Sommaire
ILes structures anatomiques, témoins de l'évolution des espècesADes structures anatomiques résultant de la sélection naturelle1La structure complexe de l'œil humain2L'évolution de l'œil humainBDes structures anatomiques résultant de l'histoire évolutive1Le trajet des canaux déférents, une contrainte historique2Les tétons masculins, une contrainte de construction3Les difficultés obstétriques, un compromis sélectif4Les dents de sagesse, une régression adaptativeIIL'évolution au service des pratiques humainesAL'évolution au service des pratiques médicalesBL'évolution au service des pratiques agricolesLa connaissance des mécanismes de l'évolution permet de comprendre que les êtres vivants ont une histoire commune. Les structures anatomiques sont les témoins de l'évolution des espèces. Le lien établi entre les espèces permet d'expliquer que certaines structures anatomiques résultent de la sélection naturelle et que d'autres sont engendrées par les contraintes de l'histoire évolutive. L'évolution se met aussi au service des pratiques humaines médicales et agricoles afin de les améliorer.
Les structures anatomiques, témoins de l'évolution des espèces
Les structures anatomiques de l'homme sont parfois étonnantes. Certaines sont très complexes, d'autres sont sans fonction. Au cours des générations, des innovations liées au hasard des mutations apparaissent. Elles peuvent être sélectionnées et transmises aux générations futures si elles sont adaptées à l'environnement. Ainsi, certaines structures anatomiques résultent de la sélection naturelle. D'autres structures anatomiques sont liées à l'histoire évolutive des espèces et des contraintes subies au cours du temps.
Des structures anatomiques résultant de la sélection naturelle
Certaines structures anatomiques complexes chez l'homme, telle que l'œil, sont le fruit d'une évolution liée au hasard des mutations successives. Ces mutations conférant un avantage dans le milieu de vie ont été conservées et transmises au cours des générations par le processus de la sélection naturelle.
La structure complexe de l'œil humain
L'œil humain est une structure très complexe. C'est une sphère délimitée par trois membranes et composée de trois milieux transparents. Les cellules photoréceptrices se trouvent au fond de l'œil.
Les trois membranes de l'œil sont :
- La sclérotique : enveloppe blanche et résistante qui devient transparente à l'avant de l'œil pour former la cornée. C'est la couche la plus externe de l'œil.
- La choroïde : enveloppe noire se situant entre la sclérotique et la rétine. À l'avant de l'œil, elle forme l'iris. Cette enveloppe n'est pas complètement fermée à l'avant afin de laisser entrer la lumière à l'intérieur de l'œil. Cette ouverture, la pupille, peut voir son diamètre varier en fonction de la luminosité.
- La rétine : enveloppe composée de cellules nerveuses, les photorécepteurs. Elle est prolongée par le nerf optique.
L'intérieur du globe est composé de trois milieux transparents :
- L'humeur aqueuse : premier milieu traversé par la lumière, entre la cornée et le cristallin.
- Le cristallin : lentille biconvexe dont la courbe peut varier pour faire la « mise au point ».
- L'humeur vitrée : substance gélatineuse située entre le cristallin et la rétine.
L'évolution de l'œil humain
Dans le règne animal, l'œil prend différentes formes, de la plus simple, l'ocelle, à la plus complexe, l'œil. Des scientifiques proposent l'idée que la structure complexe de l'œil pourrait être dérivée de la forme la plus simple grâce à des mutations favorisées par la sélection naturelle.
L'ocelle n'est composé que de quelques cellules pigmentées connectées à des fibres nerveuses permettant de distinguer le sombre du clair. On trouve cette forme chez l'euglène, algue unicellulaire.
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Une forme un peu plus complexe est trouvée chez un planaire (ver plat). La couche cellulaire pigmentée s'invagine (se creuse) pour former une cavité. Cette courbure permet à la lumière de ne stimuler qu'une partie des cellules. L'animal peut ainsi repérer la direction de la source de lumière grâce aux variations de luminosité. Cette structure donne un avantage évolutif : les espèces la possédant se dirigent mieux pour échapper à leurs prédateurs.
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Une forme similaire avec une cavité plus profonde et remplie d'eau existe chez des céphalopodes comme le nautile. Le creusement de la cavité laisse une ouverture très fine pour le passage de la lumière, la future pupille. La résolution augmente et des images floues se forment. L'œil distingue des formes. C'est un avantage par rapport à ceux qui ne perçoivent que la direction et l'intensité lumineuse, pour se nourrir, échapper aux prédateurs, se cacher. Cette structure a donc été avantagée sous l'effet de la sélection naturelle.
