Sommaire
IHistoire et mémoire : des formes différentes et complémentaires de la relation au passéAL'histoireBLa mémoireIIL'histoire et le droit pour nommer et ne pas oublierHistoire et mémoire : des formes différentes et complémentaires de la relation au passé
L'histoire
Le terme « histoire » a deux sens. Il désigne à la fois les événements du passé, et notamment les grands événements, mais également l'étude du passé par les historiens. L'historien est un savant qui étudie différentes sources du passé ou sur le passé et tente d'accéder à la vérité, mais la vérité historique n'est pas absolue.
L'histoire, c'est d'abord le passé. L'histoire est constituée d'événements uniques et singuliers. Mais qu'est-ce qu'un événement ? C'est un fait considéré comme plus ou moins important, unique et singulier, résultat de l'intervention d'un ou de plusieurs êtres humains à un moment précis dans un espace donné. Un événement ne se répète pas, d'où le caractère irréversible des événements.
L'histoire, c'est aussi une discipline scientifique. Elle a pour objectif la reconstitution intellectuelle du temps passé. L'histoire permet de connaître et d'expliquer le passé. On estime parfois que l'histoire doit permettre de tirer des leçons pour l'avenir, mais finalement les êtres humains semblent ne pas apprendre de leurs erreurs.
« Que les hommes n'apprennent guère des leçons de l'histoire est la plus importante de toutes les leçons que l'histoire peut enseigner. »
Aldous Huxley, écrivain britannique
L'historien est un savant, spécialiste de l'histoire. C'est un « détective du passé ». La connaissance de l'histoire passe par la compréhension des hommes dans le passé et donc par l'analyse des multiples documents. Il en existe une très grande variété dont une partie est conservée aux archives et est consultable selon certains délais, 30 ans en général.
L'historien est un savant qui applique des méthodes d'analyse scientifique. L'analyse critique des documents passe par le choix des documents, leur analyse, leur interprétation et le recoupement avec d'autres documents pour en vérifier la fiabilité. Il s'agit de trouver la causalité, toujours multiple et complexe, des processus ou des phénomènes historiques dans lesquels les hommes jouent un rôle capital.
« Le bon historien, lui, ressemble à l'ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier. »
Marc Bloch, un des grands historiens français de la première moitié du XXe siècle
Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien
© Armand Colin, 1949
La vérité historique n'est pas absolue. Il existe des difficultés réelles :
- des différences entre le passé et le présent : différences entre les époques, les sociétés, les manières de vivre, etc. ;
- des différences entre l'acteur de l'histoire et l'historien : différences de métier, entre les sociétés dans lesquelles ils vivent, etc. ;
- des différences entre l'intention et l'action de l'acteur historique.
La mémoire
La mémoire est la faculté à se rappeler des événements du passé. C'est un sujet sensible : pour un même événement, deux êtres humains n'ont pas la même mémoire. L'émotion est très liée à la mémoire. Histoire et mémoire sont bien deux notions différentes.
La mémoire est la faculté pour un être humain de se rappeler des faits ou des connaissances du passé. Elle implique un lien émotionnel avec des souvenirs personnels qui constituent une représentation subjective du passé. On distingue :
- la mémoire individuelle : souvenirs d'une personne ;
- la mémoire collective : représentation sélective du passé qui participe à la définition de l'identité d'un groupe.
C'est la mémoire qui donne envie à l'homme de reconstituer son passé. Mémoire et histoire sont liées.
La mémoire est propre à chaque individu ou groupe humain en fonction des événements vécus. La mémoire d'un événement est différente en fonction des êtres ou des groupes humains. Il y a une pluralité des mémoires. Cette pluralité peut engendrer une instrumentalisation politique de la mémoire et une conflictualité entre les mémoires, notamment celles des violences de masse qui ont marqué le XXe siècle.
