Sommaire
ILes inégalités économiques et sociales : définition, mesure et évolutionADéfinir les inégalités économiques et socialesBDes inégalités multiformes et cumulatives1Les différentes formes d'inégalités économiques et sociales2Des inégalités cumulativesCLa mesure statistique des inégalités1Les indicateurs de richesse2Les indicateurs de disparité de richesse3Les mesures liées à la mobilité socialeDL'évolution des inégalités à l'échelle mondialeIILa justice sociale et les différentes formes de l'égalitéALa justice sociale1Définition de la justice sociale2La justice commutative et la justice distributive3Les débats autour de la justice socialeBLes formes d'égalitéIIILe rôle de l'État dans la justice socialeALa protection socialeBLes services publics et collectifsCLes politiques de répartition et de redistribution1Les politiques de répartition2Les politiques de redistributionIVLes limites de l'intervention de l'ÉtatALes contraintes budgétairesBLes contraintes fiscalesCLes processus désincitatifs et les biais d'inefficacitéLes inégalités économiques et sociales s'opposent à la justice sociale. Cette dernière relève de différentes conceptions : libéralistes, égalitaristes, utilitaristes. Les inégalités sont cumulatives, de nombreux outils statistiques permettent d'en mesurer l'ampleur et l'évolution mais leur analyse reste cependant délicate. L'État cherche à assurer l'égalité (des droits, des chances et des situations) à travers des politiques de répartition et de distribution. Toutefois, l'action de l'État se heurte à certaines limites.
Les inégalités économiques et sociales : définition, mesure et évolution
Les inégalités économiques et sociales se définissent comme les différences de situation sociale entre les individus. Elles prennent plusieurs formes, selon l'origine sociale, le genre, la scolarité, le revenu, le territoire, les infrastructures, l'accès à la consommation. Elles sont également cumulatives. Les inégalités sociales se mesurent avec différents indicateurs. À l'échelle mondiale, les inégalités auraient plutôt diminué au cours de l'histoire.
Définir les inégalités économiques et sociales
Les inégalités économiques et sociales sont l'ensemble des différences de situation sociale entre des individus en raison de leurs ressources (éducation, revenus, capital social) ou de leurs pratiques (santé, logement, emploi).
Les inégalités entre les individus peuvent être naturelles (inégalités physiques, génétiques). Les inégalités sociales et économiques sont liées aux statuts, au rôle ou à la position sociale des individus. Elles questionnent la justice sociale et les droits et libertés fondamentales des individus dans les sociétés démocratiques.
Les inégalités sociales et économiques ont pour fondement :
- les différences de ressources : éducation, revenus, capital social ;
- des différences de pratiques : santé, logement, emploi.
Le maintien des inégalités sociales et économiques repose sur :
- les écarts de richesse et de patrimoine entre les individus ;
- les processus de reproduction sociale et d'immobilité sociale.
Des inégalités multiformes et cumulatives
Les inégalités économiques et sociales sont multiformes : inégalités liées à l'origine sociale, au genre, inégalités scolaires, inégalités de revenus et de patrimoine, inégalités territoriales, etc. Les inégalités sociales sont également cumulatives.
Les différentes formes d'inégalités économiques et sociales
Les principales inégalités sont celles liées à l'origine sociale et au genre, les inégalités scolaires, les inégalités de revenus et de patrimoine, les inégalités territoriales, les inégalités en termes d'infrastructures et de santé, et enfin les inégalités liées à la consommation et aux loisirs.
Les économistes et sociologues comme Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon ont étudié les différentes formes d'inégalités.
Le capital culturel, économique ou social varie selon les milieux sociaux. Cela engendre des inégalités liées à l'origine sociale.
Selon les enquêtes de l'Insee, en 2015, 22 % des enfants d'immigrés sont au chômage contre 10 % en moyenne dans l'ensemble de la population.
Les inégalités de salaires ou de positions dans la société sont très marquées selon le genre (inégalités entre les hommes et les femmes).
Selon l'Observatoire des inégalités, en 2015, en France, à position égale, le salaire des femmes est en moyenne inférieur de 18,5 % à celui des hommes.
La réussite scolaire est inégalement partagée entre les milieux et les individus.
Au cours de la dernière décennie, 85 % des fils de cadres et de professions intermédiaires ont obtenu leur baccalauréat contre seulement 57 % des fils d'ouvriers et d'employés.
