Dreyfus est un soldat français de confession juive condamné à tort d'espionnage. L'affaire prend un tournant politique suite à la publication de l'article intitulé "J'accuse" d'Émile Zola qui clame l'innocence de Dreyfus.
L'opinion publique se divise en deux autour du scandale, mais le réel enjeu de l'affaire est le questionnement des Français sur les valeurs de la république.
La condamnation de Dreyfus
Après la défaite de la France face à la Prusse en 1870, la France connaît une affirmation extrême du nationalisme. Un climat général de suspicion règne et des histoires d'espionnage défrayent la chronique.
Alfred Dreyfus est un capitaine de l'armée de terre de confession juive et originaire d'Alsace. En 1894, il est soupçonné d'avoir communiqué des informations militaires secrètes à l'ambassade de l'Empire allemand à Paris. Dreyfus est innocent et le clame.
Un procès est instruit contre Dreyfus. Ce procès est entaché de nombreuses irrégularités : l'accusé n'a pas accès à son dossier, les fausses preuves sont multiples et le procès se tient à huis clos, c'est-à-dire en l'absence de tout public.
Dreyfus est condamné à la dégradation militaire et à la déportation perpétuelle au bagne en Guyane vers lequel il est transféré en 1895.
En 1896, le colonel Picquart découvre l'existence de fausses preuves, ainsi que la culpabilité d'un autre officier, Esterhazy, dans la divulgation des informations secrètes à l'Allemagne. Picquart s'exprime publiquement sur l'innocence de Dreyfus et est muté en Afrique du Nord. En parallèle, le frère de Dreyfus porte plainte contre Esterhazy. Mais l'armée ne veut pas reconnaître sa propre erreur et acquitte Esterhazy. Suite à cet acquittement, des émeutes antisémites éclatent en France et provoquent des morts.
La dégradation d'Alfred Dreyfus le 5 janvier 1895.
Dessin d'Henri Meyer, en couverture du Petit Journal du 13 janvier 1895, légendé "le traître".
L'affaire devient publique
Scandalisé par l'acquittement d'Esterhazy, Émile Zola donne une nouvelle dimension au procès de Dreyfus qui devient l'affaire Dreyfus. Le 13 janvier 1898, Zola publie dans le journal L'Aurore un article intitulé "J'accuse… !" qui est édité à plus de 200 000 exemplaires et qui défend l'innocence de Dreyfus. Il y dénonce une machination pour sauver l'état-major français et condamner un bouc émissaire juif innocent : Dreyfus. Zola atteint son but, à savoir être traduit en justice afin de donner une dimension publique à l'affaire.
La presse prend parti dans l'affaire et l'opinion se divise autour de la question :
- La majorité des journaux soutiennent la culpabilité de Dreyfus, notamment La Croix. Ce sont les antidreyfusards.
- D'autres journaux affirment l'innocence de Dreyfus, ce sont les dreyfusards.
- L'opinion publique est aussi concernée par cette division entre les dreyfusards et les anti-dreyfusards.
La question est la suivante : la raison d'État et l'honneur de l'armée doivent-ils l'emporter sur le destin d'un homme et sur la justice ? Cette affaire devient donc une affaire politique qui passionne et divise les Français : les uns, issus des forces traditionnelles, sont favorables à un régime autoritaire et veulent sauvegarder avant tout le prestige de l'armée, qui est à cette époque majoritairement composée d'éléments anti républicains. Les autres mettent en avant le respect des Droits de l'Homme et réaffirment les valeurs fondamentales de la République française.
En juin 1898, la Cour de cassation casse le jugement de 1894 qui a jugé Dreyfus coupable. Mais un nouveau jugement militaire déclare Dreyfus coupable "avec des circonstances atténuantes" en 1899. Le tribunal militaire a considéré comme nuls les aveux des réels coupables, dont Esterhazy.
"J'accuse" de Zola, le 13 janvier 1898
Un dîner en famille, dessin de Caran d'Ache dans le Figaro du 14 février 1898
Les conséquences de l'affaire
Dreyfus est gracié par le président de la République et il est finalement innocenté, réhabilité et réintégré dans l'armée en 1906.
Cette crise, et la manière dont s'en sont emparées la presse et l'opinion publique, ont des conséquences :
- La victoire du camp des dreyfusards a permis de réaffirmer et de consolider les valeurs sur lesquelles se fonde la République française. Les forces réactionnaires (monarchistes, partisans d'un régime autoritaires) ont perdu. Les républicains ont fait front pour la défense des Droits de l'Homme. La République sort renforcée de cette épreuve.
- Cependant, le nationalisme agressif, dont Maurice Barrès est l'un des inspirateurs, a pu s'exprimer librement bien qu'il ait perdu cette bataille des idées. L'antisémitisme s'est répandu dans toutes les couches de la société. Une partie de la population et de la presse a en effet décidé que Dreyfus était coupable simplement car il était Juif. Cet antisémitisme se nourrit de tous les préjugés qui circulent contre les Juifs. Il est particulièrement fort en France à la fin du XIXe siècle. Ainsi, Dreyfus, parce qu'il est Juif, est le comploteur et le traître idéal pour une grande partie des Français.
- Cette affaire correspond également à l'affirmation du rôle de l'opinion publique qui traduit la démocratisation de la vie politique française.