Sommaire
ILes registres qui visent à persuader le lecteurADes registres ponctuels1Le registre pathétique2Le registre tragique3Le registre dramatiqueBDeux registres majeurs1Le registre lyrique2Le registre épiqueCDes registres pour imaginer1Le registre merveilleux2Le registre fantastiqueIILes registres qui visent à convaincre le lecteurAConvaincre par le rire1Le registre comique2Le registre satirique3Le registre ironiqueBDes registres qui orientent la pensée1Le registre didactique2Le registre polémiqueCDes registres qui amplifient1Le registre oratoire2Le registre épidictiqueLes registres qui visent à persuader le lecteur
Des registres ponctuels
Le registre pathétique
Le registre pathétique permet de faire ressentir de la compassion au lecteur. Pour cela, le texte fait souvent appel à :
- Des phrases exclamatives
- Des questions rhétoriques
- Des verbes de sentiments
- Un lexique connoté
- Des métaphores et des comparaisons poignantes
L'auteur peut choisir de faire parler un personnage ou d'impliquer de façon plus implicite le locuteur ou le narrateur pour susciter la pitié du lecteur.
Toute la personne de cette enfant, son allure, son attitude, le son de sa voix, ses intervalles entre un mot et l'autre, son regard, son silence, son moindre geste, exprimaient et traduisaient une seule idée : la crainte. La crainte était répandue sur elle ; elle en était pour ainsi dire couverte ; la crainte ramenait ses coudes contre ses hanches, retirait ses talons sous ses jupes, lui faisait tenir le moins de place possible, ne lui laissait de souffle que le nécessaire, et était devenue ce qu'on pourrait appeler son habitude de corps, sans variation possible que d'augmenter. Il y avait au fond de sa prunelle un coin étonné où était la terreur.
Victor Hugo
Les Misérables, Paris, éd. Albert Lacroix et Cie
1862
Dans cet extrait, Victor Hugo choisit de faire la description de Cosette comme d'une fillette apeurée et frêle. C'est le registre pathétique qu'il utilise pour émouvoir le lecteur.
Le registre tragique
Le registre tragique désigne une situation sans issue dans laquelle le personnage prend conscience de son impuissance face au destin en marche.
Celui-ci l'exprime par :
- Un registre de langue soutenu
- Des phrases interrogatives et des phrases exclamatives qui expriment sa détresse
- Des champs lexicaux comme celui de la fatalité et de la liberté
- Des métaphores et des comparaisons en lien avec ces champs lexicaux
ORESTE.
Grâce aux dieux ! Mon malheur passe mon espérance !
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance !
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J'étais né pour servir d'exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien ! je meurs content, et mon sort est rempli.
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien, il faut que je me noie ;
L'un et l'autre en mourant je les veux regarder :
Réunissons trois cœurs qui n'ont pu s'accorder…
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ?
De quel côté sortir ? D'où vient que je frissonne ?
Quelle horreur me saisit ! Grâce au ciel j'entrevois…
Dieux ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !
Jean Racine
Andromaque, Paris, éd. Théodore Girard
1668
Dans cette réplique, Oreste reconnaît que les dieux sont plus puissants que lui mais cherche encore à agir.
Le registre dramatique
Le registre dramatique est proche des registres tragique et pathétique. Le but est d'entraîner le lecteur, de le faire adhérer entièrement à l'action. Le registre dramatique est caractérisé par :
- Une suite rapide d'événements violents, tristes ou joyeux
- Les thématiques de l'amour, de la mort ou de l'injustice
- Des figures de style d'insistance comme la métaphore et la comparaison
- Des figures de style d'exagération comme les hyperboles
— Force à la loi !
On reconnut l'accent inexorable. Cimourdain avait parlé. L'armée frissonna.
Le bourreau n'hésita plus. Il s'approcha tenant sa corde.[...]
On coucha Gauvain sur la bascule. Cette tête charmante et fière s'emboîta dans l'infâme collier. Le bourreau lui releva doucement les cheveux, puis pressa le ressort ; le triangle (de la guillotine) se détacha et glissa lentement d'abord, puis rapidement ; on entendit un coup hideux...
Au même instant on en entendit un autre. Au coup de hache répondit un coup de pistolet. Cimourdain venait de saisir un des pistolets qu'il avait à sa ceinture, et, au moment où la tête de Gauvain roulait dans le panier, Cimourdain se traversait le cœur d'une balle. Un flot de sang lui sortit de la bouche, il tomba mort.