Les écarts de revenus et plus encore de patrimoine (opposition propriétaire/locataire) sont très forts.
En 2018, 48 % des ménages français sont locataires de leur foyer et non propriétaires.
Les inégalités territoriales liées à la santé ou aux infrastructures (sport, routes, marchés) demeurent importantes. Elles varient selon les régions et les villes, selon les types de territoires (urbains ou ruraux).
Selon le ministère de la Santé, en 2015, la région parisienne disposait de 4,15 médecins pour 1 000 habitants alors que la région Auvergne n'en comptait que 2,8.
La possession d'un capital économique permet des consommations différenciées et l'accès à des loisirs spécifiques.
En 2016, selon l'Observatoire des inégalités, seuls 8 % des Français séjournent au ski.
Des inégalités cumulatives
Les inégalités économiques et sociales sont cumulatives : les différentes formes d'inégalités se multiplient chez les individus les plus défavorisés.
Les économistes et sociologues Alain Bihr et Roland Pfefferkorn ont étudié le cumul des inégalités. Selon eux, les inégalités de réussite sociale reposent sur un cumul des inégalités économiques, de capital et de chances.
Un individu au chômage (inégalité d'emploi), disposant de peu de revenus (inégalité de richesse) a également peu accès au système de soins (inégalité de santé).
La mesure statistique des inégalités
De nombreux outils statistiques permettent de suivre l'évolution et l'ampleur des inégalités au sein des sociétés :
- les indicateurs de richesse ;
- les indicateurs de disparité de richesse ;
- les mesures liées à la mobilité sociale ascendante.
Les indicateurs de richesse
Les indicateurs de richesse sont le PIB/hab., le revenu ou le salaire moyen et médian.
PIB/hab.
Le PIB/hab. est la somme des valeurs ajoutées produites rapportée au nombre d'habitants. Il donne une estimation du niveau de richesse du pays.
En France le PIB/hab. est d'environ 35 000 euros annuel par habitant, ce qui classe la France dans les pays les plus producteurs de richesse.
Le PIB/hab. est un indicateur global et ne fournit aucune indication sur la répartition ou les disparités de richesse dans la population.
Revenu moyen
Le revenu moyen correspond à l'ensemble des revenus déclarés fiscalement à l'administration (salaires, revenus locatifs, etc.) rapporté à la population. Il donne une estimation de la richesse globale par rapport au nombre d'habitants. On parle de revenu disponible lorsque l'on déduit le prélèvement des impôts.
En France en 2016, le revenu moyen disponible est de 1 965 euros par mois selon l'Insee.
Salaire ou revenu médian
Le salaire ou revenu médian est le niveau de salaire ou de revenu divisant la population en deux : 50 % ayant un revenu supérieur et 50 % ayant un revenu inférieur. Le salaire ou revenu médian permet de réduire les effets de distorsion du salaire ou revenu moyen (les hauts revenus augmentent la moyenne).
En France, le salaire net médian est de 1 778 euros par mois selon l'Insee.
Le salaire est la partie du revenu correspondant au travail, le revenu peut inclure d'autres éléments (location, produits financiers). Le salaire comme les revenus peuvent être bruts ou nets (après prélèvements des impôts et après redistribution sociale). Pour étudier les inégalités, les statisticiens ont le plus souvent recours au salaire car, comme il fait l'objet d'une déclaration fiscale, il est plus facile à déterminer que le revenu.
Les indicateurs de disparité de richesse
Les indicateurs de disparité de richesse sont les ratios de revenus (rapport inter-quantile), l'indice de Gini et la courbe de Lorentz.
À partir des données fiscales, l'Insee établit des tableaux de rapports inter-quantiles qui permettent de connaître la répartition des revenus et des salaires entre les Français divisés en quantiles (en centiles, soit par 100, ou en déciles, soit par 10).
En 1990, le rapport inter-quantile est de 2,7 et il est de 3,6 en 2016 : l'écart entre les riches et les pauvres s'est accru.
À l'échelle mondiale, l'évolution du top 1 % (les 1 % les plus riches) montre que les inégalités de richesses s'accroissent fortement. Selon l'Observatoire des inégalités, en 2017, en France, les 1 % les plus riches détenaient 22 % des richesses.
