Sommaire
ILe registre réalisteIILe registre merveilleuxIIILe registre fantastiqueIVLe registre comiqueVLe registre lyriqueVILe registre épiqueLe registre réaliste
Registre réaliste
Le registre réaliste concerne les récits qui présentent des situations, des personnages, ou des lieux comme s'ils pouvaient avoir réellement existé.
On reconnaît un registre réaliste à :
- La multiplication de détails authentiques
- Un lexique précis et détaillé
- Des personnages ordinaires
- Une relative neutralité
- Dialogue au discours direct
- La multiplication de détails authentiques
- Des personnages qui ont un état civil et une généalogie
Dans une terre grasse et pleine d'escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d'implorer une larme du monde,
Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
Ô vers ! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
À travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encor quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts !
Charles Baudelaire
"Le Mort joyeux", Les Fleurs du Mal, Alençon, éd. Poulet-Malassis et de Broise
1857
Dans cet extrait, le registre réaliste se manifeste par la description détaillée et crue des cadavres. L'auteur cherche à s'approcher du réel, c'est la mimesis. C'est la réalité et non la beauté qui est recherchée.
Le registre merveilleux
Registre merveilleux
Le registre merveilleux met en scène un cadre spatio-temporel surnaturel et coupé de la réalité du lecteur. Les personnages de l'histoire ne questionnent pas les faits surnaturels qui leur paraissent normaux.
On reconnaît un registre merveilleux à :
- Un champ lexical du surnaturel
- Des figures par analogie comme la métaphore ou la comparaison
- Un lexique connoté
- De nombreux superlatifs
Ils reprirent leur marche, s'enfonçant toujours plus avant dans la forêt. À midi, ils virent un joli oiseau sur une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les enfants s'arrêtèrent pour l'écouter. Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu'à une petite maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand ils s'en approchèrent, ils virent qu'elle était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les fenêtres étaient en sucre. "Nous allons nous régaler, dit Hansel, et faire un repas béni de Dieu. Je vais manger un morceau du toit ; il a l'air d'être bon !"
Les frères Grimm
"Hansel et Gretel", ("Hänsel und Gretel"), Contes de l'enfance et du foyer (Kinder und Hausmärchen), trad. libre de droits © René Bories
1812
Dans cet extrait, le registre merveilleux se manifeste par la situation : la maison que les enfants découvrent est en pain d'épices. C'est l'irruption du surnaturel dans la réalité.
Le registre fantastique
Registre fantastique
Le registre fantastique crée une atmosphère angoissante dans laquelle le lecteur doute de la véracité de phénomènes d'ordre surnaturel. Le cadre-spatio temporel est réaliste.
On reconnaît un registre fantastique à :
- Un cadre spatio-temporel inquiétant
- Un champ lexical de la peur
- Un champ lexical du surnaturel
- Un lexique de l'étrangeté
- Des modalisateurs qui expriment souvent le doute
- Des métaphores et des comparaisons
Encore quatre minutes ! Les oraisons. Le dernier Évangile ! Et ce serait la sortie ! Et il n'y aurait pas eu de crime !
Car l'avertissement disait bien : la première messe...
La preuve que c'était fini, c'est que le bedeau se levait, pénétrait dans la sacristie...
La comtesse de Saint-Fiacre avait à nouveau la tête entre les mains. Elle ne bougeait pas. La plupart des autres vieilles étaient aussi rigides.
"Ite missa est.."... "La messe est dite"...
Alors seulement Maigret sentit combien il avait été angoissé. Il s'en était à peine rendu compte. Il poussa un involontaire soupir. Il attendit avec impatience la fin du dernier Évangile, en pensant qu'il allait respirer l'air frais du dehors, voir les gens s'agiter, les entendre parler de choses et d'autres...
Les vieilles s'éveillaient toutes à la fois. Les pieds remuaient sur les froids carreaux bleus du temple. Une paysanne se dirigea vers la sortie, puis une autre. Le sacristain parut avec un éteignoir, et un filet de fumée bleue remplaça la flamme des bougies.
Le jour était né. Une lumière grise pénétrait dans la nef en même temps que des courants d'air.
Il restait trois personnes... Deux... Une chaise remuait... Il ne restait plus que la comtesse, et les nerfs de Maigret se crispèrent d'impatience...
Le sacristain, qui avait terminé sa tâche, regarda Mme de Saint-Fiacre. Une hésitation passa sur son visage. Au même moment le commissaire s'avança.
Ils furent deux tout près d'elle, à s'étonner de son immobilité, à chercher à voir le visage que cachaient les mains jointes.
Maigret, impressionné, toucha l'épaule. Et le corps vacilla, comme si son équilibre n'eût tenu qu'à un rien, roula par terre, resta inerte.
La comtesse de Saint-Fiacre était morte.
Georges Simenon
L'Affaire Saint-Fiacre, Paris, éd. Fayard
1932
Le registre fantastique se manifeste dans cet extrait par l'atmosphère inquiétante.
