Sommaire
IGénéralités sur la fiction et le réelIILa fiction comme quête de réalitéALa fiction comme quête de vérité : réalisme et naturalismeBLa représentation réaliste du personnageCLa représentation de la dure réalité du XIXeIIILe fantastique et la remise en cause du réelADéfinition du fantastiqueBUn nouveau regard sur le réelGénéralités sur la fiction et le réel
Fiction
La fiction est une façon de raconter qui se fonde sur des faits imaginaires, les personnages décrits n'existent pas, le romancier les crée et les modèle à sa façon.
Réel
Le réel est ce qui existe ou a existé, ou encore ce qui est conforme à ce qui doit être ou devrait être.
La question de la fiction et de son rapport au réel est fondamentale en littérature. Il existe de nombreux genres littéraires qui mêlent réalité et fiction. Pourtant, la fiction doit pouvoir rendre une idée de la réalité de telle sorte que le lecteur puisse croire que cette réalité serait possible, sauf dans le cas de genres à la marge du roman traditionnel (science-fiction, fantasy…). Ce procédé s'appelle la mimesis.
Mimesis
La mimesis est l'imitation du réel.
La fiction comme quête de réalité
La fiction comme quête de vérité : réalisme et naturalisme
Plusieurs auteurs sont en quête de vérité dans leurs œuvres. Les mouvements littéraires qui cherchent le plus à se rapprocher de la vérité et de la réalité sont le réalisme et le naturalisme. Les récits réalistes et naturalistes proposent une description de la réalité sociale. Les auteurs cherchent :
- L'objectivité
- L'impersonnalité
- La vraisemblance
De plus, les histoires se déroulent souvent dans des lieux qui existent.
Les nouvelles réalistes de Maupassant se déroulent souvent en Normandie ou à Paris à l'époque où l'auteur lui-même vit.
L'opposition entre le réel et la fiction semble disparaître avec l'esthétique réaliste et l'esthétique naturaliste. Toutefois, les récits réalistes ont rarement une fonction purement descriptive. En effet, les auteurs réalistes font souvent passer des messages dans leurs œuvres, s'éloignant ainsi de leur envie d'être impartial ou objectif :
- Maupassant dénonce la sottise des paysans normands et leur avarice.
- Zola critique le ridicule des bourgeois en quête de reconnaissance sociale.
- Flaubert dénonce la bêtise des hommes.
- Balzac critique l'hypocrisie du monde de la presse.
La représentation réaliste du personnage
Pour donner l'illusion de la vérité, les écrivains font particulièrement attention à la construction de leur personnage. Ces derniers doivent être ordinaires. Les personnages réalistes et naturalistes ne sont plus parfaits. Ils ne correspondent plus à un idéal. En général, ils sont caractérisés par :
- Un milieu modeste
- Un physique banal
- Des qualités et des défauts
- Une situation de vie malheureuse
Balzac parlera de "type littéraire" qui condense toutes les caractéristiques de personnages ayant un même profil afin de lui donner de l'épaisseur, de le rendre vivant.
Lorsque la petite Germinie Lacerteux était arrivée à Paris, n'ayant pas encore quinze ans, ses sœurs, pressées de lui voir gagner sa vie et de lui mettre son pain à la main, l'avaient placée dans un petit café du boulevard où elle servait à la fois de femme de chambre à la maîtresse du café, et d'aide aux garçons pour les gros ouvrages de l'établissement. L'enfant, sortie de son village et tombée là brusquement, se trouva dépaysée, tout effarouchée dans cette place, dans ce service. Elle sentait le premier instinct de ses pudeurs et la femme qu'elle allait être frissonner à ce contact perpétuel avec les garçons, à cette communauté de travail, de repas, d'existence avec des hommes ; et chaque fois qu'elle avait une sortie et qu'elle allait chez ses sœurs, c'étaient des pleurs, des désespoirs, des scènes où, sans se plaindre précisément de rien, elle montrait comme une terreur de rentrer, disant qu'elle ne voulait plus rester là, qu'elle s'y déplaisait et qu'elle aimait mieux retourner chez eux.