Indice de Gini
L'indice de Gini est une mesure statistique qui rend compte de la répartition de richesse (le plus souvent à travers les revenus, le salaire ou le patrimoine) dans la population (le plus souvent classée par centile). Un indice 0 correspond à une égalité parfaite et un indice de 1 correspond à une inégalité parfaite.
L'indice de Gini est le plus souvent utilisé pour construire la courbe de Lorentz qui représente graphiquement la répartition des inégalités.
Les mesures liées à la mobilité sociale
Pour mesurer la mobilité sociale, on utilise les tables de mobilité de revenus entre générations ou entre lieux. On cherche ainsi à déterminer dans quelle mesure la mobilité ascendante ou horizontale est possible, permettant aux individus de bénéficier d'une certaine égalité des chances et des positions.
Table de mobilité
Une table de mobilité est une table statistique représentant la destinée ou l'origine des individus en fonction de certains critères (catégorie socio-professionnelle – CSP – de l'un des parents, milieu social, revenus des parents, lieux d'origine).
La mobilité sociale ascendante désigne une amélioration de la hiérarchie sociale. La mobilité horizontale désigne un changement de catégorie sociale.
Lorsqu'il existe une corrélation très forte d'appartenance à la même CSP que les parents, on parle de reproduction sociale. Cela peut être associé à des inégalités de chances ou d'opportunité.
On constate que seulement 9,4 % des fils d'ouvriers sont devenus cadres supérieurs. Cela prouve que les fils d'ouvriers n'ont pas la même chance de devenir cadre que les fils de cadres, dont 47 % deviennent cadres.
L'analyse des données statistiques liées aux inégalités reste cependant délicate. Elle dépend notamment de :
- la temporalité envisagée (à long terme, court terme) ;
- des sociétés analysées ;
- des échelles observées (inégalité entre pays, entre individus, entre régions).
L'évolution des inégalités à l'échelle mondiale
Au cours de l'histoire, les inégalités ont très largement diminué. On observe pourtant toujours de forts contrastes.
Les sociétés contemporaines seraient moins inégalitaires que celles des temps modernes ou du Moyen Âge.
En revanche, la réduction des inégalités serait, depuis les années 1970-1980, plus faible à l'échelle du monde. Les pays pauvres et émergents restent marqués par de très forts contrastes de richesse. Et dans les pays développés, la réduction des inégalités subit une baisse très forte.
Le niveau des inégalités est lié à la fois aux progrès techniques, à l'activité économique et à la croissance, et aux choix politiques et sociétaux.
La justice sociale et les différentes formes de l'égalité
La justice sociale vise à la répartition équitable des droits et des devoirs entre les individus. Elle est au fondement des sociétés démocratiques. La justice sociale peut reposer sur le principe de justice commutative ou de justice distributive. Sa mise en œuvre est complexe et dépend des différentes formes d'égalité : l'égalité des droits, l'égalité des chances et l'égalité des situations.
La justice sociale
La justice sociale vise à supprimer les différences considérées comme injustes entre les citoyens. Elle se fonde soit sur la justice commutative, soit sur la justice distributive. Elle fait l'objet de débats quant à sa mise en œuvre entre la tradition marxiste et critique et la tradition libérale-démocrate.
Définition de la justice sociale
La justice sociale est un principe théorique qui vise à supprimer toutes les différences considérées comme injustes entre les citoyens. Elle se fonde sur des principes démocratiques : les libertés fondamentales et l'égalité en droits et en devoirs des citoyens.
Les principes démocratiques sont ceux acquis lors de la Révolution française de 1789 avec la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen. Ces principes sont repris dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme de l'ONU en 1946.
Ces principes imposent une égalité sociale des individus : tous doivent avoir les mêmes traitements et ont les mêmes droits à la naissance, quelle que soit leur position sociale.
Égalité
L'égalité, en tant que principe philosophique et juridique, désigne le fait que les différents individus doivent être traités de manière identique, c'est-à-dire qu'ils doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.
La justice commutative et la justice distributive
La justice sociale peut être fondée sur deux principes de justice différents : le principe de justice commutative et le principe de justice distributive.
Principe de justice commutative
Le principe de justice commutative établit une stricte égalité entre les individus (chacun reçoit la même chose). Il repose sur l'échange et les relations commerciales, et garantit la situation personnelle et la liberté individuelle.
