Sommaire
IDéfinitionsIILa place du monstre dans les œuvres littérairesALe monstre dans le mondeBLe monstre dans les récits antiquesCLe monstre dans les contes et récits merveilleuxDLe monstre dans les romans courtoisELe monstre dans les récits modernes et contemporainsIIILes émotions suscitées par la figure du monstreALa peurBLa pitiéIVLes fonctions du monstre en littératureLe monstre est une figure littéraire très utilisée par les écrivains. Depuis l'Antiquité, elle est présente dans de nombreux récits. Le monstre effraie et fascine. Il fait naître de vives émotions chez le lecteur, comme la peur et la pitié. Il permet surtout au lecteur d'affronter ses craintes et d'accepter la différence. Pour l'écrivain, c'est un moyen de divertir tout en instruisant.
Définitions
Monstre
Le vampire est un monstre.
Le mot « monstre » a deux origines possibles :
- Le latin monstrare qui signifie « montrer ». Ainsi, le monstre est celui qu'on montre (monstre de foire).
- Le latin monstrum qui signifie « prodige » ou « avertissement ». La figure du monstre nécessite d'être interprétée, le monstre peut être un présage.
Le terme « monstruosité » est souvent associé à la démesure. Ce qui est monstrueux, c'est donc ce qui est énorme, qui dépasse l'entendement ou les limites.
Dans la littérature, il arrive qu'on se transforme en monstre. On parle alors de « métamorphose ». Le terme vient de trois mots grecs :
- Le terme méta qui signifie « changement ».
- Le terme morph qui signifie « forme ».
- Le terme ose qui signifie « action ».
Métamorphose
La métamorphose est l'action de changer de forme.
Lorsque la chenille devient un papillon, on dit qu'elle se métamorphose.
La place du monstre dans les œuvres littéraires
Le monstre dans le monde
La figure du monstre est présente partout dans le monde. On la retrouve dans toutes les cultures et à toutes les époques. Souvent, elle sert à faire peur aux enfants.
Dans la culture australienne, le bunyip est un esprit qui a des nageoires, des défenses de morse et une queue de cheval.
Dans la culture arabe, l'oiseau Roc est une créature qui kidnappe le bétail entre ses serres.
Dans la culture japonaise, le Baku est une créature qui se nourrit des songes des hommes.
Dans la littérature, les monstres peuvent avoir trois formes :
- une forme animale ;
- une forme animale et humaine ;
- une forme humaine.
L'ogre est un monstre à forme humaine.
Dans la mythologie grecque, la sirène est un monstre mi-femme et mi-oiseau, et non mi-femme et mi-poisson comme on la représente aujourd'hui.
Le basilic est un monstre qui a la forme d'un serpent.
Même s'il a forme humaine, le monstre peut avoir des pouvoirs surnaturels.
Les sorcières ont une forme humaine mais des pouvoirs magiques.
Le monstre dans les récits antiques
On trouve de nombreux monstres dans les récits mythologiques et la littérature antique. Ces créatures sont généralement à mi-chemin entre l'homme et l'animal.
Certains monstres antiques sont encore très célèbres :
- L'Hydre de Lerne : c'est une créature à plusieurs têtes. Hercule la tue dans le mythe des « Douze Travaux ».
- Le Minotaure : c'est un monstre possédant le corps d'un homme et la tête d'un taureau, et qui dévore des jeunes gens. Il est tué par le héros Thésée.
- Cerbère : c'est un chien à trois têtes qui garde l'entrée des enfers.
- Chimère : c'est un monstre qui a un corps de lion, une tête de chèvre et une queue de serpent.
- Méduse : c'est une femme avec des serpents à la place des cheveux qui pétrifie tout mortel qui la regarde. Elle fait partie des trois Gorgones. Elle est tuée par le héros Persée.
- Le Sphinx : c'est un monstre avec un buste de femme, un corps de chat et des ailes d'oiseau qui dévore ceux qui répondent mal à son énigme. Il est vaincu par Œdipe qui trouve la réponse à l'énigme.
Gustave Doré, Cerbère, 1861
© Wikimedia Commons
Sur cette illustration de Gustave Doré, le monstre est représenté comme menaçant, ses crocs sont pointus, il est puissant.
Le monstre dans les contes et récits merveilleux
Dans les contes et les récits merveilleux, les monstres sont la synthèse des travers humains. Ils sont souvent très mauvais et cruels. Surtout, ils sont des obstacles que le héros doit affronter.
Certains des plus célèbres monstres des contes et récits merveilleux sont :
- l'ogre du Petit Poucet ;
- la sorcière dans Hansel et Gretel ;
- la méchante fée dans La Belle au bois dormant ;
- le loup dans Le Petit Chaperon rouge.
