Sommaire
ILes formes de solidarité selon Émile DurkheimALien social et cohésion socialeBLa division sociale du travail1La mutation de la société2La division sociale du travailCD'une solidarité mécanique à une solidarité organique1Solidarité mécanique2Solidarité organiqueIIPathologie du lien social et primat de l'individuALa montée de l'anomieBLa montée de l'individualismeIIILes transformations des instances de socialisationALa famille1Le rôle socialisateur de la famille2Transformation du rôle de la famille ?BL'école1Le rôle socialisateur de l'école2Une instance en crise ?CTravail et emploi1Le rôle intégrateur du travail2Chômage et formes atypiques d'emploiLa cohésion sociale repose sur les liens sociaux qu'entretiennent les individus entre eux et la capacité de la société à intégrer ses membres. Émile Durkheim distingue la solidarité mécanique qui caractérise les sociétés traditionnelles de la solidarité organique qui caractérise les sociétés modernes. Cette dernière repose sur une division du travail, celle-ci disposant d'une fonction morale et permettant l'intégration du corps social. Face à la montée de l'individualisme, les instances de socialisation se transforment : lorsqu'elles n'assument plus leurs fonctions d'intégration et de transmission des normes et valeurs de la société, elles favorisent les situations anomiques.
Les formes de solidarité selon Émile Durkheim
Lien social et cohésion sociale
Pour les sociologues, le lien social constitue le "ciment" et c'est le niveau d'intégration des individus et de cohésion de l'ensemble de la société qui permet son fonctionnement.
Lien social
Le lien social désigne l'ensemble de relations entre les individus et les groupes au sein d'une collectivité qui assurent la cohésion de la collectivité et l'intégration des individus dans cette collectivité.
Le lien social relie les individus les uns aux autres suffisamment solidement pour que la cohésion de la société soit assurée et se reproduise dans le temps. Il est aussi ce qui permet l'identification des individus à la collectivité, et donc le sentiment d'appartenance collective.
Intégration sociale
L'intégration sociale est la situation d'un individu ou d'un groupe au sein d'une collectivité plus large. C'est la capacité d'un individu ou d'un groupe à se considérer comme partie prenante de la société et à s'en faire reconnaître. Un individu est donc intégré lorsqu'il occupe une place reconnue dans la société.
L'intégration sociale s'oppose à la marginalité et l'exclusion d'individus.
Cohésion sociale
La cohésion sociale est une caractéristique des groupes sociaux qui désigne l'intensité des liens sociaux, c'est-à-dire leur stabilité et leur force.
Une société qui a un degré élevé de cohésion sociale est une société intégrée.
La division sociale du travail
La mutation de la société
À la fin du XIXe siècle, la sociologie se constitue en tant que discipline scientifique avec pour objectif d'établir une connaissance scientifique du social. La discipline naît de l'étude, par plusieurs penseurs et chercheurs, des bouleversements liés à la modernité, notamment en ce qui concerne le lien social. La révolution industrielle a introduit de nouveaux rapports sociaux, économiques et politiques, bouleversant progressivement tout l'ordre social traditionnel. Le lien social semble alors changer de nature, parallèlement à la montée de l'individualisme dans les sociétés occidentales.
Ce sont ces questions qui motivent les travaux d'Émile Durkheim (1858 - 1917), père fondateur de la sociologie française. Durkheim construit un cadre théorique qui permet à la fois d'expliquer les mécanismes selon lesquels ces bouleversements se déroulent et d'étudier les problèmes qu'ils posent.
La division sociale du travail
Dans son ouvrage majeur De la division du travail social, Durkheim montre que les sociétés modernes se différencient des sociétés traditionnelles par l'existence d'une division technique du travail très forte entre les membres de la société. Il souligne que la division du travail a non seulement une fonction économique (c'est ce qu'a montré Adam Smith, la division du travail permettant la spécialisation des individus et une meilleure productivité) mais aussi une fonction "morale" (ou sociale), au sens où elle détermine les relations que les agents vont avoir entre eux.
