À quel genre littéraire chacun des textes suivants appartient-il ?
La Barbe-Bleue déployait en ces fêtes une rare magnificence. La nuit venue, mille flanbeaux éclairaient la pelouse devant le château et des tables servies par des valets et des filles habillées en faunes et en dryades portaient tout ce que les campagnes et les forêts produisent de plus agréable à la bouche. Des musiciens ne cessaient de faire entendre de belles symphonies. Vers la fin du repas, le maître et la maîtresse d'école, suivis des garçons et des fillettes du village, venaient se présenter devant les convives et lisaient un compliment au seigneur Montragoux et à ses hôtes. Un astrologue en bonnet pointu s'approchait des dames et leur annonçait leurs amours futures sur la vue des lignes de leur main. La Barbe-Bleue faisait donner à boire à tous ses vassaux et distribuait lui-même du pain et de la viande aux familles pauvres.
(Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue, Anatole France)
Roland a mis le cor devant sa bouche,
L'ajuste bien et sonne à grande force.
Hauts sont les monts et le son va très loin.
On l'entendait répondre à trente lieues.
Charles l'entend, toute sa troupe aussi.
L'empereur dit : "Nos hommes ont bataille."
Et Ganelon lui répond au contraire :
"D'autre que vous ça paraîtrait mensonge."
Avec douleur, avec si grand effort,
Le preux Roland a sonné de son cor
Que le sang clair lui jaillit par la bouche.
"La Chanson de Roland"
Et dès que Hector eut vu le magnanime Patrocle se retirer, blessé par l'airain aigu, il se jeta sur lui et le frappa dans le côté d'un coup de lance qui le traversa. Et le fils de Menoetios tomba avec bruit, et la douleur saisit le peuple des Achéens. De même un lion dompte dans le combat un robuste sanglier, car ils combattaient ardemment sur le faîte des montagnes, pour un peu d'eau qu'ils voulaient boire tous deux; mais le lion dompte avec violence le sanglier haletant. Ainsi Hector, le fils de Priam, arracha l'âme du brave fils de Menoetios, et, plein d'orgueil, il l'insulta par ces paroles ailées :
"Patrocle, tu espérais sans doute saccager notre ville et emmener, captives sur tes nefs, nos femmes, dans ta chère terre natale ? Ô insensé ! c'est pour les protéger que les rapides chevaux d'Hector l'ont mené au combat, car je l'emporte par ma lance sur tous les Troyens belliqueux, et j'éloigne leur dernier jour. Mais toi, les oiseaux carnassiers te mangeront. Ah ! malheureux ! le brave Achille ne t'a point sauvé"
(L'Illiade, Homère)
Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d'ombre profonde étaient presque éteints à force d'avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l'angoisse habituelle, qu'on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Ses mains étaient, comme sa mère l'avait deviné, « perdues d'engelures ». Le feu qui l'éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelotait toujours, elle avait pris l'habitude de serrer ses deux genoux l'un contre l'autre.
Tout son vêtement n'était qu'un haillon qui eût fait pitié l'été et qui faisait horreur l'hiver. Elle n'avait sur elle que de la toile trouée ; pas un chiffon de laine. On voyait sa peau çà et là, et l'on y distinguait partout des taches bleues ou noires qui indiquaient les endroits où la Thénardier l'avait touchée. Ses jambes nues étaient rouges et grêles. Le creux de ses clavicules était à faire pleurer.
(Les Misérables, Victor Hugo)
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet
("À une passante", Charles Baudelaire)
CYRANO (gravement) :
Très.
LE VICOMTE (riant) :
Ha !
CYRANO (imperturbable) :
C'est tout ?...
LE VICOMTE :
Mais...
CYRANO :
Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... Oh ! Dieu !... bien des choses en somme...
En variant le ton, par exemple, tenez
Agressif : "Moi, monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse !"
Amical : "Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap !"
Descriptif : "C'est un roc !... c'est un pic !... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule !"
Curieux : "De quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de boîtes à ciseaux ?"
Gracieux : "Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?"
(Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand)
Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le Vidame de Chartres et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable.
(La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette)
SCAPIN (feignant de ne pas voir Géronte) : Ô Ciel ! Ô disgrâce imprévue ! Ô misérable père ! Pauvre Géronte, que feras-tu ?
GÉRONTE (à part) : Que dit-il là de moi, avec ce visage affligé ?
SCAPIN (même jeu) : N'y a-t-il personne qui puisse me dire où est le seigneur Géronte ?
GÉRONTE : Qu'y a-t-il, Scapin ?
SCAPIN (courant sur le théâtre, sans vouloir entendre ni voir Géronte) : Où pourrai-je le rencontrer, pour lui dire cette infortune ?
GÉRONTE (courant après Scapin) : Qu'est-ce que c'est donc ?
SCAPIN (même jeu) : En vain je cours de tous côtés pour le pouvoir trouver.
GÉRONTE : Me voici.
SCAPIN (même jeu) : Il faut qu'il soit caché en quelque endroit qu'on ne puisse point deviner.
GÉRONTE (arrêtant Scapin) : Holà ! es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ?
SCAPIN : Ah ! Monsieur, il n'y a pas moyen de vous rencontrer.
GÉRONTE : Il y a une heure que je suis devant toi. Qu'est-ce que c'est donc qu'il y a ?
(Les Fourberies de Scapin, Molière)
Il était une fois un prince qui voulait épouser une princesse, mais une vraie princesse. Il fit le tour de la Terre pour en trouver une mais il y avait toujours quelque chose qui clochait ; des princesses, il n'en manquait pas, mais étaient-elles de vraies princesses ? C'était difficile à apprécier ; toujours une chose ou l'autre ne lui semblait pas parfaite. Il rentra chez lui tout triste, il aurait tant voulu rencontrer une véritable princesse.
Un soir, par un temps affreux, éclairs et tonnerre, cascades de pluie que c'en était effrayant, on frappa à la porte de la ville et le vieux roi lui-même alla ouvrir. C'était une princesse qui était là, dehors. Mais grands dieux ! de quoi avait-elle l'air dans cette pluie, par ce temps ! L'eau coulait de ses cheveux et de ses vêtements, entrait par la pointe de ses chaussures et ressortait par le talon… et elle prétendait être une véritable princesse !
(La Princesse au petit pois, Hans Christian Andersen)
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière ...
("Roman", Arthur Rimbaud)