Sommaire
IL'intitulé du parcours : « Dans l'atelier du poète »ADéfinition des termes du parcours1« Atelier »2« Poète »BLes enjeux du parcoursIIL'auteurAUne figure originaleBL'incapacité d'exprimer les sentimentsCUn poète engagé pour l'écritureDPrécurseur d'un nouvel art poétiqueIIIPonge et le travail sur la matièreIVL'oeuvreVTextes clefsALe mimosaBLa guêpeCLa Mounine ou Note après coup sur un ciel de ProvenceL'intitulé du parcours : « Dans l'atelier du poète »
L'intitulé du parcours nous invite à nous questionner sur l'organisation du processus de création poétique.
Définition des termes du parcours
Les termes du parcours soulignent l'importance du processus de création chez le poète.
« Atelier »
Le terme « atelier » est lié à l'idée de l'artisanat, de travail manuel.
Le mot « atelier » suggère un endroit où se pratiquent des activités manuelles d'art ou un lieu où s'élabore une œuvre, quelle qu'elle soit. Il s'agit du local professionnel d'un artisan. Dans le cas présent, le mot « atelier » est à envisager comme un lieu où se développe le processus de création des poèmes.
« Poète »
Le terme « poète » est à envisager dans le sens d' « écrivain » qui se consacre à la poésie, en vers ou en prose.
Le mot « poète » désigne le créateur par excellence. Son étymologie (poïen en grec) confère l'idée de « créer, fabriquer ». Le poète est celui qui est capable de transformer la réalité et lui donne vie d'une autre manière. Mais pour créer, le poète doit travailler et retravailler les mots et leur donner un sens nouveau.
Les enjeux du parcours
L'intitulé du parcours suggère que la poésie n'est pas le fruit d'un poète inspiré par les muses ou les dieux, mais bien le fruit d'un artisan qui façonne le langage, qui montre son savoir-faire.
Le parcours « Dans l'atelier du poète » propose au lecteur de découvrir l'intérieur du lieu de création du poète, de comprendre le lent et méticuleux travail de construction d'un poème. Le poète n'est plus ce génie dont le talent lui vient d'une entité supérieure, mais bien un artisan qui travaille et retravaille son œuvre jusqu'à ce qu'elle devienne un chef-d'œuvre.
Véritable avant-gardiste, Francis Ponge rompt avec la poésie traditionnelle. Il dévoile au monde le véritable processus de création poétique : un travail sur la matière des mots et du monde.
L'intitulé du parcours invite donc à se poser diverses questions :
- D'où vient l'inspiration créatrice du poète ?
- Comment le poète évoque-t-il son travail poétique ?
- La création poétique crée-t-elle une nouvelle forme de langage ?
- Comment s'organise le processus de création poétique ?
- Dans quelle mesure passe-t-on de l'inspiration à la création poétique ?
L'auteur
Figure majeure de la poésie du XXe siècle, Francis Ponge naît en 1899 et connaît une carrière poétique de plus de soixante ans. Il est célèbre pour la nouvelle conception de la création poétique qu'il propose.
Une figure originale
Très tôt, Francis Ponge ressent une révolte contre le langage ordinaire et, plus généralement, la communication.
Né dans une famille protestante près de Montpellier, Francis Ponge grandit à Avignon, où il aime passer son temps libre au contact de la nature. À l'âge de dix-sept ans, il ressent déjà une forme de révolte contre le langage ordinaire.
Après les études secondaires, il entreprend des études supérieures à Paris, mais elles sont interrompues en raison d'un double échec à l'oral du concours de l'École normale supérieure et de la licence de philosophie. C'est alors que commence une forme de répulsion pour le langage et la communication en général. Ainsi, à partir de 1920, il commence la rédaction de Douze Petits Écrits, œuvre dans laquelle il propose une écriture hermétique.
L'incapacité d'exprimer les sentiments
À la mort de son père, Francis Ponge se montre incapable d'exprimer ses sentiments.
À la mort de son père en 1923, il se montre incapable d'exprimer ses sentiments. Il plonge dans une véritable crise affective et intellectuelle durant trois années. Pendant cette période, il intègre la Nouvelle Revue française, où il parvient à imposer son style et sa manière de penser.
Un poète engagé pour l'écriture
Francis Ponge est membre du parti communiste. Il est également proche du courant surréaliste.
