Sommaire
IVocabulaire et étymologieIILa ville comme sujet d'inspiration littéraireALa ville dans l'AntiquitéBLa ville au XIXe siècleCLa ville à l'époque moderneIIIL'ambivalence de la villeALa ville comme lieu de tous les vicesBLa ville comme lieu de tous les possiblesCLa mégalopole : lieu ambigu entre lumière et obscuritéVocabulaire et étymologie
Le mot "urbain" est apparu au XIVe siècle. Il vient du latin urbs qui signifie "ville". Urbs, en latin, est d'ailleurs la ville de Rome.
On peut former des mots en ajoutant un préfixe ou un suffixe sur "urbain".
Mots | Définitions |
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Périurbain | Autour de la ville |
Urbanisme | Aménagement des espaces en ville |
Urbanisation | Action de favoriser l'essor d'une ville |
Le mot "urbain" s'oppose au mot "rural", qui désigne la campagne (les ruraux étant les gens qui habitent la campagne). Le mot "rural" vient du latin rus, ruris qui signifie "campagne".
L'étymologie grecque du mot "cité", polis, a donné d'autres familles de mots.
Mots | Définitions |
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Nécropole (necros, la mort) | Groupement de sépultures |
Métropole (mêtrópolis, cité mère) | Ville principale d'une région ou d'un pays |
Mégalopole (megalos, grand) | Très grande agglomération comportant plusieurs millions d'habitants |
Acropole (acros, élevé, extrême) | Ville haute, partie de la ville située sur une éminence fortifiée par la nature et par l'art et contenant le principal temple de la cité |
Constantinople | Ville de l'empereur romain Constantin |
Le mot "ville" a aussi de nombreux synonymes.
Le mot "agglomération" est un synonyme de "ville".
Le mot "bourg" est un synonyme de "ville".
Le mot "capitale" est un synonyme de "ville".
Le mot "cité" est un synonyme de "ville".
La ville comme sujet d'inspiration littéraire
La ville dans l'Antiquité
Dès l'Antiquité, la ville est un sujet littéraire. Des mythes entourent les premières grandes villes humaines :
- Babylone (dont le nom signifie "porte des dieux") : le mythe de Babylone est mêlé au mythe de la tour de Babel. C'est le lieu où tous les hommes parlaient la même langue avant la punition divine.
- Jérusalem : c'est la ville symbolique des trois grandes religions monothéistes.
- Athènes : c'est la ville qui représente la naissance de la démocratie. Elle est appelée Athènes en référence à la déesse Athéna.
- Rome : la capitale de l'Empire romain est née d'une lutte entre deux frères, Rémus et Romulus.
- Carthage : c'est une ville mythique dont la première reine, Didon, est connue pour s'être donnée la mort après l'abandon de son compagnon Énée.
La ville est le lieu où s'organisent les sociétés. Elle est au fondement d'une culture, d'une histoire collective. Elle représente l'effervescence, la vie, l'espoir et le renouveau. La ville représente alors le progrès humain.
Énée admire l'œuvre imposante, naguère village de nomades ; il admire les portes, l'animation des rues, leurs dalles pavées. Les Tyriens s'activent, pleins d'ardeur : les uns élèvent des murs, bâtissent la citadelle, roulant et hissant de leurs mains des blocs de pierres ; d'autres choisissent l'endroit de leur maison et l'entourent d'un sillon. Ils instaurent des lois, des magistrats et un sénat vénérable. Ici, des hommes creusent un port ; là, d'autres creusent les profondes fondations de théâtres et taillent dans le roc d'immenses colonnes, fiers décors pour les scènes à venir.
Virgile
Énéide, Chant I, trad. Jacques Perret, éd. Gallimard, coll. "Folio Classique" (1991)
Vers 421 - 449 av. J.-C.
La ville au XIXe siècle
À partir du XIXe siècle, la ville prend de plus en plus d'importance dans la littérature. En effet, avec la révolution industrielle, elle devient un véritable sujet littéraire.
Plusieurs thèmes liés à la ville sont traités par les auteurs du XIXe siècle :
- L'industrialisation des moyens de production
- Le développement du commerce
- L'essor de la population citadine
- Les nouvelles technologies
Dans Germinal, publié en 1885, Émile Zola détaille avec précision les outils et la machinerie qui sont utilisés par les mineurs.