L'adoption d'un « revenu de base », d'un montant fixe, que tous les individus recevraient quelle que soit leur position sociale est un principe de justice commutative.
Principe de justice distributive
Le principe de justice distributive établit une égalité proportionnelle, selon des principes fixés à l'avance (le mérite, le revenu, le statut social, etc.).
La conception de la justice distributive est à la base des politiques sociales de redistribution des richesses (par exemple à travers la fiscalité).
Les débats autour de la justice sociale
La justice sociale, et surtout les critères et mécanismes qui doivent permettre sa réalisation, font l'objet de débats importants. La tradition marxiste oppose égalité théorique et égalité réelle. La tradition libérale-démocrate définit trois principes nécessaires à la justice sociale : la liberté, la différence et la compensation.
Dans la tradition marxiste et critique, l'égalité des individus est « formelle » et théorique, mais pas « réelle ». Elle est énoncée par des textes de loi, mais concrètement, selon le milieu où ils naissent, les individus n'ont pas les mêmes possibilités et les mêmes droits réels.
Un individu qui naît dans une famille ouvrière pauvre n'a pas les mêmes possibilités professionnelles qu'un individu issu d'une famille bourgeoise.
Le fondement de la société capitaliste est donc par définition injuste. Seul un changement dans le mode de production permettrait à la société de devenir plus juste.
Dans la tradition libérale-démocrate, incarnée par le philosophe américain John Rawls, trois critères nécessaires à la justice sociale doivent être respectés pour permettre une justice sociale dans les sociétés démocratiques :
- le principe de liberté : tous les individus doivent bénéficier d'une même étendue de liberté, qui doit être la plus grande possible ;
- le principe de différence : les positions économiques et sociales sont différentes et potentiellement hiérarchisées (par exemple les positions de patron et d'employé). Elles doivent être ouvertes et accessibles à tous, de la même façon ;
- le principe de compensation : les inégalités existantes doivent avoir pour but d'améliorer le bien-être des plus défavorisés. De la sorte, le système social reste inégalitaire, mais les inégalités sont rendues relativement acceptables pour tous.
La justice sociale fait débat entre trois principaux courants d'idées assez différents qui ne lui reconnaissent pas les mêmes objectifs :
- Les libéraux considèrent que la justice doit seulement assurer le respect des libertés des individus (croyance, propriété, etc.).
- Les égalitaristes considèrent que la justice doit assurer l'égalité stricte ou relative entre les individus.
- Les utilitaristes pensent que la justice ne répond qu'au critère d'utilité, la chose ou la situation la plus juste étant celle la plus utile.
- Les libéraux les plus radicaux (libertariens) considèrent que les impôts sur le patrimoine s'opposent à la liberté de propriété même s'ils permettent de financer les services publics.
- Les égalitaristes stricts considèrent que les revenus devraient être égaux et indépendants des mérites de chacun.
- Les utilitaristes considèrent que les prix doivent dépendre de l'utilité des objets et non de leur rareté.
Les formes d'égalité
La justice sociale repose sur des principes d'égalité. L'égalité est présente sous trois formes :
- l'égalité des droits ;
- l'égalité des chances ;
- l'égalité des situations.
L'égalité des droits est une égalité juridique devant la loi. Les individus doivent avoir, à la naissance, les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cette égalité est au fondement des systèmes démocratiques. Cependant, les individus peuvent devenir inégaux en droits en raison de circonstances spécifiques.
Un individu condamné par la justice peut être emprisonné et privé d'une partie de ses droits, notamment sa liberté de mouvement ou son droit de vote.
L'égalité des chances est le fait d'accéder à une position sur la seule base des mérites individuels. Il faut donc que tous les individus aient les mêmes outils pour accéder aux positions valorisées, sans que celles-ci soient réservées à certains individus. L'idéal d'égalité des chances est donc en lien avec l'idéal méritocratique : l'accès à des positions dominantes (métier, rémunération, prestige) doit être lié au talent et à l'effort et non à des privilèges.
L'école républicaine a pour fonction d'assurer l'égalité des chances, en donnant à chacun les mêmes outils pour réussir dans la vie professionnelle.
Les analyses sociologiques de Pierre Bourdieu montrent que l'école favorise à certains égards la reproduction sociale. Elle ne permet donc pas l'égalité des chances qu'elle promet.
