Le cogito
René Descartes
René Descartes
Méditations métaphysiques
1641
René Descartes
Discours de la méthode
1637
René Descartes
Principes de la philosophie
1644
Pour Descartes, l'homme se définit essentiellement par sa conscience : l'homme est une chose pensante. L'expérience du cogito lui permet de mettre en évidence la certitude de l'existence de tous les hommes.
Recherchant une première certitude, Descartes en vient à mettre en doute toute chose existante, jusqu'au monde extérieur lui-même. C'est au cours de ce doute généralisé que Descartes découvre la première certitude : même lorsqu'il va jusqu'à douter de sa propre existence, il sait qu'il est en train de douter. C'est donc le signe de sa pensée qui l'assure de son existence. C'est ainsi qu'il écrit « je suis une chose qui pense ».
Par le mot « penser », j'entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l'apercevons immédiatement par nous-mêmes.
René Descartes
Les Principes de la philosophie, (Principia philosophiae), trad. Claude Picot, Paris, éd. frères Delalain (1885)
1644
Pour Descartes, l'homme se saisit directement comme être pensant grâce à sa capacité réflexive.
Le Moi n'est pas une réalité substantielle
David Hume
David Hume
Traité de la nature humaine
1738
Pour Hume, s'il est certain que la conscience de soi accompagne toutes les représentations d'un individu, on ne saisit jamais le Moi seul. Autrement dit, il est impossible de saisir le Moi indépendamment de ses représentations.
La conscience de soi repose donc sur les diverses représentations et perceptions qu'un individu perçoit en lui. Elle n'a donc pas d'existence en dehors de ces représentations.
Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception. Quand mes perceptions sont supprimées pour un temps, comme par un sommeil profond, aussi longtemps que je suis sans conscience de moi-même, on peut dire que je n'existe pas.
David Hume
Traité de la nature humaine, livre I, trad. P. Baranger et P. Saltel, Paris, éd. GF-Flammarion (1995)
1739-1740
Ce qui donne à un sujet le sentiment de son existence, ce sont donc les diverses perceptions qu'il sent en lui. Ainsi, rigoureusement, nous ne pouvons pas dire que nous existons lorsque nous dormons, car nous n'avons pas alors de sentiment de notre existence.
Les origines de la conscience morale
Friedrich Nietzsche
Friedrich Nietzsche
Le Gai Savoir
1882
Friedrich Nietzsche
Généalogie de la morale
1887
Friedrich Nietzsche
Le Crépuscule des idoles/Maximes et pointes
1889
Nietzsche associe diverses origines à la morale humaine :
- une origine physiologique ;
- une origine purement sociale ;
- une origine émotionnelle : le ressentiment.
L'origine physiologique de la morale est à comprendre comme la morale que les êtres humains fondent en fonction de leur faiblesse ou de leur force. L'homme faible va soutenir une morale de la paix et de l'humilité, l'homme fort une morale du courage et de la noblesse. Ce que Nietzsche dit en substance, c'est que le corps de l'homme détermine la morale qu'il choisit. C'est ce que développe le philosophe dans Le Gai Savoir.
Partout où nous rencontrons une morale, nous rencontrons une évaluation et une hiérarchie des actions et des instincts humains [qui] sont toujours l'expression des besoins d'une communauté ou d'un troupeau. Ce qui leur convient est aussi la mesure supérieure pour la valeur de tous les individus. Par la morale, l'individu est instruit à être fonction du troupeau et à ne s'attribuer de la valeur qu'en tant que fonction. Les conditions pour le maintien d'une communauté ayant été très différentes d'une communauté à l'autre, il s'ensuivit des morales très différentes […]. La moralité, c'est l'instinct du troupeau dans l'individu.
Friedrich Nietzsche
Le Gai Savoir, (Die fröhliche Wissenschaft), trad. Alexandre Vialatte, Paris, éd. Gallimard, coll. « Idées » (1950)
1882
L'origine sociale de la morale s'explique par ce que Nietzsche nomme « l'instinct du troupeau » de l'homme.
Pour Nietzsche, l'homme choisit une morale car la société l'a choisie. En tant que membre d'une communauté, l'homme adopte ses règles, ses idées, et donc sa morale.
Enfin, l'origine de la morale est aussi liée à l'émotionnel. C'est en parlant des morales du monothéisme (judaïsme, christianisme) que Nietzsche développe les idées du ressentiment, puis de la mauvaise conscience. En effet, l'homme se sent coupable de sa propre faiblesse, de ses mauvaises intentions ou de ses pulsions violentes. Il en veut d'ailleurs à ceux qui résistent mieux que lui à cette faiblesse. La morale est fondée sur cette culpabilité et ce ressentiment.
