Sommaire
IL'intitulé du parcours : « Les romans de l'énergie : création et destruction »ADéfinition des termes du parcours1« Énergie »2« Création »3« Destruction »BLes enjeux du parcoursCÉnergie, création et destruction dans La Peau de ChagrinIIL'auteur : Honoré de BalzacIIIL'œuvre : La Peau de chagrinALe contexte de l'œuvre1Le contexte politique2Le contexte social3Le contexte littéraireBLa Comédie humaineCUne œuvre originale 1Un roman fantastique2Un roman réaliste3Un conte philosophiqueDRésumé de l'oeuvreELes personnages1Raphaël de Valentin2Rastignac3L'antiquaire4Fœdora5PaulineFLes thèmes1L'amour2Le désir et les passions3Le jeu4L'argentL'intitulé du parcours : « Les romans de l'énergie : création et destruction »
L'intitulé du parcours relie les termes « énergie », « création » et « destruction ». Il faut donc s'intéresser aux définitions de ces trois notions ainsi qu'au rapport qui existe entre elles.
Définition des termes du parcours
Les termes du parcours invitent le lecteur à s'intéresser au rapport entre « énergie », « création » et « destruction ».
« Énergie »
Pour Aristote, l'énergie est une force que l'homme possède en lui qui lui permet d'agir et de transformer le monde qui l'entoure.
Le mot « énergie » vient du latin energia issu lui-même du grec enérgia qui signifiait « force en action ». Aujourd'hui, le mot a plusieurs sens dont « Puissance physique de quelqu'un, qui lui permet d'agir et de réagir » et « puissance, vigueur, force morale » (Larousse).
Dans sa Métaphysique (IVe siècle av. J.-C.), Aristote conceptualisait déjà cette notion d'énergie. Il pense que l'Homme possède en lui une force qui lui permet d'agir et de transformer ce qui l'entoure. Cette force permet à l'Homme d'évoluer et de se transformer lui-même. Cette énergie peut se dépenser ou s'économiser.
« Création »
La notion de « création » est liée à celles d'« invention » et de « production ».
Le mot « création » désigne l'action qui consiste à concevoir quelque chose de nouveau. Cela peut être un être, un événement, une œuvre, un monde … Derrière l'idée de création il y a celles d'invention, d'engendrement, de production.
« Destruction »
Le terme « destruction » fait référence à la disparition de quelque chose ou quelqu'un.
Le mot « destruction » désigne l'action de faire disparaitre quelque chose ou quelqu'un. Au figuré, le terme « destruction » peut désigner la détérioration morale, la décadence, le déclin d'une personne.
Les enjeux du parcours
L'intitulé du parcours suggère que les romans de l'énergie s'ouvriraient par une création, mais une création vouée à la destruction.
La ponctuation, présente dans l'intitulé du parcours, est porteuse de sens. Les « deux points » associent ainsi les romans de l'énergie à deux forces opposées : la création et la destruction. Cependant, la conjonction de coordination « et » relie, réunit, ces deux termes contraires. Création et destruction pourraient-elles donc exister et s'exercer en parallèle ? La conjonction « et » peut, au-delà de relier les deux termes opposés, suggérer une chronologie entre eux c'est-à-dire que les romans de l'énergie s'ouvriraient par une création qui serait vouée, finalement, à la destruction. De la même manière, toute forme de destruction suggère par la suite un renouveau, une nouvelle forme de création.
Cette énergie peut être celle du romancier qui crée un roman, mais aussi celle des personnages qui consacrent toute leur énergie à la réalisation de leurs projets qu'ils soient créateurs ou destructeurs …
L'intitulé du parcours invite donc à se poser diverses questions :
- D'où vient cette énergie créatrice dans les romans ?
- En quoi l'énergie devient-elle une source de création ?
- En quoi l'énergie peut-elle être une source de destructions ?
- En quoi l'énergie peut-elle être à tout à la fois créatrice et destructrice ?
- Dans quelle mesure les personnages sont-ils une forme d'énergie romanesque ?
- En quel sens peut-on dire que le romancier est un créateur d'énergie ?
Énergie, création et destruction dans La Peau de Chagrin
Selon Balzac, l'homme possède un capital d'énergie pour toute sa vie qui ne peut être reconstruit. Le désir est source d'énergie destructrice.
