Sommaire
ILes différents types de textesALe texte narratif1Définition2Le schéma narratif3Les personnagesBLe texte descriptif1Définition2Les verbes descriptifs3Les temps de la description4Portrait de paysageCLe texte argumentatif1Définition2L'organisation logique du texte3Convaincre et persuaderDLe texte explicatifIISituation d'énonciationADéfinitionBLes indices personnelsCLes indices temporelsDLes indices spatiauxIIIL'auteur, le narrateur et le personnageAL'auteurBLe narrateurCLe personnageIVLes différents points de vueLes différents types de textes
Le texte narratif
Définition
Texte narratif
Un texte narratif raconte une histoire réelle ou fictive. Il s'inscrit dans la narration et est repérable à une suite de verbes d'action et de faits. Il suit une chronologie et est raconté par un narrateur plus ou moins présent dans l'histoire.
L'hôte avait compté sur onze jours de maladie à un écu par jour ; mais il avait compté sans son voyageur. Le lendemain, dès cinq heures du matin, d'Artagnan se leva, descendit lui-même à la cuisine, demanda, outre quelques autres ingrédients dont la liste n'est pas parvenue jusqu'à nous, du vin, de l'huile, du romarin, et, la recette de sa mère à la main, se composa un baume dont il oignit ses nombreuses blessures, renouvelant ses compresses lui-même et ne voulant admettre l'adjonction d'aucun médecin. Grâce sans doute à l'efficacité du baume de Bohême, et peut-être aussi grâce à l'absence de tout docteur, d'Artagnan se trouva sur pied dès le soir même, et à peu près guéri le lendemain.
Alexandre Dumas
Les Trois Mousquetaires, Paris, éd. Baudry
1844
Ce texte est narratif, il raconte une suite de péripéties ayant pour fonction de faire progresser le récit.
Le schéma narratif
Un récit s'organise autour d'une intrigue, c'est-à-dire une suite d'actions ou de péripéties. Le schéma narratif est la façon dont se déroule le plus souvent cette intrigue :
- Un état initial
- Un élément perturbateur qui dérange l'état initial et déclenche des péripéties.
- Des péripéties qui finiront par régler les problèmes.
- Un élément de résolution : événement qui clôt le récit et permet de rétablir l'équilibre.
- Une situation finale : la chute du roman ou du récit
L'état initial correspond à l'introduction du récit : il doit être clair et mettre en présence le personnage principal.
Élément du schéma narratif | Situation initiale | Élément perturbateur | Les péripéties | Élément de résolution | Situation finale |
---|---|---|---|---|---|
Description de l'élément | L'histoire est posée et répond aux questions : Qui ? Quand ? Où ? | Action / événement qui vient perturber la situation initiale | Ce sont les actions / événements que fait / subit le personnage principal. | Événement qui clôt le récit et permet de retrouver un équilibre. | Retour à une situation stable |
Temps généralement utilisé dans le récit | Imparfait ou présent | Passé simple / imparfait ou passé composé / présent | Passé simple / imparfait ou passé composé / présent | Passé simple / imparfait ou passé composé / présent | Imparfait ou présent |
Dans La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, la situation initiale est celle de mademoiselle de Chartres qui arrive à la cour de France et va épouser le prince de Clèves. L'élément perturbateur est sa rencontre avec le duc de Nemours lors d'un bal. Les péripéties sont le portrait dérobé, la lettre trouvée, l'aveu à son mari, la mort de son mari, etc. L'élément de résolution est la décision de la princesse de ne jamais épouser le duc de Nemours. La situation finale est tragique, Nemours oublie la princesse, qui meurt jeune, recluse dans un couvent.
L'enchaînement chronologique et causal est assuré dans le récit par plusieurs mots. On trouve surtout :
- Des adverbes : alors, ensuite, enfin, néanmoins, puis, etc.
- Des connecteurs logiques : car, comme, donc, et, ou, etc.
Il existe des ruptures dans le schéma narratif.
Analepse
Une analepse est un retour en arrière sur des événements antérieurs à la narration.
On identifie souvent une analepse à l'emploi du plus-que-parfait (ou du passé composé si le récit est raconté au présent).
Prolepse
Une prolepse est une anticipation des événements. Elle évoque des événements postérieurs à la narration.
On identifie souvent une prolepse à l'emploi du conditionnel présent qui a valeur de futur dans le passé (ou du futur simple si le récit est raconté au présent).
Ellipse
L'ellipse est un saut dans le temps qui passe sous silence une partie des événements.
On reconnaît souvent une ellipse à la présence d'un connecteur temporel qui signifie que le temps a passé.
