Sommaire
ICoopérer pour développer la recherche : la Station spatiale internationaleADe 1967 aux années 1970 : les débuts de la coopération internationaleB1980-2010 : les avancées dans la construction de la coopération internationaleIIRivalités et coopérations dans le partage, l'exploitation et la préservation des mers et des océansALa délimitation des espaces maritimesBL'enjeu du partage des ressourcesCPréserver les mers et les océans pour sauver la planèteTant dans l'espace que dans les mers et les océans, la coopération – c'est-à-dire l'action de participer à une œuvre commune, de mettre en place une politique d'entente et d'échange entre des États – est primordiale. Comment la coopération entre États peut-elle réguler les rivalités liées à la conquête des espaces extra-atmosphériques et maritimes ? Dans quelle mesure les espaces extra-atmosphériques et maritimes sont-ils l'objet de la part des États de formes de coopération multiformes et évolutives, en dépit de leurs rivalités ?
Coopérer pour développer la recherche : la Station spatiale internationale
La coopération internationale pour développer la recherche spatiale commence en 1967 et s'étend aux années 1970. La construction de cette coopération va se renforcer dans les années 1980 et permettre la mise en place de la Station spatiale internationale.
De 1967 aux années 1970 : les débuts de la coopération internationale
La coopération internationale a d'abord débuté par le traité de l'espace en 1967 et le traité sur la Lune en 1979. Ces traités interdisent toute revendication de souveraineté de l'espace. Cette coopération concerne les deux grandes puissances spatiales, les États-Unis et l'URSS. Dès les années 1970, elle s'étend progressivement à d'autres États.
Dans un premier temps, les traités spatiaux ont pour but d'encadrer la conquête spatiale. L'ONU joue un rôle important en créant le Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique en 1958.
Deux grands traités voient le jour :
- Le traité de l'espace, en 1967, entre les États-Unis et l'URSS : il garantit le libre accès de tous les États à l'espace. Il interdit toute revendication de souveraineté sur tout ou partie des astres, considérés comme des biens communs de l'humanité. Il interdit toute mise en place d'armes de destruction massive, notamment nucléaires, dans l'espace. Il affirme un devoir d'assistance envers les astronautes, quelle que soit leur nationalité.
- Le traité sur la Lune, en 1979, réaffirme ces principes et fait de la Lune un « patrimoine commun de l'humanité ».
La station soviétique Mir marque le début d'une coopération internationale spatiale : après la destruction de la station spatiale américaine Skylab en 1979, la station Mir est la seule solution pour effectuer des séjours dans l'espace. Le premier astronaute français y est accepté en 1982.
Au total, de 1986 à 2001, 137 astronautes de diverses nationalités ont été accueillis à bord de la station Mir.
Face à des difficultés financières et techniques, les États-Unis renoncent à construire leur station spatiale. En 1984, ils proposent à leurs alliés de coopérer pour élaborer la Station spatiale internationale. La fin de la guerre froide et donc la fin de l'URSS vont accélérer la coopération internationale.
1980-2010 : les avancées dans la construction de la coopération internationale
La coopération internationale s'incarne dans la Station spatiale internationale. Initiée par les États-Unis en 1984 et construite entre 1998 et 2010, elle est devenue le projet le plus abouti de coopération spatiale. Il y a un partage des décisions et des responsabilités dans la construction de cette station. Elle est un laboratoire scientifique permanent.
La construction de la Station spatiale internationale (SSI) est le plus long et le plus grand chantier de l'histoire spatiale.
La SSI est construite en une quarantaine de missions d'assemblage, principalement entre 1998 et 2010.
© NASA/Roscosmos via Wikimedia Commons
La SSI est un habitat pressurisé. C'est un lieu de vie et un laboratoire. Elle tourne en permanence autour de la Terre, de 320 kilomètres à 450 kilomètres d'altitude, à la vitesse de 28 000 km/h.
C'est le plus gros objet jamais réalisé dans l'espace :
- poutre centrale : 108 mètres ;
- masse de 419 tonnes, soit l'équivalent de 70 éléphants d'Afrique ;
- sa surface est équivalente à un terrain de football.
C'est un vrai laboratoire scientifique où s'effectue une triple mission :
- la réalisation d'expériences scientifiques en apesanteur ;
- l'observation de la Terre et de l'espace ;
- la préparation de futurs vols habités d'exploration.
La SSI est devenue le fruit d'une coopération de 16 États et de 5 agences spatiales tant en termes de financement, de construction que de décisions ou de programmes.
Lors de la mission Proxima, entre novembre 2016 et mai 2017, le Français Thomas Pesquet a mené des expériences tant pour l'Agence spatiale européenne (ASE) que pour les autres agences spatiales.