Après son mariage, il s'engage de 1937 à 1947 au Parti communiste ; ce qui le conduit en 1929 à se rapprocher durant quelque temps des surréalistes « au service de la Révolution ». Quelques années plus tard, Sartre et Camus saluent la publication de son Parti pris des choses (1942) et de Proêmes (1948). Toujours intimement lié au processus de création poétique, il publie en 1952 La Rage de l'expression et propose un art poétique avec Pour un Malherbe cinq ans plus tard.
En 1954, dans Pratique d'écriture ou l'inachèvement perpétuel il explique son rapport aux mots et à la matière : « À partir du moment où l'on considère les mots comme une matière, il est très agréable de s'en occuper. Tout autant que peut l'être pour un peintre de s'occuper des couleurs et des formes. Très plaisant d'en jouer. (…) Par ailleurs, c'est seulement à partir des propriétés particulières de la matière verbale que peuvent être exprimées certaines choses — ou plutôt les choses. (…) S'agissant de rendre le rapport de l'homme au monde, c'est seulement de cette façon qu'on peut espérer réussir à sortir du manège ennuyeux des sentiments, des idées, des théories, etc. »
Précurseur d'un nouvel art poétique
Francis Ponge est le précurseur d'un nouvel art poétique. Son écriture met à l'honneur les choses mais sans tenir compte des significations qu'on leur associe traditionnellement.
En 1960, la revue Tel quel voit en Francis Ponge un véritable précurseur. Il est mis bien régulièrement à l'honneur dans leurs numéros. Mais, devenu gaulliste après 1968, Ponge décide de rompre pour des raisons politiques avec le magazine. Selon lui, le rôle d'un artiste révolutionnaire tient à l'invention de formes nouvelles, sans exclure totalement une forme de fidélité à la tradition.
Son écriture poétique met l'accent sur les choses en les mettant à l'honneur sans tenir compte des idées et des significations qu'on leur associe traditionnellement. Il se libère alors de la convention du vers pour réhabiliter les « choses » méprisées par la société et surtout par la poésie. Il part de l'étymologie du nom de la chose décrite, l'associe à d'autres mots proches et joue sur les mots pour proposer une nouvelle forme poétique.
Francis Ponge éprouve un sentiment particulier pour chaque objet qu'il décrit. Il montre l'expression d'une subjectivité ouverte sur le monde. Selon lui, le poète doit se transférer aux choses, qui lui proposent un million de qualités inédites à s'approprier, autant que de nouveaux sentiments à éprouver.
Ponge et le travail sur la matière
Francis Ponge remet en cause les formes poétiques traditionnelles. Il préfère la prose qu'il considère plus à même de s'adapter aux particularités des choses. Pour Ponge, le manuscrit, où l'on peut voir les versions successives du poème, est le symbole du travail acharné du poète.
Francis Ponge est le précurseur d'une nouvelle forme de travail sur les mots et sur le monde, qui remet en cause les formes poétiques traditionnelles. Cependant, il ne souhaite pas rompre totalement avec la poésie classique et se réclame aussi bien d'Horace, de La Fontaine, de Rimbaud, de Stravinsky ou encore de Picasso. Il recherche avant tout la clarté des mots, la mise en valeur du mot juste pour décrire l'objet, pour le dévoiler au monde. Pour cela, il privilégie la prose poétique, plus à même, selon lui, de s'adapter à la diversité des choses et à leur particularité.
Le poème devient alors une quête sur lui-même, un objet ou un « objeu » en perpétuelle évolution, une œuvre ouverte que le poète travaille dans son atelier. Le manuscrit reste un objet précieux pour Ponge, car il lui permet de voir les versions successives de son travail corrigé minutieusement pour arriver à une version achevée. On perçoit donc une rigueur toute particulière dans l'écriture pongienne, qui symbolise le travail acharné de l'artiste dans son atelier.
L'oeuvre
La Rage de l'expression, publiée en 1952, cherche à exprimer la rage contre les dictatures européennes de l'époque. Le lecteur pénètre dans l'atelier du poète et découvre son travail sur le langage.
Publié en 1952, La Rage de l'expression se présente comme une sorte de manifeste qui cherche à exprimer, par le biais de l'écriture, la rage contre les dictatures qui sévissaient alors en Europe. Il s'agit pour le poète d'écrire contre quelque chose, de remettre en cause ce qui a été dit avant, notamment les représentations traditionnelles du monde.
Francis Ponge propose alors sept poèmes hybrides, qui ressemblent à des exercices de style, de recherche du mot juste au service de la description littéraire. Il fait pénétrer le lecteur dans son atelier pour suivre l'évolution de ses expérimentations. Il en ressort une nouvelle forme poétique : la forme même des poèmes mêle les définitions du Littré et la versification.