Edmond et Jules de Goncourt
Germinie Lacerteux
1865
Pour écrire le personnage de Germinie Lacerteux, les Goncourt se sont inspirés de leur propre servante Rose. Le personnage représente un milieu social modeste, elle est désignée par un état civil qui reflète sa condition.
Pour donner l'illusion de la réalité, les auteurs insistent sur la description :
- Des lieux
- Des personnages
- Des objets
La description des personnages est à la fois physique et psychologique. Elle doit permettre de comprendre ses motivations. Ces personnages se rapprochent de plus en plus d'un vrai individu. Ils ont un passé, des rêves, des ambitions et des pensées qui sont livrés au lecteur.
En toute saison elle portait un mouchoir d'indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon rouge, et par-dessus sa camisole un tablier à bavette, comme les infirmières d'hôpital.
Son visage était maigre et sa voix aiguë. À vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante ; dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge ; - et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d'une manière automatique.
Gustave Flaubert
"Un cœur simple"
1877
Dans la description physique qu'il fait de son héroïne, Gustave Flaubert donne des indications sur la dureté de sa vie : elle fait plus âgée, elle semble fatiguée, elle n'est pas heureuse.
Le langage est un autre moyen d'accorder la vraisemblance à un personnage. L'auteur doit rechercher un vocabulaire qui correspond :
- À la classe sociale du personnage
- À son origine géographique
Alors le père Tuvache articula d'un ton coléreux :
- Vas-tu pas nous r'procher d't'avoir gardé.
Et le jeune homme, brutalement :
- Oui, j'vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants. Des parents comme vous ça fait l'malheur des éfants. Qu'vous mériteriez que j'vous quitte. La bonne femme pleurait dans son assiette. Elle gémit tout en avalant des cuillerées de soupe dont elle répandait la moitié :
- Tuez-vous donc pour élever d's éfants !
Alors le gars, rudement :
- J'aimerais mieux n'être point né que d'être c'que j'suis. Quand j'ai vu l'autre, tantôt, mon sang n'a fait qu'un tour. Je m'suis dit : V'là c'que j'serais maintenant.
Il se leva.
- Tenez, j'sens bien que je ferai mieux de n'pas rester ici, parce que j'vous le reprocherais du matin au soir, et que j'vous ferais une vie d'misère. Ça, voyez-vous, j'vous l'pardonnerai jamais !
Guy de Maupassant
"Aux champs"
1882
Maupassant retranscrit ici le langage typique du personnage en reproduisant le parler des paysans normands.
La représentation de la dure réalité du XIXe
Représenter le réel, c'est également ne pas avoir peur de montrer la réalité sous ses aspects les plus tristes ou les plus violents. Ainsi, les auteurs naturalistes ou réalistes décrivent avec beaucoup de détails les évolutions de la société du XIXe siècle :
- Le travail des ouvriers
- Les évolutions technologiques et scientifiques
- Le travail des enfants
- La souffrance des classes défavorisées
- Le fossé entre les riches et les pauvres
- L'exploitation des faibles par les plus riches
- La destruction de la nature
L'homme et la femme au travail sont des thèmes récurrents dans les esthétiques réaliste et naturaliste. Il s'agit le plus souvent de travaux manuels de force :
- Les bonnes
- Les mineurs
- Les blanchisseuses
- Les cheminots
- Les paysans
Il fut terrible, jamais il n'avait parlé si violemment. D'un bras, il maintenait le vieux Bonnemort, il l'étalait comme un drapeau de misère et de deuil, criant vengeance. En phrases rapides, il remontait au premier Maheu, il montrait toute cette famille usée à la mine, mangée par la Compagnie, plus affamée après cent ans de travail ; et, devant elle, il mettait ensuite les ventres de la Régie, qui suaient l'argent, toute la bande des actionnaires entretenus comme des filles depuis un siècle, à ne rien faire, à jouir de leur corps. N'était-ce pas effroyable ? Un peuple d'hommes crevant au fond de père en fils, pour qu'on paie des pots-de-vin à des ministres, pour que des générations de grands seigneurs et de bourgeois donnent des fêtes ou s'engraissent au coin de leur feu ! Il avait étudié les maladies des mineurs, il les faisait défiler toutes, avec des détails effrayants : l'anémie, les scrofules, la bronchite noire, l'asthme qui étouffe, les rhumatismes qui paralysent. Ces misérables, on les jetait en pâture aux machines, on les parquait ainsi que du bétail dans les corons, les grandes Compagnies les absorbaient peu à peu, réglementant l'esclavage, menaçant d'enrégimenter tous les travailleurs d'une nation, des millions de bras, pour la fortune d'un millier de paresseux.
