Sommaire
ILes entreprises et le pouvoir de marchéALe pouvoir de marchéBLes barrières à l'entréeCStratégie de prix et monopole discriminantIILa politique de concurrence : mécanismes et débatsALes principes de la politique de concurrenceBLes modalités de sa mise en placeCLimites et débatsIIISchéma-bilan de stratégies d'entreprises et politiques de concurrence dans une économie ouverteLes entreprises et le pouvoir de marché
Le pouvoir de marché
Dans le modèle économique de concurrence pure et parfaite, les prix sont fixés par la confrontation de l'offre et de la demande et les acteurs du marché n'ont pas d'influence sur leurs niveaux (hypothèse de l'atomicité). On dit alors qu'aucun acteur ne dispose d'un "pouvoir de marché", ou que tous les acteurs sont "preneurs de prix" (et non "faiseurs de prix").
Dans les faits, les structures de marché sont très rarement en situation de concurrence pure et parfaite, mais au contraire en situation de concurrence imparfaite, car les agents cherchent et réussissent à disposer d'un certain pouvoir de marché.
L'économiste allemand Heinrich von Stackelberg a recensé différentes structures de marchés possibles en fonction du nombre d'acteurs présents sur le marché. Ces structures ont pour point commun le non-respect de l'hypothèse d'atomicité des acteurs et l'existence d'un pouvoir de marché détenu par les entreprises :
- Le monopole : un seul offreur est confronté à une multitude de demandeurs. Le pouvoir de marché de l'offreur unique est donc absolu. Il peut imposer le prix qu'il souhaite en tenant compte de la demande pour écouler sa marchandise.
- L'oligopole : le nombre d'offreurs est limité et fait face à un grand nombre de demandeurs. Les choix des producteurs ont une influence sur le prix de marché, mais ce pouvoir est limité par l'existence d'autres offreurs.
- Le monopsone : l'acheteur qui est unique, face à une multitude d'offreurs. L'acheteur dispose donc d'un pouvoir de marché, et peut tirer les prix vers le bas en tenant compte des limites des offreurs.
- La concurrence monopolistique : il existe une multitude d'offreurs et de demandeurs mais avec une forte différenciation de produits selon les offreurs. Alors, chaque offreur dispose d'un quasi-monopole sur son produit.
Pouvoir de marché
Un pouvoir de marché correspond à la situation dans laquelle un agent économique peut influencer la détermination des prix sur le marché. Les producteurs sont alors "faiseurs de prix".
Faiseur de prix
Être faiseur de prix correspond à la situation dans laquelle une entreprise a la capacité d'influencer le prix du marché.
Les barrières à l'entrée
Barrière à l'entrée
Une barrière à l'entrée est un obstacle qu'une entreprise doit surmonter pour se lancer sur un marché.
Les barrières à l'entrée rendent compte de l'existence d'un pouvoir de marché. En empêchant les concurrents d'accéder à un marché, elles assurent aux entreprises déjà sur le marché une situation de monopole ou d'oligopole.
Il existe trois types de barrières à l'entrée :
- Les barrières à l'entrée réglementaires : elles sont mises en place par les autorités pour protéger un marché de la concurrence et ainsi protéger les entreprises nationales de la concurrence étrangère.
- Les barrières à l'entrée naturelles : elles sont liées à la structure du marché et sont indépendantes de la volonté des producteurs.
- Les barrières à l'entrée stratégiques : elles sont le résultat de l'action des entreprises qui cherchent à obtenir un pouvoir de marché. Les entreprises peuvent disposer d'un effet de réseau (contrat d'exclusivité en amont ou en aval de la production) utiliser des barrières juridiques (droits de propriété, brevets techniques) bénéficier une notoriété élevée (publicité).
Stratégie de prix et monopole discriminant
Il est possible d'identifier trois stratégies de discrimination par les prix :
- La tarification personnalisée (ou discrimination de premier degré) suppose que les producteurs connaissent parfaitement chacun des consommateurs. Le monopoleur connaît le prix maximum que le consommateur est prêt à payer, et chacun achète donc une unité de bien en fonction de ses ressources. Le monopoleur récupère de la sorte l'intégralité du surplus entre le prix minimum auquel il aurait vendu et le prix fixé. C'est un cas théorique, car dans les faits les producteurs ne peuvent pas connaître parfaitement la disposition à payer de chaque consommateur.
- La tarification de groupe (ou de second degré) est basée sur les quantités consommées. Le prix payé par le consommateur dépend du volume de produit ou de service acheté (consommé).
