Sommaire
ILes outils de l'argumentation : démontrer, convaincre, persuaderADémontrer1Les principes de la démonstration2Les techniques littéraires de la démonstrationBConvaincre1Les principes d'un discours convaincant2Les techniques littéraires d'un discours convaincantCPersuader1Les principes de la persuasion2Les techniques littéraires de la persuasionIILes stratégies argumentativesALe circuit argumentatif1Le thème et la thèse2L'argument et l'exempleBLe raisonnement argumentatif1Le raisonnement logique et le raisonnement d'autorité2Le raisonnement de mauvaise foi3La prise en compte de la thèse adverseCPrincipaux registres et procédés rhétoriques utilisés pour argumenter1Le registre didactique2Le registre oratoire3Le registre pathétiqueLe discours argumentatif a pour fonction de faire adhérer le destinataire à une idée (ou thèse) défendue par le locuteur.
Les outils de l'argumentation : démontrer, convaincre, persuader
Pour obtenir l'adhésion du destinataire, le locuteur peut démontrer, convaincre ou persuader.
Démontrer
Les principes de la démonstration
Démonstration
La démonstration est un raisonnement logique qui expose l'enchaînement logique de faits observables et vérifiables. Elle est surtout utilisée dans les matières scientifiques.
Dans le Discours de la servitude volontaire (1576), La Boétie fait un plaidoyer contre l'absolutisme. Pour ce faire, il utilise la démonstration : en effet, il développe un raisonnement quasi scientifique, qui s'appuie sur des chiffres éloquents.
Les techniques littéraires de la démonstration
Pour formuler une démonstration :
- Le locuteur efface sa présence. On ne trouve pas de marque de celui-ci dans son discours (pas de première personne du singulier, pas de verbes ou d'adverbes modalisateurs, etc.).
- Il observe un fait avant de déduire une information nouvelle. C'est le raisonnement scientifique.
- Il emploie des connecteurs logiques en grande quantité. Ceux-ci expriment essentiellement la conséquence ou la cause.
5 ou 6 ont eu l'oreille du tyran [...]. Ces 6 ont 600 qui profitent sous eux, et qui font de leurs 600 ce que les 6 font au tyran [...] ces 600 en maintiennent sous eux 6000.
Étienne de La Boétie
Discours de la servitude volontaire
1576
Cette citation est un exemple de démonstration qui utilise des constats sous des formes chiffrées pour formuler un argument.
Convaincre
Les principes d'un discours convaincant
Conviction
La conviction s'appuie sur un raisonnement non scientifique mais dont la construction reste logique.
Dans La Dent d'or (1687), Fontenelle se positionne contre la tendance qu'a l'Homme à affirmer des fausses vérités avant de chercher à comprendre. Il utilise pour ce faire le registre convaincant : on y trouve de nombreux connecteurs logiques et un exemple concret.
Le locuteur recherche l'adhésion du destinataire par la formulation d'arguments et d'exemples qui doivent toucher son esprit.
Les techniques littéraires d'un discours convaincant
Pour convaincre, le locuteur emploie :
- Des signes de sa présence (première personne du singulier, adverbes modalisateurs, etc.)
- Des arguments et des exemples immédiatement compréhensibles par le destinataire : souvent, ils appartiennent à sa vie quotidienne.
- Des arguments et des exemples que le destinataire pourrait lui opposer, afin de mieux les contrer. Ce procédé est une concession.
- De nombreux connecteurs logiques, en particulier de cause et de conséquence, mais aussi d'addition ou d'opposition.
Le démon de la propriété infecte tout ce qu'il touche. Un riche veut être partout le maître et ne se trouve bien qu'où il ne l'est pas ; il est forcé de se fuir toujours. Pour moi, je ferai là-dessus dans ma richesse ce que j'ai fait dans ma pauvreté.
Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation
1762
Cet extrait de l'Émile présente beaucoup de caractéristiques du discours convaincant, comme l'utilisation de la première personne.
Persuader
Les principes de la persuasion
La persuasion fait davantage appel au cœur qu’à l'esprit du destinataire.
Quand il cherche à persuader son destinataire, le locuteur suscite différents sentiments chez le destinataire, comme la révolte ou la pitié.
