Sommaire
ILes caractéristiques formelles de la poésieALa mise en page1Le vers2La stropheBLa musicalité1Les accents2La rime3Les sonorités4Le rythmeCLes formes fixes1La ballade2Le rondeau3Le sonnet4Le calligrammeIIL'histoire et les fonctions de la poésieAL'histoire littéraire de la poésie1Les origines de la poésie2La Pléiade et la formation des arts poétiques3La libération du versBLes fonctions de la poésie1La poésie lyrique2La poésie engagée et la poésie didactique3La poésie esthétiqueLes caractéristiques formelles de la poésie
La mise en page
Le vers
La forme versifiée se compose de vers.
Vers
Le vers est une unité de sens écrite sur une seule ligne et dont le nombre de syllabes est déterminé.
Pour déterminer le vers utilisé (ou mètre), on compte le nombre de syllabes sur la ligne.
En français, le vers est déterminé en fonction du nombre de syllabes (chacune composée d'un son voyelle et d'au moins un son consonne) tandis que le vers anglais et le vers latin se comptent en nombre de pieds (association de sons courts et de sons longs)
Le premier vers du "Pont Mirabeau" de Guillaume Apollinaire est un vers de 10 syllabes, c'est-à-dire 10 associations d'un ou deux sons consonnes avec un son voyelle.
Il existe différents types de vers réguliers (c'est-à-dire qui se répètent tout au long du poème). La plupart contiennent un nombre pair de syllabes :
- L'hexasyllabes contient 6 syllabes.
- L'octosyllabe contient 8 syllabes.
- Le décasyllabe contient 10 syllabes.
- L'alexandrin (parfois aussi appelé dodécasyllabe) contient 12 syllabes.
Pour dissocier les syllabes dans un vers, il faut prendre en compte la position des "e" :
- Le "e" en fin de vers ne compte pas. La consonne qui le précède va avec la syllabe précédente.
- Le "e" en fin de mot et suivi d'un mot qui commence par une voyelle ne compte pas non plus. La consonne qui le précède emporte avec elle la voyelle du début du mot suivant pour former une seule syllabe.
- Le "e" en fin de mot mais suivi d'un mot qui commence par une consonne compte. Ce "e" est compté avec la consonne qui le précède.
Le premier vers du poème "Le Cimetière marin" de Paul Valéry est : "Ce toit tranquille, où marchent des colombes". Ce vers mesure 10 syllabes, il s'agit donc d'un décasyllabe.
Le "e" en fin de "tranquille" disparaît et les "ll" absorbent dans la même syllabe le "où". De plus, le "e" de "colombes" ne compte pas, si bien que le "b" appartient à la même syllabe que "lom" qui le précède.
Par ailleurs, afin d'obtenir des vers réguliers ou donner un effet particulier au vers, le poète peut décider de jouer sur la longueur des sons voyelles composés de deux voyelles et que l'on nomme les diphtongues.
Diérèse
La diérèse sert à distinguer deux voyelles qui se suivent et en faire deux syllabes ([ia] devient [i]-[a]).
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Guillaume Apollinaire
"Le Pont Mirabeau", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
Pour obtenir un nombre de syllabes pair, le vers 2 oblige à séparer [io] dans "violente" en 2 syllabes distinctes. À la lecture, il faut insister sur ce mot.
Synérèse
La synérèse, à l'inverse, sert à considérer que deux voyelles qui se suivent forment une seule syllabe.
La Cigogne au long bec n'en put attraper miette.
Jean de La Fontaine
"Le Renard et la Cigogne", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
La synérèse, en plus de rétablir un nombre pair de syllabes, permet de réduire le temps de lecture du mot "miette", ce qui ajoute à l'idée de petite quantité.
La strophe
Parfois, la mise en page du poème sépare les vers en groupes, en laissant des espaces blancs entre certains d'entre eux.
Strophe
La strophe est un groupe de vers placés entre deux espaces blancs.
"Demain, dès l'aube" de Victor Hugo se compose de trois strophes, chacune comportant quatre vers.
Il existe différents types de strophes, en fonction du nombre de vers qu'elles comportent :
- Le distique est composé de 2 vers.
