Sommaire
IDéfinitionIILes caractéristiques de la poésie engagéeIIIQuelques poètes engagésAAu XVIe siècleBAu XVIIe siècleCAu XIXe siècleDAu XXe siècleDéfinition
Poésie engagée
La poésie engagée est une poésie qui cherche, par le pouvoir des mots et de la musicalité de la langue, à défendre un point de vue, réfuter une thèse, combattre ou soutenir une cause. Le but est d'émouvoir et d'attendrir le lecteur pour l'alerter sur des sujets comme :
- La religion
- La politique
- La guerre
- La misère sociale
- L'environnement
L'art est alors au service d'une cause.
... Quand même grandirait l'abjection publique
À ce point d'adorer l'exécrable trompeur ;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur !
Quand même nous serions comme la feuille morte,
Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous ;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;
Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;
Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !
Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
Bannis, la République est là qui nous unit.
J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte ;
Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit!
Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.
Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d'airain !
Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste,
O France ! France aimée et qu'on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !
Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
France ! hors le devoir, hélas ! j'oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
Je resterai proscrit, voulant rester debout.
J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
Victor Hugo
Les Châtiments, "Ultima verba"
Les caractéristiques de la poésie engagée
Voici les caractéristiques de la poésie engagée :
- Les idées prennent chair grâce à des procédés comme la personnification, l'allégorie, la métaphore, la comparaison. Il s'agit d'une poésie souvent symboliste.
- Elle privilégie l'emphase.
- Elle privilégie le registre pathétique ou épique.
- Elle s'appuie sur la musicalité des mots.
- Le poète s'adresse souvent à son lecteur directement.
- Le vocabulaire s'appuie sur le champ lexical de la violence, de la misère, de la souffrance, de l'injustice ou de l'espoir.
Courage
Paris a froid Paris a faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
Et la sagesse et la folie
De Paris malheureux
C'est l'air pur c'est le feu
C'est la beauté c'est la bonté
De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris
Tu es vivant d'une vie sans égale
Et derrière la nudité
De ta pâleur de ta maigreur
Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
Paris ma belle ville
Fine comme une aiguille forte comme une épée
Ingénue et savante
Tu ne supportes pas l'injustice
Pour toi c'est le seul désordre
Tu vas te libérer Paris
Paris tremblant comme une étoile
Notre espoir survivant
Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue
Frères ayons du courage
Nous qui ne sommes pas casqués
Ni bottés ni gantés ni bien élevés
Un rayon s'allume en nos veines
Notre lumière nous revient
Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
Et voici que leur sang retrouve notre cœur
Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
La pointe de la délivrance
L'espace du printemps naissant
La force idiote a le dessous
Ces esclaves nos ennemis
S'ils ont compris
S'ils sont capables de comprendre
Vont se lever.
Paul Éluard
"Au rendez-vous allemand"
Quelques poètes engagés
Au XVIe siècle
Agrippa d'Aubigné et Pierre de Ronsard écrivent dans le contexte des guerres de religion. L'un prend parti pour les protestants, l'autre pour les catholiques.
Ce siècle, autre en ses mœurs, demande un autre style.
Agrippa d'Aubigné
Les Tragiques
Au XVIIe siècle
On peut dire de La Fontaine qu'il est un poète engagé tant, dans certaines de ses fables, la critique de la justice et de la cour sous Louis XIV est virulente.
Je définis la cour un pays où les gens
Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents,
Sont ce qu'il plaît au Prince, ou s'ils ne peuvent l'être,
Tâchent au moins de le parêtre,
Peuple caméléon, peuple singe du maître,
On dirait qu'un esprit anime mille corps ;
C'est bien là que les gens sont de simples ressorts.
Jean de La Fontaine
Fables, "Les Obsèques de la lionne"
Au XIXe siècle
Victor Hugo prend parti sous le Second Empire pour la République et dénonce la misère sociale liée à l'industrialisation.
Alphonse de Lamartine défend la République et s'élève contre la peine de mort.
Mais le jour où le long des fleuves
Tu reviendras, les yeux baissés sur tes chemins,
Suivi, maudit par quatre veuves,
Et par des groupes d'orphelins,
De ton morne triomphe en vain cherchant la fête,
Les passants se diront, en détournant la tête :
Marchons, ce n'est rien de nouveau !
C'est, après la victoire, un peuple qui se venge ;
Le siècle en a menti ; jamais l'homme ne change :
Toujours, ou victime, ou bourreau !
Lamartine
"Contre la peine de mort"
Au XXe siècle
Des poètes comme Paul Éluard, Robert Desnos, René Char ou Louis Aragon s'opposent par leur art au nazisme.
Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule.
Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées.
Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau.
Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s'inscrit son souffle.
D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche.
René Char
"Liberté"