Le "Plaidoyer contre la peine de mort" de Victor Hugo, discours prononcé devant l'Assemblée constituante en 1848, est un discours persuasif.
Les techniques littéraires de la persuasion
Les outils du locuteur sont souvent implicites :
- Il interpelle le destinataire au moyen de phrases interrogatives ou exclamatives, l'obligeant à se sentir concerné.
- Il emploie des exemples saisissants, touchants, souvent pathétiques.
Son jugement se fait subjectif, au moyen de différents termes connotés.
Savez-vous ce qui est triste ? C'est que c'est sur le peuple que pèse la peine de mort. Vous y avez été obligés, dites-vous. Il y avait dans un plateau de la balance l'ignorance et la misère, il fallait un contrepoids dans l'autre plateau, vous y avez mis la peine de mort.
Victor Hugo
Plaidoyer contre la peine de mort
1848
Dans cet extrait, les questions rhétoriques et la deuxième personne du pluriel interpellent le lecteur. Par ailleurs, Victor Hugo compare la peine de mort au poids placé dans une balance, de sorte que la peine de mort devient la contrepartie à la misère, son complément indispensable.
Les stratégies argumentatives
Le circuit argumentatif
Le thème et la thèse
Thème
Le thème est le sujet traité par l'auteur.
Dans le Discours de la servitude volontaire (1576), La Boétie aborde le thème de la monarchie absolue.
Thèse
La thèse est la position que l'auteur prend par rapport au thème.
Dans la préface de Pierre et Jean, Guy de Maupassant soutient la thèse selon laquelle le réalisme dépasse la réalité.
On distingue la thèse soutenue de la thèse rejetée.
L'argument et l'exemple
Argument
L'argument est une phrase qui confirme efficacement une thèse.
Dans le "Plaidoyer contre la peine de mort" de Victor Hugo, le droit à la vie stipulé dans la "Déclaration des droits de l'Homme" est un argument contre la peine capitale.
On distingue plusieurs formes d'arguments :
- L'argument d'expérience, qui fait appel à l'expérience concrète des lecteurs.
- L'argument d'autorité, qui est incontestable.
- L'argument d'analogie, qui fait des comparaisons pour mieux faire comprendre la thèse au lecteur.
- L'argument de logique, qui résulte d'une démonstration préalable.
Exemple
L'exemple est un cas particulier évoqué pour illustrer l'argument. Il permet au locuteur de justifier le bien-fondé de celui-ci.
Pour mettre en valeur les travers de la société dans laquelle il vit, Montesquieu, dans les Lettres persanes (1782), prend l'exemple de la société orientale.
Le raisonnement argumentatif
Le raisonnement logique et le raisonnement d'autorité
Raisonnement d'autorité
Un raisonnement d'autorité s'appuie sur une vérité générale qui est reconnue de manière universelle.
L'eau bout à cent degrés.
Il existe plusieurs raisonnements logiques, dont :
- Le raisonnement par induction
- Le raisonnement par déduction
- Le syllogisme
Raisonnement par induction
Un raisonnement par induction part de plusieurs constats pour justifier une idée nouvelle.
Dans Le Dernier Jour d'un condamné, Victor Hugo effectue un raisonnement par induction : en présentant un exemple précis d'homme condamné à mort et les effets sur ce personnage, il se positionne contre la peine de mort en général.
Raisonnement par déduction
Un raisonnement par déduction part d'un argument auquel le destinataire adhère pour justifier une ou plusieurs conséquences logiques.
Puisque tous les hommes naissent égaux, alors ces pauvres hommes ne devraient pas mourir de faim.
Syllogisme
Le syllogisme est la combinaison de deux déductions qui amènent à la formulation d'une déduction supplémentaire entre le constat de la première déduction et la conséquence de la seconde déduction.
Tous les enfants vont à l'école. L'école instruit les enfants. Donc tous les enfants sont instruits.
Attention, le syllogisme n'aboutit pas toujours à une vérité. Dans ce cas, il s'agit d'un sophisme.
Socrate est mortel. Les chats sont mortels. Donc Socrate est un chat.
Le raisonnement de mauvaise foi
Raisonnement de mauvaise foi
Le raisonnement de mauvaise foi se caractérise par un enchaînement grammaticalement logique mais construit grâce à des arguments non valables ou non logiques entre eux.
