Sommaire
IDéfinition de la poésieIILes éléments de versificationALa mise en page1Le vers2La stropheBLa musicalité1Les accents2La rime3Les sonorités4Le rythmeCLes formes fixes1La ballade2Le rondeau3Le sonnet4Le calligrammeDLe poème en proseIIILes fonctions de la poésieALa poésie lyriqueBLa poésie didactiqueCLa poésie engagéeDLa poésie esthétiqueDéfinition de la poésie
La poésie est l'un des quatre genres littéraires.
Poésie
La poésie est un genre littéraire qui emploie les formes du discours de manière imagée et mélodique.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
[...]
Guillaume Apollinaire
"Le Pont Mirabeau", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
Dans son poème "Le Pont Mirabeau", Guillaume Apollinaire propose une évocation des quais de Seine à la fois symbolique et mélodique. Sa description du paysage symbolise sa mélancolie et les multiples assonances imitent notamment le bruit du fleuve qui s'écoule.
La poésie se reconnaît à sa dimension esthétique. Le poète recherche une certaine beauté de la forme du discours, par le jeu des sonorités, des rythmes et des images.
Ce genre littéraire peut être écrit en prose ou en vers.
Les éléments de versification
La mise en page
Le vers
La forme versifiée se compose de vers.
Vers
Le vers est une unité de sens écrite sur une seule ligne et dont le nombre de syllabes est déterminé.
Pour déterminer le vers utilisé (ou mètre), on compte le nombre de syllabes sur la ligne.
En français, le vers est déterminé en fonction du nombre de syllabes (chacune composée d'un son voyelle et d'au moins un son consonne) tandis que le vers anglais et le vers latin se comptent en nombre de pieds (association de sons courts et de sons longs).
Le premier vers du "Pont Mirabeau" de Guillaume Apollinaire est un vers de 10 syllabes, c'est-à-dire 10 associations d'un ou deux sons consonnes avec un son voyelle.
Il existe différents types de vers réguliers (c'est-à-dire qui se répètent tout au long du poème). La plupart contiennent un nombre pair de syllabes :
- L'hexasyllabe contient 6 syllabes.
- L'octosyllabe contient 8 syllabes.
- Le décasyllabe contient 10 syllabes.
- L'alexandrin (parfois aussi appelé dodécasyllabe) contient 12 syllabes.
Pour dissocier les syllabes dans un vers, il faut prendre en compte la position des "e" :
- Le "e" en fin de vers ne compte pas. La consonne qui le précède va avec la syllabe précédente.
- Le "e" en fin de mot et suivi d'un mot qui commence par une voyelle ne compte pas non plus. La consonne qui le précède emporte avec elle la voyelle du début du mot suivant pour former une seule syllabe.
- Le "e" en fin de mot mais suivi d'un mot qui commence par une consonne compte. Ce "e" est compté avec la consonne qui le précède.
Le premier vers du poème "Le Cimetière marin" de Paul Valéry est : "Ce toit tranquille, où marchent des colombes." Ce vers mesure 10 syllabes, il s'agit donc d'un décasyllabe.
Le "e" à la fin de "tranquille" disparaît et les "ll" absorbent dans la même syllabe le "où". De plus, le "e" de "colombes" ne compte pas, si bien que le "b" appartient à la même syllabe que "lom" qui le précède.
Par ailleurs, afin d'obtenir des vers réguliers ou donner un effet particulier au vers, le poète peut décider de jouer sur la longueur des sons voyelles composés de deux voyelles et que l'on nomme les diphtongues.
Diérèse
La diérèse sert à distinguer deux voyelles qui se suivent et en faire deux syllabes ([ia] devient [i]-[a]).
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Guillaume Apollinaire
"Le Pont Mirabeau", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
Pour obtenir un nombre de syllabes pair, le deuxième vers oblige à séparer [io] dans "violente" en deux syllabes distinctes. À la lecture, il faut insister sur ce mot.
Synérèse
La synérèse, à l'inverse, considère que deux voyelles qui se suivent forment une seule syllabe.
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette.
Jean de La Fontaine
"Le Renard et la Cigogne", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
La synérèse, en plus de rétablir un nombre pair de syllabes, permet de réduire le temps de lecture du mot "miette", ce qui ajoute à l'idée de petite quantité.
La strophe
Parfois, la mise en page du poème sépare les vers en groupes, en laissant des espaces blancs entre certains d'entre eux.
