Sommaire
ILe contrôle socialADéfinition1Qu'est-ce que le contrôle social ?2Les objectifs du contrôle social3Évolutions contemporainesBLes instances en charge du contrôle socialIILa dévianceADéviance, société et groupes sociaux1Définition2L'évolution des sociétés et les groupes sociauxBLes causes de la déviance1L'anomie2L'étiquetageCLa délinquance : une forme particulière de déviance1Définition2La difficile mesure de la délinquanceLe contrôle social permet de réguler les comportements des individus en les confrontant aux normes et valeurs en vigueur dans la société. Le mécanisme du contrôle social repose sur des sanctions, positives ou négatives, et peut être exercé par différentes instances. Il peut toutefois se révéler insuffisant ou inefficace, ce qui peut conduire à des comportements de déviance, voire de délinquance.
Le contrôle social
Définition
Qu'est-ce que le contrôle social ?
Contrôle social
Le contrôle social correspond à l'ensemble des moyens et des processus par lesquels une société parvient à faire respecter ses normes.
Le contrôle social est un processus par lequel les membres d'un groupe ou d'une collectivité entraînent les individus à respecter et reproduire les comportements favorables aux normes et valeurs en vigueur.
Dans un sens plus restrictif, il regroupe les mesures destinées à faire respecter les règles et à sanctionner la déviance, il est alors réduit à l'ensemble des sanctions encourues par les individus dont la conduite est déviante.
Le contrôle social permet ainsi de rendre prévisible le comportement des individus.
On distingue :
- Le contrôle social formel : il est assuré par des groupes et des institutions spécifiques et entend ainsi faire respecter les normes formelles, c'est-à-dire celles qui sont explicites et codifiées (le droit).
- Le contrôle social informel : il est assuré dans la vie quotidienne et entend ainsi faire respecter les normes informelles, c'est-à-dire celles qui relèvent davantage des coutumes. Cette forme de contrôle social est assurée par et à travers les interactions.
Contrôle social formel
Le contrôle social formel correspond au respect des normes formelles et prévoit ainsi de manière explicite des sanctions en cas de transgression.
Par exemple, une verbalisation par un policier si on ne respecte pas le Code de la route est une sanction formelle, élément du contrôle social formel. La verbalisation punit la transgression d'une norme formelle (établie dans le Code de la route).
Contrôle social informel
Le contrôle social informel correspond au respect des normes informelles et passe par une surveillance accrue des membres et par une pression sociale. Le contrôle social exerce ainsi des sanctions positives (approbation, récompense) et négatives (actions punitives, répressives ou correctrices de la société).
Par exemple, si le premier individu à se servir à table vide le plat entier dans son assiette, il transgresse les règles informelles des bonnes manières à table. Il sera probablement sanctionné par des regards désapprobateurs, voire une remarque désobligeante.
Des conduites peuvent être sanctionnées à la fois de façon formelle et informelle.
Par exemple, un individu en état d'ébriété sur la voie publique peut être sanctionné de façon informelle par les regards désapprobateurs des passants, des critiques à voix haute, des refus de lui adresser la parole. Il peut aussi être sanctionné par une arrestation par les forces de l'ordre qui le conduiront, comme la loi le prévoit, en cellule de dégrisement : c'est une sanction formelle.
Les objectifs du contrôle social
Le contrôle social est synonyme de régulation sociale et de contrainte sociale.
- Le respect des normes et des règles permet d'assurer le bon fonctionnement de la collectivité et d'en assurer la cohésion sociale.
- Le contrôle social doit par ailleurs assurer la conformité sociale, c'est-à-dire la conduite des individus qui respectent les normes et valeurs d'un groupe ou de la société.
Cohésion sociale
La cohésion sociale désigne l'ensemble des mécanismes (normes, valeurs, relations sociales) par lesquels les individus d'une même société vivent ensemble. La cohésion sociale doit ainsi assurer le bien-être de ses membres et réduire les disparités.
Évolutions contemporaines
Le contrôle social est de plus en plus formel. On voit se développer progressivement un droit répressif dans des domaines où les coutumes et la morale suffisaient auparavant à régler les manières de vivre ensemble. Le droit tend à se développer dans tous les domaines de la vie quotidienne.
Les nouvelles technologies tiennent une place croissante dans les nouvelles formes du contrôle social. Cette évolution peut être perçue positivement (le travail de plus en plus scientifique de la police est perçu comme plus rigoureux) ou négativement (le développement de la vidéosurveillance est perçu comme une violation de la vie privée). Les nouvelles technologies présentent également la particularité de chercher à prévenir plutôt qu'à sanctionner (régulateur de vitesse, démarrage d'une voiture au moyen d'un alcootest, etc.).