- Le tercet est composé de 3 vers.
- Le quatrain est composé de 4 vers.
- Le sizain est composé de 6 vers.
- Le dizain est composé de 10 vers.
La musicalité
Les accents
On peut souvent séparer le vers en deux parties distinctes. La dernière syllabe de la première partie est alors accentuée (on insiste dessus lors de la lecture).
Césure
La césure vient du latin "caesura" qui signifie "cassure". C'est la coupe principale d'un vers et se place toujours après une syllabe accentuée, elle est suivie d'une courte pause et permet de rythmer la lecture du vers. Les règles de la poésie classique placent la césure au milieu de l'alexandrin, le séparant en deux hémistiches de même longueur mais la césure n'est pas toujours placée au centre du vers.
Notre vie tu l'as fait // elle est ensevelie
Paul Éluard
"Notre vie", Œuvres complètes, tome 2 : 1945-1952, Paris, éd. Gallimard (1968)
1947
La césure se trouve sur "fait", si bien qu'il faut insister sur ce mot lors de la lecture et le mettre en valeur.
Accent flottant
L'accent flottant (en gras) est l'accent qui se trouve sur la dernière syllabe prononcée.
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
Guillaume Apollinaire
"Zone", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
L'accent flottant se trouve sur la dernière syllabe, "ciennes". Cet accent fait insister sur le mot "anciennes" à la lecture et le met en valeur.
La rime
Traditionnellement les fins de vers fonctionnent deux par deux en se terminant par le même son. On appelle cela des rimes.
Rime
La rime est la répétition d'un même son en fin de vers.
Si ces deux mots sont placés tous les deux en fin de vers, "vent" et "temps" ont une rime en "en".
L'usage classique voulait que le poème alterne les rimes féminines (qui s'achèvent par un "e") et les rimes masculines (les autres rimes).
On peut déterminer la richesse d'une rime en fonction du nombre de sons répétés :
- Une rime pauvre est une rime dans laquelle les deux fins de vers n'ont qu'un seul son en commun.
- Une rime suffisante est une rime dans laquelle les deux fins de vers ont deux sons en commun.
- Une rime riche est une rime dans laquelle les deux fins de vers ont trois sons ou plus en commun.
- "Vent" et "temps" ont ensemble une rime pauvre (le son "en").
- "Cheval" et "fatal" forment une rime suffisante (les sons "a" et "l").
- "Effilé" et "défilé" forment une rime riche (les sons "é", "f", "i", "l" et "é").
On peut également observer l'alternance des rimes. Il en existe trois types :
- Les rimes suivies (ou plates) se succèdent directement. Elles suivent le schéma suivant : AABB.
- Les rimes croisées (ou alternées) alternent l'une après l'autre. Elles suivent le schéma suivant : ABAB.
- Les rimes embrassées font en sorte qu'une première rime soit placée avant et après une autre rime. Elles suivent le schéma suivant : ABBA.
Jeune et vaillant héros, dont la haute sagesse
N'est point le fruit tardif d'une lente vieillesse,
Et qui seul, sans ministre, à l'exemple des dieux,
Soutiens tout par toi-même, et vois tout par tes yeux
Boileau
"Épître au roi", dans Satires, Epîtres, Art poétique, édition de Jean-Pierre Collinet, éd. Gallimard, coll. "Poésie/Gallimard" n°195 (1985)
1670-1698
Dans cette strophe, les rimes en "esse" se succèdent puis ce sont les rimes en "yeu". Ces rimes sont suivies.
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picots par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Arthur Rimbaud
"Sensation", Poésies, Paris, éd. Léon Vanier
1895
Dans cette strophe, les rimes en "ié" et les rimes en "nu" alternent. Ce sont des rimes croisées (ou alternées).
Les sonorités
Outre la rime, le poème peut faire résonner d'autres sons entre les vers.
L'assonance est la répétition d'un même son voyelle à l'intérieur des vers.
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
Paul Verlaine
"Mon rêve familier", Poèmes saturniens, Paris, éd. Alphonse Lemerre
1866
La répétition des sons "é" et "en" à l'intérieur du vers provoque une sorte d'écho, comme une réminiscence du rêve du poète.
