Sommaire
ILa fiction et le réelALa fictionBLe réelIILes catégories et les genres des œuvresALes catégoriesBLes genres littéraires des œuvres1Le roman2La nouvelleIIILes œuvres réalistesADéfinition du réalismeBLes caractéristiques des œuvres réalistesIVLes œuvres fantastiquesADéfinition du fantastiqueBCaractéristiques du fantastiqueÀ partir de la seconde moitié du XIXe siècle, beaucoup d'écrivains refusent d'embellir ou de falsifier la réalité. Deux mouvements littéraires apparaissent : le réalisme et le naturalisme. Les auteurs du réalisme se donnent pour objectif de peindre la France de leur époque, de raconter la vie des bourgeois, des ouvriers, des paysans, d'évoquer aussi l'évolution de la société. Les œuvres réalistes proposent une description précise de la réalité et une intrigue simple qui peut conduire à une fin surprenante appelée « chute ». Les œuvres naturalistes prolongent et approfondissent le travail entrepris par les écrivains réalistes. En parallèle, d'autres auteurs préfèrent écrire des nouvelles fantastiques qui cherchent à troubler le lecteur en utilisant des phénomènes surnaturels. Ils choisissent d'échapper à la réalité. L'action se déroule souvent la nuit, dans des châteaux abandonnés, dans des lieux inquiétants avec des personnages étranges comme des fantômes ou des apparitions.
Dans quelle mesure la fiction donne-t-elle à voir le réel ? La fiction peut-elle détourner le réel de sa fonction première, à savoir montrer la réalité, pour rendre compte d'un univers fictif, irréel voire fantastique ?
La fiction et le réel
La fiction se situe du côté de l'invention, de l'imagination, de tout ce qui est faux, de tout ce qui ne peut pas réellement exister. Par opposition, le réel renvoie à ce qui correspond à la réalité, c'est-à-dire à ce qui est vrai.
La fiction
La fiction est un fait imaginaire et inventé qui relève de l'imagination. C'est un fait qui n'est pas vrai.
À l'origine, le mot « fiction » signifie « façonner, pétrir, représenter quelque chose pour quelqu'un, imaginer quelque chose pour quelqu'un ». Son sens évolue ensuite pour signifier « faussement ». La fiction est donc un fait imaginé et inventé. Elle relève de l'invention et de l'imagination.
En littérature, la fiction renvoie à toutes les œuvres littéraires écrites qui se basent sur l'imagination, sur l'invention. On parle alors de « livre de fiction » qui peut renvoyer à un roman, à une nouvelle, à un conte.
Les mots de la même famille sont :
- l'adjectif « fictif », qui signifie « créé par l'imagination » ;
- l'adverbe « fictivement », qui signifie « de manière fictive ».
Le réel
Le réel désigne ce qui est et ce qui existe en vrai.
Le mot « réel » s'oppose à tout ce qui est imaginaire, à tout ce qui est inventé.
Le mot « réel » est grammaticalement un adjectif même s'il est souvent employé comme un nom. Le mot « réel » correspond au nom « réalité ». Le nom « réalité » désigne tout ce qui est réel, tout ce qui existe vraiment. La réalité s'oppose à tout ce qui est inventé, imaginaire.
« Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et la porta à sa Marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille la pourrait faire aller au Bal. Sa Marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. »
Charles Perrault
« Cendrillon », Histoires ou Contes du temps passé
1697
Le carrosse qui conduit Cendrillon au bal est inventé par sa Marraine, la fée. Cette dernière a transformé la citrouille en carrosse. Ce carrosse est inventé, imaginaire, il ne peut pas exister dans la réalité.
Les catégories et les genres des œuvres
On distingue différentes sortes d'œuvres, en les classant par catégories, et différents genres littéraires qui renvoient à leurs propres particularités d'écriture.
Les catégories
Il existe trois catégories d'œuvres, des œuvres de fiction reposant sur des éléments imaginaires, des fictions dites réalistes et des œuvres qui ne sont pas fictionnelles.
Les œuvres de fiction reposent exclusivement sur des éléments imaginaires et inventés.
