Sommaire
ILa conscience morale de l'hommeIILa conscience morale, donnée immédiateIIIDe la morale à l'éthiqueLa conscience morale de l'homme
L'homme est l'animal estimateur par excellence.
Friedrich Nietzsche
Généalogie de la morale. Un écrit polémique, (Zur Genealogie der Moral. Eine Streitschrift), trad. Patrick Wotling, Paris, éd. Le Livre de Poche, coll. "Classiques de la philosophie" (2000)
1887
L'homme est le seul animal qui peut réfléchir à son action et la juger.
Une histoire de l'Antiquité raconte que Xerxès, roi des Perses, empêché avec son armée de naviguer en raison d'une tempête, fait fouetter la mer pour la punir. Cet exemple symbolise la réaction enfantine qu'un adulte peut toujours avoir lorsque quelque chose ne se passe pas comme il le voudrait. L'être humain associe ainsi plutôt le bien à ce qui lui fait plaisir et le mal à ce qui ne lui fait pas plaisir.
Dans le Gorgias, Platon compare le peuple à un enfant, les orateurs à un cuisinier, et le philosophe à un médecin. Selon lui, l'enfant sera toujours plus attiré par les plats du cuisinier qu'il ne le sera par les médicaments du médecin, indépendamment des biens qu'ils lui apportent. Par ailleurs, le peuple sera toujours plus attiré par les paroles de l'orateur et les conseils du philosophe que par un bon dirigeant. Un pragmatique conseillerait probablement au médecin de cacher ses médicaments dans d'agréables plats pour que l'enfant les ingère.
Interprétation
Il est possible de fournir un contre-argument au pragmatisme : l'enfant consentira à revenir chez le médecin, non pas pour se soigner, mais pour manger de bons plats. En ce sens, il confondra toujours le bien et l'agréable et risque donc de devenir immoral.
La conscience morale, donnée immédiate
Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe. Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S'il parle à tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! C'est qu'il parle la langue de la nature que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite et la paix ; le monde et le bruit l'épouvantent ; les préjugés dont on l'a fait naître sont ses plus cruels ennemis [...], il en coûte autant de le rappeler qu'il en coûta de la bannir.
Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation, Paris, éd. Garnier (1961)
1762
Pour Rousseau, la conscience morale est innée et inscrite dans la nature humaine.
Il n'est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une bonne volonté.
Emmanuel Kant
Fondements de la métaphysique des mœurs, (Grundlegung zur Metaphysik der Sitten), trad. Victor Delbos, Paris, éd. Le Livre de Poche (1993)
1785
La "bonne intention" de Kant n'est pas la conscience morale de Rousseau (conscience formée et éduquée) c'est la bonne volonté spontanée de la "moralité commune" à laquelle la philosophie et l'éducation donnent forme par la suite.
De la morale à l'éthique
Agis de manière à traiter la personne humaine, aussi bien en toi-même qu'en autrui, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen.
Emmanuel Kant
Fondements de la métaphysique des mœurs, (Grundlegung zur Metaphysik der Sitten), trad. Victor Delbos, Paris, éd. Le Livre de Poche (1993)
1785
Kant livre ici son impératif catégorique : la personne humaine doit toujours être une fin en soi et respectée de façon absolue.
Le visage s'impose à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni l'oublier, je veux dire, sans que je puisse cesser d'être responsable de sa misère. La conscience perd sa première place. La présence du visage signifie ainsi un ordre irrécusable – un commandement – qui arrête la disponibilité de la conscience.
Emmanuel Lévinas
L'Humanisme de l'autre homme, Paris, éd. Le Livre de Poche (1987)
1972
Pour Lévinas, on rencontre toujours l'autre par le visage. Celui-ci est vulnérable, fragile. Lorsque l'on voit son visage, on comprend l'altérité totale de l'autre, la personne surgit du néant et on la voit en pleine lumière. On ne peut lui faire du mal.