Sommaire
ILa géographie des espaces productifs dans le mondeADes espaces productifs hiérarchisés et concentrés sur les mêmes territoiresBLa recomposition des espaces de production dans le mondeIILes grands acteurs de la production : les firmes transnationales et les ÉtatsALe rôle des firmes transnationalesBLe rôle des ÉtatsIIIL'organisation des espaces productifs dans le mondeALa DIPPBDes systèmes productifs spécialisésCLes effets de la révolution numérique sur les systèmes productifsÀ l'heure de la mondialisation, tous les espaces productifs dans le monde sont liés. Les pays les plus riches concentrent les fonctions d'innovation et de création, les pays les plus pauvres fabriquent les produits. Les firmes transnationales et les États jouent un rôle important dans la hiérarchisation et la spécialisation des espaces productifs. Les espaces productifs se spécialisent, notamment sous l'influence de la DIPP ; on observe des mutations depuis la révolution numérique.
Comment et par qui les espaces productifs sont-ils hiérarchisés et reliés entre eux dans le monde ?
La géographie des espaces productifs dans le monde
Les espaces productifs sont hiérarchisés à l'échelle mondiale, les fonctions les plus hautes étant concentrées dans les pays du Nord. On observe toutefois une recomposition depuis l'émergence de nouvelles puissances.
Des espaces productifs hiérarchisés et concentrés sur les mêmes territoires
Les espaces productifs sont hiérarchisés. Les fonctions de conception et de décision, tout comme les services de haut niveau se concentrent dans les pays riches. Les fonctions productives et d'emballage se concentrent dans les pays plus pauvres, souvent au Sud.
Les fonctions de conception et de décision demeurent concentrées dans les pays riches : ils détiennent encore des capacités supérieures en matière d'innovation et de financement. Les deux tiers des dépenses de recherche sont concentrés dans cinq pays, dont un tiers aux États-Unis, devant la Chine, le Japon, l'Allemagne et la France.
De même, la production de services de haut niveau reste dominée par les pays du Nord qui concentrent encore plus de 60 % de la capitalisation boursière mondiale : Wall Street à New York, la City à Londres. Dans les métropoles mondiales émergentes comme Dubaï ou Sao Paulo, des bourses sont en pleine croissance. Ainsi, Shanghai est devenue la quatrième place financière mondiale.
Les fonctions productives et d'assemblage qui nécessitent de la main-d'œuvre sont davantage dispersées dans les pays en développement comme au Maghreb ou dans les pays-ateliers d'Asie (Malaisie, Thaïlande).
Certains territoires restent cantonnés à l'exportation de produits primaires, sans transformation. C'est le cas des pays exportateurs de matières premières comme la République démocratique du Congo ou le Venezuela. C'est également le cas de pays exportateurs de produits agricoles. Ces productions ont une faible valeur ajoutée, ces territoires sont donc dépendants des fluctuations des prix du marché.
La recomposition des espaces de production dans le monde
La production de richesse totale dans le monde s'élève à 84 700 milliards $ en 2018. Jusqu'en 2014, plus de la moitié de cette production provenait des pays riches et développés. Les pays émergents, les BRICS, assurent aujourd'hui un quart de la production mondiale. On parle de « recomposition des espaces de production » car ce ne sont plus les mêmes pays qui produisent tout, il y a des changements à l'échelle mondiale.
Le secteur automobile, longtemps dominé par les firmes nord-américaines (Ford, General Motors), européennes (Volkswagen) et japonaises (Toyota), voit émerger de nouveaux acteurs en Chine (Dongfeng, Geely) ou en Inde (Tata).
Dans le secteur textile, la Chine reste le premier exportateur mondial de vêtements, mais la production a commencé à être délocalisée vers les pays-ateliers d'Asie (Bangladesh) ou d'Afrique (Éthiopie).
Les grands acteurs de la production : les firmes transnationales et les États
Les firmes transnationales et les États sont des acteurs majeurs de la production à l'échelle mondiale.