Dans Au Bonheur des Dames, publié en 1883, Émile Zola traite du développement d'un grand magasin parisien.
Dans Madame Bovary, publié en 1857, Flaubert décrit différentes nouvelles technologies comme le train ou la voiture.
Plusieurs courants littéraires se développent au cours du XIXe siècle, qui s'appuient tous sur la description :
- Le romantisme, avec pour chef de file Victor Hugo. Les descriptions sont exaltées et profondément lyriques.
- Le réalisme, avec pour chef de file Honoré de Balzac. Les descriptions sont détaillées, précises et se rapprochent le plus possible de la réalité.
- Le naturalisme, avec pour chef de file Émile Zola. Les descriptions se veulent précises, détaillées et presque scientifiques.
De l'autre côté de la Seine, le quai des Ormes alignait ses petites maisons grises, bariolées en bas par les boiseries des boutiques, découpant en haut leurs toitures inégales ; tandis que l'horizon élargi s'éclairait, à gauche, jusqu'aux ardoises bleues des combles de l'Hôtel de Ville, à droite jusqu'à la coupole plombée de Saint-Paul. Mais ce qui la suffoquait surtout, c'était l'encaissement de la rivière, la fosse profonde où la Seine coulait à cet endroit, noirâtre, des lourdes piles du pont Marie aux arches légères du nouveau pont Louis-Philippe. D'étranges masses peuplaient l'eau, une flottille dormante de canots et d'yoles, un bateau- lavoir et une dragueuse, amarrés au quai ; puis, là-bas, contre l'autre berge, des péniches pleines de charbon, des chalands chargés de meulière, dominés par le bras gigantesque d'une grue de fonte. Tout disparut.
Émile Zola
L'Œuvre, Paris, éd. Charpentier
1886
La description de la ville est très détaillée, l'écrivain cite de nombreux lieux connus de la Paris : l'Hôtel de Ville, Saint-Paul, le pont Marie ou encore le pont Louis-Philippe. Zola donne à voir au lecteur la capitale de nuit, créant une atmosphère inquiétante.
Le thème de la ville se retrouve ailleurs qu'en littérature, les peintres notamment s'y intéressent.

Camille Pissaro, Boulevard Montmartre à Paris, 1897
© Wikimedia Commons
Pissaro peint l'animation de la ville de Paris sur le boulevard Montmartre. Il y a de nombreuses voitures tirées par des chevaux, des devantures de magasins et des passants qui se promènent. La ville est peinte ici avec des couleurs chaudes, c'est le matin et il y a déjà beaucoup de mouvement.
La ville à l'époque moderne
La ville s'impose comme un thème majeur de la poésie et de la littérature moderne. Les écrivains cherchent de nouveaux sujets poétiques, et la ville se retrouve au centre des textes littéraires et particulièrement des poèmes lyriques. Paris devient un thème récurrent. On la retrouve chez :
- Les poètes symbolistes
- Les poètes du Parnasse
- Les poètes surréalistes
- Les poètes dadaïstes
Plusieurs recueils de poésie importants traitent notamment de Paris à l'époque moderne :
- Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire en 1857
- Alcools de Guillaume Apollinaire en 1913
- Capitale de la douleur de Paul Éluard en 1926
Fourmillante cité, cité pleine de rêves,
Où le spectre en plein jour raccroche le passant !
Les mystères partout coulent comme des sèves
Dans les canaux étroits du colosse puissant.
Charles Baudelaire
"Les Sept Vieillards", Les Fleurs du Mal, Paris, 2e éd. Poulet-Malassis et de Broise
1861
Paris est mentionné ici par deux périphrases, elle est la "fourmillante cité" et la "cité pleine de rêves". Elle inspire le poète qui en fait un objet poétique.
Plus qu'un simple sujet poétique, la ville peut même devenir un personnage à part entière. Plusieurs grands auteurs en font un protagoniste important de leurs romans :
- Victor Hugo dans Les Misérables ou Notre-Dame de Paris
- Émile Zola dans Le Ventre de Paris
- Balzac dans Illusions perdues
Marseille, écoute-moi, je t'en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur
Jules Supervielle
"Marseille", Débarcadères, Paris, éd. Gallimard, coll. "Poésie/Gallimard" (1966)
1922
Le narrateur est présent dans le poème et s'adresse directement à Marseille dans la dernière phrase : "écoute-moi", "je" répété deux fois, "nous". Le narrateur est uni à la ville et il y a une personnification de Marseille qui est son interlocutrice. Il entretient un rapport intime avec celle-ci. En effet, il utilise son nom et la deuxième personne du singulier pour s'adresser à la ville.
