Sommaire
ILe roman en criseALe rejet des esthétiques du XIXe siècleBLe rejet des conventions narrativesIILe renouveau esthétique du genre romanesqueALes nouveaux courants romanesques au XXeBLes nouveaux genres romanesques au XXe siècleCLe résultat des expérimentations littéraires du XXe siècleDLa place d'André Gide dans le renouveau romanesqueAu début du XXe siècle, le roman est en crise. L'engouement pour le roman-fleuve, caractéristique du XIXe siècle, persiste jusque dans les années 1920, puis de nombreux auteurs rejettent les conventions narratives telles que le narrateur omniscient, la vraisemblance ou encore la toute-puissance du personnage. De nouvelles expérimentations formelles voient le jour. L'écriture romanesque est profondément transformée et repensée. Des esthétiques novatrices apparaissent. Le roman Les Faux-Monnayeurs d'André Gide est une réponse à cette crise et cette quête de renouveau romanesque.
Le roman en crise
Le rejet des esthétiques du XIXe siècle
Au XIXe siècle, le roman a connu un très grand succès, il est devenu le genre littéraire le plus populaire et le plus prolifique. Trois grands mouvements littéraires se sont imposés et ont permis la définition de nouvelles conventions romanesques :
- Le réalisme
- Le naturalisme
- Le romantisme
Romantisme
Le romantisme est un mouvement littéraire qui s'est répandu en Europe au XVIIIe siècle avant d'éclater au début XIXe en France. Il se caractérise par une volonté d'exprimer de façon lyrique les sentiments de l'Homme, à travers les thèmes de la nature et de l'amour.
Le roman René de Chateaubriand est caractéristique du mouvement romantique. Ce roman détaille les souffrances éprouvées par un personnage central désespérément amoureux de sa cousine.
Réalisme
Le réalisme est la volonté de rendre compte par les mots de la réalité elle-même.
Les Illusions perdues est un roman réaliste de Balzac. Ce roman raconte les déconvenues successives d'un jeune homme qui tente de se faire une place dans la société parisienne.
Naturalisme
Le naturalisme est un mouvement littéraire qui cherche à appliquer la méthode des sciences humaines et sociales à la littérature.
Au Bonheur des Dames d'Émile Zola est un roman naturaliste.
Les auteurs du XXe siècles s'opposent à ces trois mouvements et rejettent les esthétiques qui les constituent. Ils refusent donc :
- Le déterminisme du naturalisme
- La volonté de peindre la réalité du réalisme
- Le lyrisme du romantisme
Les écrivains du XIXe siècle se sont opposés à l'esthétique classique des XVIIe et XVIIIe siècles, mais ils semblent encore trop rigides aux auteurs du XXe qui recherchent de la liberté et veulent innover. Cela passe nécessairement par le rejet des conventions narratives instaurées par les esthétiques littéraires du XIXe siècle.
La crise du roman au XXe siècle s'explique par de nombreuses découvertes et innovations dans d'autres domaines, qui remettent en question le monde :
- La révolution scientifique avec la théorie de la relativité d'Albert Einstein
- La révolution philosophique avec la critique de la psychologie par Nietzsche
- La révolution sociale avec le marxisme
Le rejet des conventions narratives
Le mauvais romancier construit ses personnages ; il les dirige et les fait parler. Le vrai romancier les écoute et les regarde agir.
André Gide
Journal des Faux-Monnayeurs
1926
Les conventions narratives rejetées au XXe siècle sont :
- Le narrateur omniscient
- Le personnage tout-puissant
- La vraisemblance
- La primauté du fond sur la forme
C'est la place du personnage principal qui est particulièrement remise en cause par les auteurs du XXe siècle. Ils refusent :
- De donner des informations sur son physique
- De définir son statut social
- D'expliquer son comportement
- De livrer ses motivations
- De raconter son passé
- D'expliquer ses motivations
Dans La Modification publié en 1957, Michel Butor livre très peu d'informations sur son personnage principal. Le lecteur est plongé dans ses réflexions mais ne sait pas à quoi il ressemble, d'où il vient, pourquoi il veut quitter sa femme, etc.
Le narrateur omniscient disparaît au profit de romans dans lesquels le point de vue est réparti entre plusieurs personnages.
Dans Les Faux-Monnayeurs, André Gide laisse une multitude de personnages s'exprimer : Édouard, Sarah, Olivier, Laura, etc.
La vraisemblance n'est plus importante. Les auteurs ne suivent plus nécessairement une ligne narrative chronologique, le récit est fait de coupures, d'éclatements, de ruptures.
Dans Le Paysan de Paris publié en 1926, Louis Aragon élabore un récit labyrinthique qui permet de représenter l'errance des personnages.
Le renouveau esthétique du genre romanesque
Les nouveaux courants romanesques au XXe
Roman. La grande forme de la prose où l'auteur, à travers des ego expérimentaux (personnages), examine jusqu'au bout quelques thèmes de l'existence.