Les titres de chacune de ses compositions font référence à la nature : la faune (« La guêpe », « Notes prises pour un oiseau »), la flore (« L'œillet », « Le mimosa” », « Le carnet du bois de pins ») ainsi qu'à des lieux que Ponge a particulièrement aimés (« Berges de la Loire », « La Mounine ou Note après coup sous un ciel de Provence »).
C'est donc une poésie scientifique que Francis Ponge fait découvrir au lecteur. Cependant, ce n'est pas le sujet choisi qui rend sa poésie scientifique, mais bien la méthode qu'il opère dans chacun de ses poèmes et le travail sur le langage qu'il propose.
Textes clefs
Le mimosa
Sur fond d'azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.
Mais ce n'est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire…
Un caractère d'une naïve gloriole, vite découragé.
Chaque grain n'est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l'on veut, étoilé au maximum.
Les feuilles ont l'air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d'elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d'autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il y a quelque chose actuellement vulgaire dans l'idée du mimosa ; c'est une fleur qui vient d'être vulgarisée.
… Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.
*
Je ne choisis pas les sujets les plus faciles - voilà pourquoi je choisis le mimosa. Comme c'est un sujet très difficile il faut donc que j'ouvre un cahier.
Tout d'abord, il faut noter que le mimosa ne m'inspire pas du tout. Seulement, j'ai une idée de lui au fond de moi qu'il faut que j'en sorte parce que je veux en tirer profit. Comment se fait-il que le mimosa ne m'inspire pas du tout - alors qu'il a été l'une de mes adorations, de mes prédilections enfantines ? Beaucoup plus que n'importe quelle autre fleur, il me donnait de l'émotion. Seul de toutes il me passionnait. Je doute si ce ne serait pas par le mimosa qu'a été éveillée ma sensualité, si elle ne s'est pas éveillée aux soleils du mimosa.
Emploi de modalisateurs et de jugements de valeur
Différentes mentions du mimosa
Comparaisons entre le mimosa et un comédien
Jeu de mots sur le mot « mimosa »
Lyrisme poétique lié à la description du mimosa
Mouvements du texte :
• Premier mouvement : Première partie du poème, la description du mimosa
• Deuxième mouvement : Deuxième partie du poème, raisons du choix du mimosa comme sujet du poème
L'essentiel à retenir du texte :
• La métaphore filée du comédien : Tout au long de la première partie du poème, le mimosa est personnifié . Il semble prendre vie sous les traits d'un comédien. En effet, il devient le nouveau « Pierrot »d'une comédie italienne qui brille par sa présence et sa couleur rayonnante. Le mimosa, comme un comédien, sait jouer la comédie.
• La description du mimosa : Pour la description du mimosa, Ponge a recours à de nombreux modalisateurs et des jugements de valeurs. Ainsi, il utilise des tournures négatives pour décrire d'abord ce que n'est pas le mimosa pour lui donner ensuite une plus grande prestance.
• Le choix du mimosa pour le poème : Francis Ponge explique qu'il a choisi le mimosa comme sujet de son poème car c'est l'un des sujets les plus difficiles à traiter. L'artiste fait pénétrer le lecteur dans son atelier pour qu'il suive la progression de l'écriture même du poème.
La guêpe
Toujours fourrée dans la nectarothèque: tête vibrante, pompant avec ferveur, et coups de reins.
Sorte de seringue à ingurgiter le nectar.
*
D'abord le brasier.
Que la guêpe sorte de terre, et si frémissante, si dangereuse, cela n'est pas indifférent à l'homme, parce qu'il reconnaît là la perfection de ce qu'il tente ailleurs par ses grands garages, ses aérodromes.
Il y a là comme un brasier dont les étincelles jaillissent loin, avec des trajectoires imprévues.
Elles s'envolent de leurs aéroports souterrains… Offensives, offensantes…
Le mot dynamo.
Elles bondissent parfois comme si elles ne pouvaient maîtriser leur moteur.
…D'abord le brasier pétillant, crépitant, puis les vols s'accomplissent, vols de durée, avec offensives brusquées de temps à autre, plongées silencieuses dans les pulpes, où la guêpe accomplit son devoir – c'est-à-dire son crime.
*
L'essaim de mots justes, ou guêpier.
Halte!… Ce fâcheux pétillement du sillon n'est-ce la sédition d'une secte de graines, passionnées contre le semeur? – Oui, leur forcènerie d'abord les ramène à son tablier.