La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfante des valeurs : le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie réaction, celle de l'action, est interdite et qui ne trouvent de compensation que dans une vengeance imaginaire.
Friedrich Nietzsche
Généalogie de la morale. Un écrit polémique, (Zur Genealogie der Moral. Eine Streitschrift), dans Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 11, trad. Henri Albert, Paris, éd. Mercure de France (1900)
1887
Contre le ressentiment, l'homme faible invente une morale.
En vérité, les trois origines de la morale sont liées. Le ressentiment vient de la faiblesse physiologique du corps de l'homme. De la même façon, l'homme adopte la morale d'une société, car il est trop faible pour sortir du troupeau. C'est donc par intérêt que l'homme adopte une morale.
Le ver se recroqueville quand on marche dessus. Cela est plein de sagesse. Par là il amoindrit la chance de se faire de nouveau marcher dessus. Dans le langage de la morale : l'humilité.
Friedrich Nietzsche
« Maximes et pointes », Le Crépuscule des idoles, dans Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 12, trad. Henri Albert, Paris, éd. Mercure de France (1908)
1889
La conscience morale est donc un instinct pour Nietzsche : c'est ce qui permet à l'homme de survivre.
La conscience comme intentionnalité
Edmund Husserl
Edmund Husserl
Idées directrices pour une phénoménologie
1913
Edmund Husserl
Méditations cartésiennes
1931
Pour Husserl, la conscience n'est jamais pure conscience de soi, mais toujours conscience de quelque chose. C'est ce que l'on appelle la conscience comme intentionnalité : la conscience vise toujours quelque chose comme son objet. Et cet objet peut être immatériel, comme l'amour, l'espoir, la croyance. La notion d'objet est donc prise en un sens large : il s'agit de tout ce que peut penser la conscience.
Cette conception de la conscience comme intentionnalité a pour conséquence que même lorsque le sujet tente de se saisir lui-même comme conscience, c'est toujours un objet qu'il vise. En effet, dans cette situation, le sujet se vise lui-même comme objet. Il n'y a donc jamais de coïncidence entière de soi à soi-même.
Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité foncière et générale qu'a la conscience d'être conscience de quelque chose.
Hedmund Husserl
Idées directrices pour une phénoménologie, (Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie), trad. Paul Ricœur, Paris, éd. Gallimard, coll. « Tel » (1985)
1913
La conscience est toujours conscience de quelque chose. On ne peut donc pas la penser indépendamment des objets qu'elle vise.
La conscience morale comme instinct
Jean-Jacques Rousseau
Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation
1762
Jean-Jacques Rousseau
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
1755
Rousseau défend l'idée qu'il existe un sens naturel de la morale, c'est-à-dire une capacité innée à saisir ce que sont le bien et le mal. Avant même que les humains vivent dans des sociétés constituées, régies par des lois et où il y a des institutions qui transmettent des croyances morales, ils sont capables de sens moral.
Chez Rousseau, la conscience morale est donc innée : elle dérive de la pitié, ce sentiment qui fait partager à tout être humain la souffrance d'autrui.
Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe.
Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation, Paris, éd. Garnier (1961)
1762
Rousseau définit la conscience comme un « instinct divin » : c'est un moyen immédiat et infaillible de reconnaître le bien et le mal.
L'impératif catégorique
Emmanuel Kant
Emmanuel Kant
Critique de la raison pratique
1788
Emmanuel Kant
Fondements de la métaphysique des mœurs
1785
Pour Kant, la morale repose sur des impératifs catégoriques : ce sont des commandements que nous donne la raison, et qui doivent être suivis inconditionnellement et sans autre justification. Ces impératifs indiquent à l'homme ce qu'il doit faire, et ils sont universels : produits de la raison, ils s'appliquent à tout le monde, sans exception.
Les impératifs catégoriques résultent de la loi morale : c'est elle qui nous permet de savoir si ce que nous faisons est conforme au devoir. Aussi, avant d'agir, il faut toujours se demander s'il serait souhaitable que tout le monde agisse en fonction des mêmes motifs. Autrement dit, il faut se demander si ce qui motive notre action, le principe qui la commande, pourrait devenir une règle universelle. Si c'est le cas, alors le motif de notre action est en accord avec le devoir.
Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle.
Emmanuel Kant
Fondements de la métaphysique des mœurs, (Grundlegung zur Metaphysik der Sitten), trad. Victor Delbos, Paris, éd. Le Livre de Poche (1993)
1785
Cette formulation de l'impératif catégorique indique que la raison peut découvrir par elle-même les normes morales qu'elle doit suivre.