Transposer une scène de théâtre Exercice fondamental

CRÉON :
Aimes-tu Hémon ?

ANTIGONE :
Las ! Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon plein de bravoure et de fougue ; un Hémon exigeant et fusionnel, à l'instar de mon âme profonde.

CRÉON :
Pas croyable, tu es amoureuse de Hémon ?

ANTIGONE :
Oui, et alors? C'est mon Hémon à moi. J'adore mon Hémon si mignon et si craquant ; mon Hémon qui chante l'amour et verse des larmes de joie, comme moi.

CRÉON :
Vous aimez Hémon, vous ?

ANTIGONE :
Oui, oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon mou et vieux ; un Hémon lâche et infidèle, comme moi."

CRÉON :
Hémon, tu l'aimes ?
ANTIGONE :
J'aime Hémon, oui. Un Hémon sec et tout neuf, voilà ce que j'aime ; un Hémon intransigeant et soumis, comme toi.

Au voleur ! Au voleur ! A l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ! On m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où sont passés mes gens ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? Tant de questions qui se bousculent dans mon esprit en ire.

J'en appelle à l'aide des dieux ! M'entendez-vous hurler ? Sus à celui qui m'a dépouillé ! Ciel, abats sur le voleur, sur l'infâme criminel, ta justice et ton courroux ! Je suis perdu. Celui qui m'a dérobé mon argent en veut à mon honneur, qui est toute ma vie. Las ! Qui peut-ce être ? Et où peut-il se cacher lâchement ? Il me faut le trouver, mais comment ? Je ne sais plus où porter mes pas, je perds l'esprit et le sens.

Voleur que tu es ! Pire que l'assassin ! Trois fois meurtrier ! Je réclame la justice, juste ciel ! Moi ! Perdu, assassiné : c'est comme si on m'avait coupé la gorge car ... on m'a dérobé mon argent ! Mais quel monstre a bien pu commettre un tel crime ? Et où est-il à présent ? Se cache-t-il? Où ? Quand ? Comment ? Je voudrais courir en tous sens comme un fou. N'est-il pas là ? N'est-il pas ici ? Et c'est qui ?

Au bandit ! Au bandit ! Au coupe-jarret ! Au forban ! Juste ciel, fais pleuvoir ton châtiment. Je suis paumé, je suis transpercé, on m'a tranché le gosier, on m'a dépouillé de ma bourse. Qui cela peut-il bien être ? Quel est son obscur devenir ? Quel est l'endroit où il se terre ? Où masque-t-il sa coupable carcasse aux yeux du ciel qui le condamne ? Qui me dira quelles mesures prendre contre lui ? Où sprinter ? Où ne pas sprinter ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui diable est-il ?

ALAIN :
Parlons-en, tiens, de la jalousie... Sais-tu bien, Georgette,
Qu'elle est une rage féminine... là... qui inquiète et effraie les hommes...
Et qui chasse les amis d'une maison.
As-tu besoin d'une comparaison,
Afin de mieux comprendre la chose ?
Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand tu nettoies ta piscine,
Que si quelque élégante invitée par ton mari venait pour y nager,
Tu serais en furie, et voudrais la tuer ?

GEORGETTE :
Oui, je crois cela.

ALAIN :
C'est justement ce que je cherche à t'expliquer.
La femme jalouse est en effet le fardeau du mari ;
Et quand un homme en voit une autre plus aimable,
Qui veut dans sa piscine aller tremper ses jambes,
Il en montre naturellement une joie extrême !

ALAIN :
Hélas ! la jalousie, écoutez-moi, Georgette,
Est un sentiment fort qui fait que l'on s'inquiète,
Qui nous rend solitaire et fait perdre raison.
Je voudrais utiliser une comparaison,
Afin de concevoir la chose davantage.
Voyez-donc la compagne de Zeus, Héra,
Et les profondes douleurs où ce dieu la plongea
Par la répétition de ses frasques amoureuses.

GEORGETTE :
Je connais ces histoires.

ALAIN :
Certes, elles sont fabuleuses.
Mais le sentiment, lui, est bel et bien réel ;
Et quand un homme voit les avances déplacées
Que des galants frivoles font à l'objet aimé,
Il n'en peut concevoir qu'un profond déplaisir.

ALAIN :
Aïe! Aïe! Aïe! la jalousie... Écoute bien, Georgette,
Est la pire des choses... comme une fenêtre là... pour qu'on y surveille tout !
Et qu'on se méfie des gens autour d'une maison.
Je m'en vais te faire une explication,
Afin de condamner la jalousie davantage.
Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand tu tiens ton potager,
Que si quelque affamé venait pour en manger,
Tu serais en colère, et voudrais le chasser ?

GEORGETTE :
Oui, je comprends cela.

