La poiêsis et la praxis
Aristote
Aristote
Éthique à Nicomaque
IVe siècle av. J.-C.
Aristote distingue poiêsis et praxis parmi les activités que l'homme peut accomplir :
- La poiêsis désigne une création, une production. Cela exige un savoir-faire, une technique.
- La praxis désigne les actes politiques ou moraux. Cela exige d'utiliser son intellect.
La finalité distingue ces deux types d'activités :
- La finalité de la poiêsis est un bien ou un service qui est séparable de son producteur.
- La finalité de la praxis est une action qui n'est pas séparable de celui qui l'accomplit.
Pour Aristote, la poiêsis est une activité technique servile, car elle permet uniquement de créer des objets utiles, ce qui n'est guère valorisé dans l'Antiquité. Par contre, la praxis est liée à la politique, c'est le citoyen qui débat à l'assemblée, il s'agit donc d'une activité noble. Aristote oppose poiêsis et praxis comme il opposerait le travail de l'esclave (mais aussi celui de l'artisan ou de l'artiste) à l'exercice de la responsabilité politique et morale.
L'outil comme prolongation de la main
André Leroi-Gourhan
André Leroi-Gourhan
Le Geste et la parole
1964
L'ethnologue André Leroi-Gourhan a insisté sur la façon dont l'homme utilise des outils. Pour lui, c'est ce qui le distingue des autres êtres vivants.
Dans Le Geste et la Parole, il explique que le premier grand tournant de l'histoire de l'humanité est le passage à la station debout. En libérant ses mains, l'homme a pu les utiliser pour manier des outils et se mettre à travailler. Leroi-Gourhan souligne ainsi que la réflexion a précédé le passage à la station debout : l'outil est le propre de l'homme, car il a d'abord fallu réfléchir avant d'utiliser des outils. C'est une preuve d'intelligence.
Pour l'homme, la stabilisation puis le dépassement du cerveau technique ont revêtu une signification capitale car, si l'évolution s'était poursuivie vers une corticalisation de plus en plus poussée du système neuro-moteur, l'évolution, pour lui, se serait fermée sur un être comparable aux plus évolués des insectes. Bien au contraire, les territoires moteurs ont été surpassés par des zones d'association de caractère très différent, qui, au lieu d'orienter le cerveau vers une spécialisation technique de plus en plus poussée, l'ont ouvert à des possibilités de généralisation illimitées, du moins par rapport à celles de l'évolution zoologique. Tout au long de son évolution, depuis les reptiles, l'homme apparaît comme l'héritier de celles d'entre les créatures qui ont échappé à la spécialisation anatomique. Ni ses dents, ni ses mains, ni son pied, ni finalement son cerveau n'ont atteint le haut degré de perfection de la dent du mammouth, de la main et du pied du cheval, du cerveau de certains oiseaux, de sorte qu'il est resté capable d'à peu près toutes les actions possibles, qu'il peut manger pratiquement n'importe quoi, courir, grimper et utiliser l'organe invraisemblablement archaïque qu'est dans son squelette la main pour des opérations dirigées par un cerveau surspécialisé dans la généralité.
André Leroi-Gourhan
Le Geste et la Parole
© Albin Michel, collection Sciences d'aujourd'hui, 1964
L'outil prolonge la main. C'est l'intelligence de l'homme qui lui permet d'utiliser sa main pour manier des outils.
L'homme, Homo faber
Henri Bergson
Henri Bergson
L'Évolution créatrice
1907
Pour Bergson, l'homme n'est pas seulement Homo sapiens, c'est-à-dire être de connaissances, mais aussi, et peut-être premièrement, Homo faber, c'est-à-dire être de technique. L'intelligence de l'homme est donc d'abord pratique, tournée vers l'action, et s'incarne dans la fabrication d'outils.
« En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer les objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication. »
Henri Bergson
L'Évolution créatrice
1907