Les États-Unis restent le principal financeur. La Russie est l'acteur de nombreux transferts de technologie. Ainsi, il y a une présence permanente d'un astronaute américain et d'un astronaute russe dans la station.
L'exclusion de la Chine par les États-Unis est révélatrice des rapports de force entre les grandes puissances actuelles.
« Quelle que soit l'actualité, nous ne pouvons pas faire de pause dans la coopération ! L'ISS continue de se déplacer à 28 000 km/h : l'équipe internationale doit rester concentrée sur ce qui se passe chaque jour à bord. L'une des expériences les plus importantes que nous menons sur l'ISS, c'est l'ISS elle-même : cette sorte d'ONU spatiale nous apprend à coopérer entre partenaires internationaux pour l'exploration spatiale. »
David Miller, directeur technologique de la NASA
Juillet 2015
Rivalités et coopérations dans le partage, l'exploitation et la préservation des mers et des océans
Les espaces maritimes contribuent à relier les hommes entre eux mais aussi à les séparer, voire à les opposer. Leur délimitation et le partage de leurs ressources sont des enjeux cruciaux sur la scène internationale. Aujourd'hui, la coopération internationale est surtout nécessaire pour protéger les espaces maritimes.
La délimitation des espaces maritimes
La question de la délimitation des espaces maritimes renvoie à celle de leur territorialisation par les États. Ce n'est qu'au XXe siècle qu'ils ont été l'objet de négociations internationales dont la convention de Montego Bay (1982) est le point d'orgue.
Territorialisation des mers
La territorialisation des mers est l'appropriation des espaces maritimes par les États.
Un débat concernant la liberté des espaces maritimes domine l'Europe depuis les XVIIe-XVIIIe siècles. Ce sont des espaces qui, par leur nature liquide, sont difficilement appropriables et divisibles par les États. De nombreux juristes ont nourri cette réflexion :
- Le juriste hollandais Hugo Grotius publie un ouvrage majeur Mare liberum (De la liberté des mers) en 1604. Il affirme que les mers sont libres.
- Le juriste anglais John Selden lui répond en 1635 par son Mare clausum. Pour lui, au contraire, les mers doivent être contrôlées.
- Finalement, le Hollandais Cornelius van Bynkershoek propose en 1702 de limiter la territorialité de la mer à la portée du canon.
On assiste progressivement à la naissance du droit de la mer, c'est-à-dire à un ensemble des règles juridiques internationales relatives à l'utilisation des espaces maritimes et l'exercice de pouvoirs sur ces espaces par les États.
En 1945, le président des États-Unis, Harry Truman, promulgue « la juridiction et le contrôle » sur fond marin et le sous-sol du plateau continental, et la possibilité d'édicter des mesures de conservation et de protection des ressources halieutiques dans la haute mer au large des États-Unis.
Halieutique
Le terme halieutique désigne les activités liées à la pêche.
En 1952, la Déclaration de Santiago est mise en place. Le Chili, le Pérou et l'Équateur souhaitent se réserver l'exploitation des ressources naturelles. Ils définissent pour la première fois un espace maritime de 200 milles marins sous souveraineté nationale.
Mille nautique ou marin
Le mille nautique ou marin est l'unité de mesure de distance pour la navigation maritime. Un mille est égal à 1 852 mètres.
La distance minimale de 200 milles au large de leurs côtes n'a pas été choisie au hasard : elle correspond au courant marin de Humboldt, courant froid riche en plancton et en poissons.
La convention de Montego Bay est une convention des Nations unies sur le droit de la mer. Depuis 1982, elle établit un cadre juridique international au caractère quasi universel régissant tous les espaces marins et leurs ressources. Elle a été ratifiée par 167 États.
La convention de Montego Bay est le fruit d'un long processus diplomatique. Trois conférences ont eu lieu entre 1956 et 1982. La dernière dure de 1973 à 1982. Elle marque une territorialisation et un découpage des espaces maritimes par les États. En effet, en langage juridique, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), ou convention de Montego Bay, propose un compromis entre la liberté de navigation et l'appropriation des espaces maritimes par un découpage de ces espaces. Cette délimitation est faite en fonction d'un principe simple : le degré d'appropriation des espaces maritimes est proportionnel à la distance par rapport au trait de côte. Plus la côte est proche, plus la souveraineté étatique est forte et inversement.
Zone économique exclusive (ZEE)
Une zone économique exclusive (ZEE) est un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d'exploitation et d'usage des ressources sur une distance de 200 milles marins à partir des côtes (soit 370 kilomètres).
