Sommaire
ILa critique de la monarchie absolue et de la société d'Ancien RégimeAUn siècle de progrès scientifiques et techniquesBLa remise en cause des pouvoirs absolus du roiCLa remise en cause de la société d'ordresIILa circulation des idées des LumièresAL'EncyclopédieBLes autres moyens de diffusionCLes réactions des souverains au pouvoirAu XVIIIe siècle, la France est traversée par un courant de pensée nouveau, avec des savants et des philosophes qui défendent une nouvelle manière de concevoir le monde, qui s'appuie sur la raison et le savoir. On appelle cette période « les Lumières ». Des penseurs remettent en cause le pouvoir monarchique et la société d'ordres. Ils défendent les droits fondamentaux des êtres humains, comme la liberté et l'égalité. Malgré la censure, leurs ouvrages, dont l'Encyclopédie, connaissent un succès certain auprès des classes cultivées, ainsi que de certains souverains.
Comment les penseurs des Lumières tentent-ils de remettre en cause la monarchie absolue de droit divin et la société d'ordres au cours du XVIIIe siècle ?
La critique de la monarchie absolue et de la société d'Ancien Régime
Les savants et les philosophes veulent faire profiter le peuple des découvertes et des progrès scientifiques. Ils condamnent la monarchie absolue de droit divin et remettent en cause la société d'ordres.
Un siècle de progrès scientifiques et techniques
Les progrès scientifiques et techniques se multiplient tout au long du XVIIIe siècle. Les penseurs des Lumières veulent en faire profiter le peuple pour plus de liberté.
Lumières
Les Lumières sont un mouvement réunissant des savants et des philosophes.
Le XVIIIe siècle se caractérise par de nouvelles découvertes scientifiques qui améliorent la connaissance du monde, en mathématiques, en astronomie, en biologie, en physique. Des travaux permettent la création d'une machine à vapeur, la découverte de l'électricité, la mise au point du thermomètre, les progrès de la médecine.
Les penseurs des Lumières veulent faire profiter le peuple des connaissances nouvelles, afin que chacun puisse comprendre, penser par lui-même, sans se laisser influencer par la religion. Pour ces penseurs, toutes les idées sur le monde véhiculées par la religion doivent être remises en cause et réexaminées grâce à la multiplication des connaissances. L'objectif est de comprendre le monde en utilisant la raison et les sciences.
Diderot écrit qu'il faut « éclairer toutes choses à la lumière de la raison ».
La remise en cause des pouvoirs absolus du roi
La monarchie absolue est une monarchie dans laquelle le roi détient tous les pouvoirs. Ce système est dénoncé par les philosophes des Lumières au nom de la défense des libertés du peuple.
Monarchie absolue
La monarchie absolue est un système dans lequel le roi dirige un pays avec tous les pouvoirs (de commander, de diriger, de faire les lois, de faire justice).
Les penseurs des Lumières dénoncent le manque de liberté dans la majorité des États d'Europe. Pour les philosophes, ces libertés constituent les « droits naturels » des êtres humains.
Les textes fondateurs de la pensée des Lumières sont multiples. De nombreux textes viennent d'Angleterre où a été instaurée une monarchie parlementaire au XVIIe siècle.
Monarchie parlementaire
Une monarchie parlementaire est un système où le monarque partage ses pouvoirs avec un parlement (qui vote les lois).
John Locke, philosophe anglais, traduit en français, juge illégitime tout gouvernement qui ne reposerait pas sur le consentement du peuple. Il s'agit selon lui de limiter l'autorité et l'arbitraire des dirigeants, et de donner au peuple la possibilité de renverser un souverain qui agirait en tyran.
La monarchie parlementaire anglaise repose sur deux textes essentiels :
- L'Habeas Corpus de 1679, qui protège les libertés individuelles et condamne les arrestations et les détentions arbitraires, abusives.
- Le Bill of Rights de 1689, qui impose au roi d'Angleterre le partage de ses pouvoirs avec le Parlement et protège la liberté d'expression du peuple.
Les philosophes des Lumières refusent les abus de pouvoir de la part du roi, les emprisonnements arbitraires, les lettres de cachet et la censure. Cela ne signifie pas pour autant une condamnation de la monarchie. Ils souhaitent plutôt la réformer en limitant les pouvoirs du roi.
Lettre de cachet
Une lettre de cachet est une lettre par laquelle un roi impose son autorité, un ordre.
Le roi peut écrire une lettre de cachet pour mettre une personne en prison, sans jugement.
Censure
La censure s'applique lorsqu'un État contrôle les livres et les journaux avant leur impression, afin de vérifier qu'ils ne contiennent rien que le roi n'interdise. La publication de certains ouvrages peut être empêchée.
En France, de nombreux philosophes reprennent les idées des penseurs anglais. C'est le cas de Montesquieu, Rousseau ou encore Voltaire.
Montesquieu est l'auteur en 1748 de l'ouvrage De l'esprit des lois. Il prône la séparation des pouvoirs exécutif (de diriger), législatif (de faire les lois) et judiciaire (de juger).
Séparation des pouvoirs
La séparation des pouvoirs consiste à diviser les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire afin d'éviter qu'ils ne soient entre les mains d'une seule personne.
« Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrats, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de libertés, parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice […] ».
Montesquieu
De l'esprit des lois
1748
Rousseau est l'auteur en 1762 de l'ouvrage Du contrat social. Il écrit que la loi doit être l'expression de la volonté générale, c'est-à-dire de tous les êtres humains. Pour lui, un gouvernement ne doit être que le représentant du peuple.