La vieille s'était faite amicale, en fait, c'était une méchante sorcière qui avait tendu un piège aux enfants en construisant une maisonnette en pain, uniquement pour attirer les enfants. Une fois sous son pouvoir, elle les tuera, les cuira et les mangera comme pour un jour de fête.
Jacob et Wilhem Grimm
Hansel et Gretel
1812 - Traduction © René Bories
Le conte Hansel et Gretel permet de traiter de la peur des enfants d'être trompés par un adulte ou maltraités par leur mère. Il donne aussi une leçon : il ne faut jamais suivre ou faire confiance à un inconnu.
Le monstre dans les romans courtois
On trouve de nombreux monstres dans les romans courtois du Moyen Âge. Ils représentent le mal que le chevalier doit abattre pour obtenir le cœur de la dame qu'il aime. Il doit faire preuve de courage et de bravoure.
Le dragon est très présent dans l'imaginaire du Moyen Âge. Il représente le mal ou le diable. Dans La Légende dorée, de nombreux personnages combattent ainsi un dragon.
Messire Yvain cheminait pensif dans une profonde forêt ; soudain il entendit un grand cri de douleur. Il se dirigea vers l'endroit d'où venait le cri qu'il avait entendu. Quand il y parvint, il vit un lion dans un essart et un serpent qui le tenait serré par la queue et lui brûlait l'échine d'une flamme ardente qu'il vomissait. […] Du feu lui sort de la bouche tant il est plein de félonie. Aussi messire Yvain décida de le tuer en premier. Il tire donc l'épée, s'avance et devant son visage met son écu pour éviter la brûlure des flammes que vomissait l'animal par une gueule plus large qu'une marmite.
Chrétien de Troyes
Yvain ou le Chevalier au Lion
XIIe siècle
Le chevalier Yvain combat ici un serpent qui crache des flammes gigantesques. Le monstre est décrit avec des termes négatifs comme « vomissait » et « félonie ».
Le monstre dans les récits modernes et contemporains
Dans les romans et les nouvelles de l'époque moderne et de l'époque contemporaine, le monstre peut être complètement inventé, imaginaire. C'est le cas dans :
- La littérature fantastique, peuplée de créatures étranges.
- Les récits d'aventures, où le héros peut affronter des êtres monstrueux.
Dans le récit fantastique Dracula de Bram Stoker, publié en 1897, le héros rencontre un vampire.
Dans le récit de fantasy Le Hobbit de J. R. R. Tolkien, publié en 1937, le héros Bilbo affronte un dragon.
Le monstre peut également être un homme déformé par la nature ou la science. C'est le cas dans de nombreux genres littéraires, mais particulièrement dans :
- Le roman social qui a pour but de dénoncer l'injustice faite aux hommes difformes.
- Le roman d'anticipation ou le roman de science-fiction qui mettent en garde contre les dangers liés à la science.
Dans L'Homme qui rit de Victor Hugo, publié en 1869, le héros Gwynplaine est un homme au visage déformé par un sourire inquiétant. Il est vu comme un monstre par les autres hommes.
Dans L'Étrange Cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde de Robert Louis Stevenson, publié en 1886, le Docteur Jekyll se transforme en homme mauvais et criminel.
Il baptisa son enfant adoptif, et le nomma Quasimodo, soit qu'il voulût marquer par là le jour où il l'avait trouvé, soit qu'il voulût caractériser par ce nom à quel point la pauvre petite créature était incomplète et à peine ébauchée. En effet, Quasimodo, borgne, bossu, cagneux, n'était guère qu'un à peu près.
Victor Hugo
Notre-Dame de Paris, tome II, Paris, éd. Charles Gosselin
1831
Le personnage de Quasimodo est monstrueux, car son physique est difforme. Pourtant, c'est un humain.
Les émotions suscitées par la figure du monstre
La peur
Le monstre suscite l'effroi et l'épouvante à cause de :
- sa laideur ;
- sa méchanceté ;
- sa différence.
Toutefois, la peur provoquée à la vue d'un monstre se mêle bien souvent à la fascination. C'est la raison pour laquelle le thème du monstre est récurrent en littérature.
Les gens du pays, ceux du mont, prétendent qu'on entend parler la nuit dans les sables, puis qu'on entend bêler deux chèvres, l'une avec une voix forte, l'autre avec une voix faible. Les incrédules affirment que ce sont les cris des oiseaux de mer, qui ressemblent tantôt à des bêlements, et tantôt à des plaintes humaines ; mais les pêcheurs attardés jurent avoir rencontré, rôdant sur les dunes, entre deux marées, autour de la petite ville jetée ainsi loin du monde, un vieux berger, dont on ne voit jamais la tête couverte de son manteau, et qui conduit, en marchant devant eux, un bouc à figure d'homme et une chèvre à figure de femme, tous deux avec de longs cheveux blancs et parlant sans cesse, se querellant dans une langue inconnue, puis cessant soudain de crier pour bêler de toute leur force.