L'allitération est la répétition d'un son consonne à l'intérieur du vers.
Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupir d'harmonica qui pourrait délirer ;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
Arthur Rimbaud
"Les Chercheuses de poux", Poésies, Paris, éd. Léon Vanier
1895
La répétition du son "s" à l'intérieur de ces vers est une allitération.
Souvent, ces résonances sonores imitent ce qui est évoqué. On nomme cela l'harmonie imitative.
L'allitération du son "l" dans "Le Pont Mirabeau" de Guillaume Apollinaire imite le bruit de l'eau qui coule (la Seine).
Le rythme
Souvent, la longueur des phrases ou des groupes de mots de la phrase ne coïncide pas avec la fin des vers.
L'enjambement est la continuation d'un groupe de mots d'un premier vers sur le vers suivant.
Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé
Charles Baudelaire
"Le Flacon", Les Fleurs du Mal, Alençon, éd. Poulet-Malassis et de Broise
1857
Les expansions du pronom "m'" présent dans le premier vers se trouvent sur le second vers, il y a donc un enjambement : la phrase se prolonge sur un deuxième vers.
Il existe également deux cas particuliers d'enjambements : le rejet et le contre-rejet.
Un rejet est la continuation brève d'un groupe de mots au début du vers suivant.
Et dès lors je me suis baigné dans le Poème
De la mer, infusé d'astres, et lactescent
Arthur Rimbaud
"Le Bateau ivre", Poésies, Paris, éd. Léon Vanier
1895
"De la mer" complète "poème" et se trouve en début du vers suivant : comme cet enjambement ne se situe qu'au début du vers (avant la césure), il s'agit d'un rejet.
Un contre-rejet est l'inverse du rejet. Un bref groupe de mots termine un vers, il est associé à un groupe de mots du vers suivant.
Après quelques moments, l'appétit vint : l'Oiseau,
S'approchant du bord, vit sur l'eau
Jean de La Fontaine
"Le Héron", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry (1668-1694)
1678
"L'Oiseau" est le référent du participe présent "s'approchant" mais se trouve en toute fin du vers précédent. Il s'agit donc d'un contre-rejet.
Les formes fixes
La ballade
La ballade est un poème à forme fixe datant du Moyen Âge. Elle est composée de trois strophes suivies d'un envoi, souvent adressé au prince ou au roi. À chaque fin de strophe, on retrouve le même vers, appelé refrain.
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
François Villon
"Ballade des Dames du temps jadis", Le Testament, dans Œuvres complètes de François Villon, texte établi par La Monnoye, mise à jour avec notes et glossaire par Pierre Jannet, éd. Lemerre (1876)
1461
Ce poème est composé de trois strophes de huit vers et la dernière est un envoi de quatre vers adressé au "Prince", c'est-à-dire au roi. Il s'agit donc d'une ballade.
Le rondeau
Le rondeau est une forme fixe datant du Moyen Âge. Il est composé de trois strophes d'octosyllabes ou de décasyllabes. Il n'y a que deux rimes dans tout le poème et on y trouve un refrain.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Charles d'Orléans
"Le Printemps", Poésies complètes, texte établi par Charles d'Héricault, éd. Flammarion (1915)
XVe siècle
Ce poème ne comporte que deux rimes : l'une en "o" et l'autre en "i". Par ailleurs les vers 1 et 2 sont répétés dans chacune des strophes, c'est un refrain. Par conséquent, ce poème est un rondeau.
Le sonnet
Le sonnet est un poème de forme fixe qui est constitué de 14 vers et qui commence par deux quatrains. Souvent, ceux-ci riment selon un schéma de rimes ABBA qui est répété.
Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose ;
La grâce dans sa feuille, et l'amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur ;
Mais battue, ou de pluie, ou d'excessive ardeur,
Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t'a tuée, et cendres tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.
Pierre de Ronsard
Sur la mort de Marie
1578
Ce poème est constitué de quatorze vers, répartis en deux quatrains puis deux tercets. Il s'agit donc d'un sonnet.