L'égalité des situations correspond à une égalité réelle (ou « effective ») entre les individus. Étant donné que tous les individus n'occupent pas les mêmes positions sociales, pour atteindre une égalité de situation, il faut qu'il y ait une redistribution des ressources. Des politiques de redistribution sont ainsi mises en place afin de compenser les inégalités sociales.
L'État garantit un accès aux soins médicaux quel que soit le revenu des individus, ou attribue des ressources spécifiques aux régions défavorisées (les Zones d'éducation prioritaire, ZEP).
Le rôle de l'État dans la justice sociale
L'un des principaux rôles de l'État est d'assurer les principes et valeurs démocratiques (liberté, égalité, solidarité) et de permettre la justice sociale. L'État met également en œuvre des politiques qui visent à réduire les inégalités dans la société : la protection sociale, les services publics et collectifs, et enfin les politiques de répartition et de redistribution.
La protection sociale
La protection sociale correspond à une volonté d'assurer une solidarité collective face aux aléas économiques et sociaux. Elle permet la réduction des risques sociaux, des inégalités de situation, mais aussi le maintien du lien social et de l'activité économique. La protection sociale est mise en œuvre par les prestations sociales.
Les individus sont confrontés de façon inégale aux différents risques sociaux susceptibles de compromettre leur sécurité économique et celle de leur famille. Les risques sociaux relèvent soit d'une baisse des ressources soit d'une hausse des dépenses.
Les risques sociaux sont les risques liés à la vieillesse, la maladie, l'invalidité, le chômage, la maternité. Ils entraînent notamment pour ceux qui les subissent une perte de revenu.
La protection sociale a été développée par des institutions, désignées sous le terme générique d'État-providence.
Protection sociale
La protection sociale désigne tous les mécanismes de prévoyance collective et de protection permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des risques sociaux (chômage, accident de travail, santé) devant lesquels ils sont inégaux.
En France, la Sécurité sociale est créée en 1945 pour faire face collectivement aux risques de santé, de vieillesse et de chômage.
La protection sociale permet la réduction des risques sociaux. Il s'agit de garantir aux individus un maintien de leurs revenus malgré des événements comme la maladie, un accident du travail, la vieillesse, le chômage, la maternité, etc. Des revenus de transfert sont mis en place.
Parmi les revenus de transfert, on trouve par exemple les remboursements de soins médicaux ou les allocations chômage.
La protection sociale assure à tous les individus l'accès à un seuil minimum de ressources, afin que l'égalité des situations ne soit pas trop importante.
En France, tous les individus se voient garantir l'accès au logement ou l'accès à l'éducation.
La protection sociale doit permettre de limiter la pauvreté et l'exclusion, et donc d'éviter la marginalisation des individus. Elle permet de maintenir le lien social.
En France, l'instauration de minima sociaux permet aux citoyens les plus fragiles d'éviter l'extrême pauvreté : revenu de solidarité active – RSA –, allocations handicap, allocations chômage, allocations logement, complémentaire santé solidaire – C2S –, etc.
Même si ce n'est pas un objectif nécessairement explicité, la protection sociale favorise la consommation des ménages en leur garantissant un revenu minimum. Elle soutient donc l'activité économique.
La protection sociale consiste en un ensemble de prestations sociales effectuées auprès des ménages qui en ont besoin. Tous les États n'assurent pas le même degré de protection sociale ni une protection dans la même logique.
Prestations sociales
Les prestations sociales sont des transferts en nature (remboursement de médicaments) ou en espèces (retraite, allocations chômage) versés aux ménages confrontés à l'un des risques couverts.
Les services publics et collectifs
Pour assurer les droits et les libertés fondamentales et maintenir l'égalité sociale, l'État assure un certain nombre de services publics et collectifs. Les administrations et entreprises publiques en ont la charge. Parfois, des entreprises privées se voient déléguer des missions d'intérêt public.
Services publics et collectifs
Les services publics et collectifs sont des services et activités d'intérêt général considérés comme indispensables à la cohésion sociale et à la justice sociale (éducation, santé, défense, logement, alimentation). Les pouvoirs publics doivent s'assurer qu'ils sont bien mis en œuvre.