La division du travail produit une forme de lien social (Durkheim utilise le terme de "solidarité" pour le désigner) entre les agents, puisqu'ils dépendent plus les uns des autres que lorsque chacun peut produire tout ce dont il a besoin (comme dans les tribus de chasseurs-cueilleurs).
Durkheim s'oppose cependant aux thèses qui voient dans la modernité une montée de l'individualisme contre la collectivité et une disparition du lien social. Pour lui, celui-ci change de forme, mais n'est pas affaibli dans les sociétés modernes. Au contraire, la division du travail suscite une nouvelle forme de solidarité nécessaire pour assurer la cohésion de la société.
Division du travail social
La division du travail social désigne la répartition des activités de production entre les différents groupes et individus qui composent la société. Elle s'appuie sur la spécialisation des activités.
D'une solidarité mécanique à une solidarité organique
Durkheim se penche notamment sur les règles (normes, valeurs, lois) en vigueur dans la société, et sur la façon dont elles sont énoncées et appliquées, afin de caractériser la nature des liens de solidarité qui unissent les individus. Il distingue alors "solidarité mécanique" et "solidarité organique".
Solidarité mécanique
Solidarité mécanique
La solidarité mécanique désigne le type de relations sociales caractérisant les groupes sociaux traditionnels. Les relations entre les agents reposent sur leur similitude. Tous les membres du groupe ont des croyances et des comportements semblables, et la conscience collective est forte.
La solidarité mécanique caractérise les groupes sociaux que l'on appelle "primitifs" ou traditionnels, et que Durkheim désigne comme "communautés". Il s'agit notamment des tribus de chasseurs-cueilleurs amérindiens. Dans ces groupes, la conscience individuelle des individus diffère très peu de la conscience collective.
- La conscience collective, pour Durkheim, est "un ensemble de croyances et des sentiments communs […] aux membres d'une société". Elle assure une fonction de cohésion sociale.
- La conscience individuelle est davantage liée à l'histoire personnelle des individus, pour Durkheim, elle représente l'autonomie relative dont disposent les individus dans leur adaptation à la conscience collective. C'est l'ensemble des croyances et sentiments qui peuvent différer d'un individu à l'autre au sein de la collectivité.
Au sein de la nation française, le sentiment d'appartenance collective à la France est censé faire partie de la conscience collective, car tous les individus français sont censés se sentir appartenir à cette nation. En revanche, les croyances religieuses font partie de la conscience individuelle : chacun peut croire ou ne pas croire en ce qu'il veut.
La solidarité mécanique est fondée sur des croyances et des traditions identiques pour tous les individus, et repose sur la similitude ou la ressemblance. Dans les sociétés où le lien social prend surtout la forme de la solidarité mécanique, la conscience collective impose à tous des pratiques uniformes, et ceux qui s'en écartent sont violemment sanctionnés. En effet, leurs actes sont considérés comme un crime à l'égard de la société tout entière. C'est le droit répressif (qui punit les individus) qui domine, et non le droit restitutif (qui vise à leur faire réparer leur faute).
Solidarité organique
Solidarité organique
La solidarité organique caractérise le type de relations qu'entretiennent entre eux les individus et les groupes dans les sociétés modernes, marquées par la division du travail. Celle-ci attribue à chacun une place spécifique, les individus se différencient et sont interdépendants. La conscience collective est plus faible.
La solidarité organique est caractéristique des sociétés modernes, marquées et fondées sur la primauté de la division du travail. Les individus ne sont plus liés par leurs ressemblances, mais par leurs différences. L'ordre social ne repose plus sur une uniformité mécanique mais sur l'articulation organique des individus dont les rôles sont à la fois parcellisés et complémentaires.
L'hétérogénéité et l'individualisme remplacent alors homogénéité et organisation communautaire, la fonction de cohésion sociale dévolue à la conscience collective découle désormais de la division du travail.
La solidarité organique repose donc sur la différenciation des tâches et des individus. Les individus sont différents et le poids de la conscience collective est faible : chacun a une plus grande marge de liberté pour penser et agir à sa guise. Les individus sont liés les uns aux autres parce qu'ils exercent des rôles et fonctions complémentaires au sein du système social.