Sommaire
Le sommaire accélère le défilement du temps, c'est une sorte de résumé rapide de différentes actions ou de différents faits dans un récit.
Le sommaire se reconnaît souvent à une succession rapide de verbes d'action.
Les personnages
Les personnages des récits narratifs comme les contes ou les romans d'aventures, correspondent souvent à des caractéristiques bien précises.
Les personnages sont souvent divisés en trois catégories :
- Le héros : c'est le personnage dont on suit l'histoire. Il incarne des qualités comme la bravoure, la richesse, la bonté, la beauté.
- Les opposants : ce sont les personnages qui créent des difficultés pour le héros au cours du récit. Ils sont souvent associés à des caractéristiques négatives comme la méchanceté, la laideur, l'avarice, la lâcheté.
- Les adjuvants : ce sont les personnages qui aident le héros au cours du récit. Ils sont souvent associés à des caractéristiques positives comme la bonté, la beauté, la générosité, le courage.
Dans le roman d'aventures Les Mystères de Paris d'Eugène Sue, Rodolphe est un homme bon et courageux dont le lecteur suit ses aventures, c'est le héros de l'histoire.
Dans Harry Potter de J. K. Rowling, Voldemort est un sorcier qui utilise la magie noire, tue et torture pour arriver à ses fins. Il menace sans cesse Harry. C'est un opposant.
Dans Sherlock Holmes de Sir Conan Doyle, Watson est un médecin qui aide le grand détective dans ses enquêtes. C'est un adjuvant.
Le texte descriptif
Définition
Texte descriptif
Le texte descriptif détaille les caractéristiques d'un personnage, d'un objet, d'un lieu ou d'un animal.
Il leva une dernière fois les yeux, il regarda les Halles. Elles flambaient dans le soleil. Un grand rayon entrait par le bout de la rue couverte, au fond, trouant la masse des pavillons d'un portique de lumière ; et, battant la nappe des toitures, une pluie ardente tombait. L'énorme charpente de fonte se noyait, bleuissait, n'était plus qu'un profil sombre sur les flammes d'incendie du levant. En haut, une vitre s'allumait, une goutte de clarté roulait jusqu'aux gouttières, le long de la pente des larges plaques de zinc. Ce fut alors une cité tumultueuse dans une poussière d'or volante. Le réveil avait grandi, du ronflement des maraîchers, couchés sous leurs limousines, au roulement plus vif des arrivages. Maintenant, la ville entière repliait ses grilles ; les carreaux bourdonnaient, les pavillons grondaient ; toutes les voix donnaient, et l'on eût dit l'épanouissement magistral de cette phrase que Florent, depuis quatre heures du matin, entendait se traîner et se grossir dans l'ombre. A droite, à gauche, de tous côtés, des glapissements de criée mettaient des notes aiguës de petite flûte, au milieu des basses sourdes de la foule.
Émile Zola
Le Ventre de Paris, Paris, éd. Charpentier (1878)
1873
Ce texte est descriptif, on relève de nombreux indices spatiaux et des verbes descriptifs qui permettent de s'imaginer précisément les Halles.
Le texte descriptif est souvent une pause dans le récit. Il permet de donner des informations sur les lieux ou les personnages.
Les verbes descriptifs
Verbes descriptifs
Les verbes descriptifs sont tous les verbes qui permettent de décrire un être vivant ou inanimé, ou encore un paysage.
La montagne était haute et son sommet devenait presque invisible, caché par les nuages. Elle paraissait être une muraille protectrice qui entourait le village. Elle restait silencieuse et semblait dormir.
Dans l'exemple précédent, la description repose essentiellement sur des verbes d'état.
Les verbes d'état sont souvent utilisés dans la description :
- Être
- Paraître
- Sembler
- Devenir
- Rester
- Passer pour
- Avoir l'air de
Les verbes de perception (comme voir, distinguer, entendre, apercevoir, regarder ou toucher) permettent également de nourrir une description.
La fillette regardait l'agneau dormir et le trouvait mignon. Elle distinguait ses cils même dans l'obscurité et entendait sa respiration tranquille. Elle aperçut le tressaillement de ses pattes, comme s'il faisait un cauchemar.
Dans l'exemple précédent, les verbes de perception permettent de construire la description et de décrire un paysage à travers les yeux d'un personnage.
Les temps de la description
Temps de la description
Dans une description au présent, c'est le présent simple qui domine. Dans une description au passé, c'est l'imparfait qui domine.
La maîtresse tient toujours un livre dans ses mains et parle calmement. Elle porte souvent des pantalons noirs et ses cheveux sont relevés en queue de cheval. Elle rit parfois d'un rire tendre et sourd qui amuse beaucoup ses élèves.
