Sommaire
ILa naissance du cinémaALes frères Lumière et le début du cinémaBGeorges Méliès : les premiers effets spéciauxCLe cinéma, un artIILes grands courants du cinémaAL'expressionnisme allemandBLe cinéma parlantCLe classicisme américainIIIPasolini et le "cinéma de poésie"AL'Europe et le cinémaBLe cinéma comme nouvelle langueCLa filmographie de PasoliniDLa théorisation du "cinéma de poésie"1Le rejet du cinéma commercial2Une définition du "cinéma de poésie"ELes procédés cinématographiques utilisés par PasoliniIVLe vocabulaire du cinémaALe planBL'angle de vueCLe montageDLa transitionPasolini est un réalisateur italien qui a révolutionné le cinéma. Pour comprendre à quel point il a marqué son temps, il convient de revenir sur la naissance du cinéma et ses grands courants, des frères Lumière à la Nouvelle Vague française, en passant par les différentes innovations entreprises surtout aux Etats-Unis.
Pasolini s'inscrit en effet dans une certaine continuité, même s'il a la volonté de transformer le cinéma, de réinventer cet art qu'il associe à un langage nouveau et universel. Le réalisateur utilise de nombreux procédés cinématographiques, dont certains sont réellement novateurs. S'il est mort avant d'avoir pu théoriser véritablement sa vision du cinéma, il a laissé les idées essentielles de ce qu'on appelle "le cinéma de poésie".
La naissance du cinéma
Le cinéma est un média relativement récent. Toutefois, il a connu un incroyable succès et, en un peu plus d'un siècle, s'est imposé dans la société. Aujourd'hui, le nombre de films produits dans le monde chaque année est impressionnant.
Les frères Lumière et le début du cinéma
C'est à la fin du XIXe siècle que le cinéma se développe. Les premières projections comprennent en général dix vues animées qui ne dépassent pas une minute. Ce ne sont pas vraiment des films narratifs, mais des images illustratives qui présentent par exemple des ouvriers sortant de l'usine.
On date en général le début du cinéma au 28 février 1895, avec le petit film L'Arroseur arrosé des frères Lumière. Les premières projections publiques ont lieu dans le sous-sol d'un café parisien. C'est la première fois que la notion de film peut être utilisée, car il y a une histoire, une structure, et le but est de divertir le public (un homme qui arrose se fait arroser). C'est la représentation d'une farce. La séance est payante.
L'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat est un film symbolique, entouré d'une aura mythique. Sorti en 1896, il choque le public, qui se serait couché au sol, persuadé que le train allait vraiment les écraser. Ce petit documentaire est considéré comme la première grande émotion cinématographique.
Georges Méliès : les premiers effets spéciaux
C'est avec Georges Méliès que naissent les premiers effets spéciaux. Il utilise différentes techniques, comme la pyrotechnie (différentes utilisations du feu), la surimpression, les fondus, les arrêts sur image. Il utilise également des techniques théâtrales pour créer l'illusion. Il filme dans un théâtre qu'il a acheté spécialement à cet effet. Si son univers est encore beaucoup marqué par l'esprit farcesque des frères Lumière, il se dirige aussi vers la science-fiction.
Le film qui reste le plus emblématique de George Méliès est celui de 1902, Le Voyage dans la lune.
Le cinéma, un art
Encore aujourd'hui, certains débattent de la notion d'art pour parler du cinéma. C'est en 1908 que le cinéma devient autre chose qu'un divertissement surtout burlesque. C'est l'année où est créée la société du Film d'art. Ce n'est plus que le public populaire qui est diverti par le cinéma, les sujets commencent à évoluer. La Comédie française et l'Académie française se lient aussi au cinéma. Le potentiel artistique de ce nouveau média émerge.
Le premier film considéré comme "sérieux" sort en 1908. Il s'agit de L'Assassinat du duc de Guise de Charles Le Bargy et André Calmettes.
Le premier grand film est américain. C'est un long métrage de 170 minutes, La Naissance d'une nation de David Wark Griffith, sorti en 1915. Il raconte la guerre de Sécession aux Etats-Unis. Considéré comme un chef-d'œuvre du genre, il remporte un incroyable succès à sa sortie.