Dans ces sociétés, le droit est restitutif (ou coopératif) plus que punitif. Il sanctionne parfois, mais pas par nature, son but est de remettre les choses en l'état pour mieux organiser la coopération des individus (c'est le droit commercial, droit administratif, etc., qui vise à retrouver l'équilibre initial, par exemple en faisant payer des amendes, plutôt qu'à punir en enfermant).
L'évolution des sociétés vers la modernité est donc due à l'approfondissement de la division du travail social, lui-même dû au développement des échanges entre les individus. Cette évolution vers la modernité s'accompagne d'une prépondérance progressive de la solidarité organique sur la solidarité mécanique.
Le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique chez Durkheim
Pathologie du lien social et primat de l'individu
La montée de l'anomie
Anomie
L'anomie est une notion sociologique introduite par Durkheim pour caractériser l'état d'une société dans laquelle la régulation sociale n'est plus assurée par des règles sociales guidant les conduites des individus.
Quand la solidarité mécanique disparaît, les individus sont moins régulés par la conscience collective. C'est une situation d'anomie, car les règles, normes et valeurs traditionnelles s'affaiblissent. Elles sont remplacées par de nouveaux faits sociaux, plus souvent définis au sein de sous-groupes que les individus peuvent choisir (groupes d'amis, associatifs, etc.). Au niveau des individus, l'anomie peut se traduire par une perte de repères et un manque d'orientation.
La montée de l'individualisme
L'individualisme caractérise le comportement des individus qui tendent à s'émanciper des contraintes collectives édictées par les autorités dites traditionnelles : religion, village, famille, école, etc. L'individu moderne peut appartenir à divers "cercles sociaux" vers lesquels ses aspirations et ses intérêts le conduisent. Plus le nombre de cercles est élevé et varié (appartenances familiale, politique, religieuse, professionnelle, locale, associative, etc.), plus il prend conscience de son individualité et mieux celle-ci se réalise. Ces entrecroisements de cercles sociaux, propres à chaque individu, font ressortir sa singularité.
L'individualisme peut conduire à l'égoïsme et la recherche de l'intérêt individuel au mépris des valeurs morales.
Pour Durkheim, l'individualisme est un accroissement de l'autonomie de l'individu par rapport aux règles collectives, et donc le résultat d'un relâchement, voire d'une disparition des tutelles collectives qui déterminaient et régissaient les choix et modes de vie des individus. L'individu n'existe cependant pas hors des cadres sociaux, mais il peut trouver des règles, des normes et des valeurs dans divers groupes au sein même de la collectivité. Ces groupes sociaux font partie de la société tout entière, et la conscience qui leur est propre est compatible avec un certain nombre de principes communs à toute la société. Cet accroissement de l'autonomie transforme le lien social plus qu'il ne le rompt. L'individualisme peut certes engendrer des retraits de la part des individus, voire de l'isolement vis-à-vis de la collectivité, mais il peut aussi être créateur de lien social, en reposant non plus sur la contrainte mais sur le libre choix. Dans les sociétés où la solidarité est organique, les liens sociaux sont en effet multiples, et les individus cultivent la diversité de ces liens.
Les transformations des instances de socialisation
La famille
Le rôle socialisateur de la famille
La famille est une instance fondamentale de la socialisation primaire. Elle est le premier agent de socialisation et concourt de façon importante à l'intégration sociale des individus. Les modèles parentaux notamment permettent de donner des repères aux enfants dans la société. Les processus d'inculcation, d'incorporation et d'imitation vont faire acquérir aux enfants les normes et valeurs qui leur permettent d'adapter leur comportement à ce qui est attendu dans la société.
Dans les sociétés traditionnelles, la socialisation se déroule en grande partie au sein du groupe familial ou de groupes analogues, au sein desquels les individus passent la plus grande partie de leur vie et qui contribuent pour une large part à la définition de leur identité sociale.
Transformation du rôle de la famille ?
Depuis les années 1970, la famille se transforme. Le nombre de mariages recule, alors que le taux de divorce augmente. De plus en plus de couples vivent sans être mariés et ont des enfants hors-mariage. Les normes familiales se diversifient : l'État et la société reconnaissent désormais les familles monoparentales, recomposées et homoparentales.