Le rôle des firmes transnationales
Les firmes transnationales (FTN) sont des acteurs importants de la production. Elles sont présentes dans tous les secteurs économiques et savent s'adapter aux cultures locales. Souvent implantées dans les pays du Nord, elles enrichissent les pays de la Triade. Elles ont parfois un pouvoir de persuasion et de pression plus fort que celui des États. Elles imposent leur volonté.
Une firme transnationale est une entreprise implantée dans plusieurs pays et qui réalise la majeure partie de son chiffre d'affaires en dehors de son pays d'origine. Elle garde une base nationale forte pour ses fonctions stratégiques (siège social, recherche) et cela contribue à son identité (Boeing à Chicago, Mercedes à Stuttgart). Dans le monde, on compte aujourd'hui 105 000 FTN qui contrôlent 900 000 filiales. Elles emploient 80 millions de salariés et sont responsables des deux tiers du commerce mondial.
Nestlé est une firme suisse de l'agroalimentaire qui possède 442 usines et 34 centres de recherche dans 86 pays.
Les FTN sont présentes dans tous les secteurs économiques :
- énergie : Shell, Exxon, Total, GDF Suez ;
- agroalimentaire : Nestlé, Coca-Cola ;
- automobile : Toyota, GM ;
- télécommunications : Apple, Samsung, Nokia ;
- distribution : Walmart, Carrefour ;
- finance, etc.
Les FTN profitent de bassins de main-d'œuvre en externalisant une partie de leur production à des sous-traitants.
Les FTN savent aussi s'adapter aux cultures locales, aux réglementations nationales et doivent tenir compte des risques géopolitiques (conflits) et des résistances de certains États.
En Arabie saoudite, McDonald's adapte ses menus ainsi que la gestion de ses restaurants en y appliquant la séparation des hommes et des femmes.
Le capital du groupe Nestlé est réparti entre des actionnaires de 10 nationalités différentes.
De nombreuses FTN sont originaires d'un pays de la Triade. Les FTN enrichissent les pays déjà riches du Nord.
Depuis 2005, le nombre de FTN originaires de pays émergents a été multiplié par 4, comme en Inde (Tata, Mittal) ou en Chine.
La firme chinoise Geely contrôle désormais la firme automobile suédoise Volvo.
Certaines FTN sont très puissantes, au point que certaines d'entre elles sont plus riches que certains États.
Walmart, une firme étatsunienne spécialisée dans la grande distribution, a un chiffre d'affaires supérieur au PIB de certains pays comme la Pologne, la Norvège ou l'Afrique du Sud.
Les FTN ont un grand pouvoir de pression et peuvent imposer leur volonté :
- Elles exploitent les ressources naturelles, notamment en Afrique.
- Elles exploitent la population locale, les conditions salariales sont catastrophiques pour la paysannerie en Amérique latine.
- Elles imposent leurs normes sanitaires et environnementales même si celles-ci ne sont pas bonnes pour les humains et l'environnement.
Le rôle des États
Les États sont également des acteurs importants dans la production à l'échelle mondiale. Les États peuvent protéger la production, attirer les IDE, investir dans divers domaines, créer des emplois, soutenir des entreprises, etc.
- L'État garantit la stabilité recherchée par les entreprises et les investisseurs étrangers (défense, police, justice).
- L'État contribue à rendre certains territoires attractifs en créant les conditions de leur intégration à la mondialisation. Il développe des infrastructures : axes de communication, ports, aéroports, etc. Il développe des zones franches où il accorde des avantages fiscaux pour attirer les IDE et ainsi développer l'activité économique.
- L'État investit dans la recherche-développement (R&D) et la formation (écoles, universités).
L'État est un acteur économique. Il peut créer des emplois publics (64 millions d'emplois publics dans l'Union européenne) ou semi-publics lorsqu'il contrôle certaines entreprises.
Le gouvernement russe contrôle plusieurs entreprises d'État spécialisées dans les hydrocarbures : Gazprom, Rosneft, etc.
Certains États investissent directement sur les marchés financiers mondiaux, notamment par l'intermédiaire de fonds souverains (masses financières accumulées et contrôlées par un État qui les réinvestit afin d'accroître ses revenus).