Les services publics et collectifs sont financés par des impôts ou des taxes locales. Ils permettent de garantir que tous les citoyens aient accès aux mêmes services, jugés indispensables. Ces services fournissent des biens publics, c'est-à-dire des biens :
- non exclusifs : on ne peut empêcher une personne d'en profiter ;
- non rivaux : la consommation du bien par une personne n'empêche pas une autre personne d'en bénéficier.
Les biens et services publics et collectifs ont un rôle redistributif :
- Le financement est assuré par tous (à travers le système de prélèvements obligatoires).
- Leur consommation est indépendante de leur financement : ceux qui ne paient pas d'impôts peuvent quand même les utiliser.
En France, le ministère de l'Éducation nationale assure l'enseignement gratuit et laïque pour tous.
La distribution d'eau ou d'électricité est assurée par des compagnies semi-publiques (par exemple Engie, Veolia) auxquelles l'État a accordé des concessions limitées dans le temps et dans l'espace (les concessions se limitent à une zone géographique et une période donnée).
Les politiques de répartition et de redistribution
Pour réduire les inégalités, notamment de richesse et de patrimoine, l'État pratique des politiques de répartition (partage entre les citoyens) et de redistribution (horizontale ou verticale).
Les politiques de répartition
Les politiques de répartition sont menées à travers les législations qui imposent des partages entre les citoyens. Elles peuvent concerner la production et les prix. Les politiques de discrimination positive sont des politiques de répartition.
L'activité de production est encadrée par des politiques de répartition. Dans le cadre du droit du travail, l'État fixe des salaires minima et des temps de travail maximum. L'État encadre les conditions et le temps de travail.
- La durée légale des 35 heures de travail hebdomadaire a pour objectif le partage du temps de travail entre les actifs et une diminution du chômage.
- La mise en place du SMIC cherche à limiter les écarts de revenu entre les catégories sociales.
L'État légifère également sur les niveaux de prix en imposant des prix uniques sur tout le territoire ou en encadrant certains prix.
En France, l'État encadre certains prix comme par exemple le prix unique de certains livres, des médicaments, des loyers dans les grandes métropoles ou des tarifications des prestations médicales (visite chez le médecin, médicaments).
Plus récemment, l'État a également mis en place des politiques de discrimination positive pour réduire certaines inégalités de situation dues au genre, à l'origine sociale ou à la situation de handicap.
Les lois sur la parité hommes-femmes dans les charges électives, les places réservées lors des concours des grandes écoles aux élèves issus des Zones d'éducation prioritaires ou encore la loi sur le handicap à l'école sont des politiques de discrimination positive.
Les politiques de redistribution
Les politiques de redistribution permettent une atténuation des inégalités. Elles consistent en la redistribution des revenus selon un mode horizontal ou vertical. Elles sont mises en place notamment grâce aux impôts ou à la Sécurité sociale.
Les politiques de redistribution horizontale concernent les ménages qui cotisent et dont une partie des revenus est redistribuée grâce aux prestations sociales.
En France, la CSG (cotisation sociale généralisée) est payée par tous et contribue au financement de la Sécurité sociale.
Les politiques de redistribution verticale concernent les ménages plus favorisés, qui voient une partie de leurs revenus redistribués aux ménages les plus démunis.
De nombreux dispositifs comme le RSA, la CMU (couverture maladie universelle) ou les bourses pour les étudiants permettent une égalité de traitement et d'opportunité entre des milieux différemment favorisés.
Les politiques de redistribution sont mises en place avec les impôts et des prestations et cotisations sociales. Une partie est gérée directement par l'État tandis que l'autre partie est gérée par les administrations de la Sécurité sociale.
Sécurité sociale
La Sécurité sociale est une administration d'État qui gère les cotisations (prélèvements) et prestations (revenus) sociales. Ces dernières permettent une redistribution des revenus et la réduction des inégalités de santé, de travail ou de logement.
Les dépenses sociales de l'État en France en 2018
Les limites de l'intervention de l'État
Les politiques de justice sociale de l'État présentent des limites. Elles sont confrontées à des contraintes budgétaires et des contraintes fiscales, mais également à des mécanismes de désincitation.
Les contraintes budgétaires
Le financement des politiques de justice sociale est contraint par le budget de l'État et par l'Europe. Les politiques d'austérité limitent le budget de la protection sociale.