C'est la première fois qu'on peut parler de réelle mise en scène, réfléchie et maîtrisée. Plusieurs mouvements de caméra, plusieurs plans (rapproché, panoramique) sont utilisés. Griffith utilise également un montage alterné et multiplie les points de vue. Le cinéma n'est plus du "théâtre filmé", il devient un genre à part entière.
La Naissance d'une nation est très controversé, car il fait l'apologie du racisme.
Les grands courants du cinéma
L'expressionnisme allemand
L'expressionnisme allemand se développe dès le début du XXe siècle. Il est marqué par des films en noir et blanc qui présentent un univers de cauchemar, très angoissant. Les décors sont inquiétants, il y a un travail très important sur la lumière.
Ce cinéma inspire encore aujourd'hui les films à suspense, les films dits gothiques, et de façon plus générale tous les films où les décors et la lumière sont particulièrement travaillés pour créer une atmosphère fantastique.
Les films emblématiques de l'expressionnisme allemand sont Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene sorti en 1919, Nosferatu le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau sorti en 1922, ou encore Métropolis de Fritz Lang sorti en 1927.
Le cinéma parlant
Le grand tournant de l'histoire du cinéma a lieu avec les premiers films parlants. C'est la première fois que l'on parvient à enregistrer le son directement sur la pellicule. Dès 1896, diverses méthodes de synchronisation du son et de l'image ont été inventées. Mais c'est la société de production Warner Bros, alors au bord de la faillite, qui parvient à mettre au point les premiers films sonores. Les codes du cinéma sont bouleversés. En effet, les acteurs qui avaient auparavant un jeu très expressif pour transmettre au public ce qu'ils ne peuvent pas dire ajoutent désormais la parole à la gestuelle. Le cinéma parlant arrive en Europe en 1929.
Le premier film parlant est Le Chanteur de jazz d'Alan Crosland sorti en 1927.
Le classicisme américain
La grande période du classicisme hollywoodien va de 1925 à 1955. C'est le genre de cinéma qui a défini la façon dont on fait des films. Deux points sont essentiels :
- La logique narrative est primordiale, le récit est linéaire.
- Il s'agit de raconter une histoire, il y a des péripéties, un nœud, un dénouement.
Le cinéma se divise en plusieurs genres :
- Western
- Policier
- Fantastique
- Historique
- Péplum
- Comédie musicale
- Mélodrame
- Films de gangsters
- Films de cape et d'épée
- Films de science-fiction
- Films biographiques
- Comédie
Chaque genre a ses propres codes.
Les westerns connaissent un très grand succès. Le réalisateur John Ford est le plus emblématique de ce genre, avec notamment La Chevauchée fantastique sorti en 1939.
Dans le genre film à suspense ou film policier, Alfred Hitchcock règne en maître, avec notamment Fenêtre sur cour sorti en 1955.
Un autre grand nom du cinéma américain est Orson Welles, dont le film Citizen Kane, sorti en 1941, est considéré comme chef-d'œuvre.
C'est avant la Seconde Guerre mondiale que se développe le cinéma en couleurs.
Même s'il y en a eu d'autres avant lui, Autant en emporte le vent, sorti en 1939, est souvent cité comme le premier film en Technicolor car il a connu un immense succès public.
Pasolini et le "cinéma de poésie"
L'Europe et le cinéma
Les films américains ont profondément marqué la façon de faire du cinéma car ils se sont bien exportés. Mais le cinéma européen est également très important. De nombreux courants s'y sont développés. A partir des années 1960, en France, c'est le courant de la Nouvelle Vague qui domine, courant cinématographique qui rejette les conventions du cinéma narratif.
Jean-Luc Godard est un des plus célèbres représentants de la Nouvelle Vague. Il remet en cause le cinéma narratif avec des films comme Pierrot le fou ou encore À bout de souffle. Dans À bout de souffle, Godart propose un récit décousu, fait d'ellipses. Il ne suit pas d'intrigue particulière, il n'y a pas de suspense, pas de retournement de situation, pas de climax.
Dans l'Italie des années 1960, c'est le néoréalisme qui domine, avec des réalisateurs comme Rossellini, Visconti ou encore Vittorio de Sica. C'est à ce moment que Pasolini se lance dans le cinéma. Son premier film date de 1961. Si Pasolini s'intéresse d'abord au néoréalisme, il finit par le rejeter et proposer sa propre vision du septième art.