Victor Hugo
Quatrevingt-treize , Paris, éd. Michel Lévy frères
1874
Dans cet extrait, il y a une suite rapide d'événements qui mènent à la mort de deux personnages. Victor Hugo utilise le registre dramatique.
Deux registres majeurs
Le registre lyrique
Le registre lyrique exprime l'intériorité du narrateur, d'un locuteur ou d'un personnage.
Pour exprimer ce qu'il ressent, ce dernier peut employer :
- La première personne du singulier
- Des verbes de sentiments
- Des champs lexicaux en lien avec des sentiments (haine, colère, douleur, amour, etc.)
- Des phrases exclamatives
- Des questions rhétoriques
- Des figures de style par amplification (hyperbole, anaphore, gradation, etc.)
Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j'éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un cœur solitaire, ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert : on en jouit, mais on ne peut les peindre. L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes ; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu des broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois.
François-René de Chateaubriand
René
1802
Le registre lyrique se manifeste dans cet extrait par l'emploi de la première personne du singulier et par le développement d'un champ lexical des sensations.
Le registre épique
Le registre épique suscite l'admiration du lecteur. Pour créer cette dernière, le texte peut employer :
- Des verbes d'action en grande quantité
- Des figures de style par amplification ou par opposition
- Un lexique connoté de manière méliorative, en particulier en lien avec le domaine guerrier
Redoutable est la bataille, elle se fait générale.
Le comte Roland ne se met pas à l'abri du danger,
Frappe de l'épieu tant que la hampe reste entière,
Au quinzième coup, il l'a brisé et rompu ;
Il met à nu Durendal, sa bonne épée,
Il pique des deux, va frapper Chernuble :
Lui brise le heaume où brillent des escarboucles,
Lui fend le crâne et la chevelure,
Lui fend les yeux et le visage,
Et le haubert qui brille, aux fines mailles,
Et tout le corps jusqu'à l'enfourchure.
Anonyme
Chanson de Roland
XIe siècle
Ce passage relève du registre épique par l'emploi d'un vocabulaire guerrier comme "heaume", "maille" et "épée". Il y a également des hyperboles comme : "Et tout le corps jusqu'à l'enfourchure".
Des registres pour imaginer
Le registre merveilleux
Le registre merveilleux met en scène un cadre spatio-temporel surnaturel et coupé de la réalité du lecteur. Pour cela, le texte met en œuvre :
- Un champ lexical du surnaturel
- Des figures par analogie comme la métaphore ou la comparaison
- Un lexique connoté
- De nombreux superlatifs
Debout dans la forêt la petite sirène s'arrêta tout effrayée, son cœur battait d'angoisse et elle fut sur le point de s'en retourner, mais elle pensa au prince, à l'âme humaine et elle reprit courage. Elle enroula, bien serrés autour de sa tête, ses longs cheveux flottants pour ne pas donner prise aux poulpes, croisa ses mains sur sa poitrine et s'élança comme le poisson peut voler à travers l'eau, au milieu des hideux polypes qui étendaient vers elle leurs bras et leurs doigts.
Elle arriva dans la forêt à un espace visqueux où s'ébattaient de grandes couleuvres d'eau montrant des ventres jaunâtres, affreux et gras. Au milieu de cette place s'élevait une maison construite en ossements humains. La sorcière y était assise et donnait à manger à un crapaud sur ses lèvres, comme on donne du sucre à un canari.
Hans Christian Andersen
"La Petite Sirène", (Den Lille Havfrue), Contes d'Andersen, trad. David Soldi, Librairie Hachette et Cie (1876)
1837
Dans cet extrait, le registre merveilleux se manifeste par l'emploi d'un champ lexical du surnaturel : "sirène", "sorcière", mais également par l'atmosphère inquiétante et surnaturelle.