Dans l'exemple précédent, le temps de la description est le présent. On relève de nombreux verbes descriptifs.
Portrait de paysage
On distingue deux grands styles de description :
- La description d'un personnage : on l'appelle un portrait, même si l'auteur ne décrit pas simplement le visage du personnage.
- La description d'un paysage.
Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu'à l'âme une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
Jules Supervielle
L'Enfant de la haute mer, Paris, éd. Gallimard, coll. "Blanche"
1931
Cette description est un portrait.
C'est là un des horizons les plus magnifiques qui soient au monde. Derrière nous Rouen, la ville aux églises, aux clochers gothiques, travaillés comme des bibelots d'ivoire ; en face, Saint-Sever, le faubourg aux manufactures qui dresse ses mille cheminées fumantes sur le grand ciel vis-à-vis des mille clochetons sacrés de la vieille cité.
Ici la flèche de la cathédrale, le plus haut sommet des monuments humains ; et là-bas, la "Pompe à feu" de la "Foudre", sa rivale presque aussi démesurée, et qui passe d'un mètre la plus géante des pyramides d'Égypte.
Devant nous la Seine se déroulait, ondulante, semée d'îles, bordée à droite de blanches falaises que couronnait une forêt, à gauche de prairies immenses qu'une autre forêt limitait, là-bas, tout là-bas.
De place en place, des grands navires à l'ancre le long des berges du large fleuve. Trois énormes vapeurs s'en allaient, à la queue leu leu, vers le Havre ; et un chapelet de bâtiments, formé d'un trois-mâts, de deux goélettes et d'un brick, remontait vers Rouen, traîné par un petit remorqueur vomissant un nuage de fumée noire.
Guy de Maupassant
"Un Normand", Contes de la bécasse, Paris, éd. Rouveyre et Blond
1883
Ce texte propose une description de paysage.
Le texte argumentatif
Définition
Texte argumentatif
Un écrit argumentatif est un texte dans lequel un auteur défend un point de vue ou réfute une thèse de manière rationnelle. Il s'appuie sur des arguments.
Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ? Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens. Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. Mes joues creusaient, mon terme était échu : je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque : en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses ; et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net : sitôt je vois du fond d'un fiacre baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil !
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3, dans Œuvres complètes, Paris, éd. Laplace (1876)
Création : 1784
Ce texte est argumentatif.
L'organisation logique du texte
Le texte argumentatif suit souvent le schéma suivant :
- La situation ou le problème est posé(e).
- Les arguments sont avancés de façon logique.
- Les conséquences sont soulignées.
- Les conclusions sont tirées.
L'organisation logique du texte est souvent amenée par des mots de liaison, ou connecteurs logiques, qui permettent d'instaurer des relations entre les différents arguments.
Relations logiques | But de l'auteur | Mots de liaison |
---|---|---|
Addition | Établir une liste d'arguments | D'abord, ensuite, de plus, en outre, enfin, etc. |
Cause | Justifier l'argument précédent | En effet, car, parce que, etc. |
Conséquence | Déduire un argument de l'argument précédent | Ainsi, donc, c'est pourquoi, etc. |
Opposition | Nuancer ou réfuter l'argument précédent | Cependant, en revanche, pourtant, or, mais, etc. |
Convaincre et persuader
Convaincre
Convaincre, c'est appuyer son argumentation sur des arguments logiques. L'auteur fait appel à la raison du lecteur afin d'emporter son adhésion.
La guerre est un fruit de la dépravation des hommes : c'est une maladie convulsive et violente du corps politique, il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel que lorsqu'il jouit de la paix ; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l'ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l'agriculture et le commerce : en un mot elle procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les États ; elle y fait le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit ; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce ; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.
Denis Diderot et Jean Le Rond d'Alembert
"Paix", Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des arts
1751-1772
Dans l'extrait précédent, Diderot tente de convaincre le lecteur en utilisant une argumentation logique qui s'adresse à la raison. Il, il s'attaque au sujet de la guerre, fort polémique à l'époque.
Persuader
Persuader, c'est appuyer son argumentation sur des arguments émotionnels. L'auteur fait appel au cœur du lecteur, à ses sentiments.
