Les petites perceptions
Gottfried Wilhelm Leibniz
Gottfried Wilhelm Leibniz
Nouveaux essais concernant l'entendement humain
1715
Dans ses Nouveaux essais sur l'entendement humain, Leibniz met en évidence le fait qu'un grand nombre de perceptions ne sont pas conscientes. Plus précisément, il remarque qu'il y a un grand nombre de petites perceptions dont nous n'avons pas conscience : trop petites pour être perçues isolément, elles ne sont perçues que lorsqu'elles forment un tout. Ceci montre que même si nous n'en avons pas conscience, ces petites perceptions ont un effet sur nous.
C'est par exemple le cas du bruit d'une vague : le sujet ne perçoit pas le bruit de chacune des gouttes d'eau qui composent la vague. En revanche, il perçoit, comme un tout, le bruit que fait la vague.
D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites, ou en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir, au moins confusément dans l'assemblage.
Gottfried Wilhelm Leibniz
Nouveaux essais sur l'entendement humain, Jacques Brunschwig, Paris, éd. Flammarion (1993)
1765
Ces perceptions sont donc trop petites, ou en trop grand nombre, ou bien encore trop unies les unes aux autres pour que le sujet parvienne à les percevoir séparément. En revanche, bien qu'on ne saisisse que le tout de ces perceptions, chacune produit bien un effet sur nous.
Structure de l'appareil psychique
Sigmund Freud
Sigmund Freud
La Naissance de la psychanalyse
1956
Sigmund Freud
Au-delà du principe de plaisir
1920
L'inconscient freudien comprend d'abord tout ce à quoi nous ne pensons pas. Par exemple, nous avons sans cesse des automatismes, dans les gestes, les pensées et les paroles. Mais l'inconscient comprend aussi des pensées volontairement refoulées par l'esprit. Il s'agit en fait de désirs et de pulsions refoulés dans l'inconscient en raison de leur incompatibilité avec les exigences morales et sociales intériorisées par le sujet. Pour rendre plus claire sa conception du psychisme humain, Freud propose une première division de l'appareil psychique, qu'il décrit comme une maison à trois étages :
- Le conscient est ce qui permet l'adaptation du sujet au réel.
- Le préconscient regroupe tout ce dont nous n'avons momentanément pas conscience.
- L'inconscient, qui représente la plus grande part de l'appareil psychique, regroupe l'ensemble des désirs qui cherchent à rejoindre le préconscient mais qui sont refoulés, sous l'effet d'une censure morale interne au sujet.
Toutefois, à partir des résultats de ses nouveaux travaux, Freud décide de proposer une nouvelle division de l'appareil psychique :
- Le « ça » est le réseau désordonné et inconscient des pulsions, entièrement régi par le principe de plaisir.
- Le « surmoi » est l'instance morale, également inconsciente, qui regroupe les normes sociales et familiales intériorisées par le sujet.
- Le « Moi » (qui représente la plus petite part de l'appareil psychique) est un médiateur, qui cherche à concilier les pulsions du « ça » avec les interdits du « surmoi ». De cette instance dépend l'équilibre psychique de la personne.
Le moi n'est pas maître dans sa propre maison.
Sigmund Freud
Essais de psychanalyse appliquée, trad. Marie Bonaparte et E. Marty, Paris, éd. Gallimard, coll. « Les Essais » (n° 61), (1952)
1920
En formulant l'hypothèse d'un inconscient psychique, Freud bouleverse la vision classique du sujet. La mise en évidence de l'existence de l'inconscient montre que l'appareil psychique humain est en réalité beaucoup plus complexe.
La falsifiabilité
Karl Popper
Karl Popper
Conjectures et réfutations
1963
Karl Popper
Logique de la découverte scientifique
1934
Pour Popper, une théorie n'est scientifique que s'il est possible d'énoncer les conditions dans lesquelles elle serait fausse : c'est le critère de falsifiabilité. Autrement dit, une théorie n'est scientifique que dans la mesure où l'observation ou l'expérience peuvent théoriquement la réfuter. Or, c'est précisément ce test que ne passe pas la psychanalyse : selon lui, celle-ci n'est pas science. Popper ne rejette pas la psychanalyse en tant que telle : il lui reconnaît une forte valeur explicative des comportements humains. Néanmoins, il refuse qu'on lui octroie le statut de science en raison de son caractère non falsifiable.
Quant aux deux théories psychanalytiques, elles relèvent d'une tout autre catégorie. Elles sont purement et simplement impossibles à tester comme à réfuter. Il n'existe aucun comportement humain qui puisse les contredire. […] Certes, les théories psychanalytiques étudient certains faits, mais elles le font à la manière des mythes. Elles contiennent des indications psychologiques fort intéressantes, mais sous une forme qui ne permet pas de les tester.
Karl Popper
Conjectures et réfutations : la croissance du savoir scientifique, (Conjectures and refutations), trad. Michelle-Irène B. de Launay, Marc Buhot de Launay, Paris, éd. Payot, coll. « Bibliothèque scientifique » (2006)
1963
Certes, le concept d'inconscient a une valeur explicative non négligeable, mais il ne s'agit pas d'une explication de type scientifique.
La mauvaise foi
Jean-Paul Sartre
Jean-Paul Sartre
L'Être et le Néant
1943
Pour Sartre, ce qui définit l'homme est d'abord le fait d'exister. Il n'y a donc pas d'autre nature humaine que le fait d'exister et de pouvoir librement choisir sa vie. L'existence est donc première par rapport à l'essence, c'est-à-dire à la nature de l'homme, qui n'est que le résultat de ce qu'il fait de sa vie. De ce point de vue, la liberté humaine est totale et inaliénable, mais elle comprend des conséquences inévitables, à commencer par la responsabilité. C'est cette idée qu'exprime Sartre lorsqu'il dit que l'homme est « condamné à être libre ». En effet, c'est parce que sa liberté est entière que l'homme ne peut justifier ses manquements à la morale. C'est en raison de cette entière liberté de l'homme que l'hypothèse d'un inconscient psychique ne peut être acceptée. Si l'homme est responsable de chacun de ses actes et de chacune de ses pensées, il ne peut pas invoquer, à titre d'excuse, un inconscient qui déciderait à sa place. Affirmer l'existence de l'inconscient est faire preuve de ce qu'il nomme « mauvaise foi », car cela permet de se dédouaner de sa responsabilité morale. L'individu qui invoque l'inconscient tente ainsi de se cacher derrière autre chose, afin de ne pas assumer les conséquences de ses choix.