Le registre fantastique
Le registre fantastique crée une atmosphère angoissante dans laquelle le lecteur doute de la véracité de phénomènes d'ordre surnaturel. Pour créer, cette atmosphère, le texte fait appel notamment à :
- Un cadre spatio-temporel inquiétant
- Un champ lexical de la peur
- Un champ lexical du surnaturel
- Un lexique de l'étrangeté
- Des modalisateurs qui expriment souvent le doute
- Des métaphores et des comparaisons
Ah ! Ah ! je me rappelle, je me rappelle le beau trois-mâts brésilien qui passa sous mes fenêtres en remontant la Seine, le 8 mai dernier ! Je le trouvai si joli, si blanc, si gai ! L'Être était dessus, venant de là-bas, où sa race est née ! Et il m'a vu ! Il a vu ma demeure blanche aussi ; et il a sauté du navire sur la rive. Oh ! mon Dieu ! À présent, je sais, je devine. Le règne de l'homme est fini. Il est venu, Celui que redoutaient les premières terreurs des peuples naïfs, Celui qu'exorcisaient les prêtres inquiets, que les sorciers évoquaient par les nuits sombres, sans le voir apparaître encore, à qui les pressentiments des maîtres passagers du monde prêtèrent toutes les formes monstrueuses ou gracieuses des gnomes, des esprits, des génies, des fées, des farfadets.
Guy de Maupassant
"Le Horla", dans le recueil de nouvelles Le Horla, Paris, éd. Paul Ollendorf
1887
Le registre fantastique se manifeste dans cet extrait par la description d'un être monstrueux et inquiétant.
Les registres qui visent à convaincre le lecteur
Convaincre par le rire
Le registre comique
Le registre comique suscite le rire du lecteur. Pour cela, le texte met en œuvre :
- Des répétitions
- Des figures de style par analogie (comparaisons, métaphores, etc.)
- Des figures de style par amplification (hyperboles, gradations, etc.) ou par construction (parallélismes, hypallages, etc.)
- Un lexique connoté
- Une alternance des registres de langage soutenu et familier
Le registre satirique
Le registre satirique dénonce le ridicule de ce qu'il décrit (personne, objet, concept, etc.). Pour exprimer cette critique, le texte fait appel à :
- Un vocabulaire connoté de manière péjorative
- Des figures de style par analogie (métaphores, comparaisons, etc.)
- Des figures de style par amplification (hyperboles, gradations, etc.)
- Des antiphrases
- Un vocabulaire parfois réaliste
Des habitants de la commune de Muri, en Suisse, ont trouvé un motif pour refuser d'accueillir des réfugiés. Il est question de construire, à Muri, un centre d'hébergement à côté du club de tennis. Une pétition circule pour qu'il n'en soit rien, car "le bruit pourrait déranger la concentration des joueurs". Cette objection ne manque pas de pertinence.
Philippe Meyer
Portraits acides et autres pensées édifiantes, Paris, éd. Le Cherche midi
1999
Cet extrait met en œuvre un registre satirique qui se manifeste dans la critique faite de la réaction des habitants face à la possibilité d'accueillir des réfugiés.
Le registre ironique
Le registre ironique suscite la critique de manière implicite en exprimant le contraire de ce qui est exprimé explicitement. Pour produire cet effet, le texte utilise :
- Des figures par amplification (hyperboles, gradations, etc.) qui manifestent un trop grand enthousiasme pour que celui-ci soit sincère.
- Des litotes qui font mine d'atténuer pour en réalité amplifier.
- Des antiphrases qui expriment le contraire de l'idée contenue.
Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface.
Voltaire
Candide, Genève, éd. Gabriel Cramer
1759
Cet extrait relève d'un registre ironique, le narrateur se moque ici de la guerre.
Des registres qui orientent la pensée
Le registre didactique
Le registre didactique a pour objectif d'instruire le lecteur. Pour obtenir cet effet, le texte fait appel à :
- L'emploi du présent de vérité générale ou à celui du présent descriptif
- De nombreux connecteurs logiques qui organisent le propos
- Des définitions et des exemples
- Un lexique spécialisé, voire technique
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Jean de La Fontaine
"Le Loup et l'Agneau", Fables, Paris, éd. Barbin et Thierry
1668-1694
Le registre didactique de cette citation se remarque à l'utilisation d'un présent de vérité générale.
Le registre polémique
Le registre polémique cherche à indigner le lecteur afin de le faire réagir. Pour cela, il emploie :
- Un lexique connoté, de manière méliorative ou péjorative (parfois les deux)
- Des figures par amplification
- Des figures par opposition
- Des figures par construction
- Des phrases exclamatives et des questions rhétoriques
- La présence d'une deuxième personne du singulier ou du pluriel, qui signifie une interpellation du lecteur
Allez, faîtes ! retranchez trois millions d'électeurs, retranchez-en quatre, retranchez-en huit millions sur neuf. Fort bien. Le résultat sera le même pour vous, sinon pire. Ce que vous ne retrancherez pas, ce sont vos fautes ; ce sont tous les contresens de votre politique de compression ; c'est votre incapacité fatale ; c'est votre ignorance du pays actuel ; c'est l'antipathie qu'il vous inspire et l'antipathie que vous lui inspirez.Ce que vous ne retrancherez pas, c'est le temps qui marche, c'est l'heure qui sonne, c'est la terre qui tourne, c'est le mouvement ascendant des idées, c'est la progression décroissante des préjugés, c'est l'écartement de plus en plus profond entre le siècle et vous, entre les jeunes générations et vous, entre l'esprit de liberté et vous, entre l'esprit de philosophie et vous.