Il existe aussi plusieurs catégories de sonnets :
- Le sonnet français s'achève par deux tercets qui suivent le schéma de rimes CCD EDE.
- Le sonnet italien s'achève par deux tercets dont les rimes suivent le schéma CCD DEE.
- Le sonnet élisabéthain s'achève sur un troisième quatrain et un distique.
Le calligramme
Le calligramme est une forme poétique dans laquelle la disposition des phrases construit une image en lien avec le sens du poème.
"Tour Eiffel" de Guillaume Apollinaire est un calligramme très célèbre.
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L'histoire et les fonctions de la poésie
L'histoire littéraire de la poésie
Les origines de la poésie
Aux origines, la poésie est un chant essentiellement religieux. Dans la Grèce antique, cette poésie est souvent chantée et dansée.
Dieu suprême, qui tiens les rênes du tonnerre, ce coursier infatigable, ô Zeus, les Saisons que tu gouvernes m'envoient, au son de la phorminx, pour me porter témoin des victoires les plus sublimes. Ah ! Fils de Cronos, maître de l'Etna, reçois en faveur des Charites, ce cortège olympionique.
Pindare
Olympiques, Paris, éd. Les Belles Lettres (1931)
Ve siècle av. J.-C.
Ce poème est une louange adressée à Zeus.
Les poètes respectent certains codes :
- L'utilisation d'un style épique, qui narre les aventures de personnages exceptionnels
- Une poésie très musicale et bien réglée
L'Odyssée d'Homère (VIIIe siècle avant J.-C.) est considéré comme le premier poème. Il était chanté.
Dans la Rome antique, la poésie est souvent un loisir réservé à des citoyens fortunés. Les poètes se consacrent moins aux dieux qu’à chanter l'amour ou la paix.
La Pléiade et la formation des arts poétiques
Au Moyen Âge, la poésie est récitée par les troubadours. Elle est adressée au roi ou bien à la femme aimée.
Or, quelques jeunes poètes de la Renaissance souhaitent en finir avec cette manière rabattue de composer. Ces jeunes auteurs innovants se regroupent autour de Pierre de Ronsard, qui donne le nom de Pléiade à son école poétique. Les formes moyenâgeuses sont abandonnées, au profit d'autres formes, comme le sonnet. Par ailleurs, ce groupe de poètes déplore la pauvreté de la poésie française et part à la recherche de mots nouveaux, mais aussi d'images innovantes. Pour cela, ces poètes décident de s'inspirer des auteurs antiques tout en les dépassant.
La formation des arts poétiques par la Pléiade suit quelques principes précis :
- L'élargissement de la diffusion de la poésie grâce à l'usage du français.
- L'utilisation de formes fixes comme le rondeau ou la ballade.
Joachim Du Bellay, dans Défense et illustration de la langue française (1549), défend l'usage de la langue vulgaire française en poésie, à la place du latin.
Je n'estime pourtant [pas] notre vulgaire, tel qu'il est maintenant, être si vil et abject, comme le font ces ambitieux admirateurs des langues grecque et latine. [...] Et qui voudra de bien près y regarder, trouvera que notre langue française n'est [pas] si pauvre qu'elle ne puisse rendre fidèlement ce qu'elle emprunte des autres.
Joachim Du Bellay
La Deffence, et illustration de la langue françoyse, Paris, éd. Francis Goyet et Olivier Millet, Champion (2003)
1549
Dans cet extrait, Du Bellay affirme sa préférence pour la langue française.
Leur influence se ressent dans toute l'histoire de la poésie.
La libération du vers
Du XVIe au XIXe siècle, la poésie évolue essentiellement dans les sujets traités et les images proposées. Les règles classiques héritées de la Pléiade restent globalement suivies.
Mais à la fin du XIXe siècle, un souffle nouveau semble relancer l'innovation poétique.
La versification classique, déjà bousculée par les alexandrins ternaires de Victor Hugo, l'est encore davantage avec de nouveaux auteurs qui remettent en question ses usages :
- Certains poètes comme Paul Verlaine proposent des vers de métrique impaire (par exemple de 13 syllabes).