Balzac pensait que tout homme possède un capital d'énergie à dépenser tout au long de son existence. L'énergie était pour lui une force vitale et créatrice qu'il fallait économiser pour vivre le plus longtemps possible. Cette idée anime toute l'œuvre de Balzac qui met en scène, dans ses romans, des énergies créatrices et des énergies destructrices. Pour lui, le savoir est une énergie créatrice. Ainsi, la sagesse, l'étude et la jouissance intellectuelle permettent à l'homme de préserver son capital d'énergie et de développer sa puissance créatrice. En revanche, le pouvoir et le désir engendrent des énergies destructrices. L'énergie ne pouvant se reconstruire, il faut donc l'utiliser au mieux.
Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L'homme s'épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort : VOULOIR et POUVOIR. Entre ces deux termes de l'action humaine il est une autre formule dont s'emparent les sages, et je lui dois le bonheur et ma longévité. Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais SAVOIR laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme.
Honoré de Balzac
La Peau de chagrin
1831
Dans La Peau de chagrin, Balzac propose trois modes de vie qui permettent d'économiser l'énergie et donc de prolonger l'existence :
- Une vie faite d'habitudes qui empêchent de penser : Raphaël de Valentin la pratique pour conserver le peu de « peau » qui lui reste après la réalisation de tous ses désirs.
- Une vie par procuration : cette deuxième solution est exposée par l'antiquaire de La Peau de chagrin. Il explique qu'il a plus de cent ans parce qu'il a tout vécu, mais par l'imagination, c'est-à-dire à distance du désir qui consume.
- Une vie sage : certains êtres savent capitaliser leur énergie. Ils savent utiliser leur capital à bon escient seulement au moment où ils en ont besoin et ne se laissent pas user par des désirs inutiles. Ils savent prendre de la distance par rapport aux choses.
L'intitulé du parcours invite à se poser les questions suivantes sur La Peau de chagrin.
- D'où vient l'énergie des personnages dans La Peau de chagrin ?
- L'énergie littéraire est-elle créatrice ou destructrice ?
- En quoi La Peau de chagrin est-elle la contradiction entre l'épuisement de l'énergie et le désir d'une énergie inépuisable ?
- Doit-on satisfaire tous ses désirs et privilégier une vie courte et intense, comme Raphaël, ou éviter de désirer pour vivre plus longtemps ?
- La passion construit-elle ou détruit-elle le destin des personnages ?
L'auteur : Honoré de Balzac
Balzac est un célèbre romancier du XIXe siècle, auteur de La Comédie Humaine. Il a produit une œuvre considérable.
Honoré Balzac naît à Tours le 20 mai 1799 dans une famille de la petite bourgeoisie. Sa mère montre peu d'affection pour lui. Placé en nourrice dès sa naissance, il est envoyé, à 8 ans, au collège de Vendôme où il est pensionnaire. En 1813, toute la famille s'installe à Paris. En 1816, il entame des études de droit pour faire plaisir à son père. Il devient un temps clerc de notaire. Mais, en 1819, il abandonne cette profession pour se consacrer uniquement à la littérature. Ses premiers écrits sont des échecs et il vit dans la misère.
En 1825, Balzac crée une maison d'édition et devient imprimeur en 1826. Cependant, il fait faillite parce qu'il est un mauvais gestionnaire. Endetté, il est poursuivi par ses créanciers qu'il ne peut pas rembourser.
En 1829, il publie son premier roman à succès Les Chouans. En 1831, La Peau de chagrin lui apporte une grande renommée.
Dès lors, Balzac écrit deux à trois romans par an, ayant pour projet de devenir l'historien des mœurs de la société française depuis la Révolution.