- La tarification "multi-marchés" (ou de troisième degré) repose sur une segmentation en amont (segments ou classes de consommateurs identifiables a priori). Cela peut être en fonction du genre (chez un coiffeur par exemple) ou de l'âge (carte SNCF par exemple) ou d'autres critères (familles nombreuses, etc). C'est la différenciation la plus répandue, d'autant plus si l'élasticité-prix est faible, c'est-à-dire si la demande est peu réactive aux variations de prix.
Les situations de monopoles discriminants ne sont pas nécessairement des situations de monopole au sens strict, mais des situations pour lesquelles l'existence d'un pouvoir de marché permet à des entreprises de se comporter comme si elles étaient en situation de monopole.
Monopole discriminant
Le monopole discriminant est une situation de marché où une entreprise vend un même produit à des prix différents sur plusieurs segments de marché.
Le monopole discriminant n'est possible qu'à certaines conditions :
- Non-transférabilité : il s'agit d'empêcher les consommateurs ayant bénéficié de tarifs avantageux à alimenter les autres consommateurs en revendant le bien ou le service qu'ils ont acheté (par exemple, les billets de train achetés bon marché ne sont pas échangeables).
- Information parfaite sur la demande des consommateurs : il faut que les consommateurs soient prêts à payer des prix différents et que les entreprises soient capables de les identifier afin de moduler les prix.
- Intérêts des entreprises : il faut que l'entreprise ait intérêt à vendre son produit moins cher plutôt que pas du tout. C'est le cas lorsque le prix de vente, même diminué, couvre le coût variable et une partie des coûts fixes. C'est aussi le cas lorsque l'entreprise produit de toutes façons le bien ou le service.
La politique de concurrence : mécanismes et débats
Les principes de la politique de concurrence
Politique de concurrence
La politique de concurrence recense l'ensemble des mesures et des lois visant à contrôler ou modifier les conditions de la concurrence sur un marché, c'est-à-dire la façon dont s'opère la confrontation entre offreurs et demandeurs, mais aussi entre les offreurs eux-mêmes.
La politique de la concurrence cherche à assurer les conditions du bon fonctionnement de la concurrence sur les marchés, afin de profiter de l'efficacité des mécanismes de marché. Le marché est alors censé assurer plusieurs types d'efficience, c'est-à-dire réaliser sur plusieurs plans la meilleure allocation possible des ressources.
La concurrence doit engendrer :
- Une efficience productive : les entreprises vont chercher à réduire leurs coûts et à les utiliser au mieux.
- Une efficience allocative : l'existence d'entreprises disposant d'un pouvoir de marché provoque des moindres quantités et des prix plus élevés, c'est une situation sous-optimale par rapport à la concurrence.
- Une efficience dynamique : la concurrence est source de compétition, elle incite à l'effort et à l'innovation pour obtenir davantage de compétitivité, elle est stimulante.
La politique de concurrence cherche en dernier ressort à assurer l'exercice d'une libre concurrence afin d'assurer le bien-être des consommateurs.
Le fait de dynamiser la compétition entre les entreprises a des effets favorables pour les consommateurs : les prix moins élevés, les biens et services de meilleure qualité et ils ont accès à une plus grande diversité de produits.
En Europe, la politique de concurrence est une compétence européenne depuis le traité de Rome de 1957. Cela a été réaffirmé depuis le traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE, 1992). La Commission européenne définit les principes du droit de la concurrence en vigueur dans les pays membres et l'application est partagée avec les autorités nationales (en France, il s'agit de l'Autorité de la concurrence).
Les modalités de sa mise en place
Les modalités d'application de la politique de concurrence sont nombreuses mais on peut distinguer notamment :
- L'interdiction des cartels
- Des abus de position dominante
- Le contrôle des aides publics
Cartel
Un cartel est une situation dans laquelle il existe une entente entre firmes pour se partager le marché et fixer le prix de vente.
L'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit les cartels. Les cartels nuisent à la concurrence car ils faussent son libre jeu : ils limitent la compétition par les prix. Les producteurs se mettent d'accord sur un prix ou échangent des informations leur permettant de fixer un prix plus élevé que le prix qui résulterait de la libre confrontation de l'offre et de la demande, afin de bénéficier d'une marge plus importante. Ils peuvent également s'entendre sur un prix temporaire plus faible pour éliminer un concurrent ou conserver leurs clients.
Abus de position de dominante
L'abus de position dominante est une situation dans laquelle une entreprise en position dominante exerce son pouvoir de marché et limite l'exercice de la concurrence.