Les mutations qui frappent la famille s'expliquent par un certain nombre de facteurs. En premier lieu, le statut des femmes a évolué. Au fil du XXe siècle, elles ont peu à peu acquis un statut de citoyennes à part entière et égal à celui des hommes, par exemple en acquérant le droit de vote en 1944, le droit d'ouvrir un compte en banque sans l'accord de leur mari en 1965, ou encore en 2006 lorsque l'âge minimum pour se marier a été rendu égal pour hommes et femmes. Leur taux d'activité a aussi augmenté, et les femmes ont ainsi de plus en plus travaillé en dehors de l'espace domestique. Même si les femmes restent de loin celles qui s'occupent le plus des activités familiales et domestiques, ces changements ont modifié les structures familiales traditionnelles en permettant aux femmes d'accéder à d'autres activités, de trouver d'autres lieux et groupes de socialisation, et d'acquérir d'autres statuts sociaux que ceux de mère ou d'épouse.
Un second facteur des mutations familiales est la montée de l'individualisme, qui a transformé les règles sociales. L'épanouissement personnel a pris de plus en plus d'importance aux yeux des individus, ce qui peut par exemple expliquer que l'on divorce aujourd'hui plus facilement lorsque l'on juge un mariage insatisfaisant. Ce facteur peut être mis en relation avec la diminution de l'influence des grandes instances de socialisation traditionnelles, comme l'Église, qui exprime un certain nombre d'interdits et demande à ce que ses membres suivent des modèles familiaux traditionnels.
Le rôle intégrateur de la famille peut se trouver affaibli par ces changements, car l'importance relative des autres instances de socialisation grandit. La famille est de moins en moins un lieu exclusif d'intégration sociale, ce qui est en adéquation avec le changement social. Les normes sociales valorisent l'autonomie et l'indépendance des individus, et ces éléments se retrouvent bien dans les formes contemporaines de la famille, qui les inculque aux individus au cours du processus de socialisation.
Par ailleurs, malgré l'affaiblissement relatif de ce rôle intégrateur, on constate une persistance de l'entraide, et notamment de l'entraide financière, au sein de la famille. Elle conserve ainsi sur certains points une importance déterminante, et cela peut s'observer dans la reproduction sociale qu'elle favorise et qui demeure bien présente.
L'école
Le rôle socialisateur de l'école
L'école contribue à la cohésion sociale et est la seconde instance de socialisation primaire. L'école diffuse des savoirs et des qualifications qui permettent aux individus de trouver une place dans la division du travail (intégration professionnelle), mais elle est aussi une instance socialisatrice, car elle transmet des normes et des valeurs qui servent de base à la culture commune et à l'apprentissage de la vie en collectivité. Durkheim avait noté cette importance socialisatrice de l'école, qui est un élément majeur dans la constitution d'une conscience collective.
À la fin du XIXe siècle, les lois de Jules Ferry sur l'enseignement ont rendu l'école laïque, gratuite et l'instruction obligatoire. Le but de ces réformes était notamment de diffuser auprès de tous les Français les mêmes valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité, mais aussi de laïcité. L'école fait ainsi des enfants des êtres adaptés à la société dans laquelle ils vivent par leurs valeurs et leurs normes de comportement, et pas uniquement par les connaissances scolaires qu'ils y apprennent.
L'école est une instance de socialisation censée garantir l'égalité des chances en fournissant à tous les mêmes outils et savoirs de base. Ainsi, elle est censée faire en sorte que tous les individus aient les mêmes probabilités d'accès aux différentes positions sociales, quels que soient leurs milieux d'origine.
Une instance en crise ?
Cette instance est entrée en crise dès que l'on a constaté l'échec de la démocratisation scolaire malgré la massification scolaire. De plus en plus d'élèves ont pu se rendre à l'école et poursuivre leurs études jusqu'au niveau du baccalauréat, mais ce sont toujours les enfants issus des milieux favorisés qui réussissent le mieux à l'école, font les études les plus longues et obtiennent les diplômes les plus prestigieux.