L'ambivalence de la ville
Deux grandes représentations de la ville s'affrontent en littérature :
- La ville négative : elle est le lieu de tous les vices.
- La ville positive : elle est le lieu de tous les possibles.
Ces deux représentations de la ville s'opposent notamment dans des grands thèmes littéraires comme :
- Le paradis et l'enfer
- Le beau et le laid
- Le progrès et la déchéance
La ville comme lieu de tous les vices
La ville peut être représentée de façon négative. Elle est alors le lieu où règnent tous les vices :
- Le crime (vol, meurtre, viol)
- L'injustice (les exclus relégués aux faubourgs malfamés, corruption)
- La luxure (prostitution, débauche)
Différents genres romanesques permettent de peindre les vices de la ville :
- Le roman social dénonce l'injustice.
- Le roman policier s'intéresse à la partie obscure des villes, lieu du crime.
- Le roman d'anticipation permet souvent de dénoncer les possibles dérives de l'urbanisation.
Dans Les Mystères de Paris, publié en 1813, l'écrivain Eugène Sue raconte le parcours de personnages de la classe populaire. Il décrit la pauvreté extrême et la violence de ce milieu qui vit dans les faubourgs dangereux de Paris à travers des personnages comme la prostituée la Goualeuse ou encore le truand au grand cœur le Chouineur.
Fred Vargas situe la plupart de ses romans policiers à Paris, comme Pars vite et reviens tard, publié en 2001, qui se déroule dans le quartier Montparnasse.
Dans Ravage, publié en 1946, Barjavel raconte l'histoire de François Deschamps, un jeune homme qui décide de quitter Paris, car la capitale sombre dans le crime et la violence, après une panne d'électricité. Il fonde une nouvelle société proche de la nature.
Quelques observations sur l'âme de Paris peuvent expliquer les causes de sa physionomie cadavéreuse qui n'a que deux âges, ou la jeunesse ou la caducité : jeunesse blafarde et sans couleur, caducité fardée qui veut paraître jeune. En voyant ce peuple exhumé, les étrangers, qui ne sont pas tenu de réfléchir, éprouvent tout d'abord un mouvement de dégoût pour cette capitale, vaste atelier de jouissances, d'où bientôt eux-mêmes ils ne peuvent sortir, et restent à s'y déformer volontiers. Peu de mots suffiront pour justifier physiologiquement la teinte presque infernale des figures parisiennes, car ce n'est pas seulement par plaisanterie que Paris a été nommé un enfer. Tenez ce mot pour vrai. Là, tout fume, tout brûle, tout bouillonne, tout flambe, s'évapore, s'éteint, étincèle, pétille et se consume. Jamais vie en aucun pays ne fut plus ardente, ni plus cuisante.
Honoré de Balzac
La Fille aux yeux d'or, Paris, éd. Furne
1835
Balzac décrit ici Paris avec des termes très péjoratifs. Il l'associe à la mort : "cadavéreuse", "blafarde", "exhumé". Il dénonce un lieu de vices : "vaste atelier de jouissances". Il l'associe même à l'enfer : "infernale", "enfer", "fume", "brûle", "flambe". La ville est ici liée au Mal.
La ville comme lieu de tous les possibles
La ville peut être représentée comme le lieu de tous les possibles. Balzac écrit que Paris est "la ville aux cent mille romans" dans Ferragus. Tout semble pouvoir y arriver. La ville est alors associée à :
- L'évasion
- La liberté
- Les rencontres
- La découverte
- Le progrès
Chaque coin de rue m'offrait une belle fontaine, qui faisait couler une eau pure et transparente : elle retombait d'une coquille en nappe d'argent, et son cristal donnait envie d'y boire. Cette coquille présentait à chaque passant une tasse salutaire. Cette eau coulait dans le ruisseau toujours limpide, et lavait abondamment le pavé. Voyez comme toutes ces maisons sont fournies de la chose la plus nécessaire et la plus utile à la vie. Quelle propreté ! Quelle fraîcheur en résulte dans l'air ! Regardez ces bâtiments commodes, élégants. On ne construit plus de ces cheminées funestes, dont la ruine menaçait chaque passant. Les toits n'ont plus cette pente gothique qui, au moindre vent, faisait glisser les tuiles dans les rues les plus fréquentées. Nous montâmes au haut d'une maison par un escalier où l'on voyait clair. Quel plaisir ce fut pour moi, qui aime la vue et le bon air, de rencontrer une terrasse ornée de pots de fleurs et couverte d'une treille parfumée. Le sommet de chaque maison offrait une pareille terrasse, de sorte que les toits, tous d'une égale hauteur, formaient ensemble comme un vaste jardin, et la ville aperçue du haut d'une tour était couronnée de fleurs, de fruits et de verdure.
