Sommaire
ILa république et les ouvriers jusqu'en 1936ALes ouvriers et la république au XIXe siècleBLes premières lois socialesCLe mouvement ouvrier de 1918 à 1936IILe Front populaireAL'union des gauchesBLes réalisations du Front populaireCLa fin du Front populaireIIILa République et la question ouvrière après 1945Au XIXe siècle, les ouvriers sont confrontés à des conditions de travail et de vie difficiles. La IIIe République, qui s'installe définitivement dans les années 1880, ne fait pourtant pas de la question sociale une de ses priorités. Quelques mesures sont prises, elles sont plus nombreuses lorsque les radicaux sont au pouvoir mais elles restent insuffisantes et la république continue d'être méfiante avec le mouvement ouvrier et n'hésite pas à le réprimer sévèrement.
Le Front populaire marque un épisode important dans les relations entre les ouvriers et la république : une réelle politique sociale en faveur des ouvriers est mise en place.
Après la Seconde Guerre mondiale, la mise en place de l'État-providence permet une amélioration de la situation des ouvriers mais les crises à partir des années 1970 et les mutations du monde du travail diminuent le poids des ouvriers dans la société et ils connaissent une précarisation croissante.
La république et les ouvriers jusqu'en 1936
Les ouvriers et la république au XIXe siècle
Les ouvriers, qui ne constituent pas un groupe homogène au XIXe siècle, sont majoritairement républicains au cours du XIXe siècle mais entretiennent des rapports ambigus avec les différentes républiques :
- En 1848, la IIe République entreprend des réformes sociales, notamment par la création des ateliers nationaux. Mais la "république sociale" ne dure que quelques mois et le programme social est abandonné. La rupture se produit lors de la répression sanglante des manifestations ouvrières s'opposant à la fermeture des ateliers.
- En 1871, les députés élus sont des députés conservateurs, majoritairement royalistes. La Commune de Paris, entre mars et mai 1871, à laquelle participent de nombreux ouvriers parisiens, subit une répression violente des "Versaillais", c'est-à-dire du gouvernement républicain installé à Versailles. De nombreux communards sont exécutés et exilés dans des bagnes.
- L'échec de la restauration et l'installation définitive du régime républicain ne signifient pas une reconnaissance du mouvement ouvrier. La méfiance face au mouvement ouvrier de la part des gouvernements successifs demeure jusque dans les années 1890. L'action des "opportunistes" a surtout pour objectif le développement des idées et des principes républicains (libertés, laïcité, etc.). Ils mènent une politique sociale très modérée. Le dialogue entre le mouvement ouvrier et les républicains est peu développé.
Malgré ces tensions, les ouvriers restent partisans d'un État républicain.
Le mouvement ouvrier, qui prend ses racines dans la Révolution française, se prolonge tout au long du XIXe siècle avec le développement du socialisme et des idées libertaires et prend son essor à la fin du XIXe :
- Durant la Révolution, Gracchus Babeuf est partisan d'une révolution sociale.
- Durant tout le XIXe siècle, les socialistes utopistes (Saint-Simon, Fourrier) puis le développement du marxisme prônent l'émancipation des travailleurs et réclament une démocratie sociale.
- À la fin du XIXe siècle, dans le cadre de l'industrialisation et du développement des grandes usines, le poids des ouvriers dans la société française est de plus en plus important.
Les premières lois sociales
Durant les débuts de la IIIe République, mais surtout suite à l'arrivée au pouvoir des radicaux à la fin des années 1890, des lois sociales sont prises pour améliorer la situation des ouvriers :
- La loi Waldeck-Rousseau en 1884 autorise les syndicats.
- La CGT est créée avec le congrès d'Amiens en 1898. Elle est à ses débuts un mouvement anarcho-syndicaliste.
- La loi protégeant les travailleurs victimes des accidents de travail est prise en 1898.
- La journée de travail, dans certaines branches de l'industrie, passe à dix heures en 1900.
- Des socialistes sont élus dans les mairies de plusieurs villes et à la Chambre des députés.
Mais malgré l'essor du mouvement ouvrier et la mise en place de certaines lois sociales, les réformes restent limitées, la république déçoit de nombreux ouvriers et la répression des mouvements ouvriers peut encore être très violente.
Le 1er mai 1891 à Fourmies, dans le Nord, la fusillade d'une manifestation pacifique d'ouvriers réclamant les 8 heures de travail quotidien fait plusieurs morts et des dizaines de blessés.
En 1905, la SFIO est créée, elle rassemble plusieurs mouvements socialistes. Elle est dirigée par Jean Jaurès. Ce socialiste est pour l'émancipation des travailleurs et la fin de la domination capitaliste mais il n'est pas pour une révolution violente et prône le réformisme.
Le mouvement ouvrier de 1918 à 1936
Le mouvement ouvrier dans les années 1920 est profondément divisé :
- Pendant la Première Guerre mondiale, au nom de l'Union sacrée, les revendications ouvrières sont étouffées.
- En 1918, la situation sociale est assez tendue dans toute l'Europe et en France suite à la Révolution russe de 1917.
- Des concessions sont faites comme la journée de 8 heures votée en 1918.
- Le mouvement socialiste et syndical est modifié en profondeur par la Révolution soviétique. Le congrès de Tours, en 1920, aboutit à la séparation entre la SFIO qui continue sur une ligne réformiste et la Section française de l'internationale communiste (SFIC, ancien Parti communiste français, PCF) qui renonce à la participation aux institutions de la République, qualifiée de bourgeoise et prône l'action révolutionnaire.
