Les formes fixes
Il existe différentes formes fixes en poésie, c'est-à-dire des formes dont la structure est toujours identique. À partir du XIXe siècle, les formes fixes sont employées de manière très libre par les poètes.
Victor Hugo écrit un recueil intitulé Odes et ballades (1826) dans lequel il prend des libertés avec ces formes.
Seul subsiste véritablement le sonnet, qui est utilisé au XIXe siècle et encore au XXe siècle.
Le sonnet est un poème de forme fixe apparu au XVIe siècle et emprunté à la poésie italienne. Les caractéristiques du sonnet sont :
- une composition en quatre strophes : deux quatrains et deux tercets ;
- un poème généralement composé en décasyllabes ou en alexandrins ;
- un schéma de rimes précis : ABBA ABBA CCD EED (dans le sonnet dit « italien ») ou EDE (dans le sonnet dit « français »).
À partir de la fin du XIXe siècle, les poètes s'affranchissent néanmoins de ces règles, en particulier du schéma de rimes.
« Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées; A
Mon paletot soudain devenait idéal ; B
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ; B
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! A
Mon unique culotte avait un large trou. C
– Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course D
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. D
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou C
Et je les écoutais, assis au bord des routes, E
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes E
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; F
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, G
Comme des lyres, je tirais les élastiques G
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! F »
Arthur Rimbaud, « Ma bohème (Fantaisie) », Poésies, 1870-1871
Interprétation
Il s'agit ici d'un sonnet italien, le dernier tercet a comme schéma EED.
Les formes libres
Un grand nombre de formes poétiques sont libres, elles n'ont pas de structure définie. Elles se distinguent par leur sujet, leur registre, leur longueur, selon les cas. À partir du XIXe siècle, les poètes privilégient les formes libres. Parmi les formes libres, les plus importantes sont le blason, le calligramme, le poème en prose et l'épigramme.
Le blason
Blason
Le blason est un poème de forme libre, il s'agit de l'éloge d'une partie du corps féminin. Le mot « blason » appartient initialement au vocabulaire de l'héraldique. Il désigne l'écu armorié symbolisant une famille, une ville ou un pays. Le blason poétique est une forme apparue au XVIe siècle mais encore utilisée dans les siècles suivants.
Il existe également des contre-blasons, qui font la satire ou le blâme d'une partie du corps féminin.
Le calligramme
Calligramme
Le calligramme est une forme poétique qui existe depuis l'Antiquité mais reste peu employée jusqu'à la publication par Guillaume Apollinaire d'un recueil intitulé Calligrammes en 1918. Le calligramme est un poème dont la disposition forme un dessin, qui représente ce que le texte évoque.
Guillaume Apollinaire, Calligrammes, 1918
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Le poème en prose
Poème en prose
Le poème en prose est inventé par Aloysius Bertrand avec le recueil Gaspard de la nuit (1842). Baudelaire lui donne ses lettres de noblesse avec le recueil Petits poèmes en prose (ou Le Spleen de Paris) en 1869.
« Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »
« À Arsène Houssaye », Petits poèmes en prose (ou Le Spleen de Paris), Charles Baudelaire, 1869
Les caractéristiques du poème en prose sont :
- la composition en prose (sans vers, sans strophes, sans rimes) ;
- l'autonomie du poème, pouvant fonctionner et être compris seul, indépendamment des poèmes qui le suivent ou le précèdent ;
- le travail poétique sur les images et les sonorités.
Le poème en prose ne doit pas être confondu avec le poème en vers libres, qui se caractérise par des retours réguliers à la ligne.
« Il était nuit. Ce furent d'abord, – ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, – une abbaye aux murailles lézardées par la lune, – une forêt percée de sentiers tortueux, – et le Morimont grouillant de capes et de chapeaux.
Ce furent ensuite, – ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, – le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, – des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d'une ramée, – et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnent un criminel au supplice.
Ce furent enfin, – ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, – un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, – une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne, – et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.
Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente ; et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.
Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, – et je poursuivais d'autres songes vers le réveil. »
Aloysius Bertrand, « Un rêve », Gaspard de la nuit, 1842
L'épigramme
Épigramme
Dans l'Antiquité, l'épigramme est une inscription gravée sur un monument ou un tombeau, puis un court poème s'apparentant à l'une de ces inscriptions. À partir du XVIe siècle, l'épigramme prend un caractère satirique.
« L'autre jour au fond d'un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron ;
Que croyez-vous qu'il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva. »
« L'autre jour au fond d'un vallon », épigramme de Voltaire contre Jean Fréron
Les caractéristiques de l'épigramme sont :
- poème court de forme libre ;
- registre satirique en général ;
- dernier vers constituant une « pointe », c'est-à-dire un effet de surprise, un trait d'humour ou une chute.