On considère l'extrait de biographie suivant :
« Quand j'ai demandé à Limonov lui-même comment c'était, la prison, il s'est d'abord contenté de répondre : « Normal'no », qui en russe veut dire : O.K., pas de problème, rien à signaler, et c'est seulement plus tard qu'il m'a raconté la petite histoire suivante.
De Lefortovo, on l'a transféré au camp d'Engels, sur la Volga. C'est un établissement modèle, flambant neuf, fruit des réflexions d'architectes ambitieux et qu'on montre volontiers aux visiteurs étrangers pour qu'ils en tirent des conclusions flatteuses sur les progrès de la condition pénitentiaire en Russie. En fait, les détenus d'Engels appellent leur camp « Eurogoulag », et Limonov assure que les raffinements de son architecture ne le rendent pas plus agréable à vivre que les baraquements classiques entourés de barbelés – plutôt moins. Toujours est-il que dans ce camp les lavabos, faits d'une plaque d'acier brossé surmontant un tuyau de fonte, d'une ligne sobre et pure, sont exactement les mêmes que dans un hôtel, conçu par le designer Philippe Starck, où son éditeur américain a logé Limonov lors de son dernier séjour à New York, à la fin des années quatre-vingt.
Ça l'a laissé songeur. Aucun de ses camarades de détention n'était en mesure de faire le même rapprochement. Aucun, non plus, des élégants clients de l'élégant hôtel new-yorkais. Il s'est demandé s'il existait au monde beaucoup d'autres hommes que lui, Édouard Limonov, dont l'expérience incluait des univers aussi variés que celui du prisonnier de droit commun dans un camp de travaux forcés sur la Volga et celui de l'écrivain branché évoluant dans un décor de Philippe Starck. Non, a-t-il conclu, sans doute pas, et il en a retiré une fierté que je comprends, qui est même ce qui m'a donné l'envie d'écrire ce livre.
Je vis dans un pays tranquille et déclinant, où la mobilité sociale est réduite. Né dans une famille bourgeoise du XVIe arrondissement, je suis devenu un bobo du Xe. Fils d'un cadre supérieur et d'une historienne de renom, j'écris des livres, des scénarios, et ma femme est journaliste. Mes parents ont une maison de vacances dans l'île de Ré, j'aimerais en acheter une dans le Gard. Je ne pense pas que ce soit mal, ni que cela préjuge de la richesse d'une expérience humaine, mais enfin du point de vue tant géographique que socioculturel on ne peut pas dire que la vie m'a entraîné très loin de mes bases, et ce constat vaut pour la plupart de mes amis.
Limonov, lui, a été voyou en Ukraine ; idole de l'underground soviétique ; clochard, puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan ; écrivain à la mode à Paris ; soldat perdu dans les Balkans ; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après-communisme, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends sur ce point mon jugement. Mais ce que j'ai pensé, après avoir simplement trouvé drôle l'anecdote des lavabos à Saratov, c'est que sa vie romanesque et dangereuse racontait quelque chose. Pas seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Quelque chose, oui, mais quoi ? Je commence ce livre pour l'apprendre. »
Emmanuel Carrère, Limonov, 2011, © Éditions P.O.L
On considère les deux passages suivants :
« Non, a-t-il conclu, sans doute pas, et il en a retiré une fierté que je comprends, qui est même ce qui m'a donné l'envie d'écrire ce livre.[...] »
« Quelque chose, oui, mais quoi ? Je commence ce livre pour l'apprendre. »
Qui est désigné par l'emploi de la première personne « je » ?
On considère le passage suivant :
« Quand j'ai demandé à Limonov lui-même comment c'était, la prison, il s'est d'abord contenté de répondre : « Normal'no », qui en russe veut dire : O.K., pas de problème, rien à signaler, et c'est seulement plus tard qu'il m'a raconté la petite histoire suivante. »
À quoi reconnaît-on qu'il s'agit d'un extrait de biographie ?
On considère le passage suivant :
« Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends sur ce point mon jugement. »
Quel est le temps employé ?
On considère l'extrait suivant :
« Je vis dans un pays tranquille et déclinant, où la mobilité sociale est réduite. Né dans une famille bourgeoise du XVIe arrondissement, je suis devenu un bobo du Xe. Fils d'un cadre supérieur et d'une historienne de renom, j'écris des livres, des scénarios, et ma femme est journaliste. Mes parents ont une maison de vacances dans l'île de Ré, j'aimerais en acheter une dans le Gard. Je ne pense pas que ce soit mal, ni que cela préjuge de la richesse d'une expérience humaine, mais enfin du point de vue tant géographique que socioculturel on ne peut pas dire que la vie m'a entraîné très loin de mes bases, et ce constat vaut pour la plupart de mes amis. »
Pourquoi l'auteur n'est-il pas le personnage principal d'un récit autobiographique rétrospectif ?
Quelle est la caractéristique principale de l'extrait suivant ?
« Limonov, lui, a été voyou en Ukraine ; idole de l'underground soviétique ; clochard, puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan ; écrivain à la mode à Paris ; soldat perdu dans les Balkans ; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après-communisme, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. »
Quelle est la caractéristique principale des deux passages suivants ?
« En fait, les détenus d'Engels appellent leur camp « Eurogoulag », et Limonov assure que les raffinements de son architecture ne le rendent pas plus agréable à vivre que les baraquements classiques entourés de barbelés – plutôt moins. »
« Il s'est demandé s'il existait au monde beaucoup d'autres hommes que lui, Édouard Limonov, dont l'expérience incluait des univers aussi variés que celui du prisonnier de droit commun dans un camp de travaux forcés sur la Volga et celui de l'écrivain branché évoluant dans un décor de Philippe Starck. »