Néoréalisme
Le néoréalisme est un genre cinématographique d'après-guerre qui privilégie les scènes vraisemblables et descriptives.
Le cinéma comme nouvelle langue
La réalité est structurée comme une langue... Le cinéma est la langue écrite de la réalité... Ce n'est pas la sémiologie du cinéma qu'il faut faire, c'est la sémiologie de la réalité... Aucun système de signes n'est décodable s'il n'était décodable dans le système de signes de la réalité (code des codes).
Pasolini
"Sur le cinéma", L'Expérience hérétique
1976
Pour construire une œuvre cinématographique, il faut d'abord comprendre comment est perçue la réalité pour la transposer au cinéma.
Pasolini est d'abord écrivain et poète, mais il veut un contact moins filtré avec le réel. Il pense que le cinéma est un nouveau langage, le "langage de l'action". Il croit aussi que le cinéma est plus accessible au public, qui comprend immédiatement les images. Il confronte souvent littérature et cinéma et se pose la question de ce qui sépare ces deux arts.
Pour lui, il s'agit d'une différence de langues. Il dissocie la prose et la poésie. La prose est rationnelle, la poésie irrationnelle. Le langage cinématographique est irrationnel car il est fait d'images de la réalité. Le matériau de l'écrivain est la langue. Celui du cinéaste est la matière extérieure.
La filmographie de Pasolini
Pasolini commence sa carrière de réalisateur avec une première trilogie aux accents néoréalistes. Le cadre spatiotemporel est la Rome contemporaine. Les films qui la composent sont :
- Accattone (1961)
- Mamma Roma (1962)
- La Ricotta (1963)
Puis, il s'éloigne de ce courant qu'il qualifie de bourgeois. Il propose alors des réflexions sur les mythes religieux ou antiques avec :
- L'Evangile selon Saint Matthieu (1965)
- Œdipe roi (1967)
- Médée (1970)
Il expérimente des formes et des thèmes dans plusieurs films :
- Théorème (1968)
- Porcherie (1971)
- Les Contes de Canterbury (1972)
- Les Mille et Une Nuits (1974)
La théorisation du "cinéma de poésie"
Le rejet du cinéma commercial
Pasolini cherche dans l'expression cinématographique autre chose qu'une alternative au récit romanesque et au drame théâtral : il cherche une voie d'accès à la réalité poétique. Il rejette les films dits "commerciaux". Il leur reproche de n'avoir pour but que la séduction du plus grand nombre. Il les trouve cinématographiquement sans intérêt et toujours démagogiques.
Une définition du "cinéma de poésie"
Pasolini n'a pas écrit de texte qui relate explicitement ce qu'est le "cinéma de poésie", mais on peut déduire de ses écrits et de ses films les informations suivantes :
- Pasolini considère que les films dans lesquels le réalisateur s'identifie au personnage par les mouvements de caméra font partie du "cinéma de poésie". Ces mouvements permettent d'exprimer ce que ressent le personnage.
- L'image n'est pas conçue comme un moyen de reproduction, mais comme un langage. Le "cinéma de poésie" est donc un cinéma où le montage est visible et appuyé, car l'auteur s'implique et témoigne de sa présence par des interventions cinématographiques. On parle alors de "style du cinéaste".
- Le "cinéma de poésie" propose la vision du personnage, mais aussi la vision du cinéaste. Il y a deux subjectivités exprimées. C'est ce que Pasolini appelle "une subjectivité indirecte libre".
Pasolini recourt souvent aux mêmes techniques cinématographiques, qui peuvent définir le "cinéma de poésie" :
- Le cadrage insistant : la caméra attend qu'un personnage entre dans le cadre, qu'il fasse ou dise quelque chose, et attend ensuite sa sortie. Pasolini filme souvent l'espace laissé vide par le personnage une fois parti.
- L'alternance de différents objectifs sur une même image : Pasolini multiplie les points de vue.
- L'usage excessif du gros plan : Pasolini utilise cette technique dans tous ses films.
Les procédés cinématographiques utilisés par Pasolini
Pasolini utilise différents procédés cinématographiques, dont certains sont profondément novateurs :
- La "caméra subjective indirecte libre" : cela signifie que c'est l'image qui traduit les pensées des personnages (qui parlent peu dans les films du cinéaste).
- Les gros plans : on peut même parler de "très gros plans", avec des zooms sur les yeux des personnages.