- Le mouvement syndical se scinde aussi en deux. La CGT, devenue plus modérée, est le syndicat proche de la SFIO alors que la CGTU est le syndicat affilié au PCF.
- La division du mouvement et la forte répression de l'État explique l'échec des grèves de 1920.
Le Front populaire
L'union des gauches
La crise de 1929 aux États-Unis provoque une crise sociale et politique en France au début des années 1930 et débouche sur l'unité du mouvement ouvrier :
- La France est un pays touché plus tardivement mais plus longuement par la crise économique débutée aux États-Unis en 1929. On dénombre plus de 400 000 chômeurs.
- L'antiparlementarisme reprend son essor et les ligues d'extrême droite voient leurs effectifs augmenter. Le 6 février 1934, une manifestation des ligues est l'occasion de violents heurts devant la Chambre des députés que certains veulent envahir.
- La gauche réagit unanimement et dénonce cette tentative de "coup d'État".
- Le 14 juillet 1935, le PCF et la SFIO prêtent le serment du Front populaire.
- L'objectif de cette union est de se présenter aux élections sur la base d'un programme commun réclamant "du pain, la paix et la liberté".
- Ce programme est volontairement modéré et résolument républicain afin de ne pas effrayer certaines classes de la population réticentes aux communistes.
Les réalisations du Front populaire
Le Front populaire remporte les élections en mai 1936 :
- Les députés du Front populaire obtiennent la majorité à la Chambre des députés en juin 1936 grâce à la discipline républicaine.
- La SFIO est le premier parti à la chambre et son leader, Léon Blum, est élu président du Conseil.
- Les communistes soutiennent le gouvernement mais n'y participent pas.
Durant le Front populaire, des mesures sociales sont prises et la pression des ouvriers est très importante :
- 2,5 millions de travailleurs se mettent en grève en soutien au Front populaire. Des usines sont occupées.
- Les accords de Matignon prévoient des hausses des salaires et la signature de conventions collectives entre le patronat et les syndicats ainsi que l'instauration des délégués du personnel.
- Le temps de travail hebdomadaire passe à 40 heures.
- Les premiers congés payés sont institués et les ouvriers sont incités à prendre des vacances. La pratique des loisirs est encouragée.
Léo Lagrange, sous-secrétaire des sports et à l'organisation du temps libre, met en place les réductions populaires sur les trains et impulse le mouvement des auberges de jeunesse.
La fin du Front populaire
Le Front populaire rencontre de nombreuses oppositions :
- L'opposition menée par l'extrême droite est très violente et les critiques de la droite sont incessantes.
- Les capitaux fuient à l'étranger.
Roger Salengro, ministre de l'Intérieur du Front populaire est accusé à tort par l'extrême droite d'avoir déserté pendant la Première Guerre mondiale. La campagne de diffamation est telle qu'il finit par se suicider.
Les difficultés sont nombreuses :
- L'inflation et la hausse des prix annulent les effets de l'augmentation des salaires.
- La rupture intervient avec les communistes qui réclament l'intervention de la France aux côtés des républicains combattants dans la guerre d'Espagne.
- Léon Blum démissionne en 1937 et le Front populaire s'arrête en 1938.
Bien que le Front populaire ait duré peu de temps, il est fondamental dans la mémoire des ouvriers et dans les rapports entre la république et le mouvement ouvrier.
La République et la question ouvrière après 1945
À la Libération, le parti communiste a une très forte influence sur la société française. Ce parti qui met en avant son rôle dans la Résistance se présente comme le parti de "75 000 fusillés" (chiffre exagéré).
Les premières mesures prises par le gouvernement provisoire (GPRF) sont inspirées du programme élaboré par le Conseil national de la Résistance (CNR) et comportent de nombreuses mesures sociales :
- Des nationalisations sont effectuées. Cependant, cette mesure est avant tout destinée à punir les entreprises qui ont collaboré.
- Les comités d'entreprise sont créés.
- La Sécurité sociale permet à tous les travailleurs une protection contre les aléas de la vie.
La république joue désormais un rôle social affirmé. En 1950, le SMIG est créé.
Le mouvement social de mai 1968 débute par la contestation étudiante mais s'étend rapidement aux ouvriers. Les accords de Grenelle prévoient une augmentation des salaires et la mise en place d'une représentation syndicale permanente dans les entreprises, ainsi qu'une quatrième semaine de congés payés.
Le monde ouvrier change aussi profondément. Les ouvriers constituent dans les années 1970 une part encore importante de la population active. Ils sont 40 % en 1974. Puis les crises pétrolières, les robotisations, les délocalisations et la crise industrielle diminuent le nombre des ouvriers. Le travail ouvrier se précarise et le recours de plus en plus important à des intérimaires a pour conséquence une diminution du sentiment d'appartenance à la classe ouvrière.
De nouvelles lois viennent améliorer la situation des ouvriers, elles sont mises en place par des gouvernements socialistes :
- En 1982, les lois Auroux améliorent le droit du travail.
- Les 35 heures sont instaurées par la loi Aubry en 2000. Cette loi a tout de même pour contrepartie l'annualisation du temps de travail et une flexibilité renforcée.
Les mouvements ouvriers traditionnels sont confrontés à une véritable crise :
- Le PCF, même s'il garde un nombre de militants non négligeable, réalise des scores très bas.
- Le Front national attire de plus en plus les voix des ouvriers.