Non! Arrière! Il y a là comme un brasier, dont les étincelles jaillissent loin, avec des trajectoires imprévues… J'y vois la perfection de ce qu'on tente ailleurs par ces grands garages, ces aérodromes. Mais voyons mieux.
Aïe! O naturelle ferveur ailée! C'est ton peuple assemblé qui crépite, en la préparation d'une émeute offensive. Oui, dardez-moi… Mais voilà leur animosité déjà qui se dissipe en randonnées furieuses…
Termes scientifiques
Répétition de la même phrase
Phrases exclamatives
Champ lexical du danger
Question rhétorique
Mouvements du texte :
• Premier mouvement : Deux premiers paragraphes, description scientifique de la guêpe
• Deuxième mouvement : Dernier paragraphe, la dangerosité liée à la guêpe
L'essentiel à retenir du texte :
• Une description scientifique : Francis Ponge fait une description quasi encyclopédique de la guêpe, en la décrivant de manière totalement neutre et en usant d'un vocabulaire scientifique. On assiste à une nouvelle forme de poésie, une poésie scientifique qui permet au lecteur de mieux comprendre la suite du poème.
• Le guêpier, objet de tous les dangers : Le poème présente les guêpes comme des volatiles dangereux pour les hommes, puisqu'elles n'hésitent pas à les attaquer à peine sorties de leur nid. Cependant, Ponge réhabilite l'image traditionnelle de la guêpe en l'associant à l'image de la perfection.
• La recherche du mot juste : Le poème s'apparente ici à un exercice de style. En effet, Ponge joue sur certains mots et leurs dérivés (« offensive, offensantes »), et joue de même sur cette recherche de mots qui apparaissent à lui comme un « essaim ».
La Mounine ou Note après coup sur un ciel de Provence
Ce jour bleu de cendres-là vaut nuit
Son ombre à son éclat tient toute estompée
Il luit de jour sur la Provence
un azur à mine de plomb
Des cendres au lieu de gouttes y sont disséminées
Au lieu d'une vapeur imperceptible une imperceptible
fumée
(mais stable, sans mouvement)
Des réseaux très fins de ténèbres y sont tendus
[…]
Quel poulpe reculant dans le ciel de Provence a provoqué ce tragique encrage de la situation ? Mais non ! Il s'agit d'un gaz lourd et non d'un liquide. Quelque chose comme le résultat de l'explosion en vase clos d'un million de pétales de violettes bleues.
Il y a comme des cendres éparses dans l'azur, et aussi une
odeur comparable à la poudre.
[…]
Il y avait comme une dissémination de cendres dans l'azur, et je ne suis pas sûr que l'odeur n'en fût pas comparable à celle de la poudre.
L'on éprouvait comme une congestion de l'azur. Les maisons les tempes serrées tenaient closes leurs paupières. Les arbres avaient l'air atteints de maux de tête : ils évitaient de bouger la moindre feuille.
Champ lexical de la mort
Personnification de la nature
Répétition du terme “cendres” lié à l'incendie
Les maisons sont comparées à des êtres humains
Hyperbole
Mouvements du texte :
• Premier mouvement : Du vers 1 à 9, la description d'un monde ténébreux
• Deuxième mouvement : Du vers 10 à 19, la recherche du mot juste pour faire part de son expérience
L'essentiel à retenir du texte :
• Une impression tragique : Le titre du poème fait référence au ciel provençal. Le lecteur s'attend à découvrir un poème lumineux, très coloré. Or, il n'en est rien puisqu'on est loin d'une matinée printanière. Au contraire, le poème transmet une impression tragique voire funèbre. Il y a une atmosphère violente liée à l'image de la cendre qui se dégage tout au long du texte.
• Focalisation sur l'azur méditerranéen : Le poète semble hanté par une couleur en particulier, l'azur. En effet, le mot apparaît à de nombreuses reprises dans le poème. Cependant, Ponge rend sombre cette couleur traditionnellement claire, comme si elle devenait tout d'un coup inquiétante, à l'image d'un gaz irrespirable.
• La place du poète : Le poète décrit ce paysage inquiétant, la violence d'une nuit en plein jour. Il donne l'impression d'écrire son texte en même temps qu'il observe la scène, pour être le plus précis possible. C'est la raison pour laquelle il emploie de nombreux modalisateurs et passe par diverses comparaisons. Il est ainsi à la recherche du mot juste pour exprimer ce qu'il voit et ce qu'il ressent face à ce paysage.