ALAIN :
C'est justement tout le défaut de la jalousie.
La femme à sa fenêtre peut devenir l'épouvantail de l'homme ;
Or quand elle produit de beaux légumes parfois,
Qui dans la soupe feraient trembler les doigts,
Elle doit au contraire aussitôt en montrer une générosité extrême.

ALAIN :
La jalousie ?... Plaisantes-tu bien, Georgette,
Est une chose... là... qui te ridiculises...
Et qui divertit les gens autour de notre maison.
Je m'en vais te donner une leçon,
Afin que tu considères la chose davantage.
Dis-moi, n'est-il pas vrai, quand je rentre tard et que tu cries,
Que si quelque voisin venait à t'entendre et à s'inquiéter,
Tu ferais l'innocente, serais charmante et voudrais l'inviter ?

GEORGETTE :
Oui, je ferais cela.

ALAIN :
C'est justement ce que tu dois changer.
La femme jalouse est en effet la tigresse de l'homme ;
Et quand un homme voit d'autres hommes parfois,
Qui veulent aller boire et tremper leurs lèvres,
Elle se montre aussitôt d'une ridicule extrême.

PÈRE UBU :
Eh bien, mes amis ! Que penseriez-vous d'empoisonner notre roi en lui mettant de l'arsenic dans son plat ? Quand il voudra en manger, il tombera raide, et de ce fait, je serai roi.

TOUS :
Diable, vous êtes vil !

PÈRE UBU :
Las ! cela ne vous plaît-il pas ? Alors, j'exige que Bordure donne son avis.

PÈRE UBU :
Mes amis fidèles, écoutez-moi. Il me semble que nous devrions recourir au poison pour en finir avec ce souverain despotique : au cours du festin, arrangeons-nous pour mettre de l'arsenic dans les mets. Il mourra à la table, et je serai proclamé roi unique.

TOUS :
Le lâche que voilà !

PÈRE UBU :
Je comprends votre désarroi et votre désaveu. J'en appelle aux conseils de Bordure.

PÈRE UBU :
Las, mes amis ! Je suis d'avis d'empoisonner
Tout simplement le roi en lui fourrant de l'arsenic
dans son déjeuner. Quand il voudra le brouter
Il tombera mort, et ainsi je serai roi !

TOUS :
Fi, vous êtes un indéniable sagouin !

PÈRE UBU :
Las ! quoi ? cela ne vous plairait-il pas ?
Mais enfin, mais alors, que Bordure donne son avis.

PÈRE UBU :
Bien ! Mes amis ! Voilà ce que je pense : il nous faudrait en finir avec le roi et le poison, dans son déjeuner, me semble la meilleure option. Imaginez déjà ! Lorsqu'il se penchera sur son assiette, mastiquant avidement, il tombera mort : dès lors, je serai roi.

TOUS :
Bravo ! Quel génie !

PÈRE UBU :
Si tant est qu'il y ait des objections, je suggère de prêter une oreille attentive aux avis toujours éclairés du capitaine Bordure.

LADY MACBETH :
Elle est ivre, ton espérance de drapier ! Elle fait sa sieste, elle se réveille, elle est toute verte, toute pâle et tu la contemples. À partir de maintenant, je ne t'aime plus.

LADY MACBETH :
Mais ton espérance, avec toi tout emmitouflé dedans, elle est totalement saoule ! Elle ronfle ou quoi ? Et là qu'elle se réveille, est-ce qu'elle va devenir d'un coup toute verte et avoir les foies au lieu d'agir comme prévu ? Si c'est comme ça, je vais penser pareil pour ton amour.

LADY MACBETH :
Elle est ivre ! Vous vous y drapez ? Elle dort ! Se réveillera-t-elle ? Verdira-t-elle, pâlira-t-elle devant ce qu'elle regardait avec envie ? Puisque c'est comme ça, c'est le même cas avec ton amour.

LADY MACBETH :
Était-elle donc saoule, l'espérance dans laquelle vous vous déguisiez ? S'est-elle assoupie depuis ? et ne fait-elle que se réveiller d'un coup pour devenir verte et blanche devant ce qu'elle regardait avec volonté ? Dorénavant, il en sera de même de ton soi-disant amour.

Quoi ! Mon père au bain-marie, comme une potée,
D'un frangin dans la soupe les rognons dispersés,
Lui font peut-être croire que je ne suis pas assez brave ?

Quoi ! Mon père qui l'a mauvaise, le reste tout foiré,
D'un frangin dans la mer les membres bien paumés,
Et il croit, ce maraud, que je vais la fermer ?

Quoi ! Mon père au gré des vents s'en est allé,
D'un frère dans l'océan les membres dispersés,
Lui font-ils présumer que je n'ai plus d'audace ?

Quoi ! Mon père, il est trahi, et le reste est fichu,
D'une mère que j'aimais il a brisé le cœur,
Croit-il, ce vilain, que le courage m'a fui.