En 1832, il entame une correspondance intime avec Mme Hanska, une noble polonaise, qu'il épousera par la suite. Cela ne l'empêche pas de fréquenter de nombreuses autres femmes. À plusieurs reprises, à partir de 1832, il présente sa candidature à l'Académie française mais il n'y sera jamais élu. Dès 1835, c'est-à-dire à partir de la publication du Père Goriot, il décide de tisser des liens entre ses romans avec, notamment, l'emploi de personnages récurrents comme le fameux Rastignac. C'est le début de La Comédie humaine, œuvre gigantesque de plus de 90 récits à travers lesquels il veut faire une « histoire naturelle de la société ». Il écrit énormément jusqu'en 1848. Criblé de dettes, totalement épuisé par une vie tumultueuse et par de nombreuses déceptions personnelles, il meurt le 18 août 1850 à Paris, peu de temps après avoir épousé Mme Hanska.
L'œuvre : La Peau de chagrin
La Peau de chagrin est un roman d'Honoré de Balzac qui appartient à La Comédie humaine. Récit fantastique et roman philosophique, La Peau de chagrin s'inscrit dans le contexte réaliste d'une société du XIXe siècle en crise.
Le contexte de l'œuvre
Le début du XIXe siècle est marqué par une forte instabilité politique, l'essor de la bourgeoisie et la naissance du romantisme.
Le contexte politique
Le début du XIXe siècle se caractérise par une forte instabilité politique.
Le début du XIXe siècle est marqué par une forte instabilité politique. Depuis la Révolution française de 1789, les régimes politiques se succèdent. Le Consulat (1799-1804), le 1er Empire (1804-1815), la Restauration (1815-1830), la Monarchie de Juillet (1830-1848) puis la 2e République (1848-1852) s'enchaînent. C'est donc un siècle très mouvementé.
La Monarchie de Juillet est instaurée après les « Trois Glorieuses » (27, 28 et 29 Juillet 1830). Cette révolution de 1830 met donc fin à la Restauration. Le roi Charles X est chassé et remplacé par Louis-Philippe. La France passe d'une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. Les changements attendus n'ont pas lieu, ce qui crée une grande désillusion chez la jeunesse.
Dans le roman, il n'y a aucune mention des événements qui se déroulèrent durant les « Trois Glorieuses » comme s'ils n'avaient eu aucun impact ; le nouveau régime et le « roi-citoyen » (Louis-Philippe) sont vivement critiqués dès qu'ils sont évoqués.
Le contexte social
Le début du XIXe siècle est marqué par l'essor de la bourgeoisie et du libéralisme économique.
Ces bouleversements politiques amènent, en parallèle, la naissance d'une nouvelle économie. Alors que la noblesse perd de son pouvoir, la bourgeoisie s'impose de plus en plus dans les milieux de la politique, de l'économie et de l'administration. Le libéralisme économique rend la France prospère mais génère une importante misère sociale. Les progrès techniques sont très nombreux. Dès 1830, la révolution industrielle métamorphose l'économie et la société françaises. La classe sociale ouvrière apparaît. Les bourgeois rêvent de s'enrichir. C'est le triomphe de l'argent au détriment des valeurs morales.
Avec l'avènement de la monarchie constitutionnelle, le pouvoir passe de l'aristocratie à la bourgeoisie. Raphaël de Valentin est un noble désargenté depuis la Restauration mais tous les autres personnages sont des bourgeois. C'est ainsi que l'on voit le règne de l'argent, symbolisé dès l'incipit par la maison de jeu située dans les jardins du Palais-Royal.
La presse est toujours soumise à de nombreuses contraintes mais elle se développe de plus en plus et finit par acquérir un grand pouvoir.
Le contexte littéraire
Le roman devient le genre littéraire dominant au XIXe siècle.
Le romantisme apparaît en France vers 1820. Il arrive en opposition au classicisme. Il met au centre de ses œuvres l'individu, ses tourments, ses rêves et ses sentiments. Avec le romantisme naît un goût particulier pour le fantastique et le mysticisme. Le héros romantique est un personnage complexe, tourmenté, mélancolique, qui ne se sent pas à sa place dans la société.
Avec l'essor de la presse, les écrivains publient régulièrement leurs romans, par épisodes, dans les journaux. On appelle cela des « feuilletons » ou des « romans-feuilletons ». Alors qu'il était dénigré avant, le roman devient le genre littéraire dominant au XIXe siècle. On parle d'« âge d'or » du roman.
La poésie, quasiment absente du XVIIIe siècle littéraire, se développe de nouveau au XIXe siècle et se libère des contraintes classiques.