Milan Kundera
L'Art du roman
1986
Plusieurs genres et courants romanesques voient le jour au XXe siècle dont les principaux sont :
- Le surréalisme (1920 - 1950)
- L'absurde, l'existentialisme ou le non-sens (1930 - 1960)
- Le Nouveau Roman (1950 - 1960)
Surréalisme
Le surréalisme est un mouvement littéraire qui repose sur la libération de la forme littéraire et des conventions sociales en développant les thèmes du rêve et de la pensée.
Les auteurs les plus importants du surréalisme sont André Breton, Louis Aragon ou encore Paul Éluard.
Absurde (existentialisme, non-sens)
L'absurde, l'existentialisme ou encore le non-sens en littérature est un courant littéraire qui dénonce l'absurdité du monde, le non-sens de l'existence et du langage. Les personnages insignifiants parlent, attendent, agissent inutilement ou de façon incompréhensible et bizarre dans un monde mécanique, stérile et déshumanisé.
Les plus célèbres auteurs de l'absurde ou de l'existentialisme sont Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Samuel Beckett ou encore Eugène Ionesco.
Nouveau Roman
Le Nouveau Roman est un courant littéraire dont les auteurs explorent les consciences de personnages anonymes, étranges et indéfinissables.
Les deux principaux auteurs représentant le Nouveau Roman sont Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute
Un autre courant littéraire, l'Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle), s'illustre par les contraintes que s'imposent les auteurs. Ils construisent une œuvre avec des règles fixées à l'avance.
La Disparition, publié en 1969, est un lipogramme de Georges Perec : cela signifie que l'auteur a choisi d'écrire tout son roman sans utiliser la voyelle "e".
Les nouveaux genres romanesques au XXe siècle
Trois genres de roman dominent le XXe siècle :
- Le roman-fleuve
- Le roman engagé
- L'autofiction
Le roman-fleuve est surtout représenté par Marcel Proust. Avec À la recherche du temps perdu, il compose une œuvre unique et foisonnante qui a marqué profondément son temps. Il s'agit d'une comédie humaine dans laquelle il peint un portrait féroce de sa société et des différents milieux sociaux, particulièrement la bourgeoisie et l'aristocratie. Il innove dans la narration en alternant la troisième personne dans Un Amour de Swann et la première personne pour le reste de la saga. L'ordre chronologique est rompu, le personnage-narrateur ne cesse de revenir en arrière, de repenser à des souvenirs révolus.
Le roman engagé est principalement représenté par :
- Albert Camus, qui dénonce le totalitarisme dans La Peste publié en 1947.
- André Malraux, qui dénonce la guerre d'Espagne dans L'Espoir publié en 1937.
- Céline, qui dénonce la guerre et l'aliénation de l'Homme dans Voyage au bout de la nuit publié en 1932.
Le genre de l'autofiction se développe beaucoup. Il est particulièrement apprécié par les auteurs du XXe siècle car il permet de rendre obscures les limites entre auteur, narrateur et personnage.
Dans Les Racines du ciel publié en 1956, Romain Gary rend hommage à sa mère en racontant sa vie. Il mêle éléments autobiographiques et éléments fictifs.
Le résultat des expérimentations littéraires du XXe siècle
Les expérimentations littéraires des auteurs au XXe siècle sont principalement les suivantes :
- L'utilisation de pronoms personnels et particulièrement du "je" pour parler des personnages
- La remise en question de l'identification romanesque : le lecteur s'identifie plutôt à l'auteur qui crée qu'au personnage.
- Une rupture dans la narration
- L'utilisation de nombreuses métaphores
- Le jeu sur la ponctuation
- Le rejet du "beau style"
Dans La Modification, Michel Butor passe d'un paragraphe à l'autre sans terminer sa phrase, sans utiliser la ponctuation traditionnelle.
Dans Voyage au bout de la nuit, Céline effectue de nombreuses ruptures de ton, il mélange les styles et les niveaux de langage.
La place d'André Gide dans le renouveau romanesque
André Gide est un auteur de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, au même titre que Marcel Proust, il annonce la modernité dans le genre romanesque. En 1897, son ouvrage Les Nourritures terrestres étonne. Il s'agit d'un long poème en prose marqué par :
- La sensualité
- Le désir
- La nature
Les thèmes d'André Gide sont modernes, il parle notamment d'homosexualité.
André Gide considère Les Faux-Monnayeurs comme son unique roman et aimerait que cette publication soit vue comme son œuvre la plus importante. Cet ouvrage, reçu avec scepticisme dans le monde littéraire, développe les questionnements littéraires de son temps sur le genre romanesque :
- La place du personnage
- La place de l'auteur
- La place du lecteur
- La remise en question de l'intrigue
- L'importance de la forme sur le fond
Il fait de son personnage Édouard un écrivain qui remet en cause le roman et s'interroge sur ce que doit être le roman. Il s'attaque sans détour au roman réaliste. Il souhaite créer un autre type de personnage, un autre type de roman. Les Faux-Monnayeurs est sa réponse à la crise romanesque que traverse le XXe siècle.