Les ZEE représentent 32 % de l'ensemble maritime, mais 90 % des poissons pêchés, tandis que la haute mer constitue 64 % de l'ensemble.
Des organismes intergouvernementaux régulent les questions maritimes :
- La Commission des limites du plateau continental (CLPC) examine les demandes d'extension du plateau continental jusqu'à 350 milles marins.
- Depuis 1996, il existe un Tribunal international du droit de la mer qui tranche les différends entre les États. En cas de non-résolution, c'est la Cour internationale de justice de La Haye qui est compétente.
L'enjeu du partage des ressources
Les espaces maritimes sont riches en ressources variées. Ils sont des enjeux importants et sont à l'origine de tensions géopolitiques.
Les enjeux sont liés aux ressources à exploiter, présentes et à venir. En effet, la mer, c'est d'abord du poisson. Les ressources halieutiques sont estimées à 90 millions de tonnes de poissons pêchés dans le monde, principalement dans les océans Pacifique et Atlantique Nord.
Les ressources sont également énergétiques : les espaces maritimes représentent 22 % des réserves de pétrole et 30 % des réserves de gaz. Les gisements offshore, de plus en plus profonds, sont permis grâce aux progrès des forages.
Offshore
Offshore est un terme anglais signifiant littéralement « vers le large ». C'est une activité qui se déroule en pleine mer.
On comprend ainsi l'importance de posséder une ZEE la plus vaste possible : son potentiel en richesses est d'autant plus élevé que la zone sera étendue et permettra une projection sécurisée vers la haute mer. Aussi, la délimitation du zonage des espaces maritimes est un enjeu capital et une source de tensions et de conflits entre les États.
Les litiges concernent essentiellement les limites des ZEE. On les évalue à 70-80. Les tensions sont particulièrement vives en mer de Chine :
- Les îles Senkaku sont revendiquées par la Chine et le Japon.
- Les îles Paracels, occupées par la Chine, sont revendiquées par le Vietnam.
- Les îles Spratleys sont revendiquées par la Chine et les États limitrophes.
Les îles sont de véritables enjeux, elles permettent de justifier la possession d'une ZEE.
L'île Clipperton, sans population permanente, procure 435 000 km2 de ZEE à la France.
Préserver les mers et les océans pour sauver la planète
En raison de leur superficie et de leur surexploitation, les espaces maritimes jouent un rôle majeur dans le changement climatique et la préservation des espèces. Le processus de négociation entamé par l'ONU se poursuit aujourd'hui au profit d'une plus grande protection.
La question de la protection et de la préservation des ressources maritimes est aujourd'hui essentielle. Les ressources maritimes sont de plus en plus menacées par la surexploitation, le changement climatique, l'acidification des eaux, les pollutions diverses, etc.
Les solutions existent à trois échelles :
- des solutions nationales ;
- des solutions régionales ;
- des solutions de l'ordre de la gouvernance mondiale.
Les solutions nationales passent par la protection des espaces maritimes dans les ZEE avec les aires marines protégées. Elles sont encouragées par l'ONU, c'est l'un des 17 Objectifs de développement durable de l'Agenda 2030. Toutefois, elles ne couvrent que 6 % des espaces maritimes. L'objectif est d'atteindre 10 % en 2020 et 30 % en 2030.
Les solutions régionales permettent la coopération de plusieurs États. C'est le cas du Conseil de l'Arctique, créé en 1996. C'est un forum intergouvernemental regroupant 8 États : le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l'Islande, la Norvège, la Suède et la Russie. Il est chargé de l'observation et de la protection de la flore, de la faune et du climat. Son succès est relatif, il n'empêche pas les tensions liées aux nouvelles routes maritimes et aux ressources.
Enfin, une tentative de renforcement de la gouvernance mondiale se manifeste par la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine (BBNJ : Biological diversity beyond national juridiction). Il est impératif d'instaurer des mesures de protection et de préservation de la biodiversité marine par une coopération internationale. En 2015, le groupe de travail sur le sujet décide de développer un instrument juridiquement contraignant pour agir. En 2017, l'Assemblée générale de l'ONU convoque la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine avec 4 thématiques :
- ressources génétiques marines ;
- instrument de gestion des zones au-delà de la juridiction nationale : créer des aires marines protégées en haute mer ;
- évaluation des conséquences sur l'environnement en haute mer ;
- renforcement des capacités et transferts de technologie marine.
« L'océan est un lieu où il nous faut concilier la préservation de la biodiversité et la nécessité de nourrir la planète. C'est le poumon de l'humanité et il menace de s'étouffer. »
Emmanuel Macron
Discours aux Assises de l'économie de la mer
Décembre 2019