Oui, tout ce que j'ai vu, je l'ai vu se faire au nom du Christ ! J'ai vu les Espagnols prendre la graisse d'Indiens vivants pour panser leurs propres blessures ! Vivants ! Je l'ai vu ! J'ai vu nos soldats leur couper le nez, les oreilles, la langue, les mains, les seins des femmes et les verges des hommes, oui, les tailler comme on taille un arbre ! Pour s'amuser ! Pour se distraire ! J'ai vu, à Cuba, dans un lieu qui s'appelle Caonao, une troupe d'Espagnols, dirigés par le capitaine Narvaez, faire halte dans le lit d'un torrent desséché. Là ils aiguisèrent leurs épées sur des pierres, puis ils s'avancèrent jusqu'à un village et se dirent : Tiens, et si on essayait le tranchant de nos armes ? Un premier Espagnol tira son épée, les autres en firent autant, et ils se mirent à éventrer, à l'aveuglette, les villageois qui étaient assis bien tranquilles ! Tous massacrés ! Le sang ruisselait de partout !
Jean-Claude Carrière
La Controverse de Valladolid, Paris, éd. Le Pré aux clercs, coll. "Le Doigt de Dieu"
1992
Dans l'extrait précédent, Jean-Claude Carrière fait appel aux sentiments du lecteur pour le persuader que le comportement des colonisateurs est inacceptable.
Le texte explicatif
Un texte explicatif a pour but de faire comprendre un sujet au lecteur. Le texte explicatif est souvent construit de façon logique et répond à une question initiale formulée au début du texte.
Pour réaliser un bon guacamole, il faut éplucher l'avocat, l'écraser avec une fourchette, ajouter un peu de jus de citron, de l'huile d'olive et un oignon. Bien mélanger le tout et servir frais.
Les données du texte explicatif doivent être objectives. Cela signifie que l'auteur ne prend pas parti. On reconnaît un texte explicatif à :
- Son intérêt documentaire
- L'énoncé de faits vérifiables
- Un style et un ton neutres
- L'emploi de la forme impersonnelle (il faut que, il y a, il existe) et du pronom impersonnel "on"
- De nombreuses références (dates, chiffres, définitions)
Situation d'énonciation
Définition
Situation d'énonciation
La situation d'énonciation est le contexte dans lequel un énoncé est prononcé.
Pour la définir une situation d'énonciation il faut connaître :
- L'énonciateur ou émetteur (qui parle ? ou qui écrit ?)
- Le destinataire (à qui l'énoncé est-il adressé ?)
- Le contenu de l'énoncé (de quoi ?)
- Le lieu de l'énoncé (où ?)
- Le moment de l'énoncé (quand ?)
Lettre II
La Marquise de Merteuil au vicomte de Valmont, au château de…
Revenez, mon cher Vicomte, revenez : que faites-vous, que pouvez-vous faire chez une vieille tante dont tous les biens vous sont substitués ? Partez sur-le-champ ; j'ai besoin de vous. Il m'est venu une excellente idée, et je veux bien vous en confier l'exécution. Ce peu de mots devrait suffire ; et, trop honoré de mon choix, vous devriez venir avec empressement prendre mes ordres à genoux ; mais vous abusez de mes bontés, même depuis que vous n'en usez plus ; et dans l'alternative d'une haine éternelle ou d'une excessive indulgence, votre bonheur veut que ma bonté l'emporte. Je veux donc bien vous instruire de mes projets : mais jurez-moi qu'en fidèle Chevalier, vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci à fin : elle est digne d'un héros : vous servirez l'amour et la vengeance ; ce sera enfin une rouerie de plus à mettre dans vos Mémoires : oui, dans vos Mémoires, car je veux qu'ils soient imprimés un jour, et je me charge de les écrire. Mais laissons cela, et revenons à ce qui m'occupe.
Mme de Volanges marie sa fille : c'est encore un secret ; mais elle m'en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu'elle ait choisi pour gendre ? Le Comte Gercourt. Qui m'aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt ? J'en suis dans une fureur… Eh bien ! Vous ne devinez pas encore ? Oh ! L'esprit lourd ! Lui avez-vous donc pardonné l'aventure de l'Intendante ? Et moi, n'ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous êtes ? Mais je m'apaise, et l'espoir de me venger rassérène mon âme.
[…]
Paris, ce 4 août 17…
Pierre Choderlos de Laclos
Les Liaisons dangereuses, Paris, éd. Durand-Neveu
1782
Dans l'extrait précédent :
- L'énonciateur est le personnage fictif la marquise de Merteuil.
- Le destinataire est le personnage fictif le vicomte de Valmont.
- L'énoncé est produit à Paris.
- L'énoncé est produit le 4 août 17…
- Le contenu de l'énoncé est le projet de revanche de la marquise de Merteuil.
- L'emploi du présent indique que l'énoncé est lié à la situation d'énonciation.