Enfin, c'est la naissance du « drame romantique », un sous-genre du théâtre. C'est une nouvelle forme théâtrale qui s'émancipe des contraintes classiques et s'éloigne de la tragédie. Le drame romantique se veut proche de son époque et de ses préoccupations. Il met en scène les nombreux bouleversements politiques et se fait l'écho du « mal du siècle ».
« Mal du siècle »
Le « mal du siècle » est une sorte d'état de grande mélancolie et de désenchantement qui touche la jeunesse du XIXe siècle qui se sent incomprise et inadaptée à son époque.
La Comédie humaine
Avec La Peau de chagrin, publiée en 1831, Balzac commence la série des "Études philosophiques" de La Comédie humaine. À travers La Comédie Humaine, Balzac entend analyser le fonctionnement de la société.
Balzac regroupe sous le nom de Comédie humaine un ensemble de 90 ouvrages. Réalisme et romantisme se mêlent dans son œuvre. Balzac veut, avant tout, peindre la société. Ainsi, tout au long de ses romans, il décrit la vie de ses contemporains, selon son propre point de vue. La Comédie humaine comporte entre 4 000 et 6 000 personnages dont certains sont récurrents c'est-à-dire qu'on les retrouve dans plusieurs romans. 1 000 personnages ont un lien de parenté. Balzac semble ainsi étudier leur parcours et leur destinée. Les personnages de La Comédie humaine représentent et illustrent chacun une catégorie sociale et/ou une catégorie humaine.
Cette grande fresque littéraire est construite en trois parties nommées « études » :
- Première partie : Études de mœurs. C'est la partie la plus importante. Elle est organisée en six sous-ensembles : les scènes de la vie privée, les scènes de la vie de province, les scènes de la vie parisienne, les scènes de la vie politique, les scènes de la vie militaire et les scènes de la vie de campagne. Le Père Goriot (1835), Le Colonel Chabert (1844), Eugénie Grandet (1834) et les Illusions Perdues (1843) appartiennent à cette première partie.
- Deuxième partie : Études philosophiques. Les 20 romans qui composent cette seconde partie, proposent des réflexions sur la vie sociale, les mystères de la vie humaine … La Peau de chagrin est le premier volume de cette seconde partie. Certaines des réflexions philosophiques qui y figurent expriment la pensée de Balzac.
- Troisième partie : Études analytiques. Balzac y analyse certains sujets tant d'un point de vue personnel que d'un point de vue scientifique : le mariage, l'enseignement, la vie sociale …
Une œuvre originale
La Peau de chagrin est un roman fantastique et réaliste par lequel Balzac veut montrer au lecteur qu'une vie raisonnable et pleine de sagesse permet de vivre longtemps.
Un roman fantastique
La Peau de chagrin est un roman fantastique. Le fantastique repose principalement sur le rétrécissement de la peau de chagrin au fur et à mesure qu'elle accomplit les vœux.
Quand Balzac écrit La Peau de chagrin, le fantastique est à la mode en France notamment grâce aux contes d'Hoffmann, un écrivain allemand dont Balzac est le premier à parler.
Tzvetan Todorov définit ainsi le fantastique : « Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s'expliquer par les lois de ce même monde familier. Celui qui perçoit l'événement doit opter pour l'une des deux solutions possibles : ou bien il s'agit d'une illusion des sens, d'un produit de l'imagination et les lois du monde restent alors ce qu'elles sont ; ou bien l'événement a véritablement eu lieu, il est partie intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. Ou bien le diable est une illusion, un être imaginaire, ou bien il existe réellement, tout comme les autres êtres vivants, avec cette réserve qu'on le rencontre rarement.
Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu'on choisit l'une ou l'autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. » (Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov, 1970)
Dans La Peau de chagrin, le fantastique repose principalement sur la peau de chagrin qui rétrécit au fur et à mesure qu'elle accomplit les vœux de Raphaël. De plus, tout au long du roman, des événements étranges se déroulent et le lecteur hésite en permanence entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle de ces phénomènes : la maladie et la mort de Raphaël, la peau qui scintille ou qui ressort toute sèche du puits etc. …
Un roman réaliste
Balzac donne un cadre réaliste à son roman. Il dépeint avec brio le Paris des années 1830, cadre spatio-temporel de La Peau de chagrin.