Dans l'esprit des Lumières, la remise en cause de la monarchie absolue doit permettre la garantie des libertés individuelles. Les penseurs défendent la liberté d'opinion et d'expression, la liberté de la presse et la liberté de réunion. Ainsi, c'est au nom du respect des libertés individuelles que Voltaire condamne l'esclavagisme dans les colonies.
© Jean-Michel Moreau via Wikimedia Commons
La remise en cause de la société d'ordres
Les philosophes des Lumières remettent en cause la société d'ordres et les inégalités qu'elle provoque. Toutefois, ils ne sont pas entièrement d'accord sur la possibilité que tous les êtres humains soient égaux.
La société française est divisée en trois ordres : le clergé (les hommes d'Église), la noblesse et le tiers état. C'est une société très inégalitaire, qui accorde des privilèges au clergé et à la noblesse.
Privilèges
Les privilèges sont les avantages accordés au clergé et à la noblesse exclusivement. Par exemple, dans la société d'ordres, seul le tiers état paie des impôts.
De nombreux philosophes veulent la fin des privilèges. Rousseau défend fortement l'égalité entre tous les êtres humains même s'il sait qu'elle ne peut pas être absolue.
« Si l'on recherche en quoi consiste le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, on trouvera qu'il se réduit à deux objets principaux, la liberté et l'égalité. […] À l'égard de l'égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes. »
Jean-Jacques Rousseau
Du contrat social
1762
Voltaire pense que l'égalité dans la société est impossible.
« Tout homme naît avec un penchant assez violent pour la domination, la richesse et les plaisirs, et avec beaucoup de goût pour la paresse ; par conséquent tout homme voudrait avoir l'argent et les femmes ou les filles des autres [...]. Vous voyez bien qu'avec ces belles dispositions il est aussi impossible que les hommes soient égaux [...]. »
Denis Diderot, Jean Le Rond d'Alembert
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des arts, article « Égalité »
1751-1772
La circulation des idées des Lumières
Les savants et les philosophes souhaitent diffuser leurs découvertes et leurs idées au plus grand nombre. La circulation des idées passe par l'Encyclopédie, mais également par leurs correspondances et les salons. Les penseurs des Lumières sont soutenus par certains souverains.
L'Encyclopédie
L'Encyclopédie est l'œuvre collective des Lumières, qui a pour objectif de réunir toutes les connaissances de l'époque. Elle est ainsi le premier moyen de diffusion des découvertes scientifiques et des idées des philosophes.
Rédigée par 135 auteurs sous la direction de Diderot et d'Alembert, l'Encyclopédie est éditée dans le but de changer la vision du monde, d'enrichir les connaissances, de faire découvrir les sciences et de nourrir l'esprit critique des lecteurs.
1751-1752
Parution de l'Encyclopédie
Le premier volume de l'Encyclopédie paraît en 1751, le deuxième volume en 1752.
On imprime 25 000 exemplaires de l'Encyclopédie entre 1751 et 1789.
© BNF via Wikimedia Commons
L'ouvrage est aussitôt condamné par l'Église, et sa vente est interdite par le pouvoir royal. À partir de 1759, l'impression se fait dans la clandestinité, jusqu'au dernier des vingt-huit volumes en 1772.
Les autres moyens de diffusion
Les savants et les philosophes correspondent et voyagent en Europe. De nouveaux lieux de discussion apparaissent, tels que les salons. Mais cette diffusion n'atteint qu'une minorité de nobles et de bourgeois.
Salon
Un salon est un lieu de réunion chez un riche particulier où l'élite cultivée se rencontre pour échanger des idées et se distraire.
Dans tous les pays d'Europe, les salons, souvent tenus par des femmes, réunissent des membres de l'aristocratie et de la noblesse. Ils écoutent de la musique, assistent à des représentations théâtrales, discutent sur les découvertes scientifiques ou les idées des philosophes. Certains savants s'y rendent.
Voltaire et Diderot ont fréquenté l'un des salons les plus célèbres de l'époque, celui de Mme Geoffrin (qui participe au financement de l'Encyclopédie), de 1749 à 1777.
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Certains savants ou philosophes considèrent que les salons ne sont pas un lieu où il faut se rendre.
Rousseau considère qu'aller dans un salon le place sous l'influence de l'élite sociale et menace sa liberté de pensée.
La diffusion des découvertes est également permise par la publication de revues scientifiques dont le nombre augmente.
En France, dès la fin du XVIIe siècle et tout au long du XVIIIe siècle, on publie le Journal des savants qui présente les avancées de la recherche.
Les réactions des souverains au pouvoir
Les souverains européens ont des réactions différentes face à ces nouvelles idées. Certains favorisent la recherche scientifique ou accueillent dans leur cour des philosophes. D'autres censurent ces nouvelles idées qui ébranlent leur pouvoir.
Des souverains se présentent comme des despotes éclairés. Ils accueillent des philosophes dans leur cour.
Despote éclairé
Un despote éclairé est un souverain qui prétend gouverner grâce à l'usage de la raison.
- Frédéric II de Prusse fait venir Voltaire à sa cour.
- Catherine II de Russie s'inspire des idées des Lumières pour créer de nouvelles lois plus égalitaires.
En France, Louis XV règne de 1715 à 1774. Il exprime beaucoup d'intérêt pour les sciences : la botanique, la médecine, l'astronomie. Il s'intéresse tout particulièrement aux recherches sur l'électricité. Il encourage les expéditions maritimes et les missions scientifiques auxquelles il demande de rapporter des plantes des pays lointains. Sa favorite, Mme de Pompadour, encourage en 1751 la publication des deux premiers volumes de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
Toutefois, en 1752, le Conseil du roi condamne la parution de l'Encyclopédie.