« Ensuite elle [la Marraine de Cendrillon] alla regarder dans sa souricière, où elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle lui donnait un coup de sa baguette, et la souris était aussitôt changée en un beau cheval ; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d'un beau gris de souris pommelé. »
Charles Perrault
« Cendrillon », Histoires ou Contes du temps passé
1697
La Marraine de Cendrillon poursuit la construction du carrosse. Elle fabrique les chevaux en transformant des souris. C'est un fait totalement imaginaire et inventé qui relève de ses pouvoirs magiques.
Les œuvres de fiction réalistes reposent sur une description réaliste des lieux, sur des portraits réalistes des personnages, sur une époque fidèle à l'histoire.
Denise quitte la province avec Jean et Pépé, ses deux frères, car leurs parents sont morts. Denise va travailler chez son oncle à Paris. À son arrivée, elle découvre avec beaucoup de surprise le Bonheur des Dames, un grand magasin parisien. Les trois provinciaux sont totalement ébahis par ce qu'ils découvrent à Paris et, plus particulièrement, par les vitrines de ce grand magasin.
« L'oncle Baudu était oublié. Pépé lui-même, qui ne lâchait pas la main de sa sœur, ouvrait des yeux énormes. Une voiture les força tous trois à quitter le milieu de la place ; et, machinalement, ils prirent la rue Neuve-Saint-Augustin, ils suivirent les vitrines, s'arrêtant de nouveau devant chaque étalage. D'abord, ils furent séduits par un arrangement compliqué : en haut, des parapluies, posés obliquement, semblaient mettre un toit de cabane rustique ; dessous, des bas de soie, pendus à des tringles, montraient des profils arrondis de mollets, les uns semés de bouquets de roses, les autres de toutes nuances, les noirs à jour, les rouges à coins brodés, les chairs dont le grain satiné avant la douceur d'une peau blonde ; […] »
Émile Zola
Au Bonheur des Dames
1882
Les personnages sont surpris par tout ce qu'ils découvrent. Et Zola donne à lire une description très précise de tous les éléments observés dans la vitrine : les parapluies et leur mode de rangement ; les différents types de bas et leurs couleurs. En montrant la vitrine d'un tel magasin, Zola réfère directement à l'époque de son temps avec le développement des grands commerces.
Les œuvres non fictionnelles concernent directement la vie réelle de l'auteur. Ce sont des œuvres dites autobiographiques.
L'Âge d'homme est l'autobiographie de Michel Leiris, qu'il rédige à la moitié de sa vie. Il propose dans ces lignes un autoportrait sans concession.
« Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de ma vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés courts afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. […] Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées […]. »
Michel Leiris
L'Âge d'homme
© Gallimard, 1939
Michel Leiris emploie le pronom personnel « je » pour faire son propre portait. Il s'observe avec lucidité, avec froideur, et n'hésite pas à relever les détails négatifs (« fâcheuse tendance », « maigres », « assez velues »).
Les genres littéraires des œuvres
Les genres permettent de classer les œuvres littéraires selon leurs différentes particularités d'écriture. On distingue le roman, la nouvelle, le théâtre, la poésie, les œuvres argumentatives comme l'essai, l'apologue, etc. Ici, on s'intéresse au roman et à la nouvelle.
Le roman
Le roman est un récit long qui raconte en détail la vie entière d'un ou de plusieurs personnages.
La longueur du roman permet de multiplier les descriptions. Les descriptions sont nombreuses et apportent beaucoup de précisions sur les lieux, le temps, les personnages, les manières de vivre, les pensées et les rêves des personnages.
Emma Rouault vient d'épouser Charles Bovary, médecin de campagne. Tous deux vivent en Normandie. Emma pense à sa lune de miel.
« Elle songeait quelquefois que c'étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. Pour en goûter la douceur, il eût fallu, sans doute, s'en aller vers ces pays à noms sonores où les lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon, qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. Quand le soleil se souche, on respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. »
Gustave Flaubert
Madame Bovary
1857
L'auteur livre ici les pensées (« elle songeait ») du personnage principal, Emma, en proposant une description précise de la lune de miel idéale et rêvée. Le lecteur relève plusieurs détails sur les conditions de transport, sur l'état des routes, sur le paysage dont les couleurs et les odeurs sont mentionnées, sur les moments de la journée, le jour puis « le soir », « quand le soleil se couche ».