Guy de Maupassant
« Le Horla », Le Horla, s. l., éd. Paul Ollendorff
1887
Dans cet extrait, Maupassant souligne la fascination que les hommes ont pour les monstres. Ils aiment se raconter des histoires inquiétantes. Tout le monde participe : « les gens du pays », « les pêcheurs », « on ».
La pitié
À partir du XIXe siècle, la figure du monstre commence à être traitée d'un point de vue plus scientifique. Le monstre est en général un humain. Il devient une victime, rejeté par les autres. C'est le comportement des autres hommes avec lui qui semble monstrueux, tandis que le monstre inspire la pitié.
On voyait Gwynplaine, on riait. Quand on avait ri, on détournait la tête. Les femmes surtout avaient horreur. Cet homme était effroyable. La convulsion bouffonne était comme un tribut payé ; on la subissait joyeusement, mais presque mécaniquement. Après quoi, une fois le rire refroidi, Gwynplaine, pour une femme, était insupportable à voir et impossible à regarder.
Victor Hugo
L'Homme qui rit, s. l., éd. Albert Lacroix
1869
Dans cet extrait, le lecteur éprouve de la pitié pour Gwynplaine dont les autres hommes se moquent avec méchanceté. Il y a une opposition entre le personnage principal qui est nommé et les autres qui apparaissent seulement avec le pronom personnel indéfini « on ».
Les fonctions du monstre en littérature
Le monstre a différentes fonctions. Il permet :
- d'expliquer la création du monde ou des phénomènes naturels ;
- d'affronter ses peurs ;
- de transmettre des leçons ;
- de transmettre un message divin ;
- de punir l'homme ;
- de récompenser l'homme ;
- d'accepter la différence.
Dans les mythes antiques, les Titans sont les fils d'Ouranos (le ciel) et Gaïa (la Terre). Leurs histoires permettent d'expliquer la création du monde et de nombreux phénomènes naturels (séparation du ciel et de la terre, création des fleuves, création de dieux, naissance du Soleil, de la Lune et de l'aurore, etc.).
Dans Harry Potter à l'école des sorciers de J. K. Rowling, publié en 1998, les enfants Harry, Hermione et Ron doivent affronter leur peur du chien à trois têtes Touffu.
Dans la version de Charles Perrault du Petit Chaperon rouge, publié en 1697, la fillette est mangée par le loup. La morale est qu'une jeune fille ne doit jamais écouter un homme qu'elle ne connaît pas et se méfier de lui, autrement elle se fera « manger ».
Dans l'Énéide, écrit au Ier siècle avant Jésus-Christ, Virgile met en scène les serpents Charibée et Porcé qui attaquent le prêtre Laocoon et ses fils. Laocoon avait mis en garde les Troyens contre le cheval en bois offert par les Grecs. Son attaque par des monstres envoyés par les dieux influencent les Troyens qui y voient un message divin et font entrer le cheval dans la ville.
Dans Les Métamorphoses d'Ovide, écrit au Ier siècle après Jésus-Christ, les dieux punissent les hommes en les transformant en monstres. Ainsi, le roi tyrannique Lycaon est transformé en loup par Jupiter. La métamorphose permet ici de révéler la monstruosité cachée de l'homme.
Dans Les Métamorphoses d'Ovide, écrit au VIIIe siècle après Jésus-Christ, les dieux récompensent parfois les hommes. Ainsi, Vénus transforme la statue de Pygmalion en réelle femme, il en fait une créature vivante.
Illustration du conte La Belle et la Bête, 1908
© Wikimedia Commons
Cette illustration montre bien que la Bête est laide et apparemment cruelle au début du conte La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont. Elle est terrifiante et force le père et la fille à se séparer. Toutefois, la Belle finit par découvrir que la Bête n'est monstrueuse qu'en apparence. Elle accepte sa différence et finit même par l'aimer. Il devient alors pour elle un beau prince.
Ceux que nous appelons monstres ne le sont pas à Dieu, qui voit en l'immensité de son ouvrage l'infinité des formes qu'il y a comprises.
Montaigne
Essais, livre II, chapitre XXX, Bordeaux, première éd. Simon Millanges
1580-1595
Montaigne affirme ici que les monstres ne le sont que dans le regard des autres hommes. Pour les humains, le monstre est l'autre, celui qui est différent. Montaigne critique cette attitude.