Émile Zola
Germinal
1885
Zola utilise le discours indirect libre pour faire rentrer le lecteur directement dans les pensées du personnage. L'esclavage a été aboli depuis 1848, mais le personnage Étienne Lantier se sert de ce terme pour désigner le travail des ouvriers, ce qui montre bien la difficulté de leurs conditions de vie.
Le fantastique et la remise en cause du réel
Définition du fantastique
Si la littérature peut tenter de rendre compte du réel, elle peut aussi le questionner en le rendant étrange, inquiétant. En effet, le réel ou la réalité peuvent parfois paraître absurde, bizarre ou terrifiant. Le réalisme ou le naturalisme ne permettent pas d'apporter des réponses à cette question de l'étrangeté du monde. Un autre genre littéraire s'attache à explorer ce sentiment de malaise et de doute qui habite l'homme : le fantastique qui explore les peurs de l'Homme.
Fantastique
Le fantastique définit une situation étrange voire surnaturelle qui intervient dans une réalité banale.
Le fantastique a pour cadre le récit réaliste, il est bien ancré dans le réel. Le monde dans lequel les personnages évoluent est le même que celui du lecteur. Pourtant, l'atmosphère est étrange, inquiétante :
- Le lieu choisi est souvent terrifiant : cimetière, château abandonné, ruines, etc.
- Le moment de la journée est souvent un entre-deux : nuit, crépuscule, etc.
- La situation du personnage est inquiétante : il est souvent seul, sans personne pour le rassurer, le temps est mauvais, etc.
Le fantastique pose toujours la question suivante : ce que le personnage voit ou ressent est-il réel ou est-il victime de son imagination ?
Le fantastique joue donc sur la tension :
- Le possible / l'impossible
- Le naturel / le surnaturel
- Le logique / l'illogique
Dans "La Vénus d'Ille" de Prosper Mérimée, publiée en 1837, l'auteur crée une situation inquiétante : des hommes sont blessés ou tués et tout semble accuser une statue. À la fin du récit, le lecteur ne sait toujours pas quoi penser. C'est le propre du récit fantastique, le lecteur à deux interprétations possibles, une réaliste et une surnaturelle.
Un nouveau regard sur le réel
Le texte littéraire fantastique propose deux interprétations du réel :
- Une interprétation réaliste
- Une interprétation surnaturelle
Ainsi, le lecteur a le choix entre une explication rationnelle d'événements étranges, et une explication surnaturelle. Le genre fantastique offre ainsi différentes possibilités, différentes visions du monde. Il explore le doute, il questionne la réalité.
Nous étions deux amis suivis de huit spahis et de quatre chameaux avec leurs chameliers. Nous ne parlions plus, accablés de chaleur, de fatigue, et desséchés de soif comme ce désert ardent. Soudain un de nos hommes poussa une sorte de cri ; tous s'arrêtèrent ; et nous demeurâmes immobiles, surpris par un inexplicable phénomène, connu des voyageurs en ces contrées perdues.
Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait, le mystérieux tambour des dunes ; il battait distinctement, tantôt plus vibrant, tantôt affaibli, arrêtant, puis reprenant son roulement fantastique.
Les Arabes, épouvantés, se regardaient ; et l'un dit, en sa langue : "La mort est sur nous". Et voilà que tout à coup mon compagnon, mon ami, presque mon frère, tomba de cheval, la tête en avant, foudroyé par une insolation.
Guy de Maupassant
"La Peur"
1882
Maupassant donne ici deux interprétations possibles à la peur et laisse le lecteur choisir celle qu'il veut.
Edvard Munch, Le Cri, 1893
Cette célèbre peinture de Munch propose une vision fantastique du monde. Il y a quelque chose d'inquiétant : le spectateur reconnaît bien un pont, des formes humains, de l'eau, mais ces éléments sont représentés d'une façon inquiétante et surprenante ce qui crée une atmosphère angoissante.