Strophe
La strophe est un groupe de vers placé entre deux espaces blancs.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo
"Demain, dès l'aube", Les Contemplations, Paris, éd. Pagnerre, Michel Lévy
1856
"Demain, dès l'aube" de Victor Hugo se compose de trois strophes de chacune quatre vers.
Il existe différents types de strophes, en fonction du nombre de vers qu'elles comportent :
- Le distique est composé de 2 vers.
- Le tercet est composé de 3 vers.
- Le quatrain est composé de 4 vers.
- Le sizain est composé de 6 vers.
- Le dizain est composé de 10 vers.
La musicalité
Les accents
On peut souvent séparer le vers en deux parties distinctes. La dernière syllabe de la première partie est alors accentuée (on insiste sur sa lecture).
Césure
La césure est l'accent qui se trouve dans la syllabe qui est à la fin de la première moitié du vers. Lorsque le vers est un alexandrin, elle partage le vers en deux hémistiches.
Notre vie tu l'as faite // elle est ensevelie
Paul Éluard
"Notre vie", Le temps déborde, dans Œuvres complètes, tome 2 : 1945-1952, Paris, éd. Gallimard (1968)
1947
La césure se trouve sur "faite", si bien qu'il faut insister sur ce mot lors de la lecture et le mettre en valeur.
Accent flottant
L'accent flottant est l'accent qui se trouve sur la dernière syllabe prononcée.
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
Guillaume Apollinaire
"Zone", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
L'accent flottant se trouve sur la dernière syllabe, "ciennes". Cet accent fait insister la lecture sur le mot "anciennes" et le met en valeur.
La rime
Traditionnellement, les fins de vers résonnent deux par deux en se terminant par le même son.
Rime
La rime est la répétition d'un même son en fin de vers.
Si ces deux mots sont placés tous les deux en fin de vers, "vent" et "temps" ont une rime en "en".
L'usage classique voulait que le poème alterne les rimes féminines (qui s'achèvent par un "e") et les rimes masculines (les autres rimes).
On peut déterminer la richesse d'une rime en fonction du nombre de sons répétés :
- Une rime pauvre est une rime dans laquelle les deux fins de vers n'ont qu'un seul son en commun.
- Une rime suffisante est une rime dans laquelle les deux fins de vers ont deux sons en commun.
- Une rime riche est une rime dans laquelle les deux fins de vers ont trois sons ou plus en commun.
- "vent" et "temps" ont ensemble une rime pauvre (le son "en").
- "cheval" et "fatal" forment une rime suffisante (les sons "a" et "l").
- "effilé" et "défilé" forment une rime riche (les sons "é", "f", "i", "l" et "é").
On observe également l'alternance des rimes. Il existe trois combinaisons possibles :
- Les rimes suivies se succèdent : deux rimes identiques (AA) puis deux autres identiques (BB).
- Les rimes croisées alternent : une rime A, puis une rime B, puis une rime A, puis une rime B.
- Les rimes embrassées sont disposées de sorte que la rime B soit embrassée par la rime A (ABBA).
Jeune et vaillant héros, dont la haute sagesse
N'est point le fruit tardif d'une lente vieillesse,
Et qui seul, sans ministre, à l'exemple des dieux,
Soutiens tout par toi-même, et vois tout par tes yeux
Nicolas Boileau
"Épître au roi", Epîtres, dans Satires, Epîtres, Art poétique, édition de Jean-Pierre Collinet, éd. Gallimard, coll. "Poésie/Gallimard" n°195 (1985)
1670-1698
Dans cette strophe, les rimes en "esse" se succèdent puis ce sont les rimes en "yeu". Ces rimes sont suivies.
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Arthur Rimbaud
"Sensation", Poésies complètes, Paris, éd. Léon Vanier (1895)
1870
Dans cette strophe, les rimes en "ié" et les rimes en "nu" alternent. Ce sont des rimes croisées (ou alternées).
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
Louis Aragon
"Les Yeux d'Elsa", Les Yeux d'Elsa, Paris, éditions Seghers (2002)
1942
Dans cette strophe, la rime en "oir" encadre la rime en "ré". Ces rimes sont embrassées.
Les sonorités
Outre la rime, le poème peut faire résonner d'autres sons entre les vers.
L'assonance est la répétition d'un même son voyelle à l'intérieur des vers.