Le registre comique
Registre comique
Le registre comique suscite le rire du lecteur.
On reconnaît un registre comique à :
- Des répétitions
- Des figures de style par analogie (comparaisons, métaphores, etc.)
- Des figures de style par amplification (hyperboles, gradations, etc.) ou par construction (parallélismes, hypallages, etc.)
- Un lexique connoté
- Une alternance des registres de langage soutenu et familier
HARPAGON (il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau).
Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin... (il se prend lui-même le bras.) Ah ! c'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! on m'a privé de toi ; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde ! Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus ; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris ? Euh ? que dites-vous ? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de soin on ait épié l'heure ; l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice et faire donner la question à toute ma maison : à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh ! de quoi est-ce qu'on parle là ? De celui qui m'a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous ?
Molière
L'Avare
1668
Le registre comique de cette scène provient de la réaction excessive et ridicule du personnage qui croit voir des voleurs partout et s'agite terriblement.
Le registre lyrique
Registre lyrique
Le registre lyrique exprime l'intériorité du narrateur, d'un locuteur ou d'un personnage.
On reconnaît un registre lyrique à :
- La première personne du singulier
- Des verbes de sentiments
- Des champs lexicaux en lien avec des sentiments (haine, colère, douleur, amour, etc.)
- Des phrases exclamatives
- Des questions rhétoriques
- Des figures de style par amplification (hyperbole, anaphore, gradation, etc.)
Ô elle dont je dis le nom sacré dans mes marches solitaires et mes rondes autour de la maison où elle dort, et je veille sur son sommeil, et elle ne le sait pas, et je dis son nom aux arbres confidents, et je leur dis, fou des longs cils recourbés, que j'aime et j'aime celle que j'aime, et qui m'aimera, car je l'aime comme nul autre ne saura, et pourquoi ne m'aimerait-elle pas, celle qui peut d'amour aimer un crapaud, et elle m'aimera, m'aimera, m'aimera, la non-pareille m'aimera, et chaque soir j'attendrai tellement l'heure de la revoir et je me ferai beau pour lui plaire, et je me raserai, me raserai de si près, pour lui plaire, et je me baignerai, me baignerai longtemps pour que le temps passe plus vite, et tout le temps penser à elle, et bientôt ce sera l'heure, ô merveille, ô chants dans l'auto qui vers elle me mènera, vers elle qui m'attendra, vers les longs cils étoilés, ô son regard tout à l'heure lorsque j'arriverai, elle sur le seuil m'attendant, élancée et de blanc vêtue, prête et belle pour moi, prête et craignant d'abîmer sa beauté si je tarde, et allant voir sa beauté dans la glace, voir si sa beauté est toujours là et parfaite, et puis revenant sur le seuil et m'attendant en amour, émouvante sur le seuil et sous les roses, ô tendre nuit, ô jeunesse revenue, ô merveille lorsque je serai devant elle, ô son regard, ô notre amour, et elle s'inclinera sur ma main, paysanne devenue, ô merveille de son baiser sur ma main, et elle relèvera la tête et nos regards s'aimeront et nous sourirons de tant nous aimer, toi et moi, et gloire à Dieu.
Albert Cohen
Belle du Seigneur, Paris, éd. Gallimard, coll. "Blanche"
1968
Le registre lyrique se manifeste dans ce sonnet par l'emploi de la première personne du singulier, par l'expression des sentiments du personnage et la répétition de l'interjection "ô".
Le registre épique
Registre épique
Le registre épique suscite l'admiration du lecteur.
On reconnaît un registre épique à :
- Des verbes d'action en grande quantité
- Des figures de style par amplification ou par opposition
- Un lexique connoté de manière méliorative, en particulier en lien avec le domaine guerrier
C'est le duel effrayant de deux spectres d'airain,
Deux fantômes auxquels le démon prête une âme,
Deux masques dont les trous laissent voir de la flamme.
Ils luttent, noirs, muets, furieux, acharnés.
Les bateliers pensifs qui les ont amenés,
Ont raison d'avoir peur et de fuir dans la plaine,
Et d'oser, de bien loin, les épier à peine,
Car de ces deux enfants, qu'on regarde en tremblant,
L'un s'appelle Olivier et l'autre a nom Roland.
Et, depuis qu'ils sont là, sombres, ardents, farouches,
Un mot n'est pas encor sorti de ces deux bouches.
Victor Hugo
"Le Mariage de Roland", La Légende des siècles, Paris, éd. Pierre-Jules Hetzel
1859
Ce passage relève du registre épique par l'emploi d'un vocabulaire guerrier ("duel", "luttent", "farouches") et de termes connotés comme "furieux" et "acharnés". Par ailleurs, les métaphores des spectres et les énumérations rendent la scène quasi surnaturelle : ces deux combattants ne sont plus des hommes ordinaires mais des demi-dieux.