Dans un roman, l'intrigue est très développée : il peut y avoir une intrigue principale et des intrigues secondaires. Les personnages connaissent plusieurs aventures appelées « péripéties ». À l'intérieur d'un même roman, il peut y avoir des retours en arrière par rapport au temps de la narration, c'est-à-dire des aventures ou des événements qui se sont déroulés dans le passé. Il peut également y avoir des anticipations, c'est-à-dire des évocations d'événements qui vont se produire dans le futur.
Jeanne, une jeune aristocrate, quitte à dix-sept ans le couvent pour épouser Julien de Lamare. Peu de temps après leur mariage, celui-ci la trompe avec plusieurs femmes, Rosalie la domestique et Gilberte de Fourville, voisine et amie de Jeanne. Se greffent alors à l'intrigue principale – la vie difficile et douloureuse de Jeanne - des intrigues secondaires notamment avec ces deux tromperies qui conduiront à la mort de Julien de Lamare, tué par le mari de sa seconde maîtresse. Jeanne se retrouve seule pour élever son fils unique, Paul, très dépensier et peu soucieux de sa mère. À la fin de sa vie, veuve et ruinée par son fils, Jeanne est obligée de vendre le château hérité de ses parents et est donc contrainte au déménagement.
« Puis, en rôdant par tous les coins de cette demeure qu'elle allait abandonner, elle monta, un jour, dans le grenier.
Elle demeura saisie d'étonnement ; c'était un fouillis d'objets de toute nature, les uns brisés, les autres salis seulement, les autres montés là on ne sait pourquoi, parce qu'ils ne plaisaient plus, parce qu'ils avaient été remplacés. Elle apercevait mille bibelots connus jadis, et disparus tout à coup sans qu'elle y eût songé, des riens qu'elle avait maniés, ces vieux petits objets insignifiants qui avaient traîné quinze ans à côté d'elle, qu'elle avait vus chaque jour sans les remarquer, et qui, tout à coup, retrouvés là, dans ce grenier, à côté d'autres plus anciens dont elle se rappelait parfaitement les places aux premiers temps de son arrivée, prenaient une importance soudaine de témoins oubliés, d'amis retrouvés. »
Guy de Maupassant
Une vie
1883
À travers les yeux de son personnage, Jeanne, Maupassant donne à lire une description des objets trouvés dans le grenier. Tous ces objets ramènent Jeanne dans son passé (« connus jadis », « qui avaient traîné quinze ans à côté d'elle ») et réveillent ses souvenirs (« elle se rappelait parfaitement »). Maupassant propose un retour en arrière dans le passé et les souvenirs du personnage grâce aux objets entassés dans le grenier.
La nouvelle
La nouvelle est un récit bref qui compte peu de pages.
La nouvelle est un récit court. Elle est essentiellement centrée sur la vie d'un personnage dont elle raconte un moment précis, décisif, qui correspond généralement à un moment de crise. La fin de l'histoire est souvent surprenante, on l'appelle « chute ». L'intrigue est donc resserrée : comme elle se concentre sur un personnage, le temps est celui de la narration et l'action se passe prioritairement dans un lieu.
« La Parure » de Maupassant est publiée en 1884. L'histoire suit un personnage en particulier, Mme Loisel, simple petite bourgeoise qui rêve de grandeur, de richesse, de luxe. L'intrigue est resserrée autour d'un collier : en effet, un jour Mme Loisel se rend à un bal et perd le collier de diamants prêté par une amie. Cette perte est un véritable retournement de situation qui fait basculer le couple Loisel dans une profonde misère : au prix d'énormes sacrifices, M. et Mme Loisel passent le reste de leur vie à économiser l'argent nécessaire pour racheter le bijou perdu. Une fois l'argent réuni et le bijou remplacé, Mme Loisel va le rendre à son amie qui lui avoue que le bijou qu'elle lui avait prêté était faux. La nouvelle se termine sur cette chute.