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
Paul Verlaine
"Mon rêve familier", Paris, éd. Alphonse Lemerre
1866
La répétition des sons "é" et "en" à l'intérieur du vers provoque une sorte d'écho, comme une réminiscence du rêve du poète.
L'allitération est la répétition d'un son consonne à l'intérieur du vers.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
Guillaume Apollinaire
"Le Pont Mirabeau", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
La répétition du son "l" à l'intérieur de ces vers est une allitération.
Souvent, ces résonances sonores imitent ce qui est évoqué. On nomme cela l'harmonie imitative.
L'allitération du son "l" dans "Le Pont Mirabeau" de Guillaume Apollinaire imite le bruit de l'eau qui coule (la Seine).
Le rythme
Souvent, la longueur des phrases ou des groupes de mots de la phrase ne coïncide pas avec la fin des vers.
L'enjambement est la continuation d'un groupe de mots d'un premier vers sur le vers suivant.
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé
Charles Baudelaire
"Le Flacon", Les Fleurs du Mal, Alençon, éd. Poulet-Malassis et de Broise
1857
Les expansions du pronom "m'" présent dans le premier vers se trouvent dans le second vers, il y a donc un enjambement : la phrase se prolonge sur un deuxième vers.
Il existe également deux cas particuliers d'enjambement : le rejet et le contre-rejet.
Un rejet est la continuation brève d'un groupe de mots au début du vers suivant.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent
Arthur Rimbaud
"Le Bateau ivre", Poésies complètes, Paris, éd. Léon Vanier (1895)
1871
"De la mer" complète "poème" et se trouve au début du vers suivant : comme cet enjambement ne se situe qu'au début du vers (avant la césure), il s'agit d'un rejet.
Un contre-rejet est l'inverse du rejet. Un bref groupe de mots termine un vers, il est associé à un groupe de mots du vers suivant.
Après quelques moments, l'appétit vint : l'Oiseau,
S'approchant du bord, vit sur l'eau
Jean de La Fontaine
"Le Héron", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
"L'Oiseau" est le référent du participe présent "S'approchant" mais se trouve en toute fin du premier vers. Il s'agit donc d'un contre-rejet.
Les formes fixes
La ballade
La ballade est un poème à forme fixe datant du Moyen Âge. Elle est composée de trois strophes suivies d'un envoi. L'envoi est souvent adressé au prince ou au roi. À chaque fin de strophe, on retrouve le même vers, appelé refrain.
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Écho, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
François Villon
"Ballade des dames du temps jadis", Le Testament, dans Œuvres complètes de François Villon, texte établi par La Monnoye, mise à jour avec notes et glossaire par Pierre Jannet, éd. Lemerre (1876)
XVe siècle
Ce poème est composé de quatre strophes et la dernière est adressée au "Prince", c'est-à-dire au roi. Il s'agit donc d'une ballade.
Le rondeau
Le rondeau est une forme fixe datant du Moyen Âge. Il est composé de trois strophes d'octosyllabes ou de décasyllabes. Il n'y a que deux rimes dans tout le poème et on y trouve un refrain.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête, ni oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau.
Charles d'Orléans
"Le Temps a laissé son manteau", Rondeaux, dans Poésies complètes, texte établi par Charles d'Héricault, éd. Flammarion (1915)
XVe siècle
Ce poème ne comporte que deux rimes : l'une en "o" et l'autre en "i". Par ailleurs, le vers "le temps a laissé son manteau" se répète dans chacune des strophes, c'est un refrain. Par conséquent, ce poème est un rondeau.
Le sonnet
Le sonnet est un poème de forme fixe qui est constitué de quatorze vers et qui commence par deux quatrains. Souvent, ceux-ci riment selon un schéma de rimes ABBA qui est répété.
Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose ;
La grâce dans sa feuille, et l'amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur ;
Mais battue, ou de pluie, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.
Pierre de Ronsard
Sur la mort de Marie
1578
Ce poème est constitué de quatorze vers, répartis en deux quatrains puis deux tercets. Il s'agit donc d'un sonnet.
Il existe aussi plusieurs catégories de sonnets :
- Le sonnet français s'achève par deux tercets et le schéma de rimes est ABBA ABBA CCD EDE.
- Le sonnet italien s'achève par deux tercets et les rimes suivent le schéma ABBA ABBA CCD EED.
- Le sonnet élisabéthain s'achève sur un troisième quatrain et un distique.