Victor Hugo
Discours sur le suffrage universel prononcé à l'Assemblée nationale
20 mai 1850
Dans cet extrait, le registre polémique se reconnaît à la présence d'une injonction ("Allez, faîtes !") et de la deuxième personne du pluriel.
Des registres qui amplifient
Le registre oratoire
Le registre oratoire cherche à signifier le caractère officiel et majestueux d'un discours argumentatif.
On reconnaît le registre oratoire à :
- La présence de phrases longues nommées périodes
- Le registre de langue soutenu
- Des figures de style en quantité et de toutes sortes (par analogie, par amplification, par opposition, etc.)
- Des connecteurs logiques
- Des interpellations de l'auditoire
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d'efforts courageux l'un des derniers pays, presque le dernier - et je baisse la voix pour le dire - en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort. Pourquoi ce retard ? Voilà la première question qui se pose à nous. Ce n'est pas la faute du génie national. C'est de France, c'est de cette enceinte souvent, que se sont levées les plus grandes voix, celles qui ont résonné le plus haut et le plus loin dans la conscience humaine, celles qui ont soutenu, avec le plus d'éloquence la cause de l'abolition. Vous avez, fort justement, monsieur Forni, rappelé Hugo, j'y ajouterai, parmi les écrivains, Camus. Comment, dans cette enceinte, ne pas penser aussi à Gambetta, à Clemenceau et surtout au grand Jaurès ? Tous se sont levés. Tous ont soutenu la cause de l'abolition. Alors pourquoi le silence a-t-il persisté et pourquoi n'avons-nous pas aboli ? Je ne pense pas non plus que ce soit à cause du tempérament national. Les Français ne sont certes pas plus répressifs, moins humains que les autres peuples. Je le sais par expérience. Juges et jurés français savent être aussi généreux que les autres. La réponse n'est donc pas là. Il faut la chercher ailleurs. Pour ma part j'y vois une explication qui est d'ordre politique. Pourquoi ? L'abolition, je l'ai dit, regroupe, depuis deux siècles, des femmes et des hommes de toutes les classes politiques et, bien au delà, de toutes les couches de la nation. Mais si l'on considère l'histoire de notre pays, on remarquera que l'abolition, en tant que telle, a toujours été une des grandes causes de la gauche française. Quand je dis gauche, comprenez moi, j'entends forces de changement, forces de progrès, parfois forces de révolution, celles qui, en tout cas, font avancer l'histoire. (Applaudissements sur les bancs des socialistes, sur de nombreux bancs des communistes et sur quelques bancs de l'union pour la démocratie française) Examinez simplement ce qui est la vérité. Regardez-la.
Robert Badinter, ministre de la Justice
Discours à l'Assemblée nationale pour l'abolition de la peine de mort en France, Paris
17 septembre 1981
Dans ce discours, Robert Badinter utilise de nombreuses questions de rhétoriques et de longues phrases oratoires.
Le registre épidictique
Un discours au registre épidictique tend à faire l'éloge ou le blâme de ce qu'il évoque (personne, situation, objet, etc.). Pour cela, il met en place :
- Un lexique connoté de manière péjorative ou méliorative
- Des figures par analogie
- Des figures par amplification
- Des champs lexicaux et des verbes appréciatifs
Monseigneur, j'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse Henriette Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère, devait être si tôt après le sujet d'un discours semblable, et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère.
Ô vanité ! ô néant ! ô mortels ignorants de leurs destinées ! L'eût-elle cru, il y a dix mois ? Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût si tôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même ? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort ? Et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous, au retour de ce voyage fameux, d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances ?
Jacques-Bénigne Bossuet
Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre, dans Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre, dans Recueil d'oraisons funèbres composées par messire Jacques-Bénigne Bossuet, évesque de Meaux, Paris, éd. Mabre-Cramoisy
1689
On reconnaît le registre épidictique aux termes connotés de manière méliorative et aux métaphores appréciatives.