Louis-Sébastien Mercier
L'an 2440, rêve s'il en fut jamais, Paris, éd. La Découverte (1999)
1771
Dans ce roman d'anticipation, l'auteur imagine un futur où la ville sera synonyme d'émerveillement, de paix, d'ordre. Tout le monde vit sereinement, la misère et la guerre n'existent plus. La ville est ce qui permet le progrès.
Certains courants littéraires s'intéressent particulièrement à peindre la ville comme un lieu positif :
- Le surréalisme : pour les surréalistes, la ville peut être le lieu du merveilleux.
- L'OuLiPo (L'OUvroir de Littérature POtentielle) : les écrivains comme Raymond Queneau ou Georges Perec sont fascinés par la ville qui permet de développer la créativité.
Dans son roman Nadja, publié en 1928, André Breton fait de la ville de Paris le lieu de la rencontre amoureuse.
Dans Zazie dans le métro, publié en 1959, Raymond Queneau fait de Paris la ville des découvertes dans laquelle une fillette s'émerveille et s'amuse.

Calligrammes, Guillaume Apollinaire, 1918
© Wikimedia Commons
Guillaume Apollinaire met à l'honneur la ville de Paris. Son calligramme représente la tour Eiffel. Il personnifie le monument qui devient la "langue" de Paris, ville qui symbolise pour le poète la résistance et la liberté.
La mégalopole : lieu ambigu entre lumière et obscurité
C'est à l'aube du XXe siècle que naissent les grandes mégalopoles. La première est New York, qui est créée en 1898 par association de municipalités. Ville immense, la mégalopole incarne toutes les peurs et tous les espoirs. Elle est un lieu ambigu, entre lumière et obscurité, qui fascine et révulse. La mégalopole, parce qu'elle est une "super ville", permet aux écrivains de développer des thématiques contradictoires et de mener une réflexion sociale et morale sur l'Homme.
Au XXe siècle, les auteurs qui mettent particulièrement en scène la mégalopole sont :
- Ceux des années 1920 : c'est le développement de la ville moderne, la mégalopole est au cœur des grands romans en Europe et aux États-Unis.
- Ceux des années 1930-1950 : la société est traversée par des peurs grandissantes sur la ville, à cause des guerres et des crises économiques.
- Ceux des années 1950-1960 : avec l'arrivée du Nouveau Roman, la ville devient la représentation de la complexité créatrice.
Trois grands romans mettent en scène des mégalopoles dans les années 1920 :
- Ulysse de James Joyce, publié en 1922, qui se déroule à Dublin.
- Manhattan Transfer de John Dos Passos, publié en 1925, qui se déroule à New York.
- Alexanderplatz d'Alfred Döblin, publié en 1929, qui se déroule à Berlin.
Dans La Peste, publié en 1947, Albert Camus fait de la ville un lieu clos et asphyxiant dévasté par une maladie, la peste. La vision très négative de l'auteur est une métaphore de toutes les mégalopoles de l'ère moderne.
Dans L'Emploi du temps, publié en 1957, Michel Butor imagine une grande ville, Bleston, qui est comme un labyrinthe immense dans lequel le personnage principal se perd. La ville est un lieu étrange plein de mystères.
Seigneur, l'aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l'or
Se bouscule et s'engouffre dans de longs corridors.
Blaise Cendrars
Les Pâques à New York, Paris, Éditions des Hommes nouveaux
1912
Dans cet extrait, New York est présentée comme une ville en plein effervescence. C'est un lieu animé et sonore : "bruit", "retentit", "grondent", "tonnent", "cris", "sirènes", "huées". La description est accentuée par les allitérations en [r], notamment dans les verbes d'action : retentit, grondent, tremble, rauquent, s'engouffre.