Les œuvres réalistes
Certains auteurs choisissent dans leurs œuvres de raconter le réel, d'en montrer dans toutes les particularités sociales, économiques, historiques, culturelles. Ils n'embellissent pas le réel, ils donnent à voir la réalité et proposent ainsi un témoignage réaliste de la vie de leur époque.
Définition du réalisme
Le réalisme est le courant littéraire et culturel qui se fonde exclusivement sur les éléments de la réalité dont se nourrissent les œuvres dites réalistes.
Le réalisme se donne pour ambition de représenter le plus fidèlement possible la réalité, c'est-à-dire la société de l'époque en la montrant dans toutes ses diversités sociale, économique, culturelle.
L'auteur réaliste observe la société dans laquelle il vit. Il souhaite reproduire un tableau objectif de la société du XIXe siècle dans ses œuvres. Pour cela, il s'intéresse à toutes les catégories sociales sans aucun jugement de valeur : la haute bourgeoisie qui possède le pouvoir financier, la petite bourgeoisie avec les fonctionnaires, les employés de bureau, les commerçants, les ouvriers, etc.
L'auteur réaliste cherche à raconter le parcours de son personnage en l'inscrivant dans le contexte de l'époque, en respectant les événements historiques afin de donner une vision précise du monde et de la condition humaine.
Eugène de Rastignac est un jeune étudiant en droit qui vient d'arriver récemment à Paris. Le père Goriot, veuf et âgé, est un ancien fabricant de vermicelles qui se retrouve maintenant ruiné. Tous deux sont pensionnaires chez Mme Vauquer.
« Une réunion semblable devait offrir et offrait en petit les éléments d'une société complète. Parmi les dix-huit convives il se rencontrait, comme dans les collèges, comme dans le monde, une pauvre créature rebutée, un souffre-douleur sur qui pleuvaient les plaisanteries. Au commencement de la seconde année, cette figure devint pour Eugène de Rastignac la plus saillante de toutes celles au milieu desquelles il était condamné à vivre encore pendant deux ans. Ce Pâtiras était l'ancien vermicellier, le père Goriot, sur la tête duquel un peintre aurait, comme l'historien, fait tomber toute la lumière du tableau. »
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1835
Cet extrait met en scène deux hommes distincts, un jeune étudiant et un vieillard devenu le souffre-douleur de méchancetés (un « Pâtiras ») en raison de sa vieillesse, de son physique (« une pauvre créature rebuté »), de sa ruine financière.
Les œuvres naturalistes prolongent et approfondissent le travail entrepris par les écrivains réalistes. L'écrivain naturaliste vise à encore plus de précisions et utilise une démarche quasi scientifique pour décrire les réalités corporelles et physiques jugées essentielles pour comprendre l'être humain. Zola, romancier du XIXe siècle, est le chef de file de ce courant littéraire qu'est le naturalisme.
Les caractéristiques des œuvres réalistes
On reconnaît les œuvres réalistes grâce à plusieurs caractéristiques qui permettent de rendre compte fidèlement de la réalité : description précise, personnages du quotidien.
Les œuvres réalistes représentent la vie quotidienne, la réalité banale comme les repas, les bals, la toilette des personnages, la misère, la pauvreté, etc.
Dans la nouvelle « La Parure » de Maupassant, publiée en 1884, Mme Loisel se prépare pour aller au bal, elle s'habille et se pare d'un beau bijou. Maupassant fait une description précise de la scène du bal en insistant sur la beauté de Mme Loisel et les regards que l'on porte sur elle.
« Le jour de la fête arriva. Mme Loisel eut un succès. Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse, souriante et folle de joie. Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom, cherchaient à être présentés. Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle. Le ministre la remarqua.
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien, dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages, de toutes ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si complète et si douce au cœur des femmes. »
Guy de Maupassant
« La Parure »
1884
Les œuvres réalistes présentent des personnages du quotidien qui ne ressemblent pas à des héros.