Le Qatar Investment Authority a investi dans de nombreux groupes comme Volkswagen, Total, le groupe Lagardère, la chaîne de magasins Harrods, l'équipe du Paris-Saint-Germain, la chaîne de télévision beIN Sports (filiale d'Al Jazeera), etc.
Les États apportent leur soutien aux entreprises privées de leur pays, en faisant leur promotion à l'étranger. Les déplacements officiels des dirigeants s'accompagnent de signature de contrats opportuns par des chefs d'entreprise. Les États aident les FTN privées en collectant pour elles des informations stratégiques afin de les conseiller dans leurs investissements.
L'organisation des espaces productifs dans le monde
La Division internationale des espaces productifs (DIPP) contribue à organiser les espaces productifs en réseau. Les espaces de production se spécialisent. Le numérique a transformé la production en automatisant un certain nombre de tâches et en facilitant les échanges d'informations.
La DIPP
La Division internationale des processus productifs (DIPP) désigne la décomposition d'un processus de production en plusieurs tâches (ou étapes) effectuées par une FTN, ses filiales et/ou des entreprises sous-traitantes, dans différents endroits de la planète. La DIPP participe ainsi à la différenciation des territoires qui sont valorisés en fonction de leurs atouts.
Les territoires productifs sont mis en réseaux en fonction de leurs avantages comparatifs et deviennent interdépendants. Les entreprises exploitent les différentiels entre les pays en matière de coûts salariaux, de fiscalité, de droit du travail, de normes sociales ou environnementales, de marchés de consommation, etc. Cela favorise les délocalisations et les flux de toutes sortes.
L'iPhone est un produit emblématique de la mondialisation et de la différenciation des territoires de production dans le cadre d'un système productif. Conçu en Californie, le produit est assemblé en Chine à partir de composants fabriqués dans plusieurs pays en Amérique, en Europe (Italie, Allemagne) ou en Asie (Japon, Corée du Sud). Ces composants sont eux-mêmes fabriqués à partir de matières premières provenant principalement d'Afrique. Enfin, le produit est distribué dans les pays développés et émergents.
Apple, une firme emblématique de la mondialisation
Des systèmes productifs spécialisés
Certains territoires cherchent à tirer profit de leurs avantages en s'appuyant sur des systèmes productifs spécialisés.
- À l'échelle des États, certains pays vont se spécialiser dans un secteur particulier, comme l'Inde, spécialisée dans les services informatiques.
- À l'échelle locale, des systèmes productifs locaux cherchent à tirer parti de certains avantages et à être compétitifs à l'échelle mondiale.
La Glass Vallée est un système productif local situé entre Dieppe et Abbeville qui a décidé de mettre à profit son savoir-faire dans le domaine du verre pour se spécialiser dans le flaconnage de luxe pour la parfumerie, les spiritueux. Ce pôle a gagné en envergure mondiale puisqu'il assure 70 % de la production mondiale de flacons de luxe.
Les effets de la révolution numérique sur les systèmes productifs
La révolution numérique désigne la diffusion et la généralisation des nouvelles Technologies d'information et de communication (TIC). Ces technologies bouleversent les systèmes productifs. De la conception à la distribution, en passant par la production et le transport, de plus en plus de tâches sont automatisées :
- La croissance des flux d'informations a des conséquences sur l'organisation des systèmes productifs. Des territoires productifs éloignés peuvent communiquer instantanément et la production peut s'ajuster en temps réel.
- Le e-commerce pousse les entreprises à faire preuve de davantage de réactivité et à se tourner vers une production « juste à temps » pour satisfaire leurs clients.
- De nouveaux produits et de nouveaux services apparaissent pour les entreprises et les particuliers, comme le stockage de données informatiques.
Les bouleversements sont tels que certains dénoncent une « uberisation » de la société avec l'apparition de ces nouveaux services, pour qualifier le dumping social qui se joue désormais sur tous les espaces productifs, fragilisant certains secteurs d'activité.