À quel genre de l'écriture de soi appartiennent les extraits suivants.
Extrait tiré Lettre à Louise Colet par Flaubert.
À Louise Colet.
Mercredi, 1 heure. [14 janvier 1852].
Je suis d'une tristesse de cadavre, d'un embêtement démesuré. Ma sacrée Bovary me tourmente et m'assomme. Bouilhet m'a fait, dimanche dernier, des objections sur un de mes caractères et sur le plan, auxquelles je ne peux rien ; et quoiqu'il y ait, dans ce qu'il m'a dit, du vrai, je sens pourtant que le contraire est vrai aussi. Ah ! je suis bien las et bien découragé ! Tu m'appelles Maître. Quel triste Maître !
Non, tout cela n'a pas été assez creusé peut-être, car ces distinctions de la pensée et du style sont un sophisme. Tout dépend de la conception. Tant pis ! Je vais continuer, et le plus vite possible, afin de faire un ensemble.
Extrait tiré des Mémoires de Guerre par Charles de Gaulle.
Au cours de la matinée, on me rapporte que de toute la ville et de toute la banlieue, dans ce Paris qui n'a plus de métro, ni d'autobus, ni de voitures, d'innombrables piétons sont en marche. À 3 heures de l'après midi, j'arrive à l'Arc de triomphe. Parodi et Le Troquer, membres du gouvernement, Bidault et le Conseil national de la Résistance, Tollet et le Comité parisien de la libération, des officiers généraux Juin, Koenig, Leclerc, d'Argenlieu, Valin, Bloch Dassault, les préfets : Flouret et Luizet, le délégué militaire Chaban Delmas, beaucoup de chefs et de combattants des forces de l'intérieur, se tiennent auprès du tombeau. Je salue le Régiment du Tchad, rangé en bataille devant l'Arc et dont les officiers et les soldats, debout sur leurs voitures, me regardent passer devant eux, à l'Étoile, comme un rêve qui se réalise. Je ranime la flamme. Depuis le 14 juin 1940, nul n'avait pu le faire qu'en présence de l'envahisseur. Puis, je quitte la voûte et le terre plein. Les assistants s'écartent. Devant moi, les Champs Élysées !
Extrait tiré des Essais de Michel de Montaigne.
J'ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu'homme du monde. La diversité des façons d'une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soient des assiettes d'étain, de bois, de terre ; bouilli ou rôti ; beurre ou huile de noix ou d'olive ; chaud ou froid, tout m'est un ; et si un, que vieillissant, j'accuse cette généreuse faculté et aurais besoin que la délicatesse et le choix arrêtât l'indiscrétion de mon appétit et parfois soulageât mon estomac.
Extrait tiré du Journal d'Anne Frank.
La radio anglaise parle d'asphyxie par le gaz. Je suis complètement bouleversée.
Extrait tiré des Confessions de Jean-Jacques Rousseau.
Je suis né à Genève en 1712, d'Isaac Rousseau, Citoyen, et de Suzanne Bernard, Citoyenne. Un bien fort médiocre à partager entre quinze enfants, ayant réduit presque à rien la portion de mon père, il n'avait pour subsister que son métier d'horloger, dans lequel il était à la vérité fort habile. Ma mère, fille du ministre Bernard, était plus riche; elle avait de la sagesse et de la beauté : ce n'était pas sans peine que mon père l'avait obtenue. Leurs amours avaient commencé presque avec leur vie : dès l'âge de huit à neuf ans ils se promenaient ensemble tous les soirs sur la Treille ; à dix ans ils ne pouvaient plus se quitter. La sympathie, l'accord des âmes affermit en eux le sentiment qu'avait produit l'habitude. Tous deux, nés tendres et sensibles, n'attendaient que le moment de trouver dans un autre la même disposition, ou plutôt ce moment les attendait eux-mêmes, et chacun d'eux jeta son cœur, dans le premier qui s'ouvrit pour le recevoir.
Extrait tiré de Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar.
L'être que j'appelle moi vint au monde un certain lundi 8 juin 1903, vers les 8 heures du matin, à Bruxelles, et naissait d'un Français appartenant à une vielle famille du Nord, et d'une Belge dont les ascendants avaient été durant quelques siècles établis à Liège, puis s'étaient fixés dans le Hainaut. La maison où se passait cet événement, puisque toute naissance en est un pour le père et la mère et quelques personnes qui leur tiennent de près, se trouvait située au numéro 193 de l'avenue Louise, et a disparu il y a une quinzaine d'années, dévorée par un building.