On peut soulever la capacité des nouvelles technologies à mémoriser ce qui concerne les individus, en les situant géographiquement et dans le temps. Si cela peut relever de la protection et de la sécurité des individus, cela peut également être perçu comme une atteinte à la liberté de chacun.
Les instances en charge du contrôle social
Le contrôle social peut être effectué par différentes instances, notamment selon qu'il soit formel ou informel.
Le contrôle social formel est effectué par des instances spécialisées. Le plus souvent, celles-ci sont du ressort de l'État, qui seul a le droit de punir formellement les individus lorsqu'ils ne respectent pas la loi. Les sanctions que l'État met en place sont toujours explicites, et visent ainsi à dissuader les individus de commettre des infractions ou des crimes. On parle ainsi de "peur du gendarme" pour désigner l'effet de dissuasion.
Le contrôle social informel est exercé par le groupe social. À travers le processus de socialisation, l'individu intègre les normes du groupe, et donc le contrôle social. Ainsi, la socialisation fait du contrôle social une contrainte interne à l'individu. Les normes et les valeurs intégrées par l'individu deviennent des obligations morales et personnelles. L'individu est en mesure de distinguer les comportements attendus et les comportements proscrits.
Les normes ne s'imposent pas toutes avec la même force :
- Certaines normes se révèlent obligatoires au sein du groupe social. Le degré d'attachement ou d'appartenance au groupe détermine alors le poids des normes admises au sein du groupe social. Le contrôle social s'exerce par une pression sociale qui peut conduire à la réprobation morale, voire à l'exclusion du groupe. Par exemple, ne pas répondre aux salutations d'un proche est un comportement interdit au sein d'un groupe social. Quelqu'un qui refuse de saluer les autres lorsqu'il les rencontre risque d'être peu à peu exclu du groupe, car il ne manifeste pas son attachement aux autres.
- Certaines sont facultatives : leur respect peut faire l'objet de sanctions positives. La récompense, le prestige, la reconnaissance, sont des formes de sanctions conférées à ceux qui respectent ses normes. Par exemple, le fait d'arriver systématiquement à l'heure lorsque l'on est invité peut être facultatif dans certains groupes sociaux : un individu n'en serait pas exclu parce qu'il arrive en retard. Cependant, on félicite les individus pour leur ponctualité, ce qui a pour effet d'encourager de tels comportements au sein du groupe.
Il faut donc distinguer entre sanctions positives (encouragements, félicitations, récompenses) et sanctions négatives (actions répressives, punitives ou correctrices de la société).
Un effet des sanctions peut être la stigmatisation de l'individu qui ne respecte pas les normes.
Stigmate
On parle de "stigmate", en sociologie, pour désigner un signe qui différencie un individu d'un groupe auquel il appartient. Ce signe discrédite souvent l'individu aux yeux du groupe : il est le signe que l'individu n'a peut-être pas sa place dans le groupe.
Au sein d'un groupe d'amis qui ont tous un même diplôme, le fait de ne pas avoir ce diplôme, pour un individu, est un stigmate.
À un stigmate est souvent associée une certaine identité, qu'elle soit justifiée ou non. On dit de l'individu qu'il est stigmatisé quand une certaine identité lui est appliquée parce qu'il possède un stigmate, alors même que cette identité ne correspond peut-être pas vraiment.
Stigmatisation
La stigmatisation est un processus au terme duquel un individu, au nom de caractéristiques particulières, est déconsidéré, discrédité ou marqué d'un signe spécifique (par exemple, jugé indigne). La stigmatisation est le fruit d'une identité péjorative imposée par les autres.
Par exemple, si un homme porte du rouge à lèvres et du vernis à ongles, il s'agit d'un stigmate : c'est un signe qui le différencie du groupe des hommes, en général. Il sera vraisemblablement stigmatisé comme féminin, voire homosexuel, alors que cette identité ne lui correspond peut-être pas.
Certaines sanctions sociales, notamment les sanctions négatives, peuvent avoir un effet stigmatisant. Par exemple, l'individu arrêté chez lui et conduit au commissariat est stigmatisé comme criminel et dangereux, de mauvaise fréquentation, alors même qu'il s'agit peut-être d'une erreur judiciaire. Certaines sanctions peuvent ainsi aboutir, à cause de la stigmatisation, à une amplification des comportements déviants. L'individu sanctionné une fois et dès lors stigmatisé comme délinquant est exclu de tous les groupes de sociabilité, à l'exception des groupes de délinquants, qui sont les seuls à l'accepter. Il est donc conduit à fréquenter d'autres délinquants, et à s'identifier lui-même comme délinquant. Il risque alors de commettre de nouveau des crimes.