Le massacre des Arméniens par les Turcs en 1915 n'est pas reconnu par la Turquie et fait l'objet de tensions diplomatiques entre la Turquie et les États qui reconnaissent ce massacre comme un génocide.
Il existe ainsi des différences notables entre mémoire et histoire.
Mémoire | Histoire |
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L'histoire et le droit pour nommer et ne pas oublier
Les horreurs ont toujours existé, l'être humain est capable des pires atrocités envers son prochain. Toutefois, les guerres et génocides commis au XXe siècle, par leur ampleur, ont particulièrement choqué l'humanité et ont mené à une nouvelle réflexion juridique. Le tribunal militaire de Nuremberg est mis en place en 1945 et 1946 pour juger les crimes d'un certain nombre de responsables nazis. C'est un tribunal international. De nouvelles catégories de crimes sont inventées pour pouvoir punir les atrocités commises pendant la guerre. Depuis, le droit pénal international tend à s'universaliser.
Lors de la conférence de Wannsee en 1941, quinze dirigeants nazis prennent la décision de mettre en place l'extermination des populations juives en Europe. Il ne reste aucun compte rendu de cette conférence, seulement un protocole, c'est-à-dire le commentaire des notes prises par Adolf Eichmann, qui aurait été réécrit par le chef du RSHA (organisme regroupant la Gestapo, la police criminelle et les services secrets de la SS), Reinhard Heydrich. Même si ce protocole ne répond pas à toutes les questions que les historiens se posent (ont-ils décidé des moyens pour exterminer les Juifs : fusillade, gazage, mort de faim ?), le sens de cette conférence discutant de la « solution finale de la question juive » est clair : la mort des Juifs d'Europe.
« Au cours de la solution finale […], les Juifs devraient être mis au travail à l'est. Organisés en grandes colonnes de travail d'après leur sexe, les Juifs en état de travailler se déplaceront vers l'est en construisant des routes. Il est certain que la majorité d'entre eux sera éliminée par des causes naturelles. Et sans aucun doute ceux qui survivront seront les éléments les plus résistants. Il faudra alors s'occuper d'eux de façon appropriée, […]. »
Extrait du protocole de la conférence de Wannsee
1941
La conférence de Wannsee aboutit à l'extermination de 5 à 6 millions de Juifs en Europe.
En 1945, la découverte par les Alliés des atrocités commises par l'Allemagne nazie aboutit à l'accord de Londres en août 1945. Il permet la mise en place d'un tribunal militaire international pour juger 8 organisations nazies et 22 des plus hauts dirigeants du régime nazi encore vivants. Ce tribunal militaire international de Nuremberg se déroule de 1945 à 1946. Le procès de Nuremberg invoque 4 chefs d'accusation :
- complot ;
- crimes contre la paix ;
- crimes de guerre ;
- crimes contre l'humanité.
Le jugement est sans appel : 12 condamnations à mort, 7 condamnations à des peines de prison et 3 acquittements.
De nouvelles catégories de crime sont inventées. Les juristes Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin se sont penchés sur ces nouveaux crimes de masse et ont entamé une nouvelle réflexion juridique. Ils ont construit les notions de génocide et de crime contre l'humanité.
Génocide
Un génocide est l'extermination méthodique d'un peuple pour le faire disparaître totalement.
Crime contre l'humanité
Un crime contre l'humanité est un acte inhumain (assassinat, extermination, déportation, asservissement) commis à l'encontre d'une population pour des motifs politiques, raciaux ou religieux.
Le génocide est intentionnel. Le crime contre l'humanité est une attaque contre les Droits de l'homme, qui font l'objet en 1948 d'une déclaration universelle. Pour la première fois, l'humanité est considérée comme une entité à protéger et à défendre. Ces crimes ont un caractère imprescriptible, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas être oubliés et effacés.
Dès le début, pour Raphael Lemkin, le génocide a une dimension internationale.
« De par sa nature juridique, morale et humaine, le génocide est à considérer en tant que crime international. »
Raphael Lemkin
1946