- D'autres, comme Arthur Rimbaud, jouent avec le rythme au point que le vers se fasse chaotique, irrégulier.
- D'autres encore remettent en question la forme du vers. On se met, comme Aloysius Bertrand ou Charles Baudelaire, à écrire des poèmes en prose.
- Enfin, certains, à l'image de Paul Claudel, en reviennent à la forme biblique du verset.
Cette libération des vers revendique :
- Une poésie nouvelle, marquée par le sceau de la modernité (de nouveaux thèmes apparaissent, comme celui de la ville).
- Une plus grande liberté poétique, qui attire le lecteur vers la sonorité du mot et non plus vers la régularité des vers.
Dans Alcools (1913), recueil de Guillaume Apollinaire, le poète ne respecte pas la prosodie classique. Il ne respecte même pas la grammaire puisque tout le recueil est dénué de ponctuation.
À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l'Antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Guillaume Apollinaire
"Zone", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
L'absence de ponctuation déroute le lecteur du poème. Il est contraint de faire des choix grammaticaux, de reconstruire la logique du discours. Il intervient donc dans la construction du poème.
Les fonctions de la poésie
La poésie lyrique
La poésie lyrique est un chant d'expression des sentiments. Elle permet au poète d'exprimer ce qu'il ressent de manière recherchée et esthétique.
Poésie lyrique
La poésie lyrique est un genre de poésie qui développe les sentiments du poète. Elle a pour caractéristique l'omniprésence du "je" ou du "tu". Les poèmes lyriques ont parfois une dimension autobiographique. Le poète y déplore souvent un objet perdu.
Les Méditations poétiques, recueil de Lamartine, est composé de poèmes lyriques.
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Alphonse de Lamartine
"L'Isolement", Méditations poétiques, Paris, éd. Charles Gosselin, 9e édition (1823)
1820
Dans cet extrait, le poète s'épanche et met en opposition la présence d'une nature majestueuse et vivante avec l'absence de l'être aimé.
La poésie engagée et la poésie didactique
Poésie engagée
La poésie se fait engagée quand le poète place un discours argumentatif dans son œuvre. Cet argument peut être soit direct, soit indirect.
Dans Les Tragiques, Agrippa d'Aubigné dénonce l'horreur et la misère que provoquent les guerres de religion en France.
Je veux peindre la France, une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis à force de coups
D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage.
Théodore Agrippa d'Aubigné
"Je veux peindre la France", Les Tragiques, éd. établie par Frank Lestringant, Paris, éd. Gallimard, coll. "Poésie" (1995)
1616
Dans cet extrait, le poète compare les catholiques et les protestants à deux enfants qui se battent et malmènent leur mère, la France. Cette comparaison a pour but de dénoncer l'absurdité du conflit et mettre en avant ses conséquences fâcheuses.
Poésie didactique
La poésie didactique entend donner un enseignement au lecteur. L'auteur utilise la forme plaisante de la forme pour rendre son message plus percutant. L'enseignement peut être d'ordre moral, scientifique ou esthétique.
Dans ses Fables, Jean de la Fontaine délivre des messages de morale grâce à la transposition dans le monde des animaux.
Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute."
Jean de La Fontaine
"Le Corbeau et le Renard", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
L'issue de cette fable enseigne au lecteur les conséquences que peut avoir la flatterie sur une personne crédule : elle perd son bien, à l'image du Corbeau, qui a laissé son fromage au Renard.
La poésie esthétique
Parfois, la poésie n'a pas d'autre but que celui d'un jeu visuel et auditif. Le poète construit des images, des sonorités simplement pour l'innovation et la beauté de celles-ci.
Poésie esthétique
La poésie esthétique est une forme de poésie qui privilégie la forme sur le fond. Il s'agit de faire de la poésie un véritable objet d'art.
Les poètes surréalistes ont proposé des œuvres dont la recherche est essentiellement esthétique, au moyen de jeux littéraires, comme le cadavre exquis et l'écriture automatique.
En définitive, la poésie reste proche de la musique. Elle s'adresse plus à la sensibilité qu'à la pure logique. Étudier un poème revient donc plus à l'interpréter qu'à l'expliquer.