L'abus de position dominante est sanctionné par la politique de concurrence. Il peut prendre des formes différentes :
- Prix prédateurs : fixer des prix en dessous des coûts de production pour évincer les concurrents et revenir ensuite à des prix permettant de dégager une marge
- Clauses commerciales limitatives : par exemple des accords d'exclusivité
- Services ou ventes liés : vente de plusieurs produits dans un même ensemble
L'Union européenne agit donc de façon préventive en contrôlant les projets de fusions, et en interdisant les fusions entre entreprises si cela a pour résultat une concentration trop forte du marché. Pour cela, elle doit définir un "marché pertinent", c'est-à-dire le marché sur lequel il risque d'y avoir une position dominante. La délimitation de ce marché permet d'identifier les concurrents, les marchés en aval ou en amont, connexes ou complémentaires sur lesquels la firme est susceptible d'avoir une influence.
Aide publique
Les aides publiques correspondent aux aides financières ou institutionnelles accordées par les pouvoirs publics à certains acteurs économiques nationaux.
Marché pertinent
Un marché pertinent est un lieu où se rencontrent l'offre et la demande de biens (ou de services) ; les acheteurs les considérant comme substituables entre eux (il y a donc concurrence en raison des caractéristiques ou des prix pratiqués). La délimitation du marché pertinent permet aux autorités de la concurrence de déterminer s'il y a (ou non) une position dominante et donc, potentiellement, abus de position dominante.
La politique de concurrence concerne également l'intervention des pouvoirs publics. Les aides publiques sont en principe interdites dans l'Union européenne, car elles pourraient créer des distorsions sur le marché européen. Elles ne sont autorisées qu'après accord de la Commission européenne et lorsqu'elles ont comme objectif l'aide à un secteur ou une région en difficulté, la favorisation de la R&D ou encore la protection de l'environnement.
La politique de concurrence incite par ailleurs les États à libéraliser des services publics (qui ont souvent été historiquement des monopoles publics). En effet, la fourniture d'un service par l'État peut s'apparenter à une aide publique, car la production peut être financée par l'impôt. Plusieurs secteurs ont ainsi été libéralisés depuis les années 1980.
Limites et débats
La politique de concurrence est l'objet de vifs débats politiques car de nombreuses politiques économiques s'y opposent et de nombreux phénomènes économiques témoignent de ses limites :
- La politique industrielle : elle consiste pour un pays à développer son industrie et à avoir de grandes entreprises nationales compétitives sur le marché mondiale. Les États accordent alors des aides publiques à des entreprises ou des secteurs, ce qui entre en contradiction avec une politique de concurrence. La politique européenne se voit reprocher de subordonner la politique industrielle à la politique de la concurrence. L'application des simples règles concurrentielles ne suffit pas à favoriser la compétitivité. Pour qu'émergent des entreprises européennes compétitives au niveau mondial, il faut encourager la coopération au niveau européen, notamment autour de projets innovants.
- Le paradoxe de la concurrence : il montre qu'une situation de monopole peut être entraînée par une situation de libre concurrence et même être le résultat d'une concurrence efficace.
Par ailleurs la libéralisation progressive des services publics (télécommunications, énergies, transports, services postaux) est largement débattue. Dans la plupart des pays européens, la gestion du réseau est majoritairement restée en monopole mais la fourniture de services a fait l'objet d'une mise en concurrence. Des craintes et des réticences sont apparues, notamment en France, quant à la menace que cela fait peser sur la fourniture de service public.
Le droit de l'Union européenne a alors intégré la notion de service public à travers deux notions compatibles. Il distingue :
- Les services d'intérêts économiques général (SEIG), qui sont soumis à la régulation marchande. Les producteurs peuvent être privés ou publics (télécommunications, par exemple). L'État peut intervenir pour aider une entreprise à favoriser l'accès au réseau, mais cela ne doit pas remettre en cause les règles de concurrence.
- Les services d'intérêts général (SIG) qui autorisent l'intervention de l'État (justice, éducation, défense, protection de l'environnement) : ce sont souvent des services non économiques.
Cette conception du service public est cependant jugée trop étroite et peut remettre en cause l'intérêt général des services publics, c'est-à-dire l'égalité et la cohésion sociale et territoriale. En effet, un certain nombre de services sont jugés essentiels par les citoyens, et doivent pouvoir être accessibles à tous au même prix (quels que soient les revenus des individus, leur situation géographique, etc.). L'ouverture à la concurrence de la fourniture de ces services peut amener à remettre en cause les conditions d'accès à certains services, par exemple pour les consommateurs les plus pauvres, ou ceux qui sont situés dans des zones géographiques peu denses.