Dans la nouvelle Boule de suif de Maupassant publiée en 1880, l'héroïne est une prostituée surnommée ainsi en raison de son embonpoint. Le choix d'un tel personnage est novateur car le lecteur est plutôt habitué à côtoyer des personnages de classes sociales plus élevées. La prostituée n'est pas une héroïne au sens classique du terme. Elle ne réalise pas de grands exploits. Elle est donc très mal vue par une partie de la société.
Les œuvres réalistes représentent toutes les classes sociales de la société : les riches bourgeois, les ouvriers, les pauvres.
Dans Germinal, publié en 1885, Zola décrit la vie des pauvres travailleurs des mines dans le Nord de la France. Dans « Un cœur simple » publié en 1877, Flaubert décrit la vie de Félicité, la servante de Mme Aubain, une bourgeoise.
Les œuvres réalistes décrivent précisément et minutieusement les lieux (les boutiques, les cafés, les théâtres, les opéras, les intérieurs de maison, les ateliers d'artisans, les rues, etc.), les gestes ou actions des personnages.
La Maison Vauquer est une « pension bourgeoise » située au cœur du Quartier latin à Paris. Balzac décrit minutieusement ce lieu en s'attardant sur la façade, la porte d'entrée, le rez-de-chaussée puis cette première pièce :
« Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd'hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriqués à Tournai. […] »
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1835
Les œuvres réalistes inscrivent l'intrigue dans une époque réelle et témoignent ainsi des événements qui se passent.
Dans Germinal, Zola décrit le milieu misérable des mineurs et leurs horribles conditions de travail. Les mineurs décident de faire grève pour crier leurs revendications, leurs conditions de travail intolérables pendant que les patrons mènent une vie douce.
« Les femmes avaient paru, près d'un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim. […] Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d'un seul bloc, serrée, confondue, au point qu'on ne distinguait ni les culottes déteintes, ni les tricots de laine en loques, effacés dans la même uniformité terreuse. Les yeux brûlaient, on voyait seulement les trous des bouches noires, chantant La Marseillaise […]. »
Émile Zola
Germinal
1885
Les œuvres réalistes cherchent à être au plus près de la réalité, mais on peut se demander si l'auteur parvient à garder son objectivité et si on ne trouve pas des jugements de sa part dans ses récits.
Les œuvres fantastiques
Les œuvres fantastiques peuvent partir de la réalité mais elles s'en éloignent progressivement pour donner une vision différente de la réalité qui repose sur des faits inexplicables et étranges.
Définition du fantastique
Le fantastique renvoie à tout ce qui s'éloigne de la réalité par des éléments surnaturels et étranges.
Le mot « fantastique » désigne tout ce qui est créé par l'imagination, tout ce qui paraît surnaturel et éloigné de la réalité. Dans un récit fantastique, des faits inexplicables interviennent dans l'action. Ils peuvent s'interpréter :
- soit de manière rationnelle, c'est-à-dire que l'on parvient à trouver une raison à ce fait ;
- soit de manière surnaturelle, c'est-à-dire que c'est quelque chose qui ne s'explique pas, qui est extraordinaire.
Le récit fantastique fait son apparition au XIXe siècle en lien avec les progrès de la science qui suscitent des questionnements, des angoisses et des inquiétudes chez l'être humain.
Le récit fantastique répond aussi au besoin de l'homme de se faire peur.
Le fantastique ne doit pas être confondu avec la science-fiction. La science-fiction est une œuvre qui envisage l'évolution de l'humanité et, en particulier, les conséquences des progrès scientifiques et techniques.
- Dans la nouvelle fantastique « Le Pied de momie » de Théophile Gautier, publiée en 1840, le personnage principal achète, chez un marchand de curiosités, un pied de statue qu'il croit être une œuvre d'art. Mais il découvre que c'est un pied humain. Se met alors en place le fantastique, c'est-à-dire quelque chose d'irréel. Cependant, l'auteur n'a pas du tout l'objectif de montrer l'évolution et la transformation de ce pied d'un point de vue scientifique.
- Dans son roman Le Meilleur des Mondes, publié en 1932, Aldous Huxley entend faire réfléchir sur la création d'une société idéale et sur ses limites en racontant l'histoire d'un laboratoire qui utilise le corps humain pour développer, à l'aide de différentes découvertes scientifiques, une nouvelle méthode de fécondation.