Le Paris des années 1830 est très présent dans le roman. Balzac se lance dans des descriptions très précises de quartiers, de rues, de salons. Il parvient ainsi à recréer l'ambiance de ces années-là et leur frénésie. L'écrivain devient alors un véritable peintre. Le réalisme des descriptions permet de plonger le lecteur dans un décor tout à fait convaincant.
Balzac se montre très critique de la bourgeoisie parisienne, toute-puissante et vaniteuse, qui se sert de son argent pour tout obtenir. L'ambiance du roman souligne la superficialité de ce monde.
L'auteur entend montrer que cet idéal de richesses et de plaisirs faciles n'est pas bon pour la jeunesse et la mène à sa perte.
Le réalisme n'existe pas encore au moment de l'écriture de La Peau de chagrin puisque ce mouvement littéraire se déploie de 1850 à 1885 environ. Le réalisme consiste à peindre la réalité telle qu'elle est sans l'idéaliser. Balzac, ouvre, d'une certaine manière, la voie au réalisme.
Un conte philosophique
La Peau de chagrin est un conte philosophique dont la leçon n'est pas explicite. La peau de chagrin symbolise la vie humaine. Balzac entend montrer aux lecteurs que l'énergie vitale ne doit pas être utilisée pour satisfaire des désirs futiles.
Au tout départ, Balzac avait sous-titré La Peau de chagrin, « Roman philosophique ». De plus, il classe son roman tout d'abord dans la catégorie « romans et contes philosophiques » puis il l'intègre à la partie « études philosophiques » de La Comédie humaine.
Conte philosophique
Un conte philosophique est un genre littéraire né au XVIIIe siècle. Il mêle l'aspect merveilleux des contes traditionnels à une véritable réflexion philosophique. Cela permettait aux philosophes des Lumières de pouvoir émettre des opinions politiques, sociales ou philosophiques sans risquer la censure. Le conte philosophique fait partie des apologues.
La Peau de chagrin est donc un conte philosophique qui apporte une leçon au lecteur. Cette leçon n'est pas explicite. En effet, la « peau de chagrin » est une allégorie de la vie humaine c'est-à-dire qu'elle symbolise la vie de chaque être humain. Cette peau de chagrin qui rapetisse représente donc l'éphémérité de la vie quand on utilise mal notre énergie vitale. D'ailleurs, lorsque la peau de chagrin rétrécit, elle devient sèche et ressemble à la peau ridée des vieilles personnes. La peau peut aussi symboliser la puissance destructrice des désirs : notre énergie vitale ne doit pas être employée pour satisfaire des plaisirs futiles mais elle doit être mise au service de véritables valeurs. Il peint de fait la situation de tout homme.
De plus, les personnages représentent des « types sociaux » c'est-à-dire qu'ils sont un peu caricaturaux, stéréotypés. Mais cela permet de réfléchir au comportement des Hommes.
Enfin, le roman propose également une réflexion sur le libre arbitre de l'homme : sommes-nous vraiment maîtres de notre vie et de notre destin ?
Dans La Peau de chagrin, Balzac veut montrer aux lecteurs que l'argent, le pouvoir et les femmes épuisent, alors qu'une vie raisonnable et modérée, faite de sagesse, permet de vivre longtemps.
Résumé de l'oeuvre
Le roman raconte la vie de Raphaël, un jeune homme qui fait l'acquisition d'une peau de chagrin magique. Celle-ci exauce tous ses vœux mais rétrécit à chacun d'entre eux en même temps que la vie de Raphaël.
Le « chagrin » est un cuir préparé avec la peau de la croupe d'un âne ou d'un cheval. Chagrin ne signifie donc pas, ici, « tristesse ». L'expression « se réduire comme peau de chagrin », qui signifie « ne cesser de diminuer, de s'amenuiser », vient du roman de Balzac.