La déviance
Déviance, société et groupes sociaux
Définition
Le contrôle social peut échouer à faire respecter les normes collectives. Dans ce cas, un individu commet un acte qui transgresse les normes en vigueur dans la société. C'est un acte qualifié de déviant.
Déviance
La déviance désigne les conduites que les membres d'une société ou d'un groupe réprouvent ou sanctionnent car elles sont jugées non conformes à leurs propres normes ou valeurs.
L'évolution des sociétés et les groupes sociaux
Les systèmes de normes et de valeurs ont évolué avec les sociétés : ce qui était sanctionné ou interdit peut progressivement devenir une norme. Par exemple, le divorce était contraire aux valeurs de la religion catholique et réprimé par la société française il y a moins de deux siècles. Il a été peu à peu accepté par la société et dans la loi. Aujourd'hui, le divorce est une norme, au sens où il n'est pas "anormal" de divorcer, et il n'y a plus de sanctions à l'encontre des gens divorcés.
La diversité des groupes au sein d'une même société peut se traduire par des oppositions entre la culture dominante et la culture des sous-groupes, qui n'appliquent pas forcément les mêmes normes.
L'École de Chicago, dans les années 1930, a ainsi étudié la criminalité, la délinquance et les déviances. Les sociologues de ce courant ont montré que le crime organisé (très présent à Chicago dans les années 1930) était une réponse à la désorganisation sociale. Les adolescents des classes populaires, souvent immigrés d'Europe de l'Est, se trouvaient dans un milieu social "désorganisé" : ils étaient partagés entre d'un côté les valeurs traditionnelles de leurs parents, et de l'autre les valeurs plus libérales de la société américaine. Ils trouvaient alors une place et une identité propre dans le système de valeurs et de normes des "bandes" de jeunes délinquants, s'opposant aux normes dominantes de la société américaine. C'est ainsi que peut s'expliquer la délinquance juvénile, par la recherche de repères sociaux, ainsi que par une sociabilité de quartiers propre aux bandes délinquantes.
Culture
La culture en sociologie correspond à l'ensemble des valeurs, des normes et des pratiques acquises et partagées par les membres d'un même groupe.
Sous-culture
Une sous-culture désigne la culture d'un groupe particulier, au sein d'un groupe culturel plus grand. La sous-culture se caractérise par certaines normes, valeurs et pratiques différentes, qui manifestent un écart avec la culture dominante. Elle peut toutefois rester en adéquation avec la culture globale de la société.
La culture française est une sous-culture de la culture européenne.
Les fans de hard-rock forment une sous-culture spécifique (caractérisée par un ensemble de références, d'habitudes musicales, mais aussi vestimentaires et comportementales) au sein des cultures liées à la musique rock.
Les causes de la déviance
L'anomie
Anomie
L'anomie est une perte des repères sociaux qui fait que les attentes des individus ne sont pas cohérentes avec les moyens dont ils disposent pour les réaliser.
L'anomie correspond à une déficience des règles sociales. Ce relâchement du lien social pousse les individus à ne plus savoir orienter leurs conduites car ils ont perdu leurs repères. L'anomie est un concept sociologique forgé par Émile Durkheim puis repris par Robert K. Merton.
Durkheim développe l'idée d'un "mal de l'infini" dans Le Suicide, écrit en 1897. Il montre que les désirs des individus s'accroissent dans les sociétés modernes car une plus grande place est laissée à l'individu. Les instances socialisatrices et intégratrices ont de moins en moins d'influence. Cela donne lieu à une extension des désirs de l'individu et une certaine dissolution des liens sociaux traditionnels. Pour Durkheim, l'anomie caractérise le processus par lequel les règles sociales perdent leur pouvoir de régulation et les liens de solidarité se distendent.
R. K. Merton, dans un article de 1938, insiste sur une contradiction présente dans la société qui peut donner lieu à des actes de déviance. La société fixe des idéaux à atteindre à ses membres, alors même qu'elle est incapable de donner à tous les moyens de réaliser ces projets. Il y a un décalage entre les objectifs valorisés et leur accessibilité. La déviance est alors un moyen de répondre à ces décalages. Elle peut donc s'expliquer par les structures sociales de répartition des buts et des moyens pour y parvenir.
