Sommaire
ILes formes fixesALa balladeBL'odeCLe rondeauDLe sonnetIILes formes libresALe blasonBL'épigrammeLes formes fixes
Il existe différentes formes fixes en poésie, c'est-à-dire des formes dont la structure est toujours identique : la ballade, l'ode, le rondeau et le sonnet.
La ballade
Le mot « ballade » est dérivé du provençal balada, qui désigne une chanson à danser.
La ballade est une forme fixe essentiellement pratiquée au Moyen Âge.
Les caractéristiques de la ballade sont :
- composition en trois strophes suivies d'une strophe moitié moins longue ;
- demi-strophe finale appelée « envoi » et adressée au prince ou au roi ;
- retour d'un refrain identique à la fin de chaque strophe ;
- poème construit sur trois ou quatre rimes uniquement ;
- schéma de rimes identique dans les trois premières strophes.
Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis, sans compagnon ni maître,
Seulette suis, dolente1 et courroucée,
Seulette suis en langueur mésaisiée2,
Seulette suis plus que nulle égarée,
Seulette suis sans ami demeurée.
Seulette suis à huis3 ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet muciée4,
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien n'est qui tant me siée5,
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis sans ami demeurée.
Seulette suis partout et en tout être.
Seulette suis, ou je voise ou je siée6,
Seulette suis plus qu'autre rien terrestre7,
Seulette suis de chacun délaissée,
Seulette suis durement abaissée,
Seulette suis souvent toute éplorée,
Seulette suis sans ami demeurée.
Princes, or8 est ma douleur commencée
Seulette suis de tout deuil menacée,
Seulette suis plus teinte que morée9,
Seulette suis sans ami demeurée.
Christine de Pisan, « Seulette suis et seulette veux être », Cent ballades, 1394-1399
1 Dolente : malheureuse.
2 Mésaisiée : peinée.
3 Huis : porte.
4 Un anglet muciée : un angle caché.
5 Me siée : me convienne.
6 Ou je voise ou je siée : que je m'en aille ou que je m'assoie.
7 Rien terrestre : créature terrestre.
8 Or : maintenant.
9 Plus teinte que morée : plus livide que mûre.
L'ode
L'ode est une forme poétique lyrique pratiquée dans l'Antiquité et reprise par les poètes de la Pléiade au XVIe siècle.
Les caractéristiques de l'ode sont :
- poème composé de trois strophes de même longueur ;
- registre lyrique ;
- célébration d'une personne, un événement, un lieu.
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose1
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vêprée2,
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ! ses beautés laissé choir3 ;
Ô vraiment marâtre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne4
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose », Odes, 1550-1555
1 Déclose : ouverte.
2 Vêprée : soir.
3 Choir : tomber.
4 Fleuronne : fleurit.
Le rondeau
Le terme « rondeau » est construit sur le radical ronde, ce qui rattache cette forme à la musique et à la danse.
Le rondeau est une forme fixe essentiellement pratiquée au Moyen Âge.
Les caractéristiques du rondeau sont :
- composition en trois strophes : un quatrain (ou parfois un quintil), un tercet (ou parfois un quatrain) et un quintil ;
- poème construit sur deux rimes uniquement.
- procédé du « rentrement » : répétition du 1er vers du poème à la fin des 2e et 3e strophes.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en1 son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau.
Rivière, fontaine et ruisseau,
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent d'orfèvrerie ;
Chacun s'habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.
Charles d'Orléans, « Le temps a laissé son manteau », Rondeaux, XVe siècle
1 Qu'en : qui en.
Le sonnet
Le mot « sonnet » vient de l'italien sonneto, lui-même issu du provençal sonet, diminutif du mot « son ».
Cette forme fixe apparaît au XVIe siècle et est empruntée à la poésie italienne.
Les caractéristiques du sonnet sont :
- composition en quatre strophes : deux quatrains et deux tercets ;
- schéma de rimes : ABBA ABBA CCD EED (dans le sonnet dit « italien ») ou EDE (dans le sonnet dit « français »).
- poème composé en général de décasyllabes ou alexandrins.
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, A
Assise auprès du feu, dévidant et filant, B
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant : B
Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. A
Lors1 vous n'aurez servante oyant2 telle nouvelle, A
Déjà sous le labeur à demi sommeillant, B
Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant, B
Bénissant votre nom de louange immortelle. A
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os, C
Par les ombres myrteux3 je prendrai mon repos ; C
Vous serez au foyer une vieille accroupie, D
Regrettant mon amour et votre fier dédain. E
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ; E
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. D
Pierre de Ronsard, « Quand vous serez bien vieille », Sonnets pour Hélène, 1578
1 Lors : alors.
2 Oyant : entendant.
3 Ombres myrteux : allusion aux Enfers.
Les formes libres
Un grand nombre de formes poétiques sont libres parce qu'elles n'ont pas de structure définie. Elles se distinguent par leur sujet, leur registre, leur longueur, selon les cas. Parmi les formes libres importantes, on distingue le blason et l'épigramme.
Le blason
Le mot « blason » appartient initialement au vocabulaire de l'héraldique. Il désigne l'écu armorié symbolisant une famille, une ville ou un pays.
Le blason poétique est une forme apparue au XVIe siècle.
Les caractéristiques du blason sont :
- poème de forme libre ;
- éloge d'une partie du corps féminin.
Il existe également des contre-blasons, qui font la satire ou le blâme d'une partie du corps féminin.
Front large et haut, front patent1 et ouvert,
Plat et uni, des beaux cheveux couvert :
Front qui est clair et serein firmament
Du petit monde, et par son mouvement
Est gouverné le demeurant du corps :
Et à son vueil2 sont les membres concors3 :
Lequel je vois être troublé par nues4,
Multipliant ses rides très menues,
Et du côté qui se présente à l'œil
Semble que là se lève le soleil ;
Front élevé sur cette sphère ronde,
Où tout engin5 et tout savoir abonde.
Front révéré, front qui le corps surmonte
Comme celui qui ne craint rien, fors6 honte.
Front apparent, afin qu'on pût mieux lire
Les lois qu'Amour voulut en lui écrire,
Ô Front, tu es une table d'attente
Où ma vie est, et ma mort très patente7.
Maurice Scève, « Le Front », Blasons, 1536
1 Patent : ouvert.
2 Vueil : volonté.
3 Concors : accordés.
4 Nues : nuages.
5 Engin : ingéniosité.
6 Fors : sauf.
7 Patente : évidente.
L'épigramme
Dans l'Antiquité, l'épigramme est une inscription gravée sur un monument ou un tombeau, puis un court poème s'apparentant à l'une de ces inscriptions. À partir du XVIe siècle, l'épigramme prend un caractère satirique.
Les caractéristiques de l'épigramme sont :
- poème court de forme libre ;
- registre satirique en général ;
- dernier vers constituant une « pointe », c'est-à-dire un effet de surprise, un trait d'humour ou une chute.
L'autre jour au fond d'un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron ;
Que croyez-vous qu'il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva.
« L'autre jour au fond d'un vallon », épigramme de Voltaire contre Jean Fréron