Partie 1 : « Le Talisman »
Après avoir perdu tout ce qu'il possédait dans une maison de jeu, Raphaël décide de se suicider la nuit même en se jetant dans la Seine. En attendant la tombée de la nuit, il rentre dans la boutique d'un antiquaire où il achète une « peau de chagrin », un talisman censé réaliser tous ses désirs. Mais le vieil antiquaire le prévient : à chaque vœu exaucé, la peau de chagrin diminuera tout comme l'énergie vitale de Raphaël. L'antiquaire lui conseille alors d'en faire usage avec sagesse pour économiser son énergie vitale. Le premier vœu de Raphaël est d'assister à une orgie (un très grand banquet). Raphaël se retrouve alors invité à un véritable festin, chez le banquier Taillefer, par des amis. La fête est gigantesque : alcool, nourriture à profusion, prostituées … Là, Raphaël fait un nouveau vœu : il veut connaître une vie de luxe et mourir après. Puis il souhaite recevoir beaucoup d'argent. Il rencontre un journaliste, Émile, auquel il raconte pourquoi il en est venu à vouloir se suicider.
Partie 2 : « La Femme sans cœur »
Raphaël fait donc le récit de son enfance et explique comment lui est venu le goût pour les jeux d'argent. Ruiné après la mort de son père, le jeune homme décide de mener une vie sobre. Il vit dans une pension modeste et commence la rédaction d'un récit philosophique intitulé La théorie de la volonté en espérant que cela lui apportera la gloire. Il devient le précepteur de la fille de sa logeuse, Pauline, avec laquelle il se liera d'amitié. Mais il rencontre Rastignac qui lui montre une autre vie faite de jeux, de débauche et d'intrigues. Celui-ci lui présente la comtesse Fœdora dont Raphaël tombe immédiatement éperdument amoureux. Il se ruine et perd son honneur pour elle sans rien avoir en retour. Il la quitte. Alors, avec Rastignac, il reprend sa vie de débauche. C'est là que, dans une maison de jeu, il perd tout son argent et songe au suicide. Raphaël interrompt le récit de sa vie. Il a senti la peau de chagrin dans sa poche ce qui l'a ramené à la réalité. Le lendemain matin, un notaire, Taillefer, se présente chez lui et lui annonce qu'il vient d'hériter d'une très grande fortune. Raphaël comprend alors, effrayé, que la peau qu'il a achetée a un très grand pouvoir.
Partie 3 : « L'Agonie »
Devenu très riche, Raphaël vit retiré du monde. Il a organisé son existence de manière à ne plus jamais avoir à émettre de vœu. Cependant, un jour, il reçoit la visite de son ancien professeur, Porriquet. Involontairement, il émet alors un souhait en faveur de celui-ci. La peau rétrécit ce qui déclenche la colère de Raphaël. Il retrouve, par hasard, Pauline qui est devenue riche. Ils se déclarent leur amour et Raphaël jette la peau dans un puits pour s'en débarrasser. Il vit heureux avec Pauline. Cependant, le jardinier repêche la peau qui a beaucoup rétréci. Raphaël présente la peau à des scientifiques qui sont contraints de conclure qu'elle a une nature magique et diabolique. Raphaël est atteint d'un mal mystérieux, qui ressemble à la tuberculose. Il est envoyé en cure de soins en Savoie. Mais là, à la suite d'un vœu, il tue un autre curiste. Il mène ensuite une vie rustique et simple au Mont-Dore, en Auvergne, mais il émet de nouveau un vœu sans y faire attention. Il devient alors de plus en plus malade si bien qu'il rentre à Paris. Là, malgré les soins qu'on lui apporte, il ne va pas mieux. Il retrouve Pauline, éprouve un ultime désir pour elle et meurt.
L'épilogue qui clôture le roman montre que Pauline est devenue une sorte de fantôme qu'il est possible d'entrapercevoir parfois si on a l'âme pure. Fœdora, quant à elle, continue à être courtisée par tous les hommes sans aimer personne en retour.
Les personnages
Rastignac, l'antiquaire et Fœdora représentent des tentateurs diaboliques pour Raphaël de Valentin tandis que Pauline incarne l'idéal féminin.
Raphaël de Valentin
Personnage principal du roman, Raphaël de Valentin est un héros romantique. Ruiné et déçu en amour, il envisage de se suicider.