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Par le biais de mutations, l'œil se dote de cellules transparentes qui recouvrent l'ouverture. Cela permet d'éviter les infections tout en laissant passer la lumière. C'est un nouvel avantage évolutif. Les êtres vivants possédant cette structure ont plus de chance de survie et donc un meilleur taux de reproduction permettant la transmission de cet avantage aux générations suivantes.
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Des protéines se forment sous la surface de la cornée, donnant naissance au cristallin. Cette structure module sa forme pour permettre la focalisation des rayons lumineux en un seul point sur la rétine. Ce processus oculaire s'appelle l'accommodation.
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L'apparition de l'iris permet de moduler le diamètre de l'ouverture de l'œil pour s'adapter aux variations de la luminosité. On arrive ainsi à un œil complexe qui a servi de base à celui que l'on retrouve chez l'homme, mais aussi chez les pieuvres.
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Une évolution similaire s'est produite à la fois chez les vertébrés et les invertébrés.
Des structures anatomiques résultant de l'histoire évolutive
Certains caractères anatomiques ne remplissent aucune fonction chez l'homme. Ils sont hérités de l'histoire de l'évolution des espèces. Certains sont liés à des contraintes historiques ou de construction, d'autres à des compromis sélectifs et d'autres encore sont en cours de régression.
Le trajet des canaux déférents, une contrainte historique
Le trajet long et tortueux des canaux déférents est lié à une contrainte historique elle-même liée à la position abdominale des testicules chez les ancêtres des mammifères.
Contrainte historique
Une contrainte historique est une contrainte liée à l'organisation anatomique héritée des ancêtres de l'espèce étudiée.
Chez de nombreux mammifères, dont l'homme, le trajet des canaux déférents de l'appareil reproducteur masculin est anormalement long et tortueux. Ces canaux remontent dans l'appareil génital puis redescendent jusqu'à la prostate.
Chez les ancêtres à sang froid des mammifères, les testicules sont localisés à l'intérieur, à proximité des reins. Au cours de l'évolution, ils sont descendus à l'extérieur, dans les bourses, afin d'optimiser la spermatogenèse. L'homme a gardé la trace de cette organisation ancestrale. On la retrouve chez l'embryon. La migration des testicules en dehors de l'abdomen est responsable de l'allongement des canaux déférents.
Les tétons masculins, une contrainte de construction
La présence de tétons (mamelons) chez l'homme est une contrainte de construction. Elle dépend de l'expression des gènes de développement lors de la formation de l'embryon.
Au sein d'une espèce, les contraintes de construction sont liées au développement embryonnaire.
Chez l'homme, durant le développement embryonnaire, avant la 6e semaine, les gènes du chromosome X s'expriment et entraînent la mise en place des mamelons. À partir de la 6e semaine, le gène SRY présent sur le chromosome Y s'exprime et entraîne la différenciation des organes reproducteurs en organes masculins.
La présence des tétons est donc liée à une contrainte de construction.
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La polythélie, le fait de posséder plusieurs mamelons surnuméraires, est également une trace de l'évolution des espèces.
Les difficultés obstétriques, un compromis sélectif
Les difficultés obstétriques sont engendrées par l'adaptation à la bipédie. L'organisme a dû trouver un compromis entre un bassin court permettant la marche et un bassin large permettant l'accouchement.
Au cours de l'évolution, le bassin devient plus court pour permettre la marche debout, la bipédie. Le revers à cette évolution est qu'un bassin plus court gêne l'accouchement, le passage devenant plus étroit pour le bébé. De plus, chez l'espèce humaine, le volume crânien augmente au cours de l'évolution, ce qui rend l'accouchement encore plus difficile.
Le compromis entre les deux fonctions du bassin (marche et accouchement) conduit à une structure qui n'est optimale pour aucune des deux fonctions mais qui est la meilleure adaptation possible pour combiner les deux.
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La zone noire représente l'espace libre entre la tête du nouveau-né et le bassin.
La position des fontanelles montre qu'au cours de l'évolution, la position de la tête du bébé à la naissance a pivoté.
Au cours de la vie d'une femme, le bassin évolue. À partir de la puberté, il s'élargit pour atteindre son maximum vers 25 ans au moment du pic de fertilité. Après 40 ans, il commence à rétrécir. Cette évolution est soumise à l'influence des hormones féminines.