Le calligramme
Le calligramme est une forme poétique dans laquelle la disposition des phrases construit une image en lien avec le sens du poème.
"Tour Eiffel" de Guillaume Apollinaire est un calligramme très célèbre.
© Wikimedia Commons
Le poème en prose
Depuis son apparition au Moyen Âge, la poésie a surtout été versifiée. Mais au XIXe siècle, le dérèglement des normes poétiques (initié avec le mouvement romantique et poursuivi jusqu'aux poètes décadents) aboutit à une acceptation de tous les possibles formels, jusqu'au calligramme.
Ainsi, dans la seconde moitié du XIXe siècle, certains poètes se risquent à écrire en prose. Bien que la mise en page ressemble à celle d'un récit, le texte reste poétique, puisqu'il propose des jeux de sons et d'images au service d'un sens à tiroirs.
Les poètes les plus connus pour leurs poèmes en prose au XIXe siècle sont Aloysius Bertrand et Charles Baudelaire.
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie.
Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté.
À côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :
De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
À travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.
Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.
Charles Baudelaire
"Le Joujou du pauvre", Le Spleen de Paris, in Œuvres complètes, 4e volume, Paris, éd. Michel Lévy
1869 (posthume)
Ce poème oppose les images de l'enfant pauvre et l'enfant riche. Mais tous deux partagent la même attention pour le jouet de l'enfant pauvre. Ils se réunissent dans un sourire identique.
Les fonctions de la poésie
La poésie lyrique
La poésie lyrique est un chant d'expression des sentiments. Elle permet au poète d'exprimer ce qu'il ressent de manière recherchée et esthétique.
Poésie lyrique
La poésie lyrique est un genre de poésie qui développe les sentiments du poète. Elle a pour caractéristiques l'omniprésence du "je" ou du "tu". Les poèmes lyriques ont parfois une dimension autobiographique. Le poète y déplore souvent un objet perdu.
Les Méditations poétiques, recueil de Lamartine, est composé de poèmes lyriques.
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Alphonse de Lamartine
"L'Isolement", Méditations poétiques, Paris, éd. Charles Gosselin, 9e édition (1823)
1820
Dans cet extrait, le poète s'épanche et met en opposition la présence d'une nature majestueuse et vivante avec l'absence de l'être aimé.
La poésie didactique
Poésie didactique
La poésie didactique entend donner un enseignement au lecteur. L'auteur utilise la forme plaisante de la fable pour rendre son message plus percutant. L'enseignement peut être d'ordre moral, scientifique ou esthétique.
Dans ses Fables, Jean de la Fontaine délivre des messages de morale grâce à la transposition dans le monde des animaux.
Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute."
Jean de La Fontaine
"Le Corbeau et le Renard", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
L'issue de cette fable enseigne au lecteur les conséquences que peut avoir la flatterie sur une personne crédule : elle perd son bien, à l'image du Corbeau, qui a laissé son fromage au Renard.
La poésie engagée
Poésie engagée
La poésie se fait engagée quand le poète place un discours argumentatif dans son œuvre. Cet argument peut être soit direct, soit indirect.
Dans Les Tragiques, Agrippa d'Aubigné dénonce l'horreur et la misère que provoquent les guerres de religion en France.
Je veux peindre la France, une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis à force de coups
D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage.
Agrippa d'Aubigné
"Je veux peindre la France", Les Tragiques, éd. établie par Frank Lestringant, Paris, éd. Gallimard, coll. "Poésie" (1995)
1616
Dans cet extrait, le poète compare catholiques et protestants à deux enfants qui se battent et malmènent leur mère, la France. Cette comparaison a pour but de dénoncer l'absurdité du conflit et mettre en avant ses conséquences fâcheuses.
La poésie esthétique
Parfois, la poésie n'a pas d'autre but que celui d'un jeu visuel et auditif. Le poète construit des images, des sonorités, simplement pour l'innovation et la beauté de celles-ci.
Poésie esthétique
La poésie esthétique est une forme de poésie qui privilégie la forme sur le fond. Il s'agit de faire de la poésie un véritable objet d'art.
Les poètes surréalistes ont proposé des œuvres dont la recherche est essentiellement esthétique, au moyen de jeux littéraires, comme le cadavre exquis et l'écriture automatique.
En définitive, la poésie reste proche de la musique. Elle s'adresse plus à la sensibilité qu'à la pure logique. Étudier un poème revient donc plus à l'interpréter qu'à l'expliquer.