Raphaël de Valentin est le personnage principal du roman. Il est né en 1804. Lorsque le roman débute, il a 26 ans. Orphelin de mère, il est élevé par son père, un homme sévère qui lui impose d'étudier le droit. Il vit tout d'abord dans la pauvreté. Cependant, il a de grandes aspirations. En effet, il souhaite écrire un chef d'œuvre littéraire mais il n'y parvient pas ce qui le rend mélancolique. Il rencontre Rastignac qui l'entraîne dans une vie de débauche. Ruiné, déçu en amour (la comtesse Fœdora le repousse), Raphaël pense au suicide. Mais il acquiert la peau de chagrin qui exauce ses vœux et le rend riche. Après avoir mené une vie de luxe et de dépravation pour oublier Fœdora, il s'astreint à une vie sobre et sans désirs pour préserver le peu de peau qui reste de son talisman. Il trouve l'amour en la personne de Pauline. Il finit par mourir après une longue agonie.
Raphaël est un héros romantique : il est mélancolique, incompris et pense au suicide. Il incarne le mal de vivre de la jeunesse de cette époque à travers ses ambitions déçues et ses échecs amoureux. De plus, il meurt prématurément, à l'âge de 27 ans. C'est un être paradoxal : puissant par le pouvoir que lui donne la peau, il est impuissant face à sa mort qui est inéluctable.
Rastignac
Personnage récurrent de La Comédie humaine, Rastignac est un être opportuniste qui entraîne Raphaël dans une vie de débauche.
Rastignac est un personnage récurrent de La Comédie humaine. On le voit pour la première fois dans Le Père Goriot. Il est surtout présent dans la seconde partie de La Peau de chagrin. Rastignac est un être opportuniste et profiteur qui vit au crochet des autres. C'est lui qui précipite la perte de Raphaël en lui faisant mener une vie de débauche et en lui présentant la comtesse Fœdora. Ambitieux, avide de plaisirs, il est malhonnête et sans morale. Il illustre parfaitement l'emploi ambivalent de l'énergie vitale : les plaisirs auxquels il s'adonne sont source de création mais aussi de destruction puisqu'ils le font courir à sa perte.
Il est, tout comme l'antiquaire, un tentateur diabolique pour Raphaël.
L'antiquaire
L'antiquaire est l'incarnation du diable.
L'antiquaire est l'incarnation même du Diable. De nombreux indices le laissent penser : il est très âgé (102 ans) mais semble fringant, il a des yeux verts qui brillent d'une étrange lueur, son rire ressemble à un « bruissement de l'enfer » et il est semble lire dans les pensées de ceux qu'il rencontre. Le narrateur explique également que le vieil antiquaire est difficile à cerner car il incarne à la fois la figure du « Père éternel » et celle de « Méphistophélès ». D'ailleurs, quand Raphaël acquiert la peau, le vieillard lui dit « Vous avez signé le pacte, tout est dit ». La transaction a donc tous les aspects d'un pacte avec le diable.
L'antiquaire est un personnage étrange et inquiétant qui incarne une figure satanique.
Fœdora
Fœdora est une grande séductrice, égoïste et froide.
Fœdora est une comtesse russe d'une très grande beauté. C'est une femme égoïste et froide. Opportuniste et manipulatrice, elle aime être gâtée. Grande séductrice, elle ne se livre pourtant jamais aux plaisirs de l'amour charnel. Est-ce d'ailleurs cela qui fait qu'elle survit à Raphaël et Pauline ? Fœdora incarne la société parisienne c'est-à-dire une bourgeoisie égoïste, vénale et hypocrite qui base ses valeurs sur le paraître.
Pauline
Pauline représente l'idéal féminin. Elle aime Raphaël d'un amour pur et absolu.
Pauline représente l'idéal féminin : elle est belle, douce, intelligente, serviable et discrète. Elle est l'absolu contraire de Fœdora.
Elle aime Raphaël d'un amour pur et absolu. À la fin du roman, elle est même prête à se suicider pour empêcher que Raphaël ne la désire et ne meurt.
D'ailleurs, dans l'épilogue, on apprend qu'elle est devenue une sorte de fantôme. Elle représente alors un idéal inaccessible. Éternelle et angélique, elle incarne l'amour dans toute sa pureté.