- L'emploi du passé composé, de l'imparfait, du plus-que-parfait ou du futur indique que l'énoncé est coupé de sa situation d'énonciation.
Vous le grondez.
L'énoncé se produit en même temps qu'il se prononce.
Nous partirons.
L'énoncé se produira le lendemain du jour où il a été prononcé.
Les indices personnels
Indice personnel
Les indices personnels sont les mots désignant l'énonciateur et le destinataire. Il s'agit des pronoms personnels et des déterminants possessifs.
J'aimerais te voir.
"Je" est un indice de personne : l'énonciateur est le locuteur.
Les indices temporels
Indice temporel
Les indices de temps sont l'ensemble des mots donnant des indications sur la date ou le moment auquel est produit l'énoncé. Il s'agit d'adverbes de temps ou d'indications de date, d'heure, etc.
Demain, nous partirons.
"Demain" est un indice de temps : il indique que l'énonciateur parle le jour avant de partir.
Les indices spatiaux
Indice spatial
Les indices spatiaux ou d'espace sont l'ensemble des mots donnant des indications sur le lieu dans lequel est produit l'énoncé. Ce sont des marqueurs d'espace.
Elles aiment cet endroit.
Dans l'exemple précédent, "cet endroit" est un indicateur de lieu.
L'auteur, le narrateur et le personnage
L'auteur
Auteur
L'auteur est la personne qui écrit l'œuvre. C'est une personne réelle.
Virginia Woolf, Simone de Beauvoir et la comtesse de Ségur sont des auteurs.
Le narrateur
Narrateur
Le narrateur est celui qui raconte l'histoire. Son point de vue peut être interne (1re personne), externe (3e personne) ou omniscient (3e personne).
Dans Les Souffrances du jeune Werther de Goethe, Werther, le narrateur, est le personnage principal du roman.
Le personnage
Personnage
Le personnage est une personne fictive, inventée par l'auteur dans une œuvre littéraire.
Le prince Mychkine est un personnage fictif inventé par Dostoïevski.
Les différents points de vue
Point de vue externe
Dans un récit dont le point de vue est externe, le narrateur ne fait pas partie de l'histoire. Il se contente d'être un observateur extérieur.
Le petit homme s'approcha de lui nerveusement.
— Lennie, dit-il sèchement, Lennie, nom de Dieu, ne bois pas tant que ça.
Lennie continuait à renâcler dans l'eau dormante. Le petit homme se pencha et le secoua par l'épaule.
— Lennie, tu vas te rendre malade comme la nuit dernière.
John Steinbeck
Des souris et des hommes, (Of Mice and Men), trad. Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard (1939)
1937
Dans cet extrait, le point de vue est externe.
Point de vue interne
Dans un récit dont le point de vue est interne, le narrateur fait partie du récit. Il peut raconter le récit à la 1re personne ou s'effacer derrière le regard d'un personnage.
Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives, que j'éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert ; on en jouit, mais on ne peut les peindre.
François-René de Chateaubriand
René
1802
Dans cet extrait, le point de vue est interne.
Point de vue omniscient
Dans un récit dont le point de vue est omniscient, le narrateur ne fait pas partie du récit mais il connaît tout des personnages et de l'histoire.
Une pensée surtout le faisait bondir : c'est que, pendant cette traversée, où, dans son ignorance du lieu où on le conduisait, il était resté si calme et si tranquille, il aurait pu dix fois se jeter à la mer, et, une fois dans l'eau, grâce à son habileté à nager, grâce à cette habitude qui faisait de lui un des plus habiles plongeurs de Marseille, disparaître sous l'eau, échapper à ses gardiens, gagner la côte, fuir, se cacher dans quelque crique déserte, attendre un bâtiment génois ou catalan, gagner l'Italie ou l'Espagne, et de là écrire à Mercédès de venir le rejoindre. Quant à sa vie, dans aucune contrée il n'en était inquiet : partout les bons marins sont rares ; il parlait l'italien comme un Toscan, l'espagnol comme un enfant de la Vieille-Castille ; il eût vécu libre, heureux avec Mercédès, son père, car son père fut venu le rejoindre ; tandis qu'il était prisonnier, enfermé au château d'If, dans cette infranchissable prison, ne sachant pas ce que devenait son père, ce que devenait Mercédès, et tout cela parce qu'il avait cru à la parole de Villefort : c'était à en devenir fou ; aussi Dantès se roulait-il furieux sur la paille fraîche que lui avait apportée son geôlier.
Alexandre Dumas
Le Comte de Monte-Cristo, Paris, publié en feuilletons dans le Journal des débats
1844
Dans cet extrait, le point de vue est omniscient.