Sommaire
ITemps subjectif et temps objectifIILa finitude de l'hommeIIILe rapport de l'homme au tempsAL'importance du passé : le rôle de la mémoire et des souvenirsBL'attention nécessaire au présentTemps subjectif et temps objectif
Ce n'est pas user de termes propres que de dire : il y a trois temps, le passé, le présent et l'avenir. […] Car ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs. Le présent du passé, c'est la mémoire ; le présent du présent, c'est l'intuition directe ; le présent de l'avenir, c'est l'attente.
Saint Augustin
Les Confessions, (Confessiones), trad. Joseph Trabucco, Paris, éd. Flammarion (1993)
397 - 401 ap. J.-C.
Lorsque saint Augustin analyse la notion de temps, il constate que le passé n'est plus, le futur n'est pas encore, et que le présent n'est qu'un point de passage entre ce qui n'est pas encore (le futur) et ce qui n'est plus (le passé), qu'on peut diviser indéfiniment. À proprement parler, ces trois temps dont use le langage courant n'existent pas. En réalité, le temps n'existe que pour un sujet pour qui le temps passe.
La finitude de l'homme
L'irréversibilité constitue pourtant le caractère le plus essentiel du temps, le plus émouvant, et celui qui donne à notre vie tant de gravité et ce fond tragique dont la découverte fait naître en nous une angoisse que l'on considère comme révélatrice de l'existence elle-même.
Louis Lavelle
Du temps et de l'éternité, Paris, éd. Montaigne, coll. "Philosophie de l'esprit"
1945
Prendre conscience de son existence, c'est prendre conscience du caractère irréversible du temps et, par conséquent, du terme nécessaire de la vie qu'est la mort.
La mort est en tant que fin de la réalité humaine dans l'être de cet existant qui existe pour sa fin.
Martin Heidegger
Être et Temps, (Sein und Zeit), trad. François Vezin, Paris, éd. Gallimard, coll. "Bibliothèque de philosophie" (1990)
1927
La perspective de sa mort angoisse l'homme. Toutefois, refuser de penser la mort, qui fait partie intégrante de la vie humaine, c'est refuser l'angoisse qui caractérise l'homme.
Le rapport de l'homme au temps
L'importance du passé : le rôle de la mémoire et des souvenirs
Marcel Proust, dans le premier roman de son œuvre À la recherche du temps perdu, raconte comment le goût particulier de la madeleine trempée dans du thé le transporte dans ses souvenirs. Ce que nous montre cet exemple, c'est qu'un élément du passé peut, non pas simplement nous rappeler des souvenirs, mais reproduire en nous des impressions et des sentiments propres à une époque passée. On voit ainsi que le passé continue, en un sens, à être présent pour l'homme.
L'attention nécessaire au présent
Une âme paisible et calme est toujours à même de revenir sur toutes les époques de sa vie ; mais l'esprit des hommes affairés est sous le joug : ils ne peuvent se détourner ni reporter leurs regards en arrière. Leur vie s'est engloutie dans un abîme.
Sénèque
De la brièveté de la vie, (De Brevitate vitæ), trad. Xavier Bordes, Paris, éd. Mille et une nuits (1994)
Vers 49 ap. J.-C.
Ici, Sénèque souhaite montrer que les hommes ont tort de penser que l'existence est trop courte. En effet, la plupart du temps, ce n'est pas que le temps leur manque, mais qu'ils passent leur vie sans prendre le temps de vivre. Ce n'est donc pas tant la durée de la vie qui importe que le type de vie que l'on décide de mener.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.
Blaise Pascal
Pensées, publié dans Revue des deux Mondes
1669
Pascal souligne ici l'attitude proprement humaine qui consiste à être sans cesse occupé du passé ou de l'avenir, et qui amène l'homme à se détourner du présent. Or, si l'homme entend trouver le bonheur au cours de son existence, il doit donc apprendre à être attentif au présent : seule dimension de son existence sur laquelle il peut agir.
Le temps est le nombre du mouvement.
Aristote
Physique, trad. Pierre Pellegrin, Paris, GF Flammarion (1999)
IVe siècle av. J.-C.
L'homme évalue le mouvement par le temps. Il distingue l'avant de l'après. Le temps permet donc la mesure du mouvement. Tant que le mouvement n'est pas évalué dans le temps, il n'existe pas ou du moins pas pour nous.
Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir - une impression aussi éloignée que possible de celle de la simultanéité - et pourtant c'est la continuité même de la mélodie et l'impossibilité de la décomposer qui font sur nous cette impression. Si nous la découpons en notes distinctes, en autant d'"avant", et d'"après" qu'il nous plaît, c'est que nous y mêlons des images spatiales et que nous imprégnons la succession de simultanéité : dans l'espace, et dans l'espace seulement, il y a distinction nette de parties extérieures les unes aux autres.
Henri Bergson
La Perception du changement, Paris, PUF, coll. "Quadrige" (2011)
1911
Pour Bergson, le temps est un tout "indivisible et indestructible". L'homme conçoit intuitivement le temps ainsi, et quand il essaie de se le représenter il n'y arrive pas. Il découpe le temps en passé, présent et avenir, mais sent bien que tout est lié, comme une mélodie.