Depuis les années 1990, dans le cadre européen, les États se sont inscrits dans une volonté de réduction importante des déficits publics. Cela passe par :
- une réduction des dépenses publiques (on parle de crise de l'État-providence) ;
- parfois une augmentation des recettes publiques par le biais des prélèvements obligatoires.
Ces politiques dites d'austérité (ou de rigueur) ont entraîné une importante diminution des dépenses de protection sociale au sein du budget de l'État.
La France a choisi de réduire le niveau des prestations sociales et des aides sociales (logement, santé). Le Code du travail et de la Sécurité sociale ont été modifiés pour répondre aux exigences du Pacte de stabilité et de croissance européen. Ce dernier a fixé des limites au déficit et à l'endettement des États (3 % du PIB pour le déficit et 60 % du PIB pour la dette).
Les contraintes fiscales
Le financement des politiques de justice sociale est contraint par les prélèvements obligatoires : impôts, taxes, cotisations. Chaque foyer fiscal contribue aux charges publiques en fonction de ses ressources, ce qui répond au principe de redistribution et donc de justice sociale.
Fiscalité
La fiscalité est l'ensemble des règles relatives aux prélèvements obligatoires. En France, elle est fixée dans le Code général des impôts (CGI). La politique fiscale d'un État lui permet d'obtenir des ressources par les prélèvements obligatoires et de financer les dépenses publiques.
Les prélèvements obligatoires peuvent être :
- fixes, indépendants des ressources des ménages : par exemple la TVA ;
- proportionnels, en fonction du revenu des ménages : par exemple le taux de cotisation à l'Assurance maladie ;
- progressifs, s'ils sont d'autant plus importants que le revenu des ménages est élevé : par exemple le taux d'imposition.
Les conséquences de ces différentes formes de prélèvement sur les individus sont variables et posent également des questions d'efficacité et de solidarité.
La TVA touche davantage les classes pauvres et moyennes, dont l'essentiel du revenu est consacré à la consommation.
Il ne faut pas confondre impôts, taxes et cotisations :
- Les impôts sont généralement prélevés sur la richesse (salaire, patrimoine).
- Les taxes sont prélevées sur les objets (TVA).
- Impôt et taxes servent à financer les services publics.
- Les cotisations sont prélevées sur les salaires des cotisants et sont reversées collectivement sous forme de prestations sociales (chômage, santé, retraite).
Les processus désincitatifs et les biais d'inefficacité
Certains mécanismes visant à établir une meilleure justice sociale sont marqués par des effets désincitatifs et des biais comportementaux (aléa moral) qui nuisent à leur efficacité.
Dans certains cas, les mécanismes d'assurance chômage ou santé peuvent conduire à des biais désincitatifs qui encouragent les individus à avoir le comportement inverse de celui recherché.
Le niveau et la durée des allocations chômage doivent être déterminés de façon à permettre l'aide financière sans pour autant désinciter l'individu à rechercher un emploi.
Par ailleurs, ils peuvent générer des situations d'aléa moral, des effets pervers, dans lesquels un individu tend à exagérer les conduites à risque lorsque les risques sont pris en charge de façon collective par la société.
Dans certains cas, la protection sociale de santé lorsqu'elle est très élargie entraîne une surconsommation de médicaments sans pour autant avoir un effet très fort en termes de niveau de santé.
Les processus désincitatifs et l'augmentation croissante des dépenses des États posent donc le problème de l'usage des dépenses publiques et du déficit public dans les mécanismes utilisés pour réduire les inégalités.
L'augmentation des dépenses publiques en % du PIB en France
© Insee, 2016
Les processus désincitatifs et le poids de la pression fiscale peuvent également entraîner des formes de non-consentement aux impôts ou aux mécanismes de solidarité lorsque les individus cherchent à s'y soustraire (évasion fiscale).
L'accroissement de la pauvreté et de la précarité depuis une ou deux décennies a été souligné par de nombreux économistes comme Thomas Piketty ou des sociologues comme Robert Castel. Il contribue aujourd'hui à une remise en cause de ces contraintes budgétaires au nom d'une plus grande justice sociale.
Les difficultés de financement et le poids fiscal liés à la protection sociale ont ainsi entraîné des périodes d'austérité budgétaire importantes. Elles ont remis en cause la solidité des systèmes de soins et de protection dans certains cas, en France comme plus généralement en Europe.