L'évolution des répertoires d'actions politiques
Charles Tilly
Charles Tilly
La France conteste. De 1600 à nos jours.
1986
Érik Neveu
Sociologie des mouvements sociaux
1996
Charles Tilly est un sociologue, historien, philosophe et politiste américain (1929 - 2008). Il constitue des données statistiques sociales sur plusieurs pays, notamment la France et la Grande-Bretagne. À partir d'une de ses enquêtes, il analyse l'histoire sociale de la France. L'objectif de Tilly est de comprendre les "transformations des formes d'actions populaires" depuis le XVIIe siècle. C'est dans cet ouvrage qu'il donne naissance au terme de répertoire d'actions collectives : "Ensemble des moyens par lesquels des individus agissent dans la poursuite d'intérêt commun". Ces répertoires ne sont pas fixes et statiques et sont amenés à se modifier au fil du temps.
Le tableau suivant résume trois modèles des répertoires d'action politiques repérés par Charles Tilly puis repris par Érik Neveu.
Local-patronné | National-autonome | Transnational-solidariste (en gestation, depuis 1980) | |
---|---|---|---|
Types d'intérêts défendus | Corporations, communautés, villages : sabotage de machines, expulsion d'agent du fisc, etc. | Variés, portés par divers groupements : association, syndicat, groupe d'intérêts, etc. | Plus universels et techniques (environnement, lutte contre la mondialisation néolibérale, etc) : ONG,association transnationale, etc. |
Rapport aux autorités | Recours au soutien de puissants "patrons" (notables) : prêtre ou noble local. | Organisation et porte-parole autonomes, défi direct aux autorités | Réticence à toute délégation politique, aux récupérations partisanes : forum, désobéissance civile, etc. |
Formulation des revendications | Codée : détournement de symboles (pendaison de mannequins, etc). | Explicite : programme, mot d'ordre national, slogan, pétition, tract, manifeste, etc. | Militantisme d'expertise, rôle accru du droit et des médias : manifestation "de papier" |
Cadre de la protestation | Fête locale, rassemblement autorisé : carnavals, etc. | Regroupement volontaire, organisation nationale | Du local au global : forums sociaux, campements "d'Indignés", etc. |
Lieux des mobilisations | Les sites de l'injustice | Lieux les plus visibles, sites du pouvoir : cortèges parisiens, etc. | Lieux symbolisant la mondialisation néolibérale : contre-sommet altermondialiste, etc. |
Niveau de violence | Fort : confrontation brutale. | Réduit : protestation ritualisée. | Faible : recul de la violence politique. |
Les trois modèles sont donc :
- Le modèle local-patronné (XVIIe - XIXe siècle) : mouvements sociaux qui se déroulent sur un espace local et qui peuvent être très violents.
- Le modèle national-autonome (1850 - 1980) : mouvements sociaux qui se déroulent davantage sur le plan national, représentés par des groupes (syndicats par exemple) et dont la protestation est plus ritualisée (moins violente).
- Le modèle transnational-solidariste (à partir des années 1980) : mouvements sociaux sur un plan plus universel et plus global avec le développement d'un militantisme d'expertise.
Dans son acception la plus forte, l'idée de répertoire établit l'hypothèse d'un choix délibéré chez ceux qui revendiquent, entre des modes d'action bien définis, les possibilités de choix et les choix eux-mêmes changeant essentiellement en fonction des conséquences des choix précédents. Dans son acception moyenne, l'idée de répertoire présente un modèle où l'expérience accumulée d'acteurs s'entrecroise avec les stratégies d'autorités.
Charles Tilly
La France conteste. De 1600 à nos jours.
1986