. Camus nie toute implication divine, toute volonté d'une force supérieure (divine, humaine, collective, etc.)
Dans ce courant, différents auteurs se lancent dans la littérature romanesque. Les plus connus sont Albert Camus et Louis-Ferdinand Céline. D'autres, comme Eugène Ionesco, préfèrent l'écriture théâtrale.
— Savez-vous qu'il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : "Jamais !" au moment de mourir ? Moi, oui. Et je me suis aperçu alors que je ne pouvais pas m'y habituer. J'étais jeune et mon dégoût croyait s'adresser à l'ordre même du monde. Depuis, je suis devenu plus modeste. Simplement, je ne suis toujours pas habitué à voir mourir. Je ne sais rien de plus. Mais après tout…
Rieux se tut et se rassit. Il se sentait la bouche sèche.
— Après tout ? dit doucement Tarrou.
— Après tout…, reprit le docteur, et il hésita encore, regardant Tarrou avec attention, c'est une chose qu'un homme comme vous peut comprendre, n'est-ce pas, mais puisque l'ordre de monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu'on ne croie pas en lui et qu'on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait.
Albert Camus
La Peste
1947
Dans cet extrait, face à l'horreur de la souffrance provoquée par la maladie de la peste, le héros en vient à espérer l'inexistence de Dieu, afin de refuser l'absurdité de la condition humaine.
Le mouvement de l'absurde se caractérise donc par :
- La négation d'un sens à l'existence humaine, d'un monde logique
- Une remise en question des usages littéraires du genre mis en œuvre (comme le point de vue interne dans le roman ou la vraisemblance dans le théâtre)
Le nouveau roman
La fin du XXe siècle connaît une rupture des usages romanesques. C'est "l'ère du soupçon" (Nathalie Sarraute). Les auteurs du nouveau roman refusent :
- Une représentation fidèle du réel
- Le conformisme littéraire
- La définition traditionnelle du personnage
- La cohérence dans le récit
Il [Le lecteur] a connu Joyce, Proust et Freud ; le ruissellement, que rien au-dehors ne permet de déceler, du monologue intérieur, le foisonnement infini de la vie psychologique et les vastes régions encore à peine défrichées de l'inconscient. II a vu tomber les cloisons étanches qui séparaient les personnages les uns des autres, et le héros de roman devenir une limitation arbitraire, un découpage conventionnel pratiqué sur la trame commune que chacun contient tout entière et qui capte et retient dans ses mailles innombrables tout l'univers. Comme le chirurgien qui fixe son regard sur l'endroit précis où doit porter son effort, l'isolant du corps endormi, il a été amené à concentrer toute son attention et sa curiosité sur quelque état psychologique nouveau, oubliant le personnage immobile qui lui sert de support de hasard. II a vu le temps cesser d'être ce courant rapide qui poussait en avant l'intrigue pour devenir une eau dormante au fond de laquelle s'élaborent de lentes et subtiles décompositions ; il a vu nos actes perdre leurs mobiles courants et leurs significations admises, des sentiments inconnus apparaître et les mieux connus changer d'aspect et de nom.
II a si bien et tant appris qu'il s'est mis à douter que l'objet fabriqué que les romanciers lui proposent puisse receler les richesses de l'objet réel.
Nathalie Sarraute
L'Ère du soupçon, Paris, éd. Gallimard, coll. "Les Essais"
1956
Dans cet extrait, l'auteure résume toutes les transformations proposées par le nouveau roman dans le genre romanesque.
Le nouveau roman se caractérise donc par :
- Des personnages flous, opaques, dont la psychologie reste incertaine.
- Des monologues intérieurs infinis
- Un récit à la construction complexe et effacée
- Une progression temporelle lente, voire absente
- Des descriptions particulièrement précises
Aucune des grandes œuvres contemporaines ne correspond en effet sur ce point aux normes de la critique. Combien de lecteurs se rappellent le nom du narrateur dans La Nausée ou dans L'Étranger ? Y a-t-il là des types humains ? Ne serait-ce pas au contraire la pire absurdité que de considérer ces livres comme des études de caractère ? Et le Voyage au bout de la nuit, décrit-il un personnage ? Croit-on d'ailleurs que c'est par hasard que ces trois romans sont écrits à la première personne ? Beckett change le nom et la forme de son héros dans le cours d'un même récit. Faulkner donne exprès le même nom à deux personnes différentes. Quant au K. du Château, il se contente d'une initiale, il ne possède rien, il n'a pas de famille, pas de visage ; probablement même n'est-il pas du tout arpenteur.
On pourrait multiplier les exemples. En fait, les créateurs de personnages, au sens traditionnel, ne réussissent plus à nous proposer que des fantoches auxquels eux-mêmes ont cessé de croire. Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu.
Alain Robbe-Grillet
Pour un nouveau roman, Paris, Éditions de Minuit
1963
Dans cet extrait, l'auteur constate un effacement de l'identité du personnage de roman et le met en lien avec l'évolution de l'homme au XXe siècle.