De plus, diplômes et emploi ne vont pas toujours de pair, et les difficultés d'insertion professionnelle touchent durement les jeunes, ceux-ci subissant souvent une déqualification (déclassement).
Ces phénomènes se sont opposés à l'image de l'école comme facteur d'intégration, et ont mis en doute sa capacité à préparer à l'emploi et l'insertion sociale, ainsi qu'à assurer l'égalité des chances. L'école, selon Bourdieu, est bien plutôt un lieu de reproduction sociale, car elle véhicule la culture dominante au détriment des individus des classes dominées.
Travail et emploi
Le rôle intégrateur du travail
Le travail est une sphère privilégiée de l'intégration sociale et tient un rôle particulièrement important dans la socialisation secondaire.
Le travail semble être indispensable à l'intégration des individus, jouant un rôle dans :
- L'identité sociale : le travail donne un statut social et positionne l'individu dans la société. À chaque métier est associée une identité à travers les représentations que la société se fait de ce métier. Ainsi, un individu peut être connu comme "le boulanger" dans son village, même par ceux qui ne connaissent pas son nom.
- La conformité aux normes sociales : le travail procure des revenus d'activité qui permettent d'accéder à la société de consommation et aux normes de consommation en vigueur dans une société.
- Les relations sociales : les relations au travail assurent des fonctions de socialisation et favorisent la sociabilité. Les collègues sont souvent aussi des amis, on peut rencontrer son conjoint dans la sphère professionnelle, etc.
- La citoyenneté : dans les sociétés salariales, l'emploi ouvre en plus le droit à la protection sociale, qui garantit que l'individu ne subit pas d'exclusion sociale. En cas de chômage prolongé, les individus sont souvent conduits à se retirer de l'activité ainsi que de la vie publique et démocratique (par exemple, leur taux de participation aux élections diminue).
En attribuant un statut social aux individus, le travail concourt à leur reconnaissance sociale, à leur dignité et à leur autonomie. En somme, conformément aux analyses de Durkheim, il rend compatible le processus d'individualisation et la cohésion sociale.
Chômage et formes atypiques d'emploi
Les mutations de l'emploi comme le chômage, l'instabilité et le développement de la précarité (formes particulières d'emploi : CDD, intérim, etc.) et de l'organisation du travail (flexibilité, mobilité, intensification du travail et individualisation de la gestion des ressources humaines) affectent irrémédiablement la fonction d'intégration du travail.
On constate aussi une diminution de la solidarité collective des travailleurs d'une entreprise ou d'une branche. L'importance des collectifs de travail, notamment les syndicats qui pouvaient être vecteurs de sociabilité et d'identité sociale, a largement diminué depuis la fin des Trente Glorieuses. Elle est aussi le signe d'une moindre solidarité professionnelle, entretenue par l'isolement et la précarité de certains postes qui poussent les individus à craindre davantage pour la sécurité de leurs emplois, et ainsi à ne pas revendiquer une amélioration de leurs droits.
Le chômage et les emplois atypiques rendent difficile l'établissement d'un lien social durable : il y a un risque de désaffiliation sociale, au sens où l'emploi ne garantit plus un statut pour l'individu. Le chômage est ainsi un facteur important d'exclusion sociale, car la privation d'un emploi entraîne des conséquences à la fois économiques (perte de revenus) et sociales (dislocation des relations professionnelles), le tout pouvant aboutir à un sentiment d'inutilité sociale. Le chômage peut être alors synonyme de perte de statut social et d'isolement.
De même, pauvreté, marginalisation et exclusion sont, directement ou indirectement, liées à l'absence de travail et entraînent différentes formes de disqualification sociale, c'est-à-dire d'attribution par la société d'une identité négative et stigmatisée à l'individu qui se trouve dans cette situation. C'est le sociologue Serge Paugam qui a introduit cette notion dans le champ d'analyse français.
Les nouvelles formes d'emplois, les transformations internes que connaissent les entreprises et la précarisation de l'emploi sont autant de raisons qui peuvent expliquer que le travail ne permet plus autant qu'avant de se forger une identité sociale.