Dans la société, il est valorisé d'avoir un statut social élevé associé à des gains monétaires importants. Cette réussite s'affiche notamment à travers la possession de voitures, notamment de grandes marques. Selon l'analyse de Merton, quelqu'un issu d'un milieu populaire qui commet un braquage pour s'acheter une telle voiture commet un acte déviant qui est résultat de l'anomie. Cette anomie désigne le décalage entre les objectifs socialement valorisés (avoir une belle voiture) et les moyens effectivement accessibles pour les atteindre (de nombreuses personnes ne gagneront jamais assez d'argent pour pouvoir se permettre d'en acheter une).
L'étiquetage
Pour les sociologues interactionnistes, la déviance est le produit d'interactions sociales. L'un des chefs de file de l'interactionnisme est le sociologue américain Howard Becker. Il s'est appliqué à étudier ce que l'on qualifie de déviance, et comment on en arrive à cette qualification. Pour H. Becker, la stigmatisation passe par l'étiquetage de certains individus, l'application d'une "étiquette" qui entrave leur intégration et favorise ainsi des comportements déviants, en particulier délinquants. L'institution de normes conduit à un étiquetage des individus qui les transgressent. Pour H. Becker, la déviance est une étiquette appliquée avec succès. Autrement dit, la déviance est produite par le regard qui est posé sur l'individu ou ses actes. Cette approche permet de souligner que la déviance n'est pas uniquement un comportement particulier, mais elle dépend entièrement de ce que la société considère ou non comme normal, de ce que l'on décide de sanctionner. En conséquence, on ne peut pas chercher les causes de la déviance uniquement dans des particularités des individus qui commettent des actes déviants, par exemple un déséquilibre mental. Pour étudier la déviance, selon Becker, il faut étudier tout le processus qui conduit à l'établissement de normes.
La délinquance : une forme particulière de déviance
Définition
Délinquance
La délinquance est une forme particulière de déviance, correspondant aux conduites sanctionnées pénalement car elles sont des infractions aux normes de droit (juridiques) en vigueur dans une société. La délinquance correspond aux crimes et délits punis par la loi.
Ne pas confondre déviance et délinquance. La délinquance est une forme particulière de déviance qui correspond à la transgression des normes juridiques.
La mesure du niveau de délinquance reste tributaire de la manière de fonctionner des institutions de contrôle social, notamment de la tolérance vis-à-vis de certains délits ou encore de l'activité de la police.
La difficile mesure de la délinquance
Tous les délits ne sont pas visibles de la même manière dans le temps et dans l'espace :
- Des crimes peuvent être sous-estimés ou mal connus, notamment lorsque les victimes portent rarement plainte (les viols, les violences conjugales). Il peut exister un sentiment de honte ou une crainte de représailles.
- Le nombre de délits enregistrés peut augmenter lorsqu'il y a un intérêt pour la victime à les déclarer : indemnisation par les société d'assurance (les cas de vols par exemple).
- Les services de police peuvent se concentrer sur certains actes et moins s'intéresser à d'autres actes de délinquance, voire encourager ou décourager certaines victimes à porter plainte, ce qui fausse les statistiques policières.
La mesure de la délinquance pose ainsi problème car toutes les victimes ne portent pas plainte. La police et les tribunaux enregistrent les plaintes déposées par les victimes et les condamnations ; or, il existe un écart entre la délinquance réelle et la délinquance recensée. Les statistiques pénales peuvent sous-estimer la délinquance commise et surestimer certains actes : c'est le chiffre noir de la délinquance.
Chiffre noir de la délinquance
Le chiffre noir est la différence entre la délinquance "réelle", dont le niveau est par essence mal connu, et la délinquance mesurée par les statistiques pénales. Celles-ci comptabilisent les personnes catégorisées comme délinquantes et non toutes celles qui ont transgressé les lois.
Face aux limites des statistiques produites par diverses instances pénales, les sociologues ont construit un nouvel outil : les enquêtes de victimation. Celles-ci doivent :
- Permettre d'évaluer l'importance de certains types de délinquance à partir des déclarations des victimes
- Permettre de mesurer le taux de plainte selon les infractions
- Permettre de rendre compte de l'évolution de ce taux de plainte
Elles rendent mieux compte du niveau de délinquance subie mais comportent des limites. Notamment, puisqu'elles ne s'intéressent qu'aux victimes, elles ne peuvent pas mesurer les crimes pour lesquels il n'y a pas de victimes identifiables (par exemple l'évasion fiscale ou le trafic de stupéfiants).
Enquête de victimation
Les enquêtes de victimation permettent à partir d'un échantillon représentatif de la population de demander aux enquêtés s'ils ont été victimes d'actes de délinquance dans l'année écoulée et de combien d'actes ils ont été victimes.