Les animaux-machines
René Descartes
René Descartes
Discours de la méthode
1637
René Descartes
"Lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646"
1646
Pour Descartes, si l'on veut produire une connaissance scientifique du vivant, il faut s'efforcer de la faire reposer sur les lois de la mécanique, c'est-à-dire des lois de la physique. Si l'on parle de théorie des animaux-machines, c'est que pour Descartes, les animaux ne possèdent pas la pensée : l'absence de langage articulé chez eux, en dépit d'organes qui la rendraient possible, en est la preuve. C'est pourquoi l'explication du vivant doit prendre pour modèle celui de la machine : simples automates, les animaux ne sont guidés dans leurs actions que par l'instinct et les besoins. Ils n'agissent donc pas à proprement parler : c'est la nature qui agit en eux. L'instinct est donc ce qui permet d'expliquer la perfection dont sont capables les animaux dans certaines actions ou certaines réalisations, telles que les ruches des abeilles ou les barrages des castors.
Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est, que notre jugement ne nous l'enseigne. Et sans doute que, lorsque les hirondelles viennent au printemps, elles agissent en cela comme des horloges. [Elles] ne le font que par instinct et sans y penser.
René Descartes
"Lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646"
1646
Le corps animal fonctionne comme une horloge : la perfection observée dans ce corps organique ne doit pas provoquer notre jalousie, car les animaux ne font que suivre la nature qui agit en eux, c'est-à-dire qu'ils agissent en fonction de l'instinct. Ils sont donc incapables d'inventer.
Le vivant et son milieu
Georges Canguilhem
Georges Canguilhem
La Connaissance de la vie
1952
Dans son article "Le Vivant et son milieu", Canguilhem entend démontrer la spécificité de la notion de milieu rapportée au vivant. Procédant à une généalogie du concept de milieu, il montre qu'il trouve son origine dans la physique de Newton : cette origine explique le caractère déterministe du milieu. Repris par la biologie, Canguilhem montre que l'on a toujours compris la relation du vivant à son milieu comme une relation de conditionnement, le vivant subissant l'action du milieu. Or, selon lui, les relations sont à penser différemment : le milieu ne constitue pas une contrainte nécessaire imposée au vivant. Bien au contraire, le vivant crée son milieu, en sélectionnant les éléments auxquels il réagit. La relation du vivant à son milieu doit donc être comprise en termes d'adaptation du milieu par le vivant, ce qui implique de distinguer le milieu physique, neutre, du milieu biologique, essentiellement déterminé par son rapport au vivant qui l'habite
Le propre du vivant, c'est de se faire son milieu; de se composer son milieu. […] Du point de vue biologique, il faut comprendre qu'entre l'organisme et l'environnement, il y a le même rapport qu'entre les parties et le tout à l'intérieur de l'organisme lui-même. […] Entre le vivant et le milieu, le rapport s'établit comme un débat (Auseinandersetzung) où le vivant apporte ses normes propres d'appréciation des situations, Où il domine le milieu, et se l'accommode.
Georges Canguilhem
La Connaissance de la vie
1952
La notion de finalité interne
Emmanuel Kant
Emmanuel Kant
Critique de la faculté de juger
1790
Kant, dans son travail sur le vivant, met en évidence les limites du modèle mécaniste pour le comprendre. En effet, si l'usage des lois de la physique permet bien une connaissance scientifique et objective du vivant, cela ne permet cependant pas de rendre compte de ce qui distingue spécifiquement l'organisme vivant des autres objets physiques mais inanimés. Kant propose ainsi d'avoir recours à la notion de finalité interne pour comprendre le vivant : l'idée d'une force formatrice à l'œuvre dans le vivant permet de comprendre d'une part l'interdépendance des parties entre elles et au tout, et, d'autre part, de rendre compte de la capacité du vivant à se former et à donner naissance à d'autres vivants (capacité de reproduction).
La notion de finalité ne permet certes pas d'augmenter la connaissance du vivant, qui, pour rester objective, doit se limiter à l'explication mécaniste. Mais elle permet néanmoins de rendre compte du caractère organisé de l'organisme vivant, ce que Kant appelle la force formatrice.
Un être organisé n'est pas simplement machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l'être organisé possède en soi une force formatrice.
Emmanuel Kant
Critique de la faculté de juger
1790
Kant illustre ici la capacité du vivant de se régénérer et de créer de nouvelles formes. Contrairement à une machine, le vivant est donc capable de se développer, de croître et de se réparer. En outre, le vivant est doué d'une fonction reproductive.
La téléologie de la nature
Aristote
Aristote
Physique
IVe siècle avant J.-C.
La téléologie est l'étude des causes finales. Pour Aristote, l'idée de finalité de la nature s'impose car les phénomènes naturels se répètent de façon régulière. Cela signifie pour lui qu'il y a un ordre de la nature. Il écrit ainsi que "les choses se produisent éternellement de la même façon, si rien ne s'y oppose." Aristote imagine qu'un "premier moteur", principe du mouvement de l'univers entier, en constitue aussi la cause finale, c'est-à-dire la raison d'être, bien que l'univers n'ait pas été créé. Cela permet de conserver la nature. En effet, la fin de toute chose est également le début de toute chose : l'hiver se termine toujours, mais revient un an plus tard.
La forme étant une fin, et tout le reste s'ordonnant en vue de la fin et du but, on peut dire que la forme est le pourquoi des choses et leur cause finale.
Aristote
Physique
IVe siècle avant J.-C.
Pour Aristote, la finalité est donc inhérente à la nature. Elle est inhérente à chaque "forme" qui constitue cette dernière, en particulière la forme, l'identité même du vivant.
L'élan vital
Henri Bergson
Henri Bergson
L'Évolution créatrice
1907
Henri Bergson
Les Deux sources de la morale et de la religion
1932
L'élan vital tel que le conçoit Bergson est un processus qui traverse le corps et l'organise. Il le décrit comme une force créatrice. Pour Bergson, cet élan vital est à l'origine de l'évolution du vivant. En effet, il pousse les animaux à se diversifier, par la force même de la vie.
Chaque être vivant est la concrétion de l'élan vital. Pour survivre, l'être vivant se divise, se reproduit. Cette force créatrice ne s'arrête jamais. Les animaux toutefois suivent l'élan vital par instinct. Les hommes sont les seuls à chercher à comprendre cet élan créateur, à être eux-mêmes poussés à la création. Cet élan pousse l'Homme à la recherche, à l'établissement de sociétés, au progrès.
L'évolution de la vie s'explique donc pour Bergson par la poussée d'une force vitale. Cette force permet au vivant de surmonter tous les obstacles.
Bergson pense que l'élan vital a trois tendances :
- La torpeur qui caractérise les plantes.
- L'instinct qui caractérise les animaux.
- L'intelligence qui caractérise l'Homme.
L'élan vital est la force créant de façon imprévisible des formes toujours plus complexes.
Henri Bergson
L'Évolution créatrice
1907