Différence entre sacré et profane
Émile Durkheim
Émile Durkheim
Les Formes élémentaires de la vie religieuse
1912
Dans son travail de sociologue, Durkheim aborde la religion sous son aspect social, c'est-à-dire qu'il interroge les manifestations de la religion dans la vie commune. Il s'agit donc pour lui de comprendre la religion en tant que fait social. Cette étude l'amène à mettre en évidence la distinction qu'opère la religion entre le domaine du sacré et le domaine du profane. D'un côté, le sacré désigne cet ensemble de choses, de lieux mais aussi de moments qui donnent à voir la manifestation d'une puissance supérieure. En ce sens, le domaine du sacré est un espace distinct de celui de la vie quotidienne, que Durkheim nomme profane. Cette distinction entre le sacré et le profane caractérise selon lui le fait religieux.
« Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. »
Émile Durkheim
Les Formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie
1912
Durkheim insiste ici sur la division du monde entre les réalités sacrées et les réalités profanes. Pour lui, cette distinction constitue le dénominateur commun de toutes les religions.
Les trois stades vers la foi
Søren Kierkegaard
Søren Kierkegaard
Crainte et Tremblement
1843
Dans son ouvrage Crainte et Tremblement, Kierkegaard défend la foi. Il ne la conçoit pas comme associée à la religion. Pour Kierkegaard, la religion est une institution mondaine, et ce n'est pas ce qu'il souhaite défendre. La religion, avec ses rites, ses sacrements, est devenue une institution, à l'image de l'Église catholique et de son représentant, le pape. Kierkegaard estime que la religion, sous cette forme, détourne de la vraie foi.
Le philosophe développe l'idée selon laquelle l'accès à la foi se fait en trois stades :
- le stade esthétique ;
- le stade éthique ;
- le stade religieux.
Le stade esthétique correspond à la recherche du plaisir par l'homme. Cela entraîne l'ennui et le désespoir, car l'homme ne trouve pas de sens à la vie, il est esclave de ses désirs.
Le stade éthique est le moment où l'homme choisit de s'engager. Ce choix constitue sa liberté.
Le stade religieux est le moment où l'homme reconnaît qu'il a besoin de la foi en Dieu. Le péché le domine, et seules une croyance totale et une confiance infinie en Dieu permettent de le libérer. L'homme se voue à la méditation et la prière. Il peut alors toucher à l'éternité.
La foi et la raison appartiennent à des ordres distincts
Blaise Pascal
Blaise Pascal
Pensées
1669
Blaise Pascal
« Préface pour un traité du vide »
1651
Si Blaise Pascal défend une séparation claire entre la foi et la raison, celle-ci ne se fait pas au prix d'une disqualification de la foi. En effet, si la foi ne doit pas intervenir dans le domaine de la connaissance rationnelle, la raison, quant à elle, ne doit pas tenter de justifier la croyance religieuse, qui ne peut se comprendre que par le cœur. Pascal souligne ainsi qu'elle ne peut pas être l'objet d'un raisonnement ou d'une conviction : la foi se sent avec le cœur, elle ne peut faire l'objet de démonstration rationnelle. Ainsi, si la foi doit être évacuée du domaine de la connaissance, la raison doit, dans le domaine de la foi, céder sa place au cœur.
« C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. »
Blaise Pascal
Pensées, publié dans Revue des deux Mondes
1669
La religion est l'opium du peuple
Karl Marx
Karl Marx
Critique du droit politique hégélien
1843
La critique qu'adresse Marx à la religion doit être comprise à l'intérieur de la critique plus large qu'il adresse au mode de production capitaliste qui se développe au XIXe siècle, et particulièrement à l'exploitation de la classe ouvrière sur laquelle elle prend appui. Si Marx dit de la religion qu'elle est l'opium du peuple, c'est qu'elle se développe dans un contexte de misère matérielle et d'incapacité à maîtriser les conditions d'existence. La religion, qui promet à l'homme la fin de ses souffrances dans la vie après la mort, fonctionne comme une drogue : en entretenant l'espoir d'une vie meilleure à venir, la religion ne délivre pas l'homme des causes réelles de sa souffrance. Bien au contraire, à la manière d'une drogue, elle le maintient comme étourdi, et le condamne à l'inaction. Elle l'empêche donc de se révolter contre une situation inacceptable, et sert de « bonheur illusoire du peuple » afin de consoler de la misère réelle les hommes. Pour Marx, la croyance religieuse profite surtout à la classe dominante : elle endort les prolétaires en leur faisant espérer l'avènement d'un monde meilleur, sans remettre en question le monde existant.
« La religion est la théorie universelle de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, le fondement universel de sa consolation et de sa justification. »
Karl Marx
Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel
1843
La défense de la tolérance religieuse
John Locke
John Locke
Lettre sur la tolérance
1689
Dans un contexte historique marqué par des guerres de religion, Locke écrit sa Lettre sur la tolérance afin de distinguer les attributions de l'État, d'ordre politique, de celle relevant de la religion de la foi. Ainsi plaide-t-il en faveur d'une neutralité du pouvoir politique à l'égard des croyances et pratiques religieuses de chaque individu. Si Locke ouvre ainsi la voie à l'idée d'un État neutre concernant les croyances de chacun, il importe cependant de souligner que cette tolérance ne va pas jusqu'à l'acception des athées, lesquels sont supposés n'être pas capables d'agir moralement en raison de leur absence de foi religieuse.
« L'État, selon mes idées, est une société d'hommes instituée dans la seule vue de l'établissement, de la conservation et de l'avancement de leurs intérêts civils. J'appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la santé du corps ; la possession des biens extérieurs, tels que sont l'argent, les terres, les maisons, les meubles, et autres choses de cette nature. »
John Locke
Lettre sur la tolérance
1689
Locke insiste ici sur le fait que les seules choses sur lesquelles peut statuer le pouvoir politique sont les intérêts civils des citoyens. Ainsi, ce qui concerne la croyance et la pratique religieuse doit être laissé au choix de chacun.