Les dents de sagesse, une régression adaptative
Les dents de sagesse sont en cours de régression. Cette évolution est liée au fait qu'elles ne sont plus utilisées et plus adaptées à la morphologie de la face de l'espèce humaine.
Au cours de l'évolution du genre Homo, la face prognathe (mâchoires projetées vers l'avant) a régressé vers l'arrière avec l'allongement vertical de la face. Cette évolution laisse moins de place aux dents. De plus, le régime alimentaire de l'homme a changé. Aujourd'hui, la nourriture est molle, alors que nos ancêtres avaient besoin de toutes les molaires pour mastiquer les aliments durs, la viande notamment. Ainsi, les 3e molaires, les dents de sagesse, ne sont plus utiles à l'homme moderne. Pour l'ensemble de ces raisons, les dents de sagesse régressent, de moins en moins d'adultes les possèdent. Afin d'éviter que les dents de sagesse ne viennent perturber l'alignement des dents déjà en place, elles sont aujourd'hui souvent retirées.
L'évolution au service des pratiques humaines
Les concepts évolutionnistes permettent de comprendre des phénomènes biologiques actuels ayant une importance au niveau sanitaire et écologique. Ces connaissances permettent d'adapter et d'améliorer les pratiques humaines dans le domaine médical ou agricole.
L'évolution au service des pratiques médicales
Les connaissances sur les mécanismes de l'évolution permettent de comprendre le développement rapide d'organismes microbiens résistants aux traitements. Elles permettent également d'adapter les pratiques médicales en réponse à ce problème majeur du siècle à venir.
Chaque année, une épidémie de grippe survient en période hivernale. La grippe est une maladie virale qui n'est pas anodine et qui peut entraîner de graves complications, notamment chez les personnes fragiles (personnes âgées, femmes enceintes ou personnes atteintes de maladies chroniques).
La saison de la grippe est courte mais sévère, provoquant le décès annuel de 8 000 personnes en moyenne.
Une campagne de vaccination a lieu chaque année à l'automne, mais moins d'une personne sur deux se fait vacciner.
Le vaccin n'est efficace qu'à 60-70 % selon les années. Les recherches ont montré que le virus de la grippe subit environ 50 mutations par an. D'une année sur l'autre, ce n'est donc pas exactement le même virus qui provoque la grippe. Ces mutations sont dues au hasard et il n'est pas possible de les anticiper pour fabriquer un vaccin qui correspondrait parfaitement au virus de la saison à venir.
Les chercheurs connaissant les mécanismes d'évolution du virus adaptent leurs pratiques. Ils fabriquent un vaccin contenant plusieurs souches du virus (3 ou 4) et le modifient chaque année.
Si une personne ne fait pas partie des populations à risque, elle peut se faire vacciner pour se protéger elle-même, bien sûr, mais aussi pour protéger son entourage. Plus le nombre de personnes vaccinées est important, moins le virus circule.
L'évolution au service des pratiques agricoles
Les pratiques de l'agriculture intensive ont eu pour conséquence de diminuer la biodiversité et d'augmenter les espèces résistantes aux traitements phytosanitaires. La connaissance des mécanismes de l'évolution permet de comprendre ces effets et de trouver les solutions pour y remédier.
À partir des années 1960, l'agriculture intensive se développe pour faire face à l'augmentation de la population mondiale qui est passée de 3 à 6 milliards de personnes entre 1960 à 2000. Les scientifiques font des recherches pour augmenter les productions. Différentes solutions sont trouvées : sélection de variétés ayant un bon rendement engendrant les monocultures, utilisation de produits phytosanitaires (insecticides, herbicides, fongicides), production mécanisée, etc.
Les conséquences (qui n'avaient pas été envisagées) de cette agriculture intensive sont une diminution de la biodiversité et une augmentation des organismes résistants aux traitements phytosanitaires.
L'utilisation d'un herbicide chimique augmente le nombre de mauvaises herbes résistantes et diminue le nombre de lombrics, quelle que soit l'espèce.
La connaissance des mécanismes de l'évolution a permis de comprendre que les produits phytosanitaires exercent une pression de sélection et influencent la biodiversité.
Cette prise de conscience permet de mettre en place des politiques visant à modifier les pratiques agricoles dans le but de sauvegarder la biodiversité tout en subvenant aux besoins alimentaires.
Ainsi, la lutte biologique, la rotation des cultures ou l'agriculture raisonnée sont des exemples d'adaptations mises en place grâce aux connaissances sur l'évolution des espèces.
L'utilisation d'antibiotiques dans les élevages sélectionne aussi les bactéries résistantes.