- Le cadrage qui est souvent particulier.
- Les travellings (mouvements de la caméra qui se déplace sur des rails) avant ou arrière.
Au début d'Œdipe roi, Pasolini filme d'abord en gros plan le bébé, en insistant sur ses yeux, puis la cime des arbres qu'il observe. Ce procédé permet de recréer l'émotion de l'enfant qui découvre le monde pour la première fois. On appelle cela la "caméra subjective indirecte libre", car le spectateur ressent l'émotion du bébé.
Sur le mont Cithéron, au début du film Œdipe roi, Pasolini montre le paysage dans un long plan panoramique. Il filme souvent le paysage vide avant de faire entrer les personnages. C'est un cadrage particulier, qui permet de poser longuement le décor.
Lors de la scène du meurtre de Laïos dans Œdipe roi, Pasolini a recours aux travellings avant et arrière. Cela permet de créer un sentiment de malaise. C'est aussi une technique qui permet de montrer la façon dont le personnage appréhende les distances.
Pasolini associe sa vision du cinéma au discours indirect libre en littérature. La fonction du discours indirect libre est de rapporter les paroles d'un personnage non pas telles qu'elles sont prononcées, mais dans leur substance. La caméra doit être l'équivalent de cette technique littéraire. C'est ce qu'il nomme la "subjectivité indirecte libre".
Le vocabulaire du cinéma
Le plan
Plan
Un plan est une prise de vues sans interruption. Un plan dure généralement quelques secondes. C'est l'unité de base du langage cinématographique.
Il existe différents plans :
- Plan général (ou grand ensemble) : plan descriptif très large d'un paysage.
- Plan d'ensemble : plan large cadrant un personnage ou un groupe dans un décor.
- Plan de demi-ensemble ou plan moyen : cadrage d'un personnage ou d'un groupe en pied au premier plan.
- Plan italien : cadrage d'un personnage ou d'un groupe aux genoux.
- Plan américain ou demi rapproché : cadrage d'un personnage ou d'un groupe au niveau des poches des pantalons.
- Plan rapproché/taille : cadrage d'un personnage ou d'un groupe au niveau de la taille, le décor n'est presque plus visible.
- Gros plan : cadrage du visage d'un personnage.
- Très gros plan (ou insert) : détail isolé qui apparaît très grossi à l'écran.
Tout ce qui n'est pas dans le plan est appelé "hors-champ" : c'est l'espace imaginaire suggéré par l'image et le son, qu'on ne voit pas à l'écran mais qu'on devine.
Dans Œdipe roi, à plusieurs reprises, on ne voit pas les hommes qui meurent de la peste mais on entend leurs gémissements. C'est le hors-champ, on sait qu'ils agonisent même si on ne les voit pas à l'écran.
Les plans peuvent être en mouvement ou fixes. On parle ainsi de :
- Plan fixe : la caméra ne bouge pas.
- Plan panoramique : la caméra se déplace en tournant sur elle-même.
- Travelling : la caméra se déplace sur des rails. On distingue le travelling avant, arrière, latéral, vertical, ou d'accompagnement.
L'angle de vue
Angle de vue
L'angle de vue est la position de la caméra par rapport à l'objet filmé.
L'angle de vue prend différents noms en fonction de la position prise par la caméra pour filmer l'objet :
- Plongée : la caméra est placée en hauteur.
- Contre-plongée : la caméra est placée en dessous de l'objet filmé.
- Caméra subjective : la caméra adopte le champ de vision d'un personnage.
Le montage
Montage
Le montage désigne l'opération d'assemblage des images et des sons.
Il existe différentes types de montages. Les deux plus importants sont :
- Montage alterné : succession de plans qui présentent deux actions simultanées qui souvent se rejoignent.
- Montage parallèle : juxtaposition de plans appartenant à des temporalités différentes mais rapprochés par le montage.
La transition
Transition
La transition est la façon dont les plans sont enchaînés les uns aux autres.
Il existe différentes types de transitions :
- Cut : les deux plans sont juxtaposés sans effet.
- Fondu au noir : l'image disparaît peu à peu pour laisser place au noir.
- Fondu enchaîné : surimpression momentanée des deux plans successifs.
- Ouverture/fermeture à l'iris : apparition/disparition de l'image dans un cercle qui s'ouvre/se ferme.