Les thèmes
Le roman aborde quatre thèmes principaux : l'amour, le désir et les passions, le jeu et l'argent.
L'amour
Dans le roman, l'amour semble conditionné à la richesse et à la classe sociale.
Raphaël, au début du roman, a une vision très haute de l'amour, conforme aux préceptes du romantisme. Pour lui, la femme dont il tombera amoureux devra être dotée des plus grandes qualités. Pourtant, il ne tombe pas amoureux de Pauline car celle-ci est pauvre, tout comme lui. Il s'éprend, en revanche, de la comtesse Fœdora qui, elle, est riche. Mais celle-ci ne ressent rien en retour notamment parce qu'il est pauvre. Quand Raphaël retrouve Pauline par la suite, il tombe sous son charme et ressent de vifs sentiments pour elle. Cependant, on peut tout de même remarquer que celle-ci, depuis, est devenue riche et qu'elle a acquis une certaine notoriété à Paris. Est-ce que cela a exercé une influence sur les sentiments de Raphaël ? Seule Pauline semble éprouver un amour véritable et sincère, dénué de tout intérêt.
L'amour semble donc conditionné à la richesse et à la classe sociale.
Le désir et les passions
Le désir et les passions sont destructeurs. Ils mènent les personnages à leur perte.
Dans La Peau de chagrin, le désir et la passion mènent à leur perte les personnages. Raphaël meurt car il a gâché son énergie vitale en de vains désirs et vaines passions (ses envies de richesse, son amour pour Fœdora …). S'il meurt à la fin, c'est en désirant, une dernière fois, Pauline. De même, Raphaël renonce à toutes ses valeurs pour devenir riche et pour essayer d'obtenir l'amour de la comtesse : il joue son petit héritage, il écrit les faux mémoires de sa tante … Pauline, ivre de douleur, semble sombrer dans la folie quand Raphaël meurt.
Désirs et passions sont donc destructeurs, ils corrompent tout, ils atteignent la morale et diminuent l'énergie vitale.
Le jeu
Raphaël de Valentin est attiré par les jeux d'argent. Sa ruine aux jeux le pousse à penser au suicide au début du roman.
Le jeu est également au centre de l'œuvre. Tout d'abord par cet attrait que Raphaël a pour les jeux d'argent. Le roman s'ouvre d'ailleurs avec Raphaël qui entre dans une maison de jeu du Palais-Royal. La description dans l'incipit de la maison de jeu montre la réalité sordide de ce lieu qui devient une véritable arène de combat. C'est avec Rastignac qu'il s'adonnera le plus au jeu. Le jeu exerce une véritable séduction sur Raphaël. Cependant, le jeune homme semble entretenir un rapport ambivalent avec le jeu : il le fascine et l'attire et en même temps le répugne. Il explique même, dans le chapitre 2 qu'il « éprouve une horreur invincible en passant devant un tripot. ».
Mais le thème du jeu ne se limite pas aux jeux d'argent. En effet, la vie elle-même semble être, au départ, un jeu pour Raphaël. Par exemple, il se donne le défi de subsister pendant trois ans avec les « onze cents francs » qui lui restent ou bien il voit la conquête de Foedora comme un challenge. Et utiliser la peau de chagrin, n'est-ce pas jouer avec sa propre vie et son destin ?
L'argent
L'argent conditionne la vie de Raphaël. Il passe régulièrement de la pauvreté à la richesse et inversement.
Raphaël passe régulièrement de la pauvreté à la richesse et inversement. Son père l'élève avec sévérité et il vit une enfance modeste. Au début de l'œuvre, il vit avec austérité : il loge dans une petite pension de famille, se nourrit peu et se consacre à son « chef d'œuvre » et à ses études. Puis, lorsqu'il rencontre Rastignac, il se met à dépenser inconsidérément son argent et s'adonne aux jeux d'argent. Alors qu'il est ruiné, la peau de chagrin lui apporte la richesse. Cependant, il retombera dans une vie plus austère et ascétique afin de préserver le peu de vie qui lui reste. Toute la vie de Raphaël n'est faite que de périodes de dépenses irréfléchies suivies de périodes d'économies drastiques.
L'argent conditionne donc la vie de Raphaël mais il ne le rend pas forcément heureux.