Caractéristiques du fantastique
On reconnaît les œuvres fantastiques grâce à plusieurs caractéristiques : un événement étrange bouscule l'ordinaire, l'intrigue est simple et efficace, l'action se déroule dans un cadre réel, etc.
Dans les œuvres fantastiques, un événement étrange survient dans une réalité ordinaire et banale. Le narrateur est témoin ou principal acteur de cet événement surnaturel qui peut être un objet qui prend vie, un revenant, une apparition, une métamorphose en animal, une disparition mystérieuse, etc.
Dans « La Disparition d'Honoré Subrac », Apollinaire raconte la mystérieuse disparition d'un personnage qui semble surnaturelle.
Dans les œuvres fantastiques, l'intrigue est simple et efficace. L'histoire repose sur un seul personnage.
Dans La Morte de Maupassant, publié en 1887, l'histoire suit un seul personnage, un homme désespéré par la mort de sa bien-aimée.
Dans les œuvres fantastiques, l'action se situe dans un cadre réel. C'est dans ce cadre réel qu'un phénomène étrange, surnaturel et souvent inexplicable arrive. Les lieux sont souvent un cimetière, une rue déserte, un château abandonné, des maisons isolées, etc.
Dans La Morte de Maupassant, l'intrigue se déroule dans le cimetière où est enterrée la femme du narrateur.
Dans les œuvres fantastiques, le temps de l'action participe aussi à la mise en place du fantastique. Les moments privilégiés sont souvent le soir, la nuit, pour favoriser le sentiment de malaise, d'angoisse, de peur.
Dans La Morte de Maupassant, l'intrigue se déroule la nuit.
Dans les œuvres fantastiques, à côté du narrateur qui est généralement un homme ordinaire, interviennent régulièrement d'autres personnages plus étranges comme les vampires, le diable, les fantômes, les sorcières, etc.
Dans Dracula de Bram Stoker, publié en 1920, le comte Dracula est un vampire immortel qui se nourrit du sang de ses victimes et qui peut les transformer en êtres démoniaques.
Les thèmes utilisés dans les œuvres fantastiques sont :
- le combat contre le mal, la folie ;
- le pacte avec le diable ;
- le retour des morts qui viennent hanter et troubler les vivants ;
- les disparitions mystérieuses ;
- les métamorphoses étranges et souvent diaboliques.
Dans Le Horla de Maupassant, nouvelle publiée en 1887, le narrateur est fou et souffre d'hallucinations, il sent autour de lui la présence d'un être invisible.
Un vocabulaire précis est utilisé dans les récits fantastiques pour exprimer les phénomènes étranges ou la peur :
- les synonymes de l'adjectif « étrange » : « bizarre », « surprenant », « étonnant », « incompréhensible », « inexplicable », « incroyable », « inhabituel » ;
- les expressions pour signifier la peur : des verbes comme « s'épouvanter », « être horrifié », « intimider », « trembler », « inquiéter », « s'alarmer », « craindre », « menacer », « terroriser », « pétrifier » ; des noms comme « frayeur », « effroi », « inquiétude », « hantise », « panique », « terreur », « anxiété », « épouvante », « appréhension », « saisissement », « angoisse », « crainte », « horreur ».
« Un frisson me saisit soudain, non pas un frisson de froid, mais un étrange frisson d'angoisse. Je hâtai le pas, inquiet d'être seul ce bois, apeuré sans raison, stupidement par la profonde solitude. Tout à coup, il me sembla que j'étais suivi, qu'on marchait sur mes talons, tout près à me toucher. »
Guy de Maupassant
Le Horla
1887
La peur est exprimée par la répétition du mot « frisson » (symptôme de la peur), par la gradation avec les adjectifs « inquiet » et « apeuré » qui montre que la peur augmente et par la mention de l'isolement « seul » et « solitude ».
Finalement, l'œuvre fantastique tente d'apporter des réponses aux questions de l'homme et à ses peurs qui concernent la mort et la disparition des personnes qui lui sont importantes, le vieillissement, les disparitions mystérieuses et inexpliquées, le pouvoir qu'il a sur sa propre destinée.