Si je n'ai pas rendu mon devoir à l'heure, c'est parce que le travail était trop facile pour moi.
On peut distinguer plusieurs types d'arguments de mauvaise foi :
- Le prétexte
- La tautologie
- L'argument ad hominem
Prétexte
Le prétexte est un argument de mauvaise foi qui justifie une thèse par des données imaginaires.
Dans "Le Loup et l'Agneau" de Jean de La Fontaine, le Loup tue l'Agneau et prend pour prétexte le fait que l'Agneau le gêne pour boire.
Tautologie
La tautologie associe une idée à sa répétition. Il n'y a pas d'information nouvelle dans la phrase.
L'orthographe est la science du bien écrire.
Argument ad hominem
L'argument ad hominem est un argument de mauvaise foi qui critique le locuteur de la partie adverse au lieu de ses arguments.
Mon adversaire ne peut pas invoquer cet argument, car c'est lui-même un menteur.
La prise en compte de la thèse adverse
Un raisonnement peut prendre en compte la thèse adverse pour mieux la contrer. Il existe plusieurs types de prise en compte, comme :
- La concession
- Le raisonnement par l'absurde
- L'ironie
Concession
La concession évoque d'abord la thèse adverse tout en réduisant son impact et formule ensuite la thèse défendue par le locuteur, de sorte que celle-ci, formulée en dernier de manière opposée, semble plus acceptable.
Certes, la comédie est un divertissement. Mais elle peut également nous amener à réfléchir sur nos propres comportements.
Raisonnement par l'absurde
Le raisonnement par l'absurde semble suivre la thèse opposée à celle que le locuteur veut défendre, mais l'issue du raisonnement formulé est irrecevable, de sorte que le locuteur a finalement montré la plus grande validité de sa propre thèse.
Il est évident que la monarchie absolue est légitime. Elle met tout le monde à égalité. En revanche, seul le fils du roi peut prendre le pouvoir.
Ironie
Le locuteur fait preuve d'ironie lorsqu'il semble défendre une thèse qui est contraire à la sienne et que le discours sous-entend, par le trop grand sérieux du discours, que ce raisonnement est tourné en dérision. Le destinataire se trouve alors convaincu de l'invalidité de ce raisonnement et penche pour la thèse du locuteur.
Dans Candide, conte philosophique de Voltaire, la position portée par Pangloss (qui défend la philosophie optimiste) est l'objet d'ironie de la part de l'auteur.
Principaux registres et procédés rhétoriques utilisés pour argumenter
Le registre didactique
Registre didactique
Le registre didactique rend le discours semblable à une leçon, un ordre logique à suivre.
L'article "Qu'est-ce que les Lumières ?" de Kant est une leçon sur la liberté. Parce qu'il expose les moyens d'acquérir la liberté, son discours est didactique.
Pour cela, le locuteur utilise :
- Le présent de l'indicatif et parfois de l'impératif
- Beaucoup de connecteurs logiques
- Des phrases plutôt brèves
Le registre oratoire
Registre oratoire
Le registre oratoire insiste sur la dimension orale du discours, de sorte qu'il prenne un tour cérémonieux.
Les discours de Cicéron sont réputés pour leur dimension oratoire.
On reconnaît un discours oratoire à :
- La longueur des phrases (si longues et si rythmées par la ponctuation qu'on les nomme périodes).
- De nombreuses images par analogie (comparaisons, métaphores, etc.) qui rendent le discours plus littéraire.
- De nombreuses interpellations de l'auditoire (apostrophes, seconde personne du singulier et du pluriel, questions rhétoriques).
Le registre pathétique
Pour susciter la compassion du lecteur, le locuteur peut employer le registre pathétique.
Registre pathétique
Le registre pathétique souligne toute la souffrance éprouvée par le locuteur ou les personnages évoqués dans son discours.
"Souvenir de la nuit du 4" de Victor Hugo est un poème engagé qui utilise le registre pathétique pour susciter l'indignation du lecteur face au coup d'État évoqué.
Pour exprimer ce registre, le locuteur fait appel à :
- Un vocabulaire expressif (de la misère, de la douleur, etc.)
- Des constructions de phrases exclamatives
- Des apostrophes et des questions rhétoriques qui interpellent le destinataire